Chapitre 3 L’Egypte pharaonique : société, économie et culture
Chapitre 4 Relations de l’Egypte avec le reste de l’Afrique
Chapitre 2 L’Égypte pharaonique
Chapitre 1 Origine des anciens Egyptiens
Chronologie
Introduction générale
Histoire générale de l’Afrique – T2 – Pages liminaires
Index
Membres du comité scientifique international
Abréviations utilisées dans la bibliographie
Bibliographie générale
Conclusion De la nature brute à une humanité libérée
Notice biographique des auteurs du volume I
Chapitre 27 Débuts, développement et expansion des techniques agricoles
Chapitre 28 Invention et diffusion des métaux et développement
Chapitre 25 Préhistoire de la vallée du Nil
Chapitre 26 L’art préhistorique africain
Chapitre 23 Préhistoire du Sahara
Chapitre 24 Préhistoire de l’Afrique occidentale
Chapitre 22 Préhistoire de l’Afrique du Nord
Chapitre 21 partie 1 Préhistoire de l’Afrique centrale
Chapitre 21 partie 2 Préhistoire de l’Afrique centrale
Chapitre 19 Préhistoire de l’Afrique orientale
Chapitre 20 Préhistoire de l’Afrique australe
Chapitre 17 Partie 1 L’hominisation : problèmes généraux
Chapitre 17 Partie 2 L’hominisation problèmes généraux
Chapitre 18 Les hommes fossiles africains
Chapitre 16 Partie 1 Le cadre chronologique des phases pluviales
Chapitre 16 Partie 2 Le cadre chronologique des phases pluviales et glaciaires de l’Afrique
Chapitre 14 Géographie historique : aspects économiques
Chapitre 15 Les méthodes interdisciplinaires
Chapitre 12 Partie 2 Carte linguistique de l’Afrique
Chapitre 13 Géographie historique : aspects physiques
Chapitre 11 Migrations et différenciations ethniques et linguistiques
Chapitre 12 partie 1 Classification des langues d’Afrique
Chapitre 10 Partie 2 Théories relatives aux « races » et histoire de l’Afrique
Chapitre 9 L’archéologie africaine et ses techniques
Chapitre 10 Partie1 Histoire et linguistique
Chapitre 7 La tradition orale et sa méthodologie
Chapitre 8 La tradition vivante
Chapitre 4 Sources et techniques spécifiques de l’histoire africaine
Chapitre 5 Les sources écrites antérieures au XVe siècle
Chapitre 6 Les sources écrites à partir du XVe siècle
Chapitre 2 Place de l’histoire dans la société africaine
Chapitre 3 Tendances récentes des recherches historiques
Introduction générale
Chapitre 1 Evolution de l’historiographie de l’Afrique
Présentation du projet
Chronologie
Histoire générale de l’Afrique – T1 – Pages liminaires
Préface
Vers l’émergence du panafricanisme
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Identifier quelques mouvements ou associations des intellectuels qui ont été créés dans certains pays ou sous régions
- Identifier quelques leaders des mouvements ou associations de résistance contre la domination des Africains
- Expliquer brièvement le but poursuivi par certains mouvements ou associations des intellectuels
- Identifier quelques intellectuels à l’origine du panafricanisme
- Enumérer les objectifs poursuivis par le panafricanisme
2 ¦ Introduction
Les résistances des populations africaines ont varié aussi bien dans le temps que dans l’espace. À côté des résistances armées, et des contestations sociales, des mouvements rassemblant des intellectuels se sont créés.
Ces associations constituent une sorte de laboratoires au sein desquels les intellectuels réfléchissent à
- l’avenir de leurs États ;
- comment se défendre contre les critiques négatives émises à l’endroit de l’Afrique et des Africains ;
- lutter contre le racisme ;
- définir des stratégies à mettre en place pour rétablir l’homme africain dans ses droits ;
- combattre la colonisation et reconquérir l’indépendance et la liberté des États africains…
3 ¦ Afrique méditerranéenne
A. L’Égypte
En 1883, Djamal al-Din al-Afghani et Muhammad Abu créent la revue panislamique Al-Urwa al-Wuthqa dont l’objectif est le réveil et la libération de l’Egypte. Malgré le fait que la revue est interdite à partir de son dix-huitième numéro, son esprit antibritannique a survécu. Le mouvement nationaliste égyptien est vivace en 1893 avec l’opposition des grandes figures comme le khédive Abbas Hilmi (Abbas II, 1892-1914).
B. La Tunisie
La Tunisie accepte, par la convention de la Marsa de 1883, le protectorat de la France. Celle-ci attribue au Bey la souveraineté interne et l’intégrité du territoire, tandis que la France s’occupe de la défense nationale, de la politique étrangère et du contrôle de l’administration. Cette occupation française, qui réduit à néant toutes les initiatives tunisiennes, a néanmoins permis à l’élite tunisienne de partir étudier en Europe. De retour dans leur pays, les élites tunisiennes créent des cercles culturels d’où naissent des associations qui se transformèrent en partis politiques contribuant à la prise de conscience nationale de l’élite tunisienne.
En 1907, Ali Bach Hamba et Béchir Sfar fondent le mouvement des Jeunes Tunisiens pour la défense des intérêts des autochtones. Ce mouvement harcelle l’administration malgré les répressions. Les partis politiques issus de l’élite tunisienne, de leur côté, mobilisent la population contre la France pour réclamer la souveraineté nationale, pour défendre les intérêts de la population, etc. En 1938, après une grève générale des travailleurs, les dirigeants du parti politique dont fait partie Habib Bourguiba, sont arrêtés et le parti est dissout.
4 ¦ Afrique occidentale
Les intellectuels africains créent des clubs et même des associations au sein desquels ils échangent sur les conditions sociales des populations africaines. Ils utilisent des journaux, des pièces de théâtre, des tracts et des pamphlets pour exprimer leurs protestations.
Parmi ces associations, l’Aborigines Rights Protection Society (ARPS) formée en Gold Coast (Nigéria en 1897) a été la plus active. Non seulement elle a envoyé des délégations à Londres, mais aussi elle a aussi présenté plusieurs pétitions de protestation chaque fois que les intérêts des Africains étaient en danger. Elle est en quelque sorte le porte-parole des clubs et associations des élites et des chefs coutumiers de l’Afrique occidentale, c’est-à-dire le plus grand adversaire du colonialisme avant la création du National Congress of British West Africa, après la première guerre, en 1920.
Il faut également noter la création en 1910 du Club des Jeunes Sénégalais qui réclame l’égalité des droits ainsi que la Peoples Union (1908) et l’Anti-Slavery and Aborigines Protection Society (1912).
5 ¦ À l’origine du panafricanisme
Après l’abolition de la traite et de l’esclavage au XIXe siècle, beaucoup d’esclaves sont libérés et leur nombre augmente d’année en année. Face à ces Noirs libérés, les Blancs développent un comportement raciste dans les anciennes puissances esclavagistes. C’est ainsi que des hommes de science développent
des théories sur l’infériorité des Noirs par rapport aux Blancs tandis que d’autres développent, au début du XIXe siècle, le projet d’exclure les Noirs libres des sociétés occidentales et donc de les renvoyer en Afrique ! En 1816, le révérend Robert Finley et le pasteur Samuel John Mills créent l’American Colonization Society (ACS) dans le but de rapatrier des Noirs libres (issus de l’esclavage mais nés sur le sol américain) notamment sur le littoral de Sierra Leone et au Liberia. C’est ainsi que le Liberia, qui obtiendra son indépendance en 1860, abrite aussi bien les descendants des Afro-américains que les populations autochtones.
Certains membres de la diaspora afro-américaine trouvent favorable le retour des Noirs libres en Afrique. C’est le cas de Edward Wilmot Blyden qui, tout en réfutant la théorie des races supérieures et inférieures, prône la solidarité des Noirs. Cependant, il croit que les Afro-américains ont pour mission de civiliser les autres Noirs, les autochtones.
- De son côté, Joseph-Antenor Firmin prône l’égalité humaine et rejette toutes les théories qui justifieraient l’esclavage ou la colonisation des Noirs.
- Des concertations ont lieu entre plusieurs Africains comme Benito Sylvain, Anténor Firmin et Booker T. Washington qui vont adhérer à l’Association africaine fondée par Henry Sylvester William. Cette organisation a pour objectif de voir les Noirs se réunir et protéger leurs intérêts communs, notamment l’organisation et la résistance à la colonisation.
- C’est au cœur de cette organisation que l’on va préparer la première conférence panafricaine à Londres en juillet 1900. Cette conférence réunit des hommes politiques, avocats, médecins, instituteurs venus des Caraïbes, des États-Unis, du Canada, d’Afrique et du Royaume-Uni. Beaucoup de résolutions y sont adoptées, actant le fait que
- la couleur et la race ne doivent plus être des « critères de distinction » entre les Noirs et les Blancs;
- les populations autochtones d’Afrique et les Noirs dans les anciennes puissances esclavagistes à savoir les États-Unis d’Amérique doivent pouvoir jouir des mêmes droits pour leur développement et leur liberté;
- le respect de l’indépendance et de l’intégrité de l’Éthiopie, du Liberia et d’Haïti… doit être reconnu officiellement.
D’autres congrès panafricains seront organisés sous la présidence de William Edward Burghardt Du Bois :
- Celui de Paris, en 1919, a condamné les abus de la colonisation ;
- ceux de 1921 organisé à Londres, Bruxelles et Paris au cours de la même année ;
- celui de 1923 organisé à Londres qui prône, entre autres, le développement de l’Afrique au profit des Africains ;
- celui de 1927 organisé à New York ;
- celui de Manchester organisé en 1945. Il a été le dernier congrès panafricain organisé à l’extérieur de l’Afrique. Parmi ses organisateurs, on retrouve George Padmore, Kwame Nkrumah et W. E. B. Du Bois. Ce congrès a revendiqué, entre autres :
- l’abolition des lois empêchant de développer les ressources économiques de leur pays sans entraves,
- l’abolition de toutes les lois de discrimination raciale,
- le droit à la liberté de parole, de presse, d’association et d’assemblée ;
- le droit à l’éducation obligatoire et gratuite ;
- l’installation d’un service de santé et d’aide sociale pour tous ;
- l’octroi du droit de vote à tous les hommes et femmes de plus de 21 ans ;
- l’abolition du travail forcé et l’introduction du principe « à travail égal, salaire égal.
- Kwame Nkrumah, devenu chef du gouvernement au Ghana en 1951, organise le Congrès panafricain de Kumasi en décembre 1953.
De très nombreux rassemblements politiques vont ainsi avoir lieu en Afrique et donneront naissance aux partis politiques qui conduiront les différents pays à leur indépendance.
6 ¦ Résumé
Les intellectuels africains ont initié leur façon de résister contre la domination européenne par la création de mouvements ou d’associations au sein desquels ils échangent sur les stratégies à utiliser pour reconquérir l’indépendance de leurs Etats et réhabiliter l’homme africain dans une dimension mondiale.
De mouvements d’abord limités au niveau des Etats, on est passé à la création d’un grand mouvement au niveau continental : le panafricanisme animé non seulement par les Africains de l’Afrique, mais aussi par ceux d’Europe, d’Amérique et d’ailleurs.
Les contestations sociales
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Expliquer ce qu’est une contestation sociale
- Expliquer les causes des contestations sociales
- Lister quelques cas de contestations sociales
- Citer quelques leaders qui ont dirigé des mouvements de contestations sociales
2 ¦ Introduction
Même si les résistances politiques à la colonisation ont échoué, les Africains ont continué à résister par diverses actions comme le refus de pratiquer les cultures obligatoires, le refus d’exécuter les travaux forcés, le refus de payer les impôts, etc. Quand les travailleurs trouvent que leurs conditions de travail et de vie ne sont pas acceptables, ils manifestent leur volonté de déclencher une grève, en posant des conditions pour la reprise du travail.
On se trouve face à un mouvement de mécontentement de la population face à la dégradation d’une situation sociale donnée.
Les contestations sociales ont pour objectifs, soit de recouvrer l’indépendance ou la souveraineté perdue, soit de limiter certains abus ou actions oppressives du colonisateur.
Le peuple n’envisage comme solutions à ses problèmes que la résistance à travers des révoltes, des migrations, des grèves ou des contestations idéologiques, etc.
Il faut aussi noter que si le peuple a résisté, des rois et des chefs religieux se sont aussi mobilisés contre la domination des puissances européennes.
Nous retrouvons ces formes de résistance partout en Afrique: Afrique méditerranéenne, Afrique occidentale, Afrique centrale, Afrique orientale et Afrique australe.
3 ¦ L’Afrique méditerannéenne
● Algérie
En dépit du « mythe kabyle », cette politique française qui tentait d’assimiler la population kabyle à la culture française par, entre autres, une scolarisation plus poussée que dans d’autres régions, les Algériens résistent massivement à la colonisation. Nombreux sont les Kabyles à participer à la création,
- en 1913, de l’Amicale des instituteurs indigènes, tout comme à celle,
- en 1931, de l’Association des oulémas algériens, dont les médersas, les écoles coraniques, serviront de lieu de diffusion des idées nationalistes.
- En 1926, parmi les émigrés qui fondent l’Étoile nord-africaine, 5 sur 8 des premiers dirigeants sont originaires de Kabylie.
- Mais la région est touchée de plein fouet par les événements du 8 mai 1945 avec une grande insurrection, qui, partie de Sétif s’étend à Kherrata et Guelma. Mais l’insurrection est réprimée par l’armée française qui bombarde les abords de Kherrata et fait des milliers de morts parmi la population. On assiste là à l’éclatement du principal mouvement nationaliste algérien.
Parmi les autres résistants algériens, certains sont éliminés, d’autres, sous la menace de l’exclusion, se rallient à l’orientation alors dominante.
● Tunisie
Outre la lutte armée menée par différentes tribus, on assiste aussi en Tunisie à des soulèvements populaires.
Celui d’avril 1906, connu sous le nom de révolte des Frashish, est dû à la confiscation des terres autochtones dans la région de Thala-Kasserine.
En septembre 1911, des incidents populaires sont dus à la tentative de la municipalité d’intégrer la nécropole (don de l’ascète kariouanais Muhammad al-Djallaz pour abriter les sépultures des musulmans) au domaine municipal dans le but d’y faire passer une ligne de tramway et une route.
D’autres soulèvements ont eu lieu pendant la Première Guerre mondiale et ont été menés par les Wadarna. Ces insurrections dirigées par des Daghbaji et Béchir ibn Sidira se sont poursuivies jusqu’aux années 1920.
Au cours des années 1950 naît un mouvement de résistance connu sous le nom de « mouvement des Fellagas », suite au refus de la France d’accorder une suite favorable aux revendications tunisiennes d’aboutir à l’autonomie interne de la Tunisie. Ces résistances se sont poursuivies jusqu’à l’indépendance de la Tunisie en 1956.
4 ¦ L’Afrique occidentale
Il y a eu de nombreuses résistances en Afrique occidentale, comme la rébellion des Ashanti en 1900 sous la direction de la reine d’Edweso Nana Yaa Asantewoa.
- En Sierra Leone, les Britanniques créent une taxe foncière sur l’habitation. En 1898, les chefs Temne et Mende refusent de payer cet impôt de case et se révoltent sous la conduite de Bai Bureh. Ils attaquent, pillent les comptoirs et tuent des soldats, des fonctionnaires britanniques et tous les Africains qu’ils considèrent comme complices des Britanniques.
- En Sénégambie, entre 1885 et 1887, beaucoup des Soninke, recrutés pour la construction du chemin de fer reliant Kayes au Niger, ont créé un mouvement de protestation à cause des mauvaises conditions de travail amenant à une mortalité élevée. Mamadou Lamine, qui avait été en pèlerinage à La Mecque, n’hésite pas à parler de crise religieuse dans ses sermons publics. Pour lui, il est interdit aux musulmans de vivre sous une autorité non islamique. Et il compte sur la supériorité numérique et le fanatisme de ses troupes convaincues de lutter pour Dieu et la patrie. Cette stratégie religieuse lui a permis de faire de son mouvement d’opposition, une guerre contre les chrétiens.
5 ¦ L’Afrique centrale
– En République centrafricaine et au Congo-Brazzaville après la période de la conquête vient celle des sociétés concessionnaires. Les populations locales opposent une résistance contre les abus commis par les colons français tels que l’impôt de capitation (impôt « par tête » ou par habitant), le travail forcé, les taxes de toutes sortes, la corvée du portage, l’obligation de participer à la construction du chemin de fer… Les nombreuses atrocités offrent des prétextes à des exécutions sommaires, des amputations, des tortures qui n’épargnent ni les femmes ni les enfants. Ces événements ont poussé la population à des contestations sociales comme les insurrections Mandjia (1902-1904) et de Lobaye en (1906).
– Au Congo (actuelle RDC), on peut distinguer, au moins, deux formes de résistance, une résistance « silencieuse » qui s’illustre par la fuite des travailleurs afin de ne pas subir le travail forcé notamment, et une résistance plus violente, où les populations se révoltent contre le colonisateur. Entre 1885 et 1905, plus d’une douzaine de groupes du Bas-Congo et du Congo Central se révoltent. Parmi les groupes dont la résistance est bien organisée, on retrouve les Yaka qui résistent jusqu’en 1906 et les Budja et les Boa qui se révoltent à la fin du XIXe siècle contre le travail forcé dans les plantations de caoutchouc. Les Chokwe infligent de lourdes pertes à la Force publique (armée coloniale) pendant vingt ans.
- Dans l’ancienne province du Katanga, on note plusieurs résistances populaires : beaucoup de Sanga, Aushi, Lomotwa, Lala, etc., ont émigré vers la Rhodésie du nord (actuelle Zambie) et ont refusé de travailler pour les colonisateurs belges.
- Dans le nord du Katanga, après la relégation du chef Kasongo Nyembo des Luba, opposé à la gestion administrative des colonisateurs, la population a continué à désobéir à certains ordres des colonisateurs. Ces derniers devaient aussi faire face aux raids de et de ses partisans Yaka et à l’appui apporté par les Luba aux rebelles Kiwilu.
De temps à autre, les Africains, recrutés par les colonisateurs pour écraser les dissidents, se révoltent à leur tour pour protester contre les abus des colonisateurs. Ils s’insurgent contre les salaires de misère, les sanctions sévères et le comportement capricieux de leurs officiers européens.
- C’est dans l’État indépendant du Congo (E.I.C) qu’éclatent les plus violentes mutineries. En 1895, l’ensemble de la garnison de Luluabourg s’insurge. Les soldats, sous la conduite de sous-officiers mutins, massacrent le chef de poste pour se venger de son intolérable tyrannie. Pendant plus de six mois, les rebelles contrôlent la presque totalité de la province du Kasaï, mais ils finissent par être vaincus par les troupes restées loyales.
La période de l’entre-deux-guerres a connu de grands bouleversements sur le plan économique, social, politique et culturel sur l’ensemble du Congo belge. Sur le plan culturel, on assiste à la naissance des mouvements messianiques qui prônent la libération de l’homme noir du joug de l’homme blanc.
L’un des premiers mouvements messianiques, est celui du prophète Simon Kimbangu, ancien catéchiste, puis diacre chez les Frères Baptistes qui prétend avoir reçu de Dieu, sa mission de prophète. Il déclare que « les Blancs seraient Noirs et les Noirs seraient Blancs ». Des foules nombreuses le suivent et refusent de payer l’impôt et de se soumettre au pouvoir colonial. L’administration coloniale, inquiète du désordre créé, arrête Kimbangu en 1921. Il est jugé à Thysville en octobre 1921 et condamné à mort par un conseil de guerre. Mais le Roi Albert Ier commue sa peine en détention à perpétuité. Il est transféré en janvier 1922 à la prison d’Elisabethville. Kimbangu y purge sa peine jusqu’à sa mort, le 12 octobre 1951. En 1960, les restes de Kimbangu sont inhumés à Nkamba, la nouvelle Jérusalem. Actuellement, la prison de Kasombo est devenue un lieu de mémoire et de pèlerinage.
Le deuxième cas est celui du Kitawala appelé aussi Mwana Lesa, (fils de Dieu). C’est un autre mouvement philosophique qui tend à faire fusionner plusieurs doctrines dont la Watch Tower Bible and Tract Society créée aux États-Unis d’Amérique. Ce mouvement est entré au Congo en 1925 par l’ancienne province du Katanga, via l’Afrique du Sud et la Zambie. Ses animateurs prêchent la fin de la colonisation et le départ des Blancs, qui abandonneraient leurs femmes aux Noirs. Kitawala est arrêté et ramené en Zambie où il est condamné à mort et pendu en 1926.
En 1931 va éclater la révolte dite des Pende contre l’autorité coloniale. Cette révolte, intervenue en pleine crise économique mondiale, a été provoquée par la brutalité de l’administration du territoire, la pression due à la production accrue exigée par les compagnies concessionnaires (Huileries du Congo belge et Compagnie du Kasaï), les rivalités entre les tribus, l’hostilité des chefs coutumiers évincés par l’administration coloniale et l’émergence de la secte magico-religieuse Tupelepele dont les adeptes participent à la révolte. Cette révolte a été réprimée très sévèrement par la Force Publique qui, pendant trois mois, se bat pour rétablir l’ordre public.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Congo belge a été le théâtre de diverses agitations sociales. On a assisté au déclenchement, en décembre 1941, de la première grève des travailleurs noirs de l’Union Minière du Haut-Katanga à Lubumbashi, alors Elisabethville. Cette grève correspond à la deuxième forme de résistance des travailleurs contre leurs mauvaises conditions de vie et de travail. Cette grève des travailleurs africains, bien que la plus grande jamais enregistrée jusque-là, n’est pas un cas isolé. En effet, le mécontentement a gagné la plupart des milieux à forte concentration de main-d’œuvre. C’est ainsi qu’on enregistre des troubles parmi les travailleurs de la Géomines à Manono au cours de la même année, ainsi qu’une grève à Matadi, dans le Bas-Congo, en 1945.
6 ¦ L’Afrique Orientale
- Dans les colonies portugaises, plusieurs causes ont entrainé une résistance de la part de la population : l’accroissement ou la perception plus rigoureuse des impôts ; l’introduction de la taxe d’habitation ; les réquisitions de main-d’œuvre ; la perte des terres ; l’absence de libertés politiques et la non-prise en considération de leur culture. Dans la vallée du Zambèze, on compte entre 1890 et 1905, pas moins de seize insurrections. La plupart de ces révoltes sont dirigées contre la compagnie du Mozambique et la compagnie de Zambézia. Ces deux sociétés imposent une lourde taxe sur les habitations et exposent la main-d’œuvre au travail forcé.
- Au Kenya, comme ailleurs en Afrique, les premières réactions de peuples comme les Mazrui et les Nandi sont destinées à protéger leur indépendance face aux menaces étrangères. Chez les Luo, dans le Kenya occidental, l’opposition à la domination des missions conduit à la création, sous la direction de John Owalo, d’une église indépendante en 1910. Celui-ci aurait reçu de Dieu l’autorisation de fonder son église. Il construit ses propres écoles primaires et exige une école secondaire libre de toute influence des missionnaires. En 1913, le culte Mumbo, qui est un mouvement contre la domination blanche utilise la religion comme une idéologie. Son fondateur, Onyango Dande, qui n’a pas un discours politique, proclame que « tous les Européens sont vos ennemis, mais le temps est proche où ils disparaitront de votre pays. » Les autorités coloniales réagissent en interdisant le mouvement. Dans la partie septentrionale du pays, en Onyanda, les Acholi, se révoltent en 1911 contre les Anglais. Ils réagissent aux réquisitions de travail ainsi qu’aux tentatives de les désarmer.
- Au Tanganyika, entre juillet 1905 et août 1907, le mouvement Mayi Mayi, dirigé par Kinjikitile Ngwale, rassemble plus de vingt groupes ethniques différents. Ce mouvement paysan de masse dirigé contre l’exploitation coloniale a utilisé la religion et la magie comme moyens de révolte. Dépossédés de leurs terres, de leurs foyers, de leur liberté et de leur volonté par les fonctionnaires coloniaux et les compagnies commerciales, les Africains, par leurs révoltes courageuses et incessantes, ne sont pas les témoins muets de leur impuissance. Si ce mouvement est brutalement écrasé par les Allemands, il est néanmoins le premier mouvement de résistance à grande échelle en Afrique orientale.
7 ¦ L’Afrique du Sud
– Chimurenga est le nom que les Shona donnent à leur résistance armée au Matabeleland et au Mashonaleland en 1896.
Le mouvement débute le 20 mars 1896 par l’assassinat d’un policier africain employé par la Compagnie Rhodes.
La première attaque contre des Européens a lieu le 22 mars et cause la mort de 7 Blancs et 2 Africains dans la ville d’Essexvale. Au bout d’une semaine, 130 Blancs sont tués au Matabeleland.
Les forces armées de la compagnie Rhodes recourt à la tactique de la terre brûlée pour affamer les résistants.
Les prophètes (Svikiro) jouent un rôle déterminant dans l’expansion du mouvement chimurenga. Ils affirment aux Ndebele et aux Shona que les Blancs sont la cause de leurs souffrances (travail forcé, impôt, châtiments corporels (fouet) et même de fléaux naturels (sauterelles, peste divine, sécheresse). Craignant d’être supplantés par les missionnaires européens, ils persuadent un grand nombre d’Africains que le dieu Shona Mwari, ému par les souffrances de son peuple, a décrété que les Blancs devaient être chassés du pays, et que les Africains n’ont rien à craindre, car le dieu Mwari est à leur côté et rend les balles de l’homme blanc aussi inoffensives que de l’eau. Ces prophètes (Svikiro), en tant que gardiens des traditions, sont avant tout des prophètes révolutionnaires qui exposent les causes fondamentales du chimurenga et expriment l’opinion générale de la population, sans laquelle leur prédication aurait perdu toute crédibilité et tout impact. En 1903, le Chimurenga est finalement maitrisé.
– Dans les entreprises minières, un mouvement grève est déclenché le 12 août 1946. C’est la grève des mineurs de la mine d’or dans la région de Witwatersrand, en Afrique du Sud. Comme l’entreprise minière ne répond pas à la requête des travailleurs d’améliorer leurs conditions de travail et de vie, le syndicat des travailleurs, l’African Mine Workers Union, déclenche une grève. La riposte des autorités est très forte. La grève est fortement réprimée et il y a beaucoup de morts et de blessés parmi les grévistes.
8 ¦ Résumé
Les contestations sociales sont des mécontentements exprimés par les populations africaines en réponse aux abus des colonisateurs : les conditions de travail et de vie difficiles, l’impôt de capitation, le portage, etc. Ces abus ont amené les populations africaines à déclencher des mouvements de grève, à créer des mouvements de résistance parfois armés, etc. Les mouvements religieux se sont aussi joints à ce mouvement pour revendiquer l’indépendance et la liberté de leurs pays. Partout, ces contestations sociales ont été réprimées et leurs dirigeants arrêtés ou tués.
Les résistances à la domination européenne
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Indiquer sur la carte de l’Afrique les différents Etats précoloniaux dont les chefs ont opposé une résistance à la domination européenne ;
- Identifier les différents chefs africains qui ont opposé une résistance à la domination européenne
- Identifier les États précoloniaux où les femmes ont pris une part active dans les conflits contre la domination européenne.
- Epingler la stratégie utilisée parfois par les européens, à savoir, l’art de diviser pour régner, en s’alliant avec un groupe contre un autre.
2 ¦ Introduction
Suite à la conquête militaire de l’Afrique par les Européens à la fin du XIXe siècle, la plupart des Africains, opposés à cette domination extérieure, entrent en résistance.
Cette résistance revêt plusieurs formes. On rencontre ainsi des résistances pacifiques, des résistances diplomatiques et des résistances armées. Comme pour les résistances à la conquête, les résistances à la domination sont observées dans tout le continent africain : Afrique méditerranéenne, Afrique occidentale, Afrique centrale, Afrique orientale et australe.
3 ¦ Les résistances à la domination
3.1. En Afrique méditerranéenne
A. La Libye
Depuis 1880, les Italiens adoptent une politique de pénétration pacifique à partir de la région Tripolitaine. Ils y exercent des activités commerciales et y implantent des écoles. En 1911, l’Italie s’attaque à l’Empire ottoman, prétextant qu’elle doit sécuriser ses ressortissants dans la région Tripolitaine. L’Italie occupe alors la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Dodécanèse. Entre 1922 et 1943, on assiste à la colonisation de la Libye par les Italiens et à de nombreux actes de résistance armée sous l’égide d’Omar Al Mokhtar. Celui-ci sera arrêté et pendu le 16 septembre 1931. La Libye est occupée militairement après vingt ans de résistance libyenne. À partir de janvier 1943, la Libye passe de l’occupation italienne à l’occupation britannique. La Libye accède à l’Indépendance le 1er janvier 1952.
B. L’Égypte
De son côté, la Grande-Bretagne occupe l’Egypte mais la résistance, à la fois armée et populaire, rend difficile l’occupation anglaise. En 1882, les Égyptiens décident de repousser les Britanniques, résistant ainsi aux bombardements d’Alexandrie. Le colonel Urabi déclare le djihad contre les Britanniques. Mais, forts d’une armée de 20.000 soldats, les Anglais écrasent la résistance armée égyptienne. Les Britanniques ont également rencontré la résistance du Mahdi Mohamed Ahmed au Soudan, fondateur d’un État théocratique au Soudan qui finira par tomber en 1898.
3.2. En Afrique Occidentale
A. Les résistances face à la France
Au Dahomey, la reine Tasi Hangbè a créé une compagnie de femmes guerrières pour les utiliser dans les différents conflits contre ses voisins. Son successeur, le roi Ghézo, leur donne le nom de « Amazones vierges du Dahomey ». Le roi Béhanzin les utilise ensuite pour s’opposer à l’occupation française, puisqu’il s’est assigné comme mission en 1893 de chasser les Européens de son pays. Après avoir lutté, il se rend finalement en 1894 et est déporté à la Martinique puis en Algérie. Des femmes guerrières ont été présentes dans d’autres armées africaines. Au Sénégal, les femmes guerrières, les Linguères sont les sœurs et cousines des rois. On trouve aussi des femmes guerrières chez les Zulu.
B. Les résistances face au Royaume-Uni
Les Britanniques, à l’instar des Français, ont recours tantôt à des actions pacifiques comme en Sierra Leone, en Gambie ou en Gold Coast, tantôt à des affrontements armés comme chez les Ashanti, les Yoruba, le nord du Nigéria, etc. Ils ont surtout utilisé l’intervention militaire pour l’occupation du Nigéria qui accueillait déjà de nombreux missionnaires et des compagnies commerciales. Ils ont ainsi signé des traités de protectorat avec certains chefs Yoruba. Par contre, ils n’ont pas réussi à décider la tribu d’Ijebu qui a résisté à toutes leurs sollicitations et a décidé au contraire de les attaquer. Battus, les Ijebu et les autres tribus Yorubas ont fini par signer un traité de paix. D’autres tribus ont tenté de poursuivre la résistance armée, mais ont été battues. Dans la partie nord du Nigéria, certains chefs africains ont préféré mourir plutôt que de renoncer à leur foi. C’est le cas des chefs Kontagora en 1900, Adamowa en 1901, Bauchi en 1902, Kano, Sokoto et Burwuri en 1903.
3.3. En Afrique Centrale
A. Le Cameroun
À l’instar des Britanniques et des Français, les Allemands ont fait face à des résistances armées, populaires et culturelles au Cameroun. La résistance armée a commencé sous la direction du roi Kum’a Mbape ou Lock Priso en 1884.
Ne disposant pas de beaucoup de soldats allemands, les colonisateurs ont poussé les chefs camerounais à se battre entre eux, se trahir, se neutraliser. Les Allemands et les chefs camerounais auxquels ils se sont alliés vont battre le roi Lock Priso en 1885 et le contraindre à signer un traité de paix et à transférer la souveraineté de son État à l’Allemagne. Les résistances armées vont encore se poursuivre à l’intérieur du Cameroun, au centre, avec les Bakoko et Bassa, à l’ouest avec les Bafia, les Sanaga et les Babuté, à l’est avec les Baya, Maka et les Njem et au nord avec d’autres tribus, notamment l’armée de Mahaman. Toutes ces résistances, qui continuent jusqu’au début des années 1900, sont finalement écrasées par les colonisateurs.
B. La République centrafricaine, le Gabon, le Congo-Brazza
La population de la future République centrafricaine a connu plusieurs types de violences même si, jusqu’en 1883, elle a surtout résisté à l’esclavage. Si l’intrusion des colonisateurs français met fin à celui-ci, elle n’empêche pas pour autant la poursuite des exactions parmi la population locale. Le négrier Rabah continue même à sévir jusqu’à ce que les troupes françaises le tue en 1901. Mais la conquête de la RCA par les Français, qui fondent Bangui en 1889 n’est pas pacifique. Les expéditions françaises sont attaquées de toutes parts par les populations locales : les Bondjo, les Langbassi, les Senoussistes, les Gbaya, les Mandjia, les Ngbougous…
C. Le Congo (actuellement RDC)
1. Originaire de l’Unyamwezi dans le Tanganika, M’Siri est arrivé dans la région du chef Mpande des Sanga vers 1850 à la recherche d’ivoire et d’esclaves. À la mort du chef Mpande, il soumet les Sanga, crée et étend son royaume appelé Garenganze et fait de Bunkeya sa capitale. Il refuse l’offre de Léopold II de placer son royaume dans le giron de l’État Indépendant du Congo (EIC). Il est assassiné par le capitaine belge Bodson le 20 décembre 1891 et son royaume Garenganze tombe entre les mains des troupes de l’EIC. Le fils aîné de M’Siri, Mukanda Bantu succède à son père, et s’allie aux colonisateurs pour soumettre les différentes révoltes des populations autochtones, à savoir les Sanga, Aushi, Lomotwa, Lala, Lamba, etc.
2. Dans la région du Lac Tanganyika, chez les Tabwa, les colonisateurs ont fait face à une forte résistance du chef Lusinga lwa Ng’ombe. Pour s’en débarrasser, Emile Storms, qui commande la 4e expédition de l’Association Internationale Africaine (AIA), dont l’objectif est d’explorer la région du Lac, tue le chef Lusinga, lui tranche la tête et ramène le crâne en Europe comme un butin de guerre. À propos du crâne de Lusinga, Storms écrira : « Cet homme est mort parce qu’il a menti à l’homme blanc (…). Je fais apporter la tête de Lusinga au milieu du cercle. Je dis : ‘Voilà l’homme que vous craigniez hier. Cet homme est mort parce qu’il a toujours cherché à détruire la contrée et parce qu’il a menti à l’homme blanc ». Le crâne du chef Lusinga sera conservé en Belgique, où il servira d’objet d’étude pour des analyses anthropologiques à caractère raciste.
D. L’Angola
Au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, les Etats Chikunda battent à plusieurs reprises l’armée portugaise qui est désorganisée. C’est ainsi qu’au sud de l’Angola, en 1896, les Bihé organisent une embuscade contre un détachement portugais chargé d’établir des postes administratifs à l’intérieur du pays.
Lors de combats de 1904, les Humbe et les Cuamaro repoussent plusieurs attaques portugaises au cours desquelles ils tuent beaucoup de portugais. Au nord du Nyasaland, les Yao tiennent l’armée coloniale britannique en échec pendant près de cinq ans. Mais les succès les plus éclatants sont ceux de l’alliance Swahili-Makwa qui réussit à échapper à la tutelle portugaise jusqu’en 1910 et celle des Cuamoro alliés aux Cuanhama dont la défaite n’est définitive qu’en 1915.
3.4. En Afrique orientale
A. Le Kenya
La réaction kenyane à la colonisation est à la fois militaire et diplomatique. Elle se caractérise par le recul, la non-coopération ou la passivité.
– Parmi les peuples du Kenya, les Nandi s’opposent militairement à la construction du chemin de fer sur leur territoire. Cette résistance, qui commence dans les années 1890, ne s’achève que lorsque leur chef est tué en 1905.
– La réaction de Waiyaké du groupe des Gikuyu est également remarquable. Ses parents sont des Masaï venus s’installer au Kenya au XIXe siècle. Quand il était en état de force, il s’attaquait aux Britanniques ; en position de faiblesse, il devenait l’allié des envahisseurs.
– Sur la côte, Mbaruk bin Rashid du groupe Mzrui, mène une guerre de harcèlement contre les forces britanniques supérieurement équipées, à la fin du XIXe siècle. Il faudra faire venir des troupes indiennes pour le vaincre. Mbaruk Bin Rashid s’enfuit alors au Tanganyika et tombe entre les mains des Allemands.
– Dans le Kenya occidental, chez les Abaluyia, le roi des Wanga, Mumia, est également un adepte décidé de la diplomatie. Il considère les Britanniques comme des alliés qu’il peut utiliser pour étendre son influence sur tout le Kenya occidental et qui l’aideraient à vaincre ses adversaires Yteso et les Lus. C’est ainsi que l’occupation britannique s’accomplit, en grande partie, grâce à Mumia qui meurt en 1949.
B. Le Tanganyika
Au Tanganyika, on réagit comme au Kenya par l’emploi de la force et les alliances. Mais les Allemands, comme les Anglais au Kenya, sont passés maîtres dans l’art de diviser pour régner, en s’alliant avec un groupe contre un autre. Alors que plusieurs peuples prennent les armes pour défendre leur indépendance, Mbunga se heurte aux forces allemandes en 1891 et en 1893, tandis que l’arrière-pays Kilna, lutte les armes à la main sous la direction de Hasan Bin Omari. Les Makondé repoussent l’invasion allemande jusqu’en 1899. Les Hehe, avec leur chef Nkwawa, s’opposent aux Allemands en 1891 et en tuent près de 290. Mais, en 1894, les troupes allemandes ravagent la région Hehe, et s’emparent de sa capitale. Nkwawa réussit à s’enfuir, mais, à la suite d’une poursuite qui dure quatre ans, il se suicide pour éviter d’être capturé. Sur la côte du Tanganyika, la résistance s’organise également autour de la personne d’Abushiri.
C. Ouganda
Entre 1891 et 1899, il y a eu des heurts entre les forces de Kabarega, le roi du Bunyoro, et celles des Britanniques. Après plusieurs combats où les troupes de Kabarega sont vaincues, ce dernier recourt à la diplomatie.
4 ¦ Résumé
Les chefs africains, accompagnés de leurs populations, ont poursuivi leurs résistances contre la domination européenne. Face à ces adversaires armés, les Africains adoptent des stratégies différentes. Certains signent des traités de paix, d’autres résistent les armes à la main avant de signer un traité de soumission.
Parfois aussi, les Européens provoquent des divisions entre les différents royaumes voisins pour les diviser et pouvoir les dominer. Beaucoup de chefs africains sont morts sur le champ de bataille. Certains États de l’Afrique occidentale ont créé des compagnies de femmes guerrières. C’est l’exemple des Amazones du Dahomey.
Les résistances à la conquête européenne
1830 – 1880
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Expliquer les différentes résistances des peuples d’Afrique contre l’expansionnisme des colons et l’accaparement des terres et des richesses par les concessionnaires et la colonisation
- Signaler les divers modes d’opposition présents au niveau de l’Afrique
- Citer les principaux animateurs des résistances en Afrique
- Connaître les principales causes des résistances africaines
- Connaître les stratégies mises sur pied par les Africains dans leur résistance
- Connaître les différentes stratégies mises sur pied par les colonisateurs pour mettre fin aux résistances africaines
2 ¦ Introduction
Au XIXe siècle, l’Europe est en pleine révolution industrielle et cherche partout dans le monde de nouvelles ressources et de nouveaux débouchés pour ses produits industrialisés. C’est ainsi que les Européens s’intéressent à l’Afrique. Depuis les XVe et XVIe siècles, ils se sont installés sur les côtes occidentales africaines et se sont adonnés à la traite des esclaves avec la complicité des États africains côtiers. Au XIXe siècle, au moment où l’Afrique, affaiblie par la traite des esclaves, veut se rétablir, les différents pays européens veulent conquérir et coloniser toujours plus de territoires Africains. Ils se servent de l’Afrique comme d’une vitrine leur permettant d’affirmer leur puissance et leur pouvoir les uns par rapport aux autres.
C’est à cette époque que les Africains prennent conscience du danger que représente la colonisation pour leur souveraineté et leur indépendance et commencent à réagir.
3 ¦ Définitions
3.1. Qu’est-ce que la résistance?
Par résistance, il faut entendre un mouvement d’autodéfense en vue de garder sa liberté et sa dignité.
Dans le cas qui nous concerne, il s’agit de l’opposition manifeste des Africains à l’occupation et l’exploitation de l’Afrique par les puissances européennes.
Les causes générales des résistances africaines sont :
- l’occupation de l’Afrique par les puissances européennes
- la perte de l’indépendance des Africains, de leur souveraineté et de leurs terres.
3.2. Les formes de résistance
Les résistances à la colonisation revêtent plusieurs formes :
- Les résistances politiques :
Les rois africains, et leurs armées s’opposent aux envahisseurs européens par les armes pour préserver leur indépendance et leur souveraineté. Ces résistances se situent à l’époque de la pénétration de l’Afrique par les Européens au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.
- Les résistances populaires :
Même si, avec le temps, les résistances politiques ont échoué, les Africains ont continué à résister à la colonisation par diverses actions comme le refus de cultiver telle ou telle culture (telles que les cultures obligatoires), d’exécuter les travaux forcés, de payer les impôts, etc.
- Les résistances religieuses :
Des rois religieux (convertis à l’Islam, par exemple) se sont opposés à la pénétration des puissances européennes pour des raisons religieuses. C’est le cas, par exemple, des rois religieux El Hadji Omar Tall ou Samori Touré au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Nous pouvons aussi citer le cas des mouvements messianiques comme le Kitawala ou le Kimbanguisme en République Démocratique du Congo (au cours des années 1920).
La colonisation de l’Afrique occidentale commence, dès la fin du XVIIe siècle en Sierra Leone, du fait de la traite négrière. Mais c’est au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle qu’elle se généralise en Afrique. L’intention des colonisateurs européens est d’étendre leur occupation territoriale à l’intérieur de l’Afrique. C’est ainsi que ces différentes résistances vont se retrouver partout en Afrique : en Afrique méditerranéenne, Afrique occidentale, Afrique centrale, Afrique orientale et Afrique australe.
4 ¦ Les résistances à la conquête européenne
4.1. Afrique méditerranéenne
L’Afrique méditerranéenne est sous la domination de l’Empire ottoman jusqu’au XIXe siècle. Elle comprend l’Algérie (dirigée par un Dey), la Tunisie (dirigée par un Bey), l’Égypte (dirigée par un Pacha). Le Maroc, par contre, est indépendant. Les puissances européennes vont profiter de l’affaiblissement de l’Empire ottoman pour chercher à conquérir et à occuper ces États africains. Mais, elles font face à des résistances armées.
A. L’Algérie
En Algérie, les Français, qui commencent leur conquête vers 1830, se dirigent vers Alger. En voulant occuper l’ensemble du pays, ils se heurtent à la résistance des tribus algériennes sous le commandement d’Abdel Kader. Si les tribus algériennes harcèlent les troupes françaises, celles-ci vont néanmoins conquérir successivement la Petite Kabylie en 1844, puis la Haute Kabylie après une farouche résistance de Lalla Fatma N’Soumer et du chérif Boubaghla qui prône une guerre sainte contre les Français. En 1854, ce chef religieux meurt au combat.La domination française ne prend durablement le dessus en Kabylie qu’après la chute d’Icheriden, en juin 1857. Cependant, des soulèvements sporadiques ont lieu dans cette région. Ainsi, en 1870-1871 ont lieu les soulèvements des Mokrani pour des raisons à la fois politiques, économiques et religieuses.
En 1872 la résistance est écrasée : les résistants sont arrêtés, d’autres sont déportés en Nouvelle-Calédonie et plusieurs milliers d’hectares de terres sont confisqués par les Français.
B. La Tunisie
En Tunisie, l’occupation française commence en 1881 quand le Bey de Tunisie ordonne à ses troupes (plus ou moins deux mille combattants) de n’opposer aucune résistance face aux trente mille soldats français bien équipés et entraînés. Il signe le traité du Bardo en 1881 qui impose à la Tunisie le protectorat français. Mais, lorsque l’armée française commence à se déployer à l’intérieur du pays, elle se heurte aux tribus des steppes sous le commandement d’Ali ibn Khalifa, qui a décidé de poursuivre la résistance armée malgré la capitulation du Bey. Cette résistance armée est suivie par d’autres tribus et par des soldats du Bey mécontents de la capitulation. C’est ainsi que l’armée française, qui marche sur les différentes villes, notamment la ville sainte de Kairouan, se retrouve face à des villes en ruines du fait des résistants, car les citadins ne veulent pas donner aux envahisseurs français l’occasion de détruire leurs sanctuaires. Les troupes tunisiennes ne sont pas bien coordonnées et manquent cruellement de munitions. Ali ibn Khalifa continue à harceler l’armée française à partir de la frontière libyenne jusqu’à sa mort en 1885.
4.2. En Afrique occidentale
L’Afrique occidentale va être colonisée par les Britanniques, et par les Français. Les colonisateurs français ont confié la mission d’occupation aux officiers militaires qui ont préféré la conquête militaire à toute autre forme d’occupation.
A. La Sénégambie
En Sénégambie, le roi Lat-Dior Diop, le Damel du Kayor, entretient au début de bons rapports avec les Français. Mais, en 1862, ces bonnes relations se détériorèrent pour des raisons d’ordre politique et économique. En effet, le roi du Kayor s’oppose au projet des Français de construire un chemin de fer qui relierait Dakar à Saint-Louis.
Pour lui, ce chemin de fer va mettre fin à l’indépendance de son État. Pour contrecarrer le projet français, il interdit à ses sujets de fournir une aide quelconque aux Français et de cultiver des arachides pour eux. Il leur recommande de se tenir à distance des postes français et demande aux chefs africains musulmans de s’allier à lui pour combattre les Français. La lutte armée commence en 1882. Le roi du Kayor, qui se sait incapable d’affronter de front l’ennemi, préfère la guérilla et se déplace d’un village à un autre. Mais, les Français le poursuivent et le Kayor tombe entre les mains des troupes françaises en 1886 après plusieurs batailles, et meurt au combat. Le pouvoir du Kayor est confié à Samba Laobe Fall, membre de la famille de Lat-Dior Diop, que les Français jugent docile et dévoué à leur cause. Le roi Samba veut montrer son dévouement aux Français en s’attaquant au roi du Djoloff, où Lat-Dior Diop s’était réfugié, mais il est battu. Le gouverneur français transforme le Kayor en une confédération de six provinces autonomes confiées aux anciens captifs de la couronne.
B. L’Empire toucouleur
Dans l’Empire Toucouleur, à l’instar de tous les chefs africains, Ahmadu Tall, l’empereur, veut sauvegarder l’indépendance de son État tout en recourant à l’alliance avec les Français. Sur le plan politique, l’empereur veut obtenir des Français la reconnaissance de son autorité et de la souveraineté de son empire, mais également la fourniture d’armes à feu et de munitions, car il veut disposer d’une armée forte et bien équipée. En contrepartie, l’empereur doit permettre aux Français d’exercer librement leur commerce dans son État, de construire et entretenir des routes commerciales et de construire des bateaux et les faire circuler sur le fleuve Niger. On comprend mieux le choix de Ahmadu Tall de s’allier aux Français, quand on sait qu’à l’intérieur de son État, il est en conflit avec, à la fois, ses frères et des chefs locaux (Bambara, Peuls) qui contestent son pouvoir et aspirent à recouvrer leur indépendance politique. Ahmadu Tall parvient néanmoins à pacifier son empire avant même que le traité signé avec la France ne soit ratifié par cette dernière. Les relations avec la France finissent par se détériorer. Et Ahmadu Tall choisit la voie de l’affrontement armé. L’invasion de l’empire par les troupes françaises commence en 1881. Bamako tombe, puis les autres villes comme Djenné, Kundian, Wesebugu, Nioro. Et Ahmadu finit par se réfugier à Sokoto.
C. L’empire Wassoulou
L’empire Wassoulou, fondé par Samori Touré en 1878, dispose d’une grande armée nationale, homogène et dotée d’un équipement militaire moderne, contrairement aux autres rois africains de la région. Il l’a équipée et modernisée grâce, entre autres, à la vente d’ivoire, d’or, d’esclaves et de chevaux. Son armée lui permet d’agrandir son empire, annexant différentes régions comme, par exemple, Buré, Wasulu, Konyan, Toron, Sankaran, Kabasarana… Mais quand, en 1882, il remonte la région du Haut-Niger (Haut-Fleuve) afin de la soumettre, il fait face aux Français. Son avancée vers Bamako, au carrefour des voies commerciales est un échec, car les Français y ont envoyé leurs troupes. Le contrôle des mines d’or, des voies commerciales et de tous les trafics d’armes et chevaux est un enjeu majeur. Pour contrecarrer le projet d’invasion française, il veut s’allier aux Anglais. Il signe ainsi un traité plaçant son empire sous le protectorat britannique. Mais ce traité n’est pas appliqué, car l’Angleterre s’en tient à un traité signé en 1889 avec la France qui impose la non interférence à l’intérieur de leurs protectorats Après de longues et dures batailles entre les troupes françaises et celles de Samori, ce dernier est capturé et fait prisonnier en 1898. Déporté dans l’île de l’Ogooué, il y meurt en 1900.
D. La Gold Coast
En Gold Coast, les Ashanti ont longtemps résisté aux colonisateurs britanniques. Leurs conflits trouvent leur origine dans le refus des Britanniques de payer l’impôt sur la traite des esclaves et dans leur désir d’imposer un protectorat. Les Ashanti ont combattu les Britanniques entre 1760 et 1824, et ont plusieurs fois battu les troupes britanniques et leurs alliés, tuant même leur commandant, Charles Mac Carthy, gouverneur de Gold Coast. Ils ont également réussi à reprendre leurs territoires côtiers et méridionaux.Mais en 1874, les Britanniques, bien équipés militairement, battent les Ashanti à Amufu, ce qui entraine la désintégration de l’empire Ashanti et l’émancipation des États vassaux au nord de Volta. En 1896, les Britanniques placent les Ashanti sous le régime de protectorat après s’être emparés de Koumasi, leur capitale. Prempeh I et sa suite sont arrêtés et déportés en Sierra Leone puis aux îles Seychelles en 1900.
4.3. En Afrique orientale
A. L’Éthiopie
L’Éthiopie est le seul pays africain à n’avoir pas été colonisé. Abeto Menelik s’est particulièrement illustré dans la résistance armée contre la colonisation italienne. Il a été nommé gouverneur de Shewa par l’empereur Ethiopien Yohannes IV (Règne 1872-1889) qui était à la tête d’une armée redoutable. À la mort de ce dernier, il s’impose partout sous le nom de Menelik II et fonde sa capitale à Addis Abeba. En 1889, il signe avec les Italiens le traité de Wichale (ville éthiopienne appelée Ucciali en italien). Selon les Italiens, Menelik II accepte la soumission de l’Éthiopie au protectorat de l’Italie tandis que, pour Menelik II, il s’agit uniquement d’un acte d’amitié. Mécontent de la supercherie des Italiens, Menelik II dénonce le traité.Redoutant l’influence que pourrait exercer la France sur Menelik II et soucieuse de construire une ligne de chemin de fer entre Addis Abeba et Djibouti, l’Italie décide alors de précipiter la conquête de l’Éthiopie. En décembre 1895, les troupes italiennes subissent leur première défaite face aux troupes éthiopiennes à Amba Alafi, et en mars 1896, elles sont battues et mises en déroute par l’armée éthiopienne lors de la bataille d’Adoua. La guerre se termine par le traité d’Addis Abeba en 1896 par lequel l’Italie reconnaît l’indépendance de l’Éthiopie.
4.4. En Afrique Australe
Dans le royaume Zulu, Cetshwayo, roi des Zulu, entreprend dès 1877 une résistance armée contre l’occupation illégale de leurs fermes (terres) par les Afrikaners et les colons blancs qui en réclament les titres de propriété. En 1879, la guerre éclate entre l’armée britannique et l’armée Zulu. Elle se solde par la victoire de l’armée Zulu à la bataille d’Isandhlwana. Le 4 juillet de la même année, les représailles de l’armée britannique obligent Cetshwayo à l’exil au Cap. Le Zululand est démembré et les Zulu doivent subir la colonisation britannique.
La nation Ndebele : Après avoir longtemps résisté à la colonisation britannique, Lobengula, roi de la nation Ndebele, finit par signer avec un missionnaire anglais, une convention, dénommée traité Moffat, aux termes de laquelle il aliène sa souveraineté aux Britanniques alors qu’il pense ne signer qu’un traité d’amitié. Lorsque Lobengula et ses conseillers (Induna) découvrent qu’ils ont été bernés, ils sollicitent en 1889, mais sans succès, l’annulation du traité Moffat auprès de la reine Victoria d’Angleterre.En 1893, la guerre éclate entre la nation Ndebele et les colons du Mashonaland et de l’Afrique du sud. Devant la machine de guerre bien entrainée des colons et malgré son armée estimée à 20.000 hommes, Lobengula capitule, évacue le Matabeleland, et s’enfuit avec son peuple vers la Rhodésie du Nord. La nation Ndebele cesse d’exister et est totalement sous la domination britannique.
5 ¦ Résumé
- La résistance est une opposition manifeste des Africains à l’occupation et à l’exploitation de l’Afrique par les puissances européennes.
- Les résistances africaines pour leur territoire revêtent plusieurs formes, à savoir : politique, populaire, et religieuse.
- Des résistances armées à la conquête européenne ont eu lieu partout en Afrique méditerranéenne, occidentale, centrale, orientale et australe. Elles ont été menées par des chefs africains déterminés. Mais ces résistances, à l’exception de l’Éthiopie, ont fini par échouer pour plusieurs raisons :
- Les armées africaines, bien que dirigées par des chefs de guerre expérimentés, n’étaient pas aussi bien équipées que celles des colonisateurs. Ces derniers pouvaient généralement compter sur plus de combattants que les chefs africains puisqu’ils utilisaient les combattants des entités déjà occupées.
- Les tentatives de voir les chefs africains conjuguer leurs efforts pour combattre ensemble l’ennemi commun étaient rares sinon absentes. Alors que les Européens se sont mieux organisés diplomatiquement.
Les anciens États de l’Afrique orientale et australe
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume de Zimbabwe (Monomotapa), et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume du Buganda, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume du Rwanda, et ses principales caractéristiques.
2 ¦ Introduction
Baignée par l’océan Indien, cette partie de l’Afrique est en contact avec les régions du golfe Persique, de l’Asie du Sud-est et de l’Asie centrale, dès le 2e millénaire av. J.-C., comme l’indique la présence de plantes originaires de ces régions. On suppose que ce sont des populations austronésiennes et indonésiennes venues s’installer sur la côte orientale qui les ont emmenées. À cette première vague migratoire, succède, au début de notre ère, une installation progressive, sur la côte orientale, de populations africaines d’agriculteurs pratiquant la métallurgie du fer et la poterie qui s’intensifie jusqu’au Moyen-Âge.
Des populations bantoues, arabes et persanes s’installent ainsi sur la côte, ce qui favorise le développement d’un commerce océanique entre la côte et l’intérieur des terres, ainsi que l’apparition de sociétés étatiques et politiques complexes, et une civilisation spécifique : la culture swahili. Des Etats-cités tels Kilwa, Songo Mnara, Mombasa, etc. sont associés à cette culture swahili. En dehors des Etats-Cités swahilies établies sur la côte longeant l’océan Indien, un grand royaume intérieur se développe : le royaume du Zimbabwe (ou royaume Monomotapa).
3 ¦ Le royaume de Zimbabwe (Monomotapa) (XIe – XVIIIe siècle)
3.1. Contexte historique
L’émergence de ce royaume s’explique par sa situation favorable. En effet, c’est une région de plateaux aux températures fraîches, aux sols fertiles et aux pluies abondantes ce qui constitue des conditions idéales pour l’agriculture et l’élevage. La civilisation fondatrice de cet ancien royaume est très peu documentée, et l’origine des constructions en pierre qu’on y a trouvée reste encore un mystère. On sait seulement qu’une population bantouphone d’éleveurs de moutons s’installe au Ier siècle après J.-C. dans cette région située entre le fleuve Limpopo au sud et le fleuve Zambèze au nord, suivie aux Xe et XIe siècle par une population d’éleveurs de bovins et de métallurgistes. Ces derniers vivent dans des habitats faits de boue séchée et de pisé, et exploitent les nombreux gisements d’or et de cuivre de la région.
Le royaume de Monomotapa atteint son apogée au XVe siècle grâce au commerce de l’or, époque où sera érigé le site en pierre du Grand Zimbabwe (XIV-XVe siècles). Mais la région manque de stabilité et des entités plus ou moins indépendantes se battent pour sa suprématie. Le désordre à l’intérieur du pays a des conséquences sur le commerce côtier et la pression des commerçants portugais et arabes commence à changer l’équilibre des forces dans la région. Au début XVIe siècle, une série de conflits armés oppose les différentes entités politiques sous le joug des souverains du Grand Zimbabwe. Trois entités tentent d’imposer leur hégémonie : les royaumes de Manica, d’Uteve et de Mwene Mutapa. C’est ce dernier qui se démarque, et Mwene Mutapa devient le souverain du royaume. À la mort de Mutapa, la capitale est déplacée vers le Nord. Son fils Matope est un grand conquérant.
À la même époque, les Portugais installent des comptoirs le long de la côte indienne, construisant une forteresse à Sofala. Les conflits jouent en faveur des colons portugais qui lancent des campagnes entre 1572 et 1597 pour prendre le contrôle des mines d’or. D’autres groupes de populations comme les Zimba prennent également les armes contre Mwene Mutapa, qui doit finalement s’allier aux Portugais pour maintenir son royaume, leur donnant en contrepartie accès à de nombreuses mines.
L’empire Monomotapa décline pour des causes internes : luttes entre factions rivales et épuisement de l’or des rivières qu’il contrôle. Le commerce de l’or est ensuite remplacé par le commerce des esclaves. À cette époque, les États arabes de Zanzibar et Kilwa deviennent dominants dans la région grâce à la traite des Noirs vers l’Arabie, la Perse et l’Inde.
En 1629, le royaume de Zimbabwe, en déclin, est obligé de reconnaître la souveraineté portugaise. Il ne retrouvera jamais son indépendance même si Mutota et ses successeurs étendent leur hégémonie dans la région fondant le royaume de Zimbabwe qui va perdurer jusqu’au XVIIIe siècle. Les derniers représentants des familles royales établissent le royaume Mutapa au Mozambique, parfois appelé « Karanga ». Les rois Karanga s’appellent mambo et vont régner sur la région jusqu’en 1902.
3.2. Organisation politique et sociale
Le Mwene Mutapa est généralement choisi par le Conseil des anciens. « Mwene » signifie « Seigneur » en langue bantoue, et « Mutapa » « Pillage » en langue locale, ce qui s’expliquerait par le fait qu’il se soit imposé dans la région en menant une série de razzias. Mais son nom pourrait également signifier « Minerais métallifères », une explication plausible compte tenu du fait que les mines de cuivre et d’or ont joué un rôle non négligeable dans le développement des sociétés de cette région. « Mutapa » devient le titre de ses successeurs ainsi qu’un terme géographique désignant le territoire et son royaume. Si le royaume possède une organisation centralisée, dotée d’une administration, d’une armée et d’institutions étatiques, c’est le lignage dominant qui monopolise les fonctions politiques (ex : les Rozwi). Le Mwene Mutapa peut compter sur les chefs locaux (les Fumu).
3.3. Économie
Le Zimbabwe est un grand royaume qui s’est développé grâce à l’exploitation des gisements d’or et de cuivre de la région. L’exploitation des salines et la métallurgie du fer, du plomb, de l’or et du cuivre assurent aux élites politiques et économiques une prospérité importante. L’agriculture et l’élevage représentent également une des activités principales de la société zimbabwéenne.
Le commerce peut bénéficier d’un réseau reliant la côte aux Indes, à l’Asie du Sud-est, à l’Arabie et à l’Europe qui permet l’échange de produits divers (perles, étoffes en coton, etc.) venus des Indes ou des confins de la Chine. Les échanges interrégionaux occupent eux aussi une place importante dans l’économie de la région. Une taxe de circulation, la curva est imposée aux commerçants étrangers portugais.
4 ¦ La région des Grands lacs
Cette vaste région, composée de savane boisée et de lambeaux de forêts semi-tropicales, couvre une série de grands lacs africains, dont les principaux sont les lacs Kyoga, Victoria, Turkana, Rushwa, Thema, Wamara, Edouard, Kivu, Albert et Georges. Ce système lacustre est interconnecté au grand fleuve Nil. C’est aussi une région montagneuse sur laquelle se trouve la grande faille géologique de la Rift Valley. Cette région est également dotée d’un environnement très fertile et des conditions climatiques favorables aux cultures.
Propice au développement de foyers de peuplement, cet espace est occupé dès la préhistoire comme le révèlent différents témoins de la présence de chasseurs-cueilleurs ou les anciennes traces du travail du fer remontant au VIIIe siècle après J.-C. On y retrouve des populations de langues Bantu, nilotiques et nilo-sahariennes.
L’histoire ancienne de la région des Grands Lacs est très complexe. Elle est caractérisée par la présence d’États, de sociétés lignagères et segmentaires ainsi que de vagues migratoires de peuples pasteurs et d’agriculteurs qui se succèdent dans le temps pour occuper ces régions très fertiles.
D’après les mythes, on recense notamment l’existence des premières chefferies d’agriculteurs. Chefferies qui seront supplantées par des États à dominance pastorale. Concernant les origines des formations politiques dans la région, les traditions orales transmises par les clans dominants, dont le prestigieux royaume du Rwanda, le Lusoga, Nkole, Bunyoro (dans l’actuel Ouganda), et le Buganda nous permettent d’en imaginer les lignes principales :
- L’œuvre civilisatrice et la formation des États prennent leur source chez des pasteurs immigrés (identifiés comme des Nilotiques) qui ont apporté le principe de la royauté, des éléments de la religion et l’importance de la vache. Mais il est avéré que l’éclosion et le développement d’États plus ou moins centralisés ne sont pas uniquement l’œuvre des pasteurs migrants.
- Plusieurs entités politiques d’agriculteurs de langue bantoue ont mis en place une organisation complexe. La formation d’États parmi ces sociétés d’agriculteurs serait même antérieure aux vagues migratoires des communautés d’éleveurs qui auraient déferlé dans cette région au XVIe siècle. En effet, en termes de mobilité sociale, un agriculteur peut devenir pasteur en acquérant du bétail, et l’inverse était aussi possible lorsqu’un pasteur perd son bétail.
- Il existe également une mobilité entre lignages et clans. Des pactes permettent à des familles d’adhérer au clan ou au lignage de leur choix. Ainsi, les clans ne sont pas nécessairement composés de descendants de mêmes ancêtres.
Au XIXe siècle, les royaumes les plus importants sont le Rwanda, le Burundi, le Bunyoro, le Bushi et le Buganda.
5 ¦ Le Buganda (XIVe siècle – XIXe siècle)
5.1. Contexte historique
Ce royaume, qui a donné son nom à l’actuel Ouganda, est situé au nord-ouest du lac Victoria. Il aurait été fondé par l’ancêtre mythique Kintu au XVe – XVIe siècle. Les populations à l’origine de ce royaume sont les Ganda ou Baganda (Ganda est le singulier de Baganda). Le préfixe « Bu » devant le terme Ganda désigne un lieu, un espace géographique dans toutes ces sociétés de la région de Grands Lacs. Ainsi le terme Buganda renvoie à un espace géographique occupé par les Ganda.
Bien avant que la seigneurie des Baganda n’établisse son hégémonie régionale, on recense aux périodes plus anciennes la chefferie de Bangaizi peuplée de Bachwezi et celle des Basita qui règnent dans la région des Grands Lacs.
- Les Bangaizi contrôlent les sites des salines, le commerce du bétail et les gisements de fer. La capitale, Mwenge, est située près des Monts Ruwenzori.
- Le Basita est renommé pour sa maîtrise de la métallurgie du fer, qui a assis sa prééminence politique dans cet espace géographique.
Ces chefferies seront ensuite conquises par Ruhenga, qui fonde la dynastie des Tembuzi. Toutefois la région va passer sous la domination du Bunyoro vers le XIVe siècle. Le Bunyoro apporte des changements sociopolitiques importants dans la région, notamment un système monarchique centralisé. Entre 1350 et 1500, le Bunyoro domine une partie de la région des Grands Lacs, formant un véritable empire. Vers le XVIe siècle, une autre vague migratoire de populations venues de la région du Nil envahit le Bunyoro. Il s’agit des populations Luo. Cela entraine la désintégration de l’empire dont les frontières politiques se resserrent sur le royaume Bunyoro. Les Luo fondent la dynastie des Babito. L’effondrement de l’empire favorise aussi l’indépendance des anciens États vassaux : Ankole, Karagwa, Busoga et Buganda.
Le royaume de Buganda, situé à l’est du Bunyoro, commence alors à s’agrandir. Grâce aux conditions écologiques favorables permettant l’élevage et les cultures agricoles, les souverains Ganda réussissent à centraliser le pouvoir, à réduire les luttes de succession et à stabiliser le royaume. C’est cette capacité de neutraliser les luttes de succession qui a permis la stabilité de cette monarchie dont l’essor eut lieu au XVIe ou XVIIe siècle. L’expansion du royaume, à l’ombre du Bunyoro dont il était vassal, se fait par processus graduel en parallèle aux razzias des Arabes musulmans et à l’esclavage.
Ce petit royaume, qui construit son hégémonie grâce à la désintégration du royaume Bunyoro va devenir une nouvelle puissance régionale des Grands Lacs. Son apogée correspond à son expansion sur les lacs Victoria, Kioga et Albert. Cette expansion, qui eut lieu au tournant du XIXe siècle, sous le règne du roi Kamanya, (règne 1798- ?) lui permit de contrôler les voies commerciales et avoir le monopole du trafic. Sous le roi Muteza Ier (règne : 1856-1884), petit-fils de Kamanya, le processus de centralisation du royaume arrive à son terme. Il développe des relations commerciales avec les Britanniques installés sur la côte indienne et dote son armée de fusils achetés à Zanzibar. Plus favorable à l’islam, il accepte néanmoins que les missionnaires protestants et plus tard les pères blancs s’installent dans son royaume. Le royaume du Buganda devient allié et partenaire de la colonisation britannique.
Il est difficile de parler du déclin de ce royaume, car bien que le Buganda passe sous protectorat britannique, devenant ainsi une colonie, le souverain a gardé certains privilèges et pouvoirs sous la colonisation. En effet, l’administration coloniale s’appuie sur ce royaume fort et prospère pour asservir les autres entités politiques comme les Lusoga. Sous la pression coloniale désireuse de réduire les avantages de ce royaume et de le faire disparaître au profit d’un Etat colonial, le roi Mutesa II va s’y opposer en proposant que le traité de protectorat britannique soit annulé. Il sera exilé à Londres. Mais face aux revendications persistances, le roi sera réinstallé. Ce royaume a fini par se diluer à l’indépendance, en 1962, dans la nouvelle république. Mais des revendications d’autonomie n’ont pas cessé et continuent d’alimenter l’histoire de l’Ouganda moderne.
5.2. Organisation politique et sociale
La royauté n’est pas héréditaire. Le roi porte le titre de Kabaka ce qui au départ est un titre de noblesse. Parmi les regalia du roi, on trouve une couronne ancienne, des tambours, des flèches, des lances et autres objets royaux.
Le collège électoral du roi est composé du Katikiro, qui est le deuxième personnage du royaume, une sorte de Premier Ministre et du Mougenia, le chef du plus grand clan. La reine mère a un rôle important à la cour.
5.3. Économie
Outre les travaux artisanaux du tissage, et de la forge, l’économie est essentiellement agricole et tournée sur les rives du lac Victoria.
Le commerce de l’ivoire et des esclaves est aussi très important, et est monopolisé par la cour royale.
Au XVIIIe siècle, le royaume Buganda est connecté au réseau commercial au nord menant vers l’Egypte et à l’est traversant la Tanzanie jusqu’à la côte de Zanzibar. Mais ce réseau est peut-être beaucoup plus ancien, car les cauris provenant de la côte Swahili, qui sont utilisés comme monnaie, avaient une grande importance dans les transactions commerciales liées à la traite négrière.
6 ¦ Le Rwanda (XVe – XIXe siècle)
6.1. Contexte historique
Comme les informations sur le royaume du Rwanda nous sont parvenues grâce à la tradition orale, il est parfois difficile de démêler le mythe des réalités historiques. Même si l’histoire contée ne rend pas compte de toutes les dynamiques sociales, économiques et politiques qu’a connues cet espace, elle permet une reconstitution historique des chroniques des rois successifs et des traditions royales dans cette région.
L’histoire du royaume de Rwanda est aussi liée aux mouvements migratoires de groupes d’agriculteurs et d’éleveurs qui ont eu lieu entre le Xe et le XVIe siècle (Kitara, Bachwezi, Ruhinda et Rwanda). Le royaume connait une série d’extensions entre le XVe et le XIXe siècle. La tradition, récoltée au XXe siècle, mentionne que le Mwami Ruganzu « le conquérant » (1510 -1543 ou 1600-1623) est l’un des fondateurs d’une monarchie héréditaire au Rwanda. Il mène des attaques sur les chefferies de la région. Le royaume voit son territoire officiellement placé sous l’hégémonie de l’Allemagne en 1896. Son déclin n’intervient pas directement avec la pénétration européenne. Le royaume survit avec une certaine autonomie durant la colonisation allemande et belge. Ce n’est que suite aux troubles sanglants menés par la classe paysanne en 1961 et la déclaration de l’indépendance qui a suivi que ce royaume ancien d’Afrique de l’Est disparait.
6.2. Organisations politique et sociale
Le royaume est dirigé par le Mwami qui est assisté par les abiiru, les gardiens des traditions, des conseillers, et par les administrateurs des entités inférieures. Il y a aussi la corporation ubwiiru, rassemblant les conseillers chargés de conduire les rites consacrés à la prospérité du royaume. La reine mère possède aussi un rôle important à la cour. L’institution socioreligieuse Bwami est influente au sein de la société et la structure. Au niveau administratif, la capitale Nyanza est au centre du pouvoir.
Le royaume du Rwanda est une société féodale. Certains seigneurs possèdent des domaines fertiles dans lesquels les paysans travaillent. Cette situation de dépendance foncière des paysans fait en sorte que les seigneurs sont les personnes les plus riches de la société.
Au XIXe siècle, l’institutionnalisation de la corvée (uburetwa) auprès des masses paysannes donne lieu à la subdivision de la société en classes sociales renforçant le sentiment d’appartenance aux communautés Hutu ou Tutsi :
- la masse paysanne et vassale formant la communauté Hutu
- et la classe dirigeante celle des Tutsi.
6.3. Économie
Lorsqu’il y a une saison trop pluvieuse ou une sécheresse prolongée, les cultures agricoles sont durement touchées. Les périodes de disettes liées à cet ennemi mortel permanent qu’est la famine sont gravées dans la mémoire collective des populations de cet espace. Famines et sécheresses perturbent l’organisation sociopolitique et entraînent des mutations économiques, politiques et territoriales, contribuant à l’influence grandissante des éleveurs dans la région.
Posséder une vache est devenu un critère de richesse, et donc un élément d’emprise politique sur la production agricole.
7 ¦ Résumé
- Le royaume de Zimbabwe (Monomotapa) (XIe – XVIIIe siècle) connait son apogée au XVe siècle grâce au commerce de l’or. C’est à cette époque également qu’est construit le site en pierres du Grand Zimbabwe. Au XVIe siècle, des troubles armés entrainent une instabilité dans le royaume. Parallèlement, les Portugais établissent des comptoirs le long de la côte indienne et tentent de prendre le contrôle des mines d’or. En 1629, le Monomotapa doit accepter un quasi-protectorat de la part des Portugais.
- Le Buganda (XIVe – XIXe siècle) commence son expansion vers le XVIe siècle. Le royaume se stabilise et connait des conditions écologiques favorables à son développement. Suite à la désintégration du royaume voisin, dont il était vassal, le Bunyoro, le Buganda va devenir une des puissances de la région. Au XIXe siècle, le Buganda développe des relations commerciales avec les Britanniques. Le Buganda deviendra un protectorat britannique.
- Le Rwanda (XVe – XIXe siècle) est lié aux migrations d’agriculteurs et d’éleveurs qui ont lieu en le Xe et le XVIe siècle. Entre le XVe et le XIXe siècle, le royaume s’agrandit et devient l’un des principaux États de la région. En 1896, le Rwanda signe un traité, devenant un protectorat allemand.
Les anciens États de l’Afrique centrale
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume Kongo, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace l’espace Téké, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume Kuba, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume Luba, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace lunda, et ses principales caractéristiques.
2 ¦ Introduction
L’Afrique centrale, australe, mais aussi orientale ont accueilli diverses expériences de formation d’États au cours de leur histoire. Les savanes et les forêts étant favorables à la concentration de la population, elles ont offert de multiples opportunités d’évolution pour ces populations. Les chefferies et royaumes se sont ainsi multipliés dans la savane du sud et la forêt équatoriale.
La naissance d’un État du point de vue interne s’explique à la fois par le nombre élevé d’habitants (grande densité de population), les environnements productifs sur le plan agricole, les communications faciles entre communautés locales et interrégionales, et le commerce. Mais également par les sites favorables comme le terminus de navigation, l’embouchure des fleuves, les régions montagneuses, les vallées, les confluents des rivières, les lieux où l’on trouve des richesses particulières tels que les minerais, le sel, les pâturages. Ces lieux attirent les convoitises des voisins, dans la mesure où leur exploitation et commercialisation garantissent l’avenir des sociétés occupant ces espaces.
Mais il ne faut pas oublier l’initiative des dirigeants qui, s’appuyant sur divers modes de pouvoir, ont contribué à la centralisation politique et donc à la formation des États. Dans ce monde en mutation, la complexité du pouvoir a souvent nécessité la mise en place d’une force militaire qui permette d’imposer sa domination sur les autres, mais également la maîtrise des moyens techniques supérieurs : les armes en fer perfectionnées et les outils qui facilitent le travail dans les champs. Les forgerons et autres fabricants d’armes ont donc une place importante dans les chefferies puissantes.
D’autres États se sont formés du fait d’influences externes. Bien que nous commencions seulement à comprendre comment se déroule le processus de centralisation politique, l’Afrique centrale n’est pas absente de l’histoire des foyers de formation des États dans le monde. La formation de ces États d’Afrique centrale se caractérise par un processus d’intégration politique et économique complexe et varié marqué par l’intensification de la hiérarchie, l’expansion et l’intégration territoriale, la spécialisation économique, le contrôle du travail, les communications de longue distance, les échanges culturels et une formulation d’idéologies d’État.
Du fait de la production grandissante, du contrôle, de la circulation et de la commercialisation des produits, des États se sont créés, mettant en place des organisations toujours plus complexes et moins souples que les organisations lignagères des villages qui sont présentes jusque-là dans ces régions. Si certaines sociétés lignagères ne se sont pas centralisées politiquement et économiquement, d’autres ont utilisé la centralisation comme un levier pour créer des institutions politiques très élaborées. Parmi celles-ci figurent les États de Kuba, Kongo, Luba et Lunda.
3 ¦ Le royaume Kongo (XIVe – XIXe siècle)
Le royaume Kongo est l’une des organisations sociopolitiques d’Afrique centrale qui a joué un rôle crucial dans l’évolution historique de la région. À cheval sur les territoires actuels de la RDC, du Congo-Brazzaville, et de l’Angola, ce royaume est organisé autour d’un ensemble d’agglomérations nommées « mbanza » et de provinces, dont les principales sont Sundi, Pangu, Bata, Soyo, Pemba et Bamba.
Son histoire est très bien documentée grâce aux écrits des missionnaires européens, des commerçants, de l’élite et des souverains du Kongo, et grâce aussi aux nombreuses études historiques qui lui ont été consacrées.
3.1. Contexte historique
1.Origine et naissance du royaume
Des populations, établies dès le IIe siècle avant J.-C. dans la région, parlent des variantes de la langue Kikongo et des communautés fondées sur l’agriculture s’y installent depuis le Ier siècle avant J.-C. L’origine du royaume semble remonter à 1375 avec Ntinu Wene Nimi Lukeni, prince et fils d’un souverain du Royaume de Bungu, au nord du fleuve Congo. Avec son armée, il s’impose comme leader incontesté de cet espace géographique et constitue le royaume Kongo en s’alliant à quelques chefs autochtones. La formation du royaume a également été facilitée par le fait que les peuples présents sur ce territoire partagent des cultures et des langues proches. Une autre tradition rapporte qu’un forgeron, fondateur de la première dynastie régnante, s’impose dans la région grâce à l’apport de techniques métallurgiques.
Le royaume est très tôt en contact avec l’Europe et développe une civilisation authentique qui suscite respect et curiosité chez les Européens. À l’arrivée des Portugais au XVe siècle, le royaume dispose déjà de structures solidement établies qui contribuent à la centralisation politique du territoire. Le roi Nzinga a Nkuwa (1482 – 1506) est intéressé par ces Portugais, et demande qu’ils lui envoient des missionnaires et des artisans. Il se fera baptiser sous le nom de Joao Ier. Des échanges économiques, culturels, religieux et politiques soutenus par des relations diplomatiques s’établissent entre le Royaume Kongo, l’Espagne, le Portugal, le Brésil, le Saint-Siège et la France dès le milieu du XVIe siècle. Des diplomates du royaume Kongo sont envoyés en Europe, notamment Antoine Emmanuel Nsaku ne Vunda. Il est envoyé à Rome en 1604 et y meurt en 1608. La christianisation du royaume est favorisée par les prêtres envoyés par le Portugal établis dans les paroisses disséminées dans les provinces. Des missionnaires franciscains, dominicains, capucins et jésuites sillonnent également le royaume. A partir de 1509, le clergé catholique a même un pouvoir décisionnel dans la politique du royaume.
2. Ingérence du Portugal
Mais des mouvements de résistance voient le jour. A la mort de Joao Ier en 1506, c’est son fils, le prince Panzu qui monte sur le trône et refuse l’ingérence étrangère – notamment européenne – dans le royaume. Il est tué par le prince Nzinga Mbemba, un de ses frères. Celui-ci devient le second Ntinu chrétien du royaume Kongo sous le nom de roi Afonso Ier du Kongo (1506-1543). Il s’appuie sur ses relations avec les Portugais et les missionnaires catholiques pour mener ce coup d’État et asseoir son pouvoir. Sous son règne le royaume se modernise, des écoles sont créées dans la capitale et les enfants issus de la noblesse et de la famille royale sont envoyés en Europe pour suivre leurs études. Certains deviennent à leur retour des interprètes officiels de la cour, à l’instar de Joao Texeira, secrétaire du roi Afonso Ier, qui rédige en portugais les correspondances adressées au roi du Portugal. Afonso Ier christianise également le royaume. Son fils, Dom Henrique, est ordonné prêtre et est élevé au rang d’évêque au sein de l’Église Catholique. Toutefois, les Portugais, dès 1510, achètent des esclaves et souhaitent développer le commerce. Afonso s’oppose à l’essor de la traite qui affaiblirait son royaume. Il tente d’expulser les trafiquants d’esclaves, mais en vain. Il meurt en 1543.
De plus en plus impliqués dans les affaires politiques de l’État, les Portugais viennent ensuite en aide à Nimi a Lukeni lua Mvemba, petit-fils d’Afonso Ier connu sous le nom de roi Alvaro Ier (1567-1587) pour contrer l’attaque des Jaga, qui envahissent le Kongo. Après avoir battu l’armée d’Alvaro, les Jaga atteignent la capitale et la détruisent. Le roi tente de résister, mais il est contraint de se retirer avec la noblesse dans une île du fleuve Congo tandis que les habitants de la capitale Mbanza-Kongo fuient dans les montagnes. Les Portugais aident alors Alvaro à repousser les Jaga et le rétablissent sur son trône. Pour les remercier de leur soutien militaire, les Portugais reçoivent les territoires du sud, situés dans le Royaume Ndongo, leur ouvrant un accès direct à la traite négrière.
La christianisation du royaume s’accélère, en même temps que le sentiment antireligieux exacerbé par le comportement de certains missionnaires qui n’hésitent pas à brûler les objets sacrés des populations rurales et imposent le sacrement du baptême.
3. Affaiblissement du royaume Kongo
La traite négrière affaiblit la structure étatique du royaume sur le plan démographique, culturel, social et économique. La fondation de la colonie portugaise de l’Angola vers 1575 va marquer le déclin du Kongo. Les Portugais vont envahir militairement le Ndongo, royaume voisin du Kongo, début XVIIe siècle, époque où la traite négrière est de plus en plus intense. Nzinga, reine du Ndongo en 1624, va lutter contre les Portugais, pendant de longues années, avant de conclure la paix avec les Portugais, assortie de garanties réelles. Parallèlement, la colonie portugaise de l’Angola va s’intéresser aux richesses du royaume Kongo, et commencent des incursions dès 1622, ce qui donne lieu à la bataille de Bumbi qui met fin à l’alliance entre le Kongo et la colonie portugaise d’Angola. Le roi Garcia II du Kongo (1641-1660) se rapproche des Néerlandais qui occupent Luanda, et ensemble, attaquent les Portugais. Toutefois, l’Angola réussit à battre
les Néerlandais en 1641, et le roi Garcia II va signer un traité de quasi-protectorat en 1649. Son successeur, Antonio Ier (1660-1665) remet en cause le traité et se fera tuer par les Portugais, lors de la bataille de Mbwila, le 29 octobre 1665. S’ensuivent alors des guerres civiles, et des affrontements qui continuent à affaiblir le royaume. La capitale est même abandonnée pendant un moment. La pratique du christianisme chute en même temps. En 1700, les Portugais veulent restaurer l’unité du royaume Kongo, et choisissent de soutenir Pedro IV Alphonse (1709-1718) qui semble le plus qualifié. Mais le Royaume Kongo ne retrouve plus sa grandeur et ses territoires passés. Kimpa Vita, une princesse du Kongo va, au début du XVIIIe siècle lutter contre les Portugais. Elle veut unir et libérer le royaume Kongo de l’ingérence
portugaise, mais sera capturée et exécutée par les Portugais. La colonisation, à la fin du XIXe siècle, fait éclater et disparaître le Royaume Kongo.
3.2. L’organisation politique et sociale
Le roi du Kongo, le Mani Kongo, pour le différencier des Mani provinciaux, est élu parmi la famille royale et se trouve au sommet de la hiérarchie. Les symboles de la royauté (regalia) sont le couvre-chef, le bracelet en cuivre, le sac des impôts, le tambour sacré et l’enclume royale. Le royaume est dirigé par une caste de nobles (princes et princesses), une assemblée élective du roi, des gouverneurs de provinces, des chefs de villages et une armée. La société est organisée en classes sociales composées de nobles, de paysans, de fonctionnaires et d’esclaves.
Administrativement, le royaume est organisé en agglomérations nommées (mbanza) et en provinces, composées de villages et de chefs-lieux. Les provinces se modifient au gré des alliances et des conquêtes. Les villes sont administrées et reliées entre elles par un réseau de communication. La capitale, Mbanza Kongo, se trouve dans la province de Mpemba. Elle compte 60 000 habitants au XVIIe siècle, ce qui la place parmi les villes les plus peuplées du monde à cette époque.
3.3. Économie
Les nombreux axes de communication qui traversent le royaume Kongo favorisent une économie prospère. Le Kongo dépend surtout des revenus issus du commerce de produits agricoles, des textiles et des minerais précieux.
Un impôt (mpaku) est collecté aux postes de péage (kimpaku) répartis sur les grands axes commerciaux, et les gouverneurs des provinces apportent à la capitale les revenus récoltés dans leurs entités administratives respectives.
En plus de ses ressources naturelles (bois, ivoire), le royaume dispose de gisements de fer et de cuivre. Les forgerons y ont donc un statut particulier, le roi étant le premier d’entre eux.
Le royaume a deux monnaies : l’une en coquillage (nzimbu) provenant d’une pêcherie de l’île de Luanda, dont le roi a l’exclusivité de la production, l’autre en carrés de tissu raphia (mbongo) dont le circuit de production et son lien avec le pouvoir central sont encore mal définis.
La noblesse et les hauts fonctionnaires vivent dans la capitale. Tout comme le roi, ils possèdent des plantations où travaillent des esclaves.
4 ¦ L’espace Téké (XVe – XIXe siècle)
Lorsqu’on parle d’espace Téké, il ne s’agit pas d’une seule entité politique mais de plusieurs structures politiques étalées sur un espace géographique allant de l’est du Gabon au Pool Malebo en République Démocratique du Congo. Cet espace figure parmi les structures politiques qui ont joué un rôle économique essentiel en Afrique centrale et a développé une civilisation qui est l’une des plus anciennes du bassin congolais.
Le royaume Tio, le royaume de Makoko, l’anzicana ou le royaume des Anziques sont des appellations que l’on retrouve sur les cartes anciennes des XVIIe et XVIIIe siècles, et font partie des organisations politiques Téké les plus illustres. Cet espace est voisin de celui de Loango à l’Ouest, du royaume Kongo au Sud et Sud-Est.
4.1. Contexte historique
On connait peu de choses sur l’origine et l’essor de l’espace Téké. L’espace Téké n’a pas de contact direct avec la mer, cet espace ne sera quasiment jamais visité par les explorateurs et les missionnaires européens avant le XIXe siècle. Aucune influence extérieure n’a justifié sa naissance ou le maintien de son unité. Le processus de formation étatique serait donc le fruit d’une longue évolution locale. La conviction des Tékés de partager une même culture et une même religion représentée par une forêt sacrale et mystique constitue le fondement de ce royaume qui est attesté depuis le XVe siècle dans les sources historiques du royaume Kongo.
Au XVIIe siècle, le Royaume Téké connait une expansion vers le sud du fleuve Congo sur les deux rives du Pool Malebo. Le royaume se heurte à l’opposition des princes des territoires attenants du royaume Kongo et plus particulièrement de la province de Nsundi. Des batailles ont lieu durant la seconde moitié du XVIIe siècle pour le contrôle du Pool Malebo. Les Tékés, sous la direction du chef Ngobila, finissent par s’imposer et chassent de la plaine du Pool Malebo les groupes Kongo. La traite négrière s’intensifie, et les Téké deviennent des intermédiaires pour le trafic d’esclaves.
Au XVIIIe siècle, en revanche, les groupes Kongo de la province de Nsundi prennent le contrôle des mines de cuivre au sud du royaume. Le royaume Téké perd ainsi son monopole sur les mines de cuivre de Mindouli-Boko Songho.
Au XIXe siècle, la traite négrière prend fin, et les Téké se concentrent dès lors sur l’ivoire. Le roi des Tékés, le roi Iloo choisit la collaboration plutôt que la confrontation. En 1880, il négocie un traité avec la France par l’intermédiaire de l’explorateur Savorgnan de Brazza. L’exécution de ce traité sonne le déclin du royaume, la cour royale Téké n’a plus que des pouvoirs protocolaires. Avant sa mort en 1892, le roi Iloo épouse en secondes noces une jeune femme du nom de Ngassié. Cette dernière est intronisée reine et succède au roi Iloo sous le nom de Ngalifuru, jusqu’à sa mort en 1956.
4.2. Organisation politique et sociale
Chez les Téké, le pouvoir est pyramidal. Au sommet, on trouve l’Onkoo (la forme « Makoko » serait une déformation en langue Vili). Le roi est écouté et vénéré à la manière d’une divinité.
Il est élu par les dignitaires (ministres et chefs), mais choisi par les ancêtres, il est initié à ses futures fonctions. Bien que le pouvoir soit héréditaire (lignée maternelle d’un défunt roi), le candidat doit présenter une bonne constitution physique, une conduite exemplaire, une allure autoritaire et doit être estimé du peuple. L’Onkoo détient les fonctions politiques, administratives et religieuses. Il est théoriquement le maître de la terre et de toutes ses richesses. Son intronisation, sa mort et sa succession font l’objet de tout un cérémonial et d’un ensemble de rites. Après le roi, le pouvoir politico-administratif est détenu au niveau de chaque province par le Nnga-nkobi, ou gouverneur, qui transmet les ordres du roi aux chefs de lignage et de chefferies et via ceux-ci aux chefs de village. C’est le gouverneur qui apporte au roi les tributs et prestations de son peuple. La société est très hiérarchisée.
4.3. Économie
Le cuivre qui provient des mines de Mindouli-Boko Songo est recherché au même titre que l’or dans plusieurs régions d’Afrique, c’est ainsi que le contrôle de ces gisements a joué un rôle important dans l’histoire du royaume. Les Téké savent fondre le fer et le cuivre. Le travail de fonte du cuivre, attesté depuis le XIIIe siècle, y a perduré jusqu’au XIXe siècle.
Les Téké (terme qui signifierait « marchands » ou « vendeurs ») sont de grands commerçants. Ils servent aussi d’intermédiaires dans les réseaux commerciaux entre la côte et l’intérieur des terres. Ils font le commerce du cuivre, du raphia, ainsi que des produits nouvellement introduits dans la région tels que le tabac et le maïs avec les régions du Bas-Kasaï et du haut fleuve Congo. Ils servent également d’intermédiaires lors des traites négrières, en fournissant des esclaves au royaume de Loango et au royaume Kongo.
Les Téké utilisent plusieurs monnaies : soit des barrettes de cuivre mitako, soit des pièces de raphia tissé tsulu, ou encore les coquillages olivancillaria nana appelés nzikè. Le tsulu est l’équivalent du mbongo des Kongo.
4.4. Croyances
Responsable devant les hommes, l’Onkoo l’est aussi devant les ancêtres qu’il représente.
Il est le seul grand prêtre des Téké, le grand détenteur des forces vitales et du nkwe-mbali, le génie tutélaire du peuple qui habiterait les chutes de la rivière Léfini, en amont de Mwabé.
5 ¦ Le royaume Kuba (XIIe (?) – XXe siècle)
Le royaume Kuba s’est développé sur un territoire compris entre la rivière Sankuru au nord et la rivière Luluwa au sud-ouest. Hormis l’ethnie principale qui compose ce royaume, il existe diverses formations ethniques : Leele, Pende Ding, Kete, Luba, Luluwa, Mongo. La langue Kuba est proche des parlers Mongo de l’Équateur.
Le royaume Kuba, aussi appelé royaume des Bushong est l’une des entités politiques les plus connues de l’Afrique centrale, tant pour ses activités artistiques que pour son art de cour : un art royal et aristocratique, dont la plupart des objets figurent aujourd’hui dans les musées et les collections privées en dehors du Congo.
5.1. Contexte historique
L’origine du royaume est controversée. D’après les traditions orales, il aurait été fondé vers le VIe siècle par des populations bantoues venues du nord de la rivière Kasaï. Sous le règne de Woot, fondateur du Royaume Kuba, fils du ciel et de la terre, la femme se voit concéder une place prépondérante. Son neveu Nyimi Loong, de la dynastie Bushoong, monte ensuite sur le trône. Mais son règne est marqué par d’incessantes guerres de succession qui ne prennent fin qu’avec l’avènement d’un roi de l’ethnie Leele, Musha Mishaang Matuun.
Au XVIIe siècle, le roi Shyaam a Mbul a Ngwoong, s’inspire des structures sociopolitiques des régions du Bas-Kasaï et de l’espace Kongo pour perfectionner l’organisation du royaume et introduire des nouveautés sociales, politiques et linguistiques. Il rapporte également du Bas-Congo la culture du maïs, du manioc, des haricots, du tabac, le tissage, la broderie, de nouveaux styles de forge et de sculpture sur bois. Le royaume atteint son apogée entre les XVIIIe et XIXe siècles grâce au commerce à longue distance avec la colonie portugaise d’Angola. C’est aussi à cette époque que le terme kuba s’est généralisé pour identifier la population de ce royaume.
Des guerres civiles au début du XXe siècle fragilisent le royaume. Malgré des invasions Luluwa rapidement matées, le royaume se retrouve vulnérable face à l’armée coloniale de Léopold II. le roi Kot a Pe, farouche résistant à l’occupation coloniale, est vaincu en 1902, et fait prisonnier et déporté à Lusambo en 1907. Un accord de paix est négocié avec l’État indépendant du Congo.
5.2. Organisation politique et sociale
Le roi, qui est une personne sacrée, a un pouvoir politique et judiciaire, mais il n’est pas seul à décider. Le roi Shyaam impose aux dignitaires du royaume de résider dans la capitale.
La gestion de la chose publique est basée sur des institutions contrebalançant le pouvoir royal. Elle repose sur quatre structures :
- le conseil de couronnement (Ibaam) dont le rôle est d’élire, d’introniser et de conseiller le roi.
- la structure chargée des affaires courantes (Ishyaame) qui s’apparente à un gouvernement ;
- le conseil national (Ibaanc) qui se tient sur la Grand-Place de la capitale et auquel tout le monde peut participer ;
- et enfin le conseil (Mbok Ilaam) qui se tient dans l’enceinte de la cour royale et qui n’est pas accessible au grand public.
L’organisation se perfectionne par la suite sous une forme plus centralisée autour du roi.
Le roi accède au trône après avoir été élu, malgré le caractère héréditaire de la succession au sein de la famille royale. Le nouveau roi n’accède au trône qu’après le décès naturel ou provoqué du précédent. La succession se fait par ailleurs selon le système matrilinéaire : le pouvoir passe au fils de la sœur du roi, en tenant compte de l’âge et de la moralité du candidat. La reine mère joue aussi un rôle important dans la gestion des affaires du royaume.
Le système judiciaire intervient à deux niveaux de prise de décision : au niveau local et au niveau de la capitale. Le roi n’intervient qu’en dernier ressort. Le roi Shyaam transforme le système judiciaire en introduisant les jurys, composés de délégués des parties en conflit.
5.3. Économie et art
Le tissage est une activité tellement connue dans cet espace bantu que le terme kuba finit par désigner les populations de ce royaume. Vers les XVIIIe et XIXe siècles, les Bushong sont appelés du nom commun « tisserands » (bakuba) par les populations voisines. Ils sont experts en tissage d’étoffes, de tapis, de nattes. Les tapisseries ornées de dessins shoowa, les sculptures aux décors géométriques variés, les masques et les statuaires (représentation des rois appelés ndop), contribuent également à la célébrité de la culture kuba.
Les arts kuba jouissent d’une telle réputation que les œuvres des Bushoong sont connues sur toute la côte, dans le Bas-Kasaï et jusqu’à Luba. Certaines pièces (tissus en velours, sculptures) sont même collectées et vendues par les antiquaires européens depuis 1890. Elles sont exposées dans le salon d’honneur de l’exposition de Bruxelles à Tervuren en 1897.
L’un des réseaux commerciaux du royaume Kuba est l’Angola, ce qui suscite l’intérêt des Portugais installés dans cette région depuis le XVIe siècle. Ceux-ci tentent à plusieurs reprises de nouer des liens commerciaux directs avec eux pour éviter de recourir à des intermédiaires tels que les Kongo, les Tshokwe, les Pende et les Imbangala de Kasanje.
6 ¦ Le royaume luba (XVIe – XIXe siècle)
6.1. Contexte historique
L’identité luba remonte au VIIIe siècle après J.-C., lorsque des travailleurs du cuivre forment des villages autour du lac Kisale, tandis que des agriculteurs s’implantent sur les hauts plateaux très fertiles. Ces communautés villageoises se structurent en entités politiques dans un paysage constitué de savane et de lambeaux de forêts comme en témoignent les insignes du pouvoir, dont des haches de parade retrouvées dans des tombes du IXe siècle. La richesse alimentaire des cours d’eau et des lacs de la dépression de l’Upemba permet aux communautés humaines d’y maintenir un niveau de vie élevé pendant plusieurs siècles.
Des chefferies se développent sur place et sont à l’origine des groupes culturels à la base du royaume Luba. Ces formations vivent d’échanges commerciaux et matrimoniaux. Des signes monétaires (comme les croix de cuivre) apparaissent à cette époque.
Les traditions orales divergent quant à la fondation, au début du XVIe siècle, du royaume Luba. Pour les uns, le fondateur serait Kongolo (chef des Kalundwe) pour les autres, ce serait Kalala Ilunga. Originaire de l’est vers les lacs Moero et Tanganyka, ce dernier serait à l’origine de l’introduction de nouvelles techniques, comme l’art de la forge.
Au XVIIe siècle des troubles apparaissent dans la région en raison, d’une part de sécheresses et de famines qui entrainent des vagues migratoires plus ou moins importantes, et, d’autre part, des guerres de succession dans les chefferies du royaume. L’empire Luba serait né au XVIIIe siècle des conquêtes des territoires kanyok au nord-ouest et des migrations des leaders luba vers les rives de la rivière Lubilash. D’autres États font également partie de ce grand ensemble : Kayumba, Mulongo, Butumba, etc.
Son expansion s’arrête avec la montée en puissance des Songye. La tradition rapporte qu’ils vainquent le roi Kadilo et s’imposent dans toute la région, influençant même la succession chez les Luba.
La présence de commerçants arabes contribue également à la déstabilisation du royaume. Ces derniers mènent en effet des razzias et des campagnes militaires à Mulongo, et participent à la guerre fratricide qui sévit dans la région.
L’empire commence à s’effriter en raison des guerres de succession. L’espace luba est divisé en deux grands ensembles, l’un dirigé par Kasongo Kumwimba, l’autre par Kasongo Nyembo. La guerre engagée vers 1886 par ces deux hommes aboutit à l’exil de Kasongo Nyembo. Il fait alors appel aux troupes de l’État Indépendant du Congo pour recouvrer son trône, au prix d’un pouvoir politique réduit. Cette scission politique entraîne une division du territoire en deux chefferies : celle de Kumwimba au nord-est, et celle de Nyembo au sud-ouest.
6.2. Organisation politique et sociale
L’État est organisé comme une pyramide de pyramides, avec des relations de parenté très complexes. Le roi ou Mulopwe est au sommet et n’appartient à aucun clan ou lignage pour montrer qu’il est au-dessus de la mêlée et du combat politique. L’empire est gouverné depuis la capitale. Au XIXe siècle, la cour royale est installée à Kabongo.
Le roi, qui porte les regalia, symboles du pouvoir, gouverne avec le soutien de l’association des Bambudye qui exercent un contrôle religieux et séculier sur le roi lui-même et sur le pays. Ses membres sont chargés de maintenir les traditions orales. Il y a également un conseil de notables (tshidie) et une cour de justice (tshihangu). Si la société est patrilinéaire, la reine mère (ndalamba) y joue un rôle rituel.
Les principaux fonctionnaires sont
- le premier ministre (twite),
- le chargé des insignes royaux et des rites (nabanza),
- le premier juge (lukunga),
- le chef de l’armée (mwana mwilamba) et
- le gardien de la tradition et des lois (mwine lundu)
L’armée n’est pas permanente. L’administration du territoire est entre les mains de gouverneurs (bilolo), qui sont des notables, chefs de guerre ou d’entités administratives, et des dignitaires de la cour à la tête des entités administratives (kibwindji). Ils sont choisis dans les familles régnantes par les habitants et confirmés (ou parfois imposés) par le roi.
L’armée n’est pas permanente. L’administration du territoire est entre les mains de gouverneurs (bilolo), qui sont des notables, chefs de guerre ou d’entités administratives, et des dignitaires de la cour à la tête des entités administratives (kibwindji). Ils sont choisis dans les familles régnantes par les habitants et confirmés (ou parfois imposés) par le roi.
Les villages sont organisés sur le même modèle que celui de la capitale. Les liens de clans et de lignées cimentent les relations au niveau des villages.
Le modèle politique Luba sera adopté par l’empire Lunda situé au sud.
6.3. Économie
L’économie de la région repose sur le commerce : les régions lacustres foisonnent de poissons et la savane est riche en gibier. Les échanges sont alimentés par les gisements de sel, de fer et de cuivre. Un réseau routier relie les différentes régions de cet espace. Les perles et les croix en cuivre servent de monnaie aux Luba.
7 ¦ L’espace Lunda (Xe (?) – XIXe siècle)
7.1. Contexte historique
Au Xe siècle, des chefferies de pêcheurs et d’agriculteurs s’installent dans la région des savanes du sud autour des vallées du Haut Lualaba, au sud de la dépression de l’Upemba. Ces différents groupes, qui comptent des Ruund, des Lozi, des Ndembo, des Luena et des Imbangala s’allient sous un même système politique à l’origine de l’entité Lunda qui signifie « amitié ». La tradition rapporte que le chasseur Tshibinda Ilunga fonde ce royaume, introduisant le modèle Luba chez les Lunda. Il épouse une princesse locale, prend le contrôle du royaume, et crée une dynastie.
Mais les bases de l’empire sont posées sous le règne de Mwant Yav qui étend les frontières jusqu’au bassin supérieur du Zambèze au sud, et jusqu’au bassin du Kasaï au nord-ouest. Son nom devient un titre dynastique. Toutefois, c’est son successeur, Naweej, qui organise véritablement l’empire. Il commerce avec les Européens de la côte atlantique, les Portugais du Mozambique et les Arabes de la côte indienne en leur livrant des esclaves et des produits divers.
Lors de son apogée, l’Empire Lunda s’étend jusqu’au bassin du Zambèze au sud, jusqu’au lac Moero à l’est et le long de la rivière Kwango, chez les Yaka à l’ouest. L’expansion répond à une volonté de contrôler le commerce des esclaves avec la colonie portugaise d’Angola.
Plusieurs entités se forment dans l’espace lunda dont le royaume de Kazembe et le royaume Yeke. Kazembe, un général du Mwant Yav, tisse des liens de coopération avec les colonies portugaises de la côte indienne. Entre 1790 et 1830, les échanges commerciaux avec les villes de Sena et Tete, permettent au Kazembe d’acquérir une certaine autonomie vis-à-vis du Mwat Yav installé à Musumba.
Le Royaume Yeke a été créé par M’Siri, venu de l’actuelle Tanzanie. Ce dernier contrôle, depuis sa capitale Bunkenya, les réseaux commerciaux du sud-est katangais. Ce royaume s’impose entre 1870 et 1886 grâce au commerce du cuivre, de l’ivoire et des esclaves. Le roi est assassiné en 1891 par Bodson, un officier belge au service de l’État indépendant du Congo, car il représente un obstacle à la conquête coloniale.
7.2. Organisation politique et sociale
Le Mwant Yav, qui est à la tête du royaume, règne sur un espace très vaste. Il est élu par quatre grands dignitaires de la cour, qui représentent les maîtres de la terre (tubung) s’occupant de l’administration du territoire. Les gouverneurs, qui disposent d’une certaine autonomie de gestion, sont nommés par le Mwat Yamv auquel ils versent un tribut. L’armée est dirigée par un chef militaire (kalala) qui commande l’avant-garde, et un commandant en chef (swan mulopwe).
Le Mwant Yav contrôle un réseau dense d’agglomérations comme Kazembe, Musumba, Casanje, Ishindi, Musokantanda, Shinje, Kanongesh… qui rassemblent des populations hétérogènes qui finissent par s’identifier au groupe originel Ruund. L’expansion Lunda favorise l’unité culturelle, mais elle est aussi à l’origine de ravages et de concentrations de populations denses dans certaines zones.
8 ¦ Résumé
Plusieurs structures politiques existent en Afrique centrale, bien avant la colonisation.
- Le royaume Kongo, fondé au XIVe siècle, est sans doute le plus célèbre de la région. Très tôt, le royaume est en contact avec l’Europe grâce au commerce. Lorsque les Portugais arrivent au XVe siècle, des échanges culturels, et religieux vont avoir lieu. Les rois du Kongo vont devenir chrétiens, et certains notables seront envoyés en Europe. Toutefois, avec la traite négrière qui s’intensifie, les relations entre le royaume Kongo et les Portugais vont se détériorer. Le Kongo doit fournir des esclaves. Plusieurs révoltes vont avoir lieu, jusqu’à l’extinction du royaume au XIXe siècle.
- L‘espace Téké est enclavé dans les terres, et son origine remonte au XVe siècle. Ils se situent au nord du fleuve Kongo, pas loin du royaume du même nom. Au XVIIe siècle, une expansion vers le sud va avoir lieu. Ils servent d’intermédiaires lors de la traite négrière. Au XVIIIe, ils perdent le contrôle des mines de cuivre qui passe aux mains du royaume Kongo. Avec la fin de la traite négrière au XIXe siècle, les Téké se concentrent sur le commerce de l’ivoire. En 1880, le roi Iloo collabore avec la France, et signe un traité qui marque le déclin du royaume.
- Le royaume Kuba, situé entre la rivière Sankuru et la rivière Luluwa a produit un artisanat resté très célèbre. Son origine remonterait au VI siècle. Au XVIIe siècle, les structures sociopolitiques du royaume se perfectionnent, ainsi que les cultures. Au XVIIIe, et XIXe siècle, le royaume connait son apogée grâce au commerce avec le Portugal (par l’intermédiaire de la colonie de l’Angola). Des guerres civiles au XXe siècle vont fragiliser le royaume qui va être soumis à l’État Indépendant du Congo.
- Le royaume Luba remonte au XVIe siècle. Plusieurs chefferies se développent et commercent ensemble. Au XVIIe siècle, le royaume Luba connait plusieurs difficultés à cause de sécheresses, et de famines. Au XVIIIe siècle, le royaume s’agrandit et atteint son expansion maximale. Les commerçants arabes vont déstabiliser le royaume, ainsi que des guerres de succession. En 1886, Kasongo Nyembo accepte de prêter allégeance à l’État indépendant du Congo afin de retrouver son trône, au prix d’un pouvoir politique très réduit.
- L’espace Lunda remonte au Xe siècle avec des chefferies de pêcheurs et d’agriculteurs installés dans le Haut Lualaba. Les Lunda vont commercer avec les Européens basés sur la côte atlantique, et avec les Arabes basés sur la côte orientale. Ils leur livrent principalement des esclaves. Le royaume va s’agrandir tout en voyant apparaitre des royaumes distincts sur son espace, comme le royaume de Kazembé au XVIIIe siècle et le Garenganze de M’Siri au XIXe siècle.
Les anciens États de l’Afrique occidentale
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- de situer dans le temps et dans l’espace l’Empire du Ghana, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace l’Empire du Mali, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace l’Empire Songhay, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume du Dahomey, et ses principales caractéristiques.
2 ¦ Introduction
Quand on étudie l’histoire de l’Afrique, on est frappé par l’originalité des civilisations enracinées dans les traditions culturelles. Si certaines ont disparu, d’autres se sont construites sur la base des anciennes civilisations et se sont complexifiées en intégrant de nouveaux apports, savoirs, connaissances et savoir-faire.
Les sociétés africaines ont toujours connu des transformations et des mutations sociales, économiques, idéologiques et culturelles. Elles sont en effet plurielles, dynamiques et complexes tant les réalités sont nombreuses et diversifiées sur ce continent : institutions politiques, systèmes économiques définissant la production et la circulation des techniques, des produits et des matières premières, systèmes de croyances variés, représentations artistiques et artisanales originales.
Toutes les régions du continent n’ont pas connu une même évolution. C’est ainsi que l’Afrique a accueilli diverses formations étatiques dont celles du delta du Nil où se sont développées, de la fin du quatrième millénaire avant J.-C. au Ve siècle après J.-C., les royaumes d’Égypte pharaonique, de Nubie et d’Aksoum. Ces régions correspondent actuellement aux pays nommés Égypte, Soudan et Sud-Soudan, Érythrée et Éthiopie.
Dans le reste de l’Afrique, si les États sont apparus plus tardivement, avec l’apparition de chefferies entre les IIIe et IXe siècles après J.-C., qui évoluent ensuite en royaumes et empires, il est utile de remarquer que certains territoires ne sont constitués que de sociétés lignagères dans lesquelles le pouvoir appartient exclusivement au chef de lignage.
Le processus de formation des sociétés et des États africains s’appuient sur des ressources locales : populations denses, environnements agricoles productifs, échanges entre communautés locales et sur des ressources extérieures : communications diverses interrégionales amenant au développement du commerce et à l’avènement des échanges de longue distance. Mais elle est aussi dépendante du développement de l’islam et de l’action de dirigeants aux modes de pouvoir variés qui jonglent parfois avec les ressources culturelles et les idéologies pour faire pencher la balance politique vers telle ou telle forme de gouvernance étatique.
3 ¦ Particularités de l’Afrique de l’ouest
Malgré un climat désertique et tropical sec, la région de l’Afrique de l’Ouest comporte des zones de peuplement denses dans les bassins des fleuves Sénégal et Niger, et du lac Tchad, où les terres sont propices à l’agriculture et à l’élevage. Des institutions politiques élaborées s’y sont construites, sans influence externe, grâce aux échanges commerciaux et aux revenus tirés de l’exploitation des richesses minières qu’on y trouve.
La recherche de l’or et des esclaves par les marchands musulmans, arabes, berbères et juifs à partir du VIIe siècle favorise la prospérité tout autant que la fragilité de cette région qui perd souvent le monopole commercial de l’extraction de l’or et du sel, ainsi que les revenus des plantations, au profit des Arabo-Berbères, des courtiers commerçants intermédiaires et des souverains locaux.
Quatre États, dont l’histoire s’entrecroise, illustrent l’évolution politique de l’Afrique occidentale : le Ghana, le Mali, le Songhay et le royaume côtier de Dahomey. Ils se succèdent du IVe au XVIe siècle et se renforcent suite aux luttes contre les peuples nomades qu’ils souhaitent intégrer politiquement et économiquement. Ces empires, essentiellement sédentarisés, sont situés dans les boucles des fleuves Sénégal et Niger favorables à la pêche, l’agriculture et l’élevage. Cette sédentarisation fait en sorte que l’agriculture devient une ressource précieuse pour les pouvoirs politiques en place.
4 ¦ L’empire du Ghana (IV-XIe siècle)
4.1. Contexte historique
Le Ghana, fondé par les Sarakolés (ou Soninkés) au IIIe ou IVe siècle, est le premier empire de l’Afrique occidental. Il s’élargit au VIIe siècle sous la dynastie Maghan. Couvrant initialement le territoire d’Aouker, il s’est élargi sous le règne de Kaya Maghan au VIIe siècle au Bakoumou, au Wadagou, au Ka’arta, à tous les petits royaumes de l’ouest, ainsi qu’aux chefferies berbères d’Aoudaghost et Walata. La politique expansionniste et la puissance militaire du Ghana assurent son hégémonie sur la région. Le royaume connait son apogée au Xe siècle. Il regroupe alors tous les territoires situés entre les boucles des fleuves Sénégal et Niger.
Fragilisé par les conflits de succession, le Ghana est envahi en 1076 par les Almoravides musulmans. La chute de l’Empire favorise l’implantation de l’Islam, et contraint les populations à se convertir ou à s’exiler ce que vont faire les Sarakollés, les Mandés et les Peuls. Libérés du pouvoir central, les royaumes périphériques reprennent leur indépendance tandis que l’Empire du Mali succède à celui du Ghana.
4.2. L’organisation politique et sociale
L’Empereur ou Kaya-Magha, au pouvoir absolu de droit divin, dirige l’État avec le concours du Conseil Impérial et du gouvernement, ainsi que des représentants et des rois vassaux dans les provinces. La transmission du pouvoir se faisait selon le principe de la matrilinéarité : un neveu en lignée maternelle succède ainsi au Kaya-Magha. Le Conseil Impérial est constitué de grands personnages (comme le confident du roi, le Premier ministre, les ministres, les anciens). Le Ghana est divisé en provinces dirigées par des vassaux ou des représentants personnels du Kaya-Magha. Les provinces payent un impôt ou un tribut, en nature ou en or.
Pour assurer les conquêtes de l’Empire et sa défense contre les envahisseurs, les rois disposent d’une armée composée de troupes d’élite (les guerriers Soubas), de casseurs de villages (les Ka-Goros) et de cavaliers (les Maga-Sis). Ces derniers appartiennent à une classe noble de hauts fonctionnaires qui possèdent des esclaves, captifs de guerre. Les peuples du Ghana sont organisés en familles dont les ancêtres communs forment des clans, eux-mêmes constitués en tribus. Les activités politiques ont donné lieu à des classes de nobles, de seigneurs et de marchands exploitant tant les hommes libres que les esclaves.
4.3. L’économie
La population ghanéenne s’adonne principalement au travail du fer, à l’élevage et à l’agriculture. On cultive des céréales dans les vallées fluviales (mil, riz, blé dur), des palmiers dattiers au Sahel, ou encore du sorgho, des haricots, du coton, de l’igname, du henné, des légumes, du cola et du riz africain. Les souverains possèdent des terres agricoles qu’ils font exploiter par des esclaves. L’élevage est également varié et florissant : bœufs, moutons, chèvres, chameaux, chevaux. De par sa position de carrefour, l’Empire du Ghana est un centre d’échanges de marchandises entre l’Afrique du Nord, d’où proviennent tissus, cuivre, argent, dattes, figues, barres de sel en provenance du Sahara, et les pays du Sud qui apportent plumes rares, ivoire, esclaves, gomme arabique, bétail, céréales et or. Les marchés attirent les marchands venus de toute l’Afrique occidentale et du Maghreb. La ville de Djenné devient ainsi un grand centre commercial dès 800 après J.-C. Le transport des marchandises est assuré par des chameaux et des ânes. Le Kaya-Magha tire des revenus substantiels du commerce grâce aux impôts. Les artisans travaillent principalement dans les villes comme orfèvres, forgerons, tisserands, travailleurs du cuir, maçons ou menuisiers. Les mines d’or se situent dans les régions de Bouré et Falemé sur le territoire des Mandingues.
4.4. Les croyances
Farouchement opposée à l’Islam, la population ghanéenne reste fidèle aux croyances locales dont le culte était assuré par le Kaya-Magha. Les musulmans vivent quant à eux à l’écart, dans leurs propres quartiers. Ils ont cependant apporté beaucoup d’innovations urbaines, vestimentaires et artisanales.
5 ¦ L’Empire du Mali (XIe –XVe siècle)
5.1. Contexte historique
La région du Mandingue (ou Manden), qui était divisée en trois provinces dirigées par des clans malinkés est le berceau de l’empire du Mali. Vers 1050, le clan des Keita Konaté se convertit à l’islam et l’emportant sur les autres clans, refuse la soumission à l’empire du Ghana voisin. À la fin du XIIe siècle, le père de Soundjata Keita règne sur le Mandingue. Il cherche à s’allier avec les royaumes voisins afin de s’opposer aux nomades venant du Sahara pour capturer des esclaves. Au XIIIe siècle au nord, Sumaoro Kanté, roi du Sosso conquiert les petits royaumes voisins et constitue une armée très disciplinée. Voulant contrôler les mines d’or, il attaque le Mandingue. En difficulté devant les attaques de Sumaoro Kante, les Malinkés font appel à Soundjata Keita qui devient roi. Lors de son intronisation en 1232, il proclame la charte du Manden. Soundjata organise une armée avec l’aide des Mandingues et des guerriers malinkés et entreprend la guerre contre le roi du Sosso. Après plusieurs batailles, Soundjata Keita vainc l’armée de Soumaoro Kanté en 1235 à Kirina puis conquiert tous les royaumes de la région qu’il unifie pour former l’Empire du Mali.
En quelques années, Soundjata Keita s’assure la possession du Ghana et des royaumes voisins, créant l’empire Mali qui s’étend de l’Océan à la zone d’inondation du Niger. Proclamé Mansa Mussa (ou Maghan), c’est-à-dire « Roi des Rois » ou « Empereur ». La capitale Niani a été fondée à cette époque, c’est une ville riche en or et en fer probablement située sur le site de Niani sur le Sankarini (en Guinée). Si presque tous les empereurs du Mali sont musulmans, ce n’est pas le cas de Soundjata Keita, qui perpétue la tradition mandingue sous son règne, de 1230 à 1255. Après sa mort, ses successeurs poursuivent la formation territoriale de l’empire tout en renouant avec l’Islam.
L’Empire du Mali connait son apogée sous Kankan Moussa « le Navigateur » (1312-1337), qui reçut une éducation arabo-musulmane. Sur le plan politique, Kankan Moussa règne sur un immense empire qui s’étend de l’Atlantique à Tadmekka, et du Sahara à la zone forestière au sud. Son armée est puissante mais il entretient des relations pacifiques avec tous les Etats musulmans d’Afrique du Nord. C’est l’un des hommes les plus riches de son temps.
La mort de Kankan Moussa en 1337 marque le début des luttes de succession et le déclin de l’Empire du Mali. Son fils et successeur, Maghan Ier, ne peut contenir l’invasion et le pillage de Tombouctou et du delta du Niger par les Mossis de Yatenga en 1337. Puis, sous le règne de Souleymane et malgré le renforcement des liens avec les pays voisins, dont le Maroc, les successeurs suivants échouent à contrôler un Empire ruiné dont le peuple est accablé d’impôts. Les provinces éloignées reprennent leur indépendance et l’Empire du Songhay remplace celui du Mali.
5.2. L’organisation politique et sociale
Le Mansa (à l’exception de Soundjata Keita,) empereur de droit divin, tient compte à la fois des coutumes ancestrales et des préceptes de l’Islam. Il dispose d’une garde de trois cents guerriers armés de lances et de flèches. Les périodes de succession au pouvoir sont marquées par des conflits armés entre les factions. En effet, l’Islam encourage le fils aîné à succéder à son père tandis que la coutume privilégie le frère cadet de l’Empereur. La famille royale, ainsi que les courtisans, les otages envoyés par les rois vassaux, les officiers supérieurs de l’armée et les griots, vivent dans le palais royal construit sur le modèle des palais arabes, à Niani, capitale de l’Empire.
Le Mansa, qui incarne le pouvoir, est chargé des affaires intérieures et extérieures de l’empire. Ses décisions sont soumises au Conseil Impérial composé des Anciens, du cadi (juge), du prédicateur, du chef des griots, et de dignitaires civils et militaires. Les actes impériaux sont rédigés en arabe et envoyés dans toutes les provinces pour exécution. Le gouvernement est composé du Premier ministre et des ministres chargés de secteurs particuliers (trésor, justice, péages, armée, affaires étrangères, etc.). Le Mansa nomme des représentants provinciaux qui contrôlent la vie politique des provinces. Chacun d’entre eux dispose d’une cour, d’un conseil, de secrétaires, d’une garde personnelle et d’une armée. Les rois vassaux, quant à eux, gouvernent leur royaume selon leurs propres coutumes, et leurs enfants sont élevés à la cour impériale.
Les Maliens sont jugés selon leur appartenance religieuse : selon la loi islamique s’ils sont musulmans, ou selon les coutumes locales s’ils ne sont pas musulmans. Le juge, dépendant directement de l’Empereur, est assisté par un conseil de lettrés et d’Anciens. L’Empereur et ses représentants veillent à ce que la justice soit rendue convenablement.
Les sujets de l’Empire du Mali sont divisés en classes :
- L’aristocratie, à savoir les familles alliées à Soundjata Keita (les Condé, Koroma, Traoré et Camara), est composée des grands dignitaires, de commerçants et de lettrés. Elle seule peut accéder à la fonction civile et militaire.
- Les hommes libres, appartenant aux clans libres du Mandingue et les sociétés de chasseurs, pas d’origine mandingue, mais qui ont joué un grand rôle dans la conquête militaire de l’empire.
- Les marabouts, appartenant à l’une des 5 familles gardiennes de la foi, sont associés au pouvoir. Ils sont respectés et jouissent de nombreux avantages.
- Les eunuques (hommes castrés) et les griots occupent souvent des fonctions importantes au sein de la cour. Les griots, qui sont à la fois musiciens, poètes, philosophes et historiens, sont les archives vivantes des Empereurs.
- Les esclaves, soumis aux travaux forcés par les dignitaires de l’Empire ou vendus aux commerçants arabo-berbères pour alimenter le trafic d’esclaves en Asie.
La musique occupe une place importante, tant dans la cour impériale que dans l’ensemble de la société malienne.
5.3. L’économie
L’économie est basée sur l’agriculture (céréales, ignames, fruits et karité pour la production d’huile), ainsi que sur les richesses du sous-sol (sel, cuivre, or, fer). De nouvelles cultures, notamment de coton, sont développées dans la ville de Balandugu. Les régions de Buré et du Bambuk sont quant à elles exploitées pour leurs mines d’or, principale richesse du Mali et produit de prestige.
Dans les centres urbains, le commerce est entre les mains des marchands mandingues et sarakolés. Ils échangent leurs produits contre ceux des Arabes et des Berbères (cauris, sel, cuivre, or, cotonnades) et contribuent ainsi à répandre la civilisation de l’Empire dans les régions du Sud, le pays Haussa et le Bornu.
Les Mandingues, qui livrent leurs produits dans la région du Sahel par chameaux, ânes et porteurs parcourent les routes bien entretenues et parsemées de baobabs qui protègent les voyageurs du soleil et dont le tronc conserve l’eau potable pour étancher la soif. En ouvrant à partir de 1325 le pays aux commerçants arabo-berbères, Mansa Kankan Moussa, transforme des villes comme Gao, Tombuctu, Djenné et Niani en grands centres commerciaux pour les marchands ayant traversé le Sahara.
5.4. Les croyances
L’Islam est la religion officielle de l’Empire du Mali. Elle est principalement pratiquée par l’aristocratie politique et marchande. L’islamisation s’ancre surtout dans les centres urbains, les pratiques ancestrales sont encore bien présentes à l’intérieur de l’Empire.
Sur le plan religieux, Kankan Moussa et d’autres pèlerins mandingues prônent un Islam orthodoxe. Son admiration pour la culture islamique le pousse à aligner son empire sur le monde arabe, notamment au niveau des lettres et de la religion, avec la construction de mosquées-écoles dans toutes les grandes agglomérations. Par ailleurs des religieux étrangers propagent pacifiquement la religion musulmane dans le pays, renforçant le brassage des populations tandis que des Blancs maghrébins s’installent notamment à Niani en épousant des princesses locales.
6 ¦ L’empire Songhay (XV-XVIe siècle)
6.1. Contexte historique
Le Royaume Songhay, fondé autour de la boucle du Niger vers le VIe siècle après J.C., se développe à partir du XIe siècle, grâce aux contacts avec les Arabo-Berbères. L’indépendance du Royaume Songhay intervient suite aux troubles de succession provoqués par la mort de Kankan Moussa en 1337 au Mali. Profitant de la faiblesse du Mali, le Songhay se lance à la conquête de régions importantes. De la seconde moitié du XVe siècle à la fin du XVIe siècle, l’Afrique de l’Ouest est dominée par l’Empire Songhay, un État centralisé s’étendant du Tchad à l’est jusqu’à l’embouchure du fleuve Sénégal à l’ouest dont le prince Ali Konen en est le fondateur (1464-1492). Il s’empare du pouvoir et conquiert avec sa redoutable armée les villes de Djenné et Tombouctou en 1464. Il se fera appeler « Soni Ali Ber ou Soni Ali le Grand» par la population. D’abord « Dâli » (maître de la magie songhay), Soni Ali Ber se convertit à l’Islam sans en suivre pour autant tous les préceptes. Il est considéré comme l’un des plus grands généraux de l’histoire africaine. Son armée est composée de fantassins et de cavaliers, ainsi que d’une flottille de guerre le long du Niger. Les soldats sont des volontaires, des étrangers, et même des prisonniers de guerre des pays voisins (Mossis, Daribas et Touaregs).
Bakara Baa succède à son père Soni Ali Ber en 1493. S’éloignant de l’Islam, il est dépossédé du pouvoir la même année par Mamadu Touré de la dynastie Hombori, d’origine Soninké, qui prend le nom d’Askia Mohammed, fondant ainsi la dynastie des Askia (qui régna jusqu’à 1592). Il échoue néanmoins à imposer l’Islam aux populations du Mossi, repousse les Touaregs dans l’Aïr et s’empare d’Agadès. Sous son règne l’Empire englobe les provinces septentrionales de l’Empire du Mali, et touchait le Royaume du Bornu à l’est, le Tekrur à l’ouest, et le Sibiridugu (Ségou) au sud-ouest.
La richesse de l’Empire du Songhay suscite la convoitise de son voisin marocain, le souverain El-Mansour, qui se lance à la conquête du Songhay. La défaite de Tondibi en 1591 marque la fin de l’Empire Songhay qui passe alors sous la domination du Royaume du Maroc. D’autres entités politiques en profitent pour se développer suite au vide laissé par l’empire du Songhay. Parmi ceux-ci, le royaume bambara, composé d’adeptes de la religion traditionnelle va s’affirmer.
6.2. L’organisation sociale et politique
Bien organisé sous le règne de Soni Ali Ber qui établit un pouvoir centralisé, l’Empire est agrandi par les Askia successifs. Askia Mohammed, qui a le pouvoir suprême, règne selon les préceptes du Coran et les coutumes. Il porte les insignes de Khalife reçus à la Mecque, ainsi qu’un tambour et des drapeaux. Le gouvernement est composé de dignitaires, de griots, de jurisconsultes et de ministres. L’empire est divisé en provinces, dirigées par des gouverneurs. Les grandes villes frontalières ont une administration propre. Tant au niveau central qu’au niveau provincial, la justice est rendue par un cadi (juge) dont les sentences sont sans appel.
À Gao, les propriétaires les plus importants sont issus de la famille des Askia, tandis que l’aristocratie politique et religieuse rassemble des hauts fonctionnaires, des lettrés et des cadres musulmans. Les plantations, qui appartiennent au domaine royal sont exploitées par des fonctionnaires. Elles donnent du travail à une grande masse d’esclaves. Ces derniers travaillent sous l’autorité d’un chef, le « fanfa » (ou « fanafi »). Il y a dans l’empire deux sortes d’esclaves : les esclaves familiaux, attachés à une famille dont les descendants font partie de leurs biens, et les esclaves capturés lors des campagnes militaires.
6.3. L’économie
Les terres autour du fleuve Niger ont permis l’implantation de cultures variées et abondantes qui ont favorisé les échanges commerciaux, assurant ainsi la prospérité de la région et le contrôle des zones minières et agricoles. De plus, l’Empire compte des mines d’or ainsi que les salines de Teghaza, importantes sources de richesse à l’époque.
L’économie est basée sur l’élevage, l’agriculture céréalière, la chasse et la pêche qui favorisent un commerce dynamique et contribuent au développement des villes de l’Empire. On cultive des céréales (sorgho, mil et blé réservé à une certaine classe sociale) et des légumes (courge, navet, ail, aubergine, chou, haricot, oignon et tubercules) dans cet empire dont les souverains sont les plus grands propriétaires terriens. Par contre, ce sont surtout les communautés juives qui s’occupent du maraîchage au sud de Tombuctu et vendent les récoltes à des négociants.
Le commerce est un enjeu politique déterminant pour asseoir l’hégémonie des souverains songhays. De par leur position géographique, les villes de Djenné et Tombuctu représentent des pôles importants rayonnant dans tout le Maghreb et le bassin méditerranéen. Tombuctu est située sur les grandes pistes empruntées par les caravanes chargées de tissus, d’armes, de bijoux, de dattes et de livres qui sont échangés contre du cuivre, des esclaves, de l’or et du sel.
6.4. Les croyances
L’Islam est solidement implanté dans les villes, où les marabouts, lettrés et juges sont très respectés.
7 ¦ Le royaume du Dahomey (XVe – XIXe siècle)
7.1. Contexte historique
Les États situés entre les savanes soudanaises et l’Océan Atlantique ont été fondés par les Fons vers le XVe siècle. Les rois de cette région, surnommée « Côte des esclaves » par les Européens, ont vu leur influence et leur pouvoir renforcés grâce au commerce des esclaves lors de la traite atlantique.
Le Royaume de Dan Homey (transformé en Dahomey par les Européens) est un État côtier qui s’est développé dans un paysage forestier. Au XVIIe siècle, le roi Uegbadja fonde la cité Abomey, annexe les petites chefferies de la région et règne sur un territoire acquis par des alliances, des guerres et la ruse. Il promulgue des lois, nomme des ministres et développe l‘administration, la religion et la culture politique qui caractérise le Dahomey. Le Royaume s’agrandit sous le règne d’Agadja (1707-1732) avec l’annexion de plusieurs petits États (Allada, Ouidah, Djekin) qui lui donnent accès à l’océan. Grâce à sa position ouverte sur l’Atlantique, le Royaume peut alors contrôler le commerce des esclaves avec les comptoirs européens. Les Européens installés sur la côte (notamment à Ouidah, Dékin et Porto Novo) soutiennent certains chefs.
Le Royaume connait son apogée sous le règne du roi Ghezo Kokulo, « le Coq » (1818-1858) qui renforce les institutions politiques et économiques du Royaume, modernise l’armée en la dotant d’armes à feu, et étendit le Royaume à tout le pays fon. Son armée de 16 000 soldats et 15 000 amazones soumet les révoltés savés, mahis et adjas, et envahit les Yoroubas pour y capturer des esclaves. En 1858, le Royaume s’étend de la rivière Mini à l’ouest, au pays Yorouba à l’est, et des pays Mahi et Ana au nord, à l’océan atlantique au sud.
Le Dahomey résiste à l’hégémonie colonialiste européenne dans cette région côtière jusqu’en 1887. Les souverains font échouer la tentative portugaise d’imposer un protectorat dans ce royaume entre 1885-1887. Les autorités de cet État refusent de reconnaître les droits de protectorat français au royaume de Porto Novo. Sous le roi Béhanzin (1889-1894) une guerre éclate contre ce protectorat français. Les affrontements cessent par la signature d’un traité de paix à Ouidah. En 1892, la guerre reprend, mais le roi Béhanzin doit capituler en 1894. Arrêté et exilé en Martinique, il plaidera la cause de son royaume jusqu’à sa mort.
7.2. L’organisation politique et sociale
Le Roi est choisi dans la famille des fondateurs du Royaume. Avant de régner, il doit effectuer une retraite de 3 mois à Porto Novo pour se livrer à la méditation sur la chose publique et recevoir une initiation politique. Il est ensuite consacré au temple d’Aholuhokhunon. La mort du Roi n’est annoncée qu’au bout de 3 mois, ouvrant la compétition de la succession aux princes (les princesses étaient exclues).
Le Roi règne avec ses ministres. Certains postes de ministres sont héréditaires. Le Premier ministre est appelé Migan, et le gouverneur des provinces est le Mehou. D’autres ministres, qui occupent des secteurs divers, résident dans leurs provinces et ont à leur service de nombreux esclaves (lari) et des hommes libres (anato).
Sur le plan social, il existe des inégalités criantes entre les princes et les nobles d’un côté, et les hommes libres d’autre part. Viennent ensuite les nombreux esclaves, victimes des guerres, qui pour la plupart sont livrés aux courtiers esclavagistes. Ceux qui restent sur place sont soumis aux travaux de diverses natures.
7.3. L’économie
Dans le domaine économique, le roi Ghezo Kokulo apporte une véritable révolution avec sa politique agricole. Roi éclairé, il introduit la culture de plantes nouvelles dans tout le pays comme le manioc, la banane, l’arachide, le néré et le tabac qui permettent de résoudre les problèmes de pénurie alimentaire.
S’appuyant sur une main-d’œuvre d’esclaves, il élargit également les plantations royales de palmiers et de cocotiers faisant en sorte que ses propres domaines servent d’exemple pour les cultures et que l’huile de palme produite alimente le commerce très prolifique avec l’Angleterre. Néanmoins, le commerce des esclaves entraîne une fragilité économique, puisque certaines régions du Royaume (et des pays voisins) se retrouvent ruinées et privées de leurs habitants.
7.4. Les croyances
Le culte du Vodun (Vodu), qui s’articule autour d’un clergé et de temples dispersés dans tout le pays, vise à apaiser ou à attirer les faveurs du Vodu, esprit présent à tout moment dans la vie des hommes qui peut aussi bien faire du mal que soutenir ses fidèles. Les peuples fons du Dahomey croient à l’immortalité de l’âme et à la vie dans l’au-delà. Ils croient aussi à l’Être suprême et à une multitude de divinités ou d’esprits. Les croyances religieuses ont favorisé la création artistique (représentations de divinités, objets de culte, statuettes politiques en bois ou en fer, bijoux et colliers en cuivre ou argent, portraits royaux…). Le clergé, composé de prêtres et de prêtresses, est bien organisé. Les principales divinités sont Maou et Lissa (la lune et le soleil), Hévioso (le tonnerre), Dan (la fécondité) et Ogun (les forgerons). Typiquement africain et pratiqué par les esclaves de Dahomey, le culte de Vodu est apporté et développé par l’entremise des esclaves dans diverses parties de l’Amérique.
8 ¦ Résumé
- L’Empire du Ghana (IVe – XIe siècle) est le premier grand empire d’Afrique occidentale. Il s’élargit au cours du temps en annexant des petits royaumes. Le Ghana connait son apogée au Xe siècle, avant d’être envahi en 1076 par les Almoravides qui vont contraindre les populations à se convertir à l’Islam ou à s’exiler.
- L‘Empire du Mali (XIe – XVe siècle) succède à l’Empire du Ghana. Vers 1050, le clan Keita se convertir à l’Islam et refuse de se soumettre au Ghana. Des affrontements vont avoir lieu avec le royaume du Sosso jusqu’à la prise de pouvoir de Soundjata Keita en 1232 qui va battre le Sosso. En quelques années, Soundjata va prendre possession de tous les territoires autour du sien, et véritablement fonder l’Empire du Mali. L’Islam va s’implanter chez les élites après la mort de Soudjata Keita. L’Empire va connaitre son apogée sous Kankan Moussa (1312-1337). A sa mort, des luttes de succession vont affaiblir le royaume qui va petit à petit s’effondrer.
- L‘Empire Songhay (XVe – XVIe siècle) remonte au VIe siècle, mais va se développer par la suite. Profitant de la faiblesse du Mali suite à la mort de Kankan Moussa en 1337, le Songhay va partir à la conquête de régions importantes. Sonni Ali Ber (1464-492) s’empare du pouvoir et va conquérir des villes importantes comme Djenné et Tombouctou. Il est considéré comme le fondateur de l’Empire Songhay. L’Empire Songhay est très riche et le Royaume du Maroc, voisin, va se lancer à sa conquête. En 1591, c’est la fin de l’Empire Songhay.
- Le royaume du Dahomey (XVe – XIXe siècle) est un État côtier qui va profiter de la traite négrière transatlantique pour s’enrichir considérablement. Le royaume connait son apogée au XIXe siècle. Le roi Ghezo Kokulo (1818 – 1858) va moderniser son armée et l’équiper d’armes à feu. L’armée redoutable du Dahomey permet de maintenir la paix dans ses frontières. Le royaume va résister à la colonisation européenne pendant des années, avant de capituler définitivement en 1894.
Les migrations anciennes
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- d’expliquer et de situer les migrations bantoues
- d’expliquer et de situer les migrations des Oubanguiens
- d’expliquer les différents mouvements migratoires en Afrique à partir du XVIIIe siècle, et leurs causes
2 ¦ Introduction
L’être humain occupe depuis très longtemps l’espace de l’actuel Congo, territoire de 2,3 millions de km carrés qui est le seul pays d’Afrique installé sur deux fuseaux horaires. Les traces les plus anciennes de la présence humaine révèlent la présence de communautés de chasseurs-pêcheurs-cueilleurs aux époques préhistoriques, comme en témoignent les pierres taillées et les nombreuses œuvres gravées ou peintes découvertes dans plusieurs régions grâce à l’archéologie. Au cours de ces périodes, les hominidés se sont déplacés d’un endroit à un autre de l’Afrique. Ces mouvements migratoires sont liés aux changements climatiques et de végétation qui se succédèrent sur le continent africain. Pour reconstruire l’histoire des espaces de ces temps anciens et des populations qui les ont occupés, on a recours à l’archéologie et à l’étude des langues. L’archéologie identifie, grâce aux témoins matériels, les cultures qui y sont associées et tente de corréler ces éléments aux langues.
La comparaison des langues permet de regrouper celles-ci en familles, de déterminer comment elles divergent au sein de chaque famille, et d’identifier leurs régions d’origine. Il existe quatre grandes familles de langue sur le continent africain : Niger-Congo, Afro-asiatique, Nilo-saharienne et Khoisane. Ces grandes familles comprennent des sous-groupes, subdivisés en sous-branches. Elles nous renseignent sur l’histoire du continent. On a ainsi pu esquisser, pour l’Afrique, les mouvements de populations humaines en observant la façon dont les langues se sont diffusées à travers le continent. S’ajoute à cela un long processus de différenciation des parlers donnant lieu à diverses langues dont sont issues les langues parlées actuellement. On retrouve au Congo les langues appartenant à la famille Niger-Congo, notamment des langues du sous-groupe Bénoué Congo, du sous-groupe Bantu et du sous-groupe Oubanguien ainsi que des langues de la famille nilo-saharienne, du sous-groupe africain central et des sous-groupes Soudanique centrale et Nilotique.
3 ¦ Les migrations bantoues
Le vocable bantu est un concept linguistique qui signifie « homme » dans différentes langues d’Afrique subsaharienne. Le groupe des langues bantoues appartient aux Niger-Congo, l’une des quatre grandes familles de langues parlées actuellement en Afrique.
Le phénomène bantu doit être compris comme une migration, une expansion, une diffusion des langues, des cultures, des savoirs de groupes d’individus par vagues migratoires. Compte tenu de l’importance de son aire d’expansion, qui couvre presque les 3/4 de l’Afrique subsaharienne, le phénomène des migrations bantoues, qui aurait débuté il y a environ 4000 ans avant J.-C., est l’un des plus complexes et des plus exceptionnels.
Le foyer originel des langues bantoues se trouve dans la région des Grassfields, au sud de la Bénoué, à la frontière du Cameroun et du Nigéria. Les migrations bantoues ont bouleversé les modes de vie au sein des espaces et des populations, amenant au fil du temps l’évolution des traditions, le développement de la production alimentaire, la diffusion des techniques céramiques et métallurgiques, la propagation des différentes cultures, le développement du commerce ou l’émergence d’autres pratiques environnementales.
3.1. Les itinéraires suivis par les Bantous pour atteindre l’Afrique centrale
Les communautés de migrants bantous venus peupler le territoire actuel du Congo ont suivi deux itinéraires différents : une première vague migre vers l’ouest et forme le groupe dit « Bantou occidental » et une autre emprunte la voie orientale pour former le groupe dit « Bantou oriental ».
- Les Bantous occidentaux ont suivi trois directions :
- un premier groupe aurait longé la côte atlantique pour s’y installer.
Les deux autres mouvements migratoires ont été encouragés par un changement climatique survenu entre 2000 et 600 avant J.-C. qui favorise la migration et la sédentarisation des populations bantoues occidentales vers le centre du bassin du Congo, faisant reculer la forêt en faveur du développement de la savane sur un espace couvrant la région du Pool Malebo et du bassin de la rivière Sangha.
- un deuxième groupe aurait traversé la forêt tropicale vers les rivières Ubangi et Sangha.
Ces communautés, qui produisent des céramiques connues sous le nom d’Imbonga (400 avant J.-C.) forment des villages près de Mbandaka, sur la rivière Momboyo et autour du lac Tumba. Cette colonisation progressive entraîne de multiples interactions et mélanges avec les précédents habitants déjà installés, à savoir les pêcheurs-cueilleurs non-bantous.
- un troisième groupe aurait traversé le fleuve Congo au niveau du Pool Malebo.
L’éclaircissement de la savane favorise l’implantation de groupes de populations dans le Pool Malebo et jusque dans les régions du Kongo Central et du Kwango. Les premières traces de villages sont avérées dans la province du Kongo Central grâce aux céramiques de type Ngovo (200 avant J.-C.) qu’on y a trouvées.
2. Les Bantous orientaux ont suivi deux itinéraires :
- Un groupe a longé la lisière nord de la forêt équatoriale jusqu’à la partie orientale de l’Afrique. Ils se sont d’abord déplacés dans la région des Grands Lacs.
La durée très longue pendant laquelle se constitue ce peuplement donna lieu à une culture originale en constante expansion dans des espaces où le paysage offre un développement harmonieux. La réussite de ces installations se traduit par une croissance démographique remarquable, qui fait de cette région l’une des plus densément peuplées du Congo. La présence de ces Bantous orientaux dans cette région est avérée grâce aux poteries de type Urewe (600 avant J.-C.). Au XVIe siècle après J.-C. et durant plusieurs siècles, des populations bantoues, qui occupaient la région de l’Ouganda, s’introduisent au Congo et s’installent dans les provinces de la Tshopo, du Maniema, et du nord et sud Kivu sous la pression des Nilotiques. Ces mouvements prennent la forme à la fois de multiples déplacements de petits groupes en quête de zones à défricher et de pâturages, et de grignotage progressif des terres disponibles
- Un autre groupe a continué sa migration vers le sud du continent.
Certains atteignent le Congo et s’installent dans la dépression de l’Upemba, sur le fleuve Lualaba (à la source du fleuve Congo). Au Xe siècle, se sont constituées au sein de cet espace des communautés villageoises et des royaumes puissants.
4 ¦ Les migrations des Oubanguiens
Les populations bantoues ne sont pas les seules à migrer vers le territoire de l’actuel RDC. Au sein de la famille Niger-Congo, il existe une sous-branche appelée Oubanguiens.
Une première vague de peuples oubanguiens s’installe dans le bassin du Haut-Ubangi et de l’Uélé, au nord de la RDC. Cette expansion est intervenue entre 4000 à 3500 ans av. J.-C. Cette vague migratoire a eu comme résultat de bouleverser le territoire des populations de langue soudanique déjà établies.
Au Xe siècle après J.-C., des populations oubanguiennes, qui maîtrisent les techniques de production alimentaire, la poterie et la métallurgie du fer, occupent progressivement la frange nord de la forêt équatoriale, le long de l’Ubangi-Mbomou. Ils se dirigent ensuite par vagues migratoires vers le sud-ouest en empruntant les cours d’eau du bassin congolais. Ces migrations se produisent probablement de manière localisée et progressive. On trouve peu de traces matérielles de cette communauté.
Les dernières vagues migratoires de groupes oubanguiens ont lieu entre le XVIe et le XIXe siècle, et s’expliquent en raison surtout des guerres esclavagistes menées par les peuples islamisés du Nord. En effet, après avoir soumis les États chrétiens du Soudan au XIVe siècle, les Arabes musulmans d’Egypte investissent dès le XVe siècle le Darfour et le Kordofan, et chassent les populations Mangbetu, Zandé et Ngbandi qui prennent la direction du sud pour se fixer au nord du Congo. Ces poussées s’exercent par le Kanem-Bornou (Tchad), le Sokoto (Nigéria), le Darfour et le Kordofan (Soudan). Ils affrontent, chassent et absorbent les peuples bantous qui occupent alors cet immense territoire situé entre les deux bras de l’Ubangi : le Mbomu et l’Uélé. Les Bantous de cette région étaient des Baboa, des Ngombe et des Mbuza plus au sud.
Au milieu du XIXe siècle, des migrants venus directement du Tchad et du nord du Nigéria traversent la boucle de l’Ubangi et s’attaquent aux populations Ngbaka et Mbanza établies dans la région. Ils portent le nom générique de Soudanais (puisqu’ils étaient originaires du Soudan géographique).
5 ¦ Les migrations des langues soudaniques centrales
Bien que majoritaire, les populations de la grande famille Niger-Congo ne sont pas les seules à se disperser sur le territoire de l’actuel RDC. Un ensemble de populations de langues nilo-sahariennes se déplace à l’est et au nord de l’Afrique centrale. Son foyer d’origine serait la région comprise entre l’Ethiopie actuelle et le Soudan. La vague migratoire est donc partie de ce foyer pour se répandre de l’est à l’ouest pour atteindre le Congo actuel. Dans cette expansion, il y a des langues soudaniques centrales et des langues nilotiques.
Les migrations des langues soudaniques centrales
Ce groupe de population de langue soudanique centrale est présente dans la frange nord-est de la RDC. C’est dans la région au nord du lac Albert que se trouve son foyer de dispersion. Il est difficile de savoir avec précision quand ces vagues migratoires ont commencé. Certains avancent la date de 4000 ans av. J.-C.
Les populations parlant ces langues soudaniques centrales se répartissent du lac Albert au lac Tchad. Les familles linguistiques qui la composent en RDC sont : Lendu (autour de lac Albert), Moru-Madi (le long de la rivière Uele), Mangbetu (entre l’Uele au nord et le fleuve Congo au sud jusqu’au lac Edouard) et le groupe Sara-Bongo-Bagirmi qu’on retrouve dans les provinces actuelles d’Ubangi.
Les migrations des populations Nilotiques
Parmi les derniers groupes de migrants, il faut noter la présence de populations de langues nilotiques. Elles arrivent du Soudan nilotique en passant par le Bahr El-Ghazal et par l’Ouganda pour occuper le nord-est de la RDC actuelle, plus précisément les régions de l’Ituri-Uélé-Béni. Représentées par les populations Alur et Hema, elles ne bouleversent pas la démographie de la région, car elles sont très marginales dans l’ensemble de la République Démocratique du Congo.
A la chute de l’empire égyptien, la migration des populations s’accentue dans toutes les directions. Les Africains migrent par vagues successives vers l’intérieur du continent. Ils construisent de grands empires dans lesquels la richesse et la justice règnent. En dehors de ces mouvements migratoires bantous, nilotiques et ubanguiens très anciens, on peut aussi noter des vagues migratoires beaucoup plus récentes entre le XVIIIe siècle et le début de la colonisation. Liées à la traite négrière, au commerce arabe ou à la pénétration européenne, elles constituent et sont à l’origine de déplacement des populations à l’intérieur du territoire congolais.
6 ¦ Résumé
- Afin de déterminer les mouvements migratoires en Afrique, l’étude des langues, et l’archéologie donnent de précieux renseignements.
- Les migrations bantoues auraient débuté il y a 4000 ans. C’est un phénomène complexe. Le foyer originel des langues bantoues se situe dans la région des Grassfields. Les migrations bantoues vont bouleverser les cultures et les modes de vie locaux. Des Bantous s’installeront dans l’actuel RDC.
- En plus des Bantous, les Oubangui vont également s’installer dans l’espace actuelle de la RDC. Une première vague a lieu vers – 4000 , une deuxième a lieu au Xe siècle, et les dernières vagues ont lieu entre le XVIe et le XIXe siècle.
- De manière plus minoritaire, des populations de langue nilo-sahariennes vont également s’installer sur le territoire actuel du Congo. Ces populations sont originaires d’une région entre l’Éthiopie et le Soudan.
- Des populations nilotiques vont également s’installer dans le territoire de l’actuel Congo. Elles proviennent du Soudan.
- D’autres mouvements migratoires auront lieu à partir du XVIIIe siècle, à cause des traites négrières, du commerce arabe, ou de la pénétration européenne.
La Préhistoire africaine
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- définir l’Âge de la pierre taillée et ses caractéristiques
- définir l’Âge de la pierre polie et ses caractéristiques
- démontrer en quoi l’Afrique a une place prédominante lors de la Préhistoire
2 ¦ Introduction
L’histoire, c’est l’étude du passé de l’homme à travers des traces écrites, matérielles ou immatérielles.
Apprendre l’histoire de son pays permet de comprendre comment nos ancêtres ont vécu, comment ils se sont organisés et ont travaillé pour améliorer leurs conditions de vie grâce aux progrès des techniques, au développement des sciences et des voies de communication, à l’amélioration des conditions d’habitation et à la généralisation de l’instruction…
L’histoire nous permet de comprendre notre monde actuel, ce qui a précédé, et ainsi de mieux anticiper l’avenir.
3 ¦ L’Âge de la pierre
L’Âge de la pierre taillée est la première période de ce qu’on appelle la Préhistoire. Elle s’étend de plus ou moins 4 000 000 d’années avant J.-C. à 8 000 ans avant J.-C.
Grâce aux ossements et autres vestiges que les archéologues ont trouvé, on sait que la lignée de l’espèce humaine s’est séparée en Afrique, il y a 5 à 7 millions d’années de celle des singes anthropoïdes et qu’il y a 4 millions d’années, l’homme a commencé à marcher debout. Les premiers hominidés sont très différents des êtres humains d’aujourd’hui. Ils sont appelés australopithèques (4 millions d’années à 2 millions d’années). Ils ont évolué pour donner d’abord l’homo habilis (2.3 millions d’années à 1,5 million d’années) que l’on considère comme étant le tout premier humain puis l’homo erectus (1,9 million d’années à 300 000 ans) , puis l’homo sapiens (apparu il y a environ 300 000 ans) dont tous les êtres humains actuels sont les descendants.
C’est donc en Afrique que sont apparus à la fois nos plus lointains ancêtres et les hommes modernes. C’est ce dont témoignent les squelettes d’êtres humains découverts en Tanzanie (dans les gorges d’Olduvaï), au Kenya (garçon de Turkana), en Éthiopie (« Lucy »), en Afrique du Sud (« Little foot ») et au Tchad (« Toumaï »).
Les humains de l’âge de la pierre sont des nomades. Cela veut dire qu’ils se déplacent au fil des saisons à la recherche de nourriture et de points d’eau… Pour chasser et pour pêcher, les hommes de l’âge de la pierre fabriquent des outils et des armes en taillant le bois, la pierre ou les os. Ces outils, servant à leur faciliter le travail, sont de plus en plus sophistiqués comme en témoignent les haches, lames, pointes, flèches, burins, perçoirs, grattoirs, racloirs que les archéologues ont retrouvés. On appelle société de « chasseurs cueilleurs » les sociétés dont le modèle économique se base essentiellement sur l’utilisation des espèces végétales et animales à l’état sauvage. Les êtres humains commencent aussi à échanger leurs produits (« je t’échange ce panier contre 2 poissons … »). C’est ce qu’on appelle le troc.
Vers 7000-6000 ans avant J.-C., l’Afrique est recouverte de savane humide. Avec les désertifications du Sahara et du Kalahari intervenues vers 6000 avant J.-C., certaines communautés de chasseurs cueilleurs se sont sédentarisées et se sont tournées vers la pêche, fondant des villages dans les bassins du Niger, du lac Tchad, du Nil, du Congo et des lacs orientaux. Les plus anciennes traces de la pratique de la pêche se retrouvent le long des cours d’eau depuis le Sahara humide jusqu’en Afrique orientale et australe.
La grande découverte de cette période, c’est le feu. Avec le feu, les hommes peuvent se chauffer, s’éclairer, cuire leur nourriture et éloigner les bêtes sauvages.
Les hommes de la Préhistoire ont parfois laissé des témoignages de leur vie sous forme de dessins. Ils ont peint ou gravé des scènes de chasse ou des portraits d’animaux sur les parois de grottes. Ces grottes servaient parfois de lieu d’abris. Il y a très peu de traces de construction des huttes à ces époques de la Préhistoire.
Petit à petit, les outils en pierre deviennent plus petits et plus spécialisés, les hommes commencent à utiliser des arcs et des flèches. On honore aussi les morts, car on a retrouvé des tombes contenant des squelettes datant de cette époque.
En Afrique centrale, on a découvert deux os couverts de marques qui semblent témoigner d’une pensée mathématique, et datent de 20 000 avant notre ère. Ce sont les bâtons d’Ishango. L’hypothèse d’une pensée mathématique existant depuis aussi longtemps en Afrique est controversée. Mais si elle était avérée, cela signifierait que l’Afrique serait la première région du monde à avoir développé une pensée mathématique.
À la fin de cette période, l’être humain ne taille plus seulement ses outils, mais il les polit pour les rendre plus efficaces, plus tranchants, et surtout il commence à fabriquer des récipients en terre cuite. Le tissage des fibres végétales et le tannage des peaux des animaux permettent de fabriquer des vêtements tandis que la vannerie permet la fabrication des paniers qui servent à transporter des objets ou des aliments.
4. Les débuts de l’élevage, de l’agriculture et les premiers villages
En différentes régions du continent, les populations deviennent progressivement plus sédentaires, commencent à pratiquer l’élevage, l’agriculture et forment des premiers villages. Cette période est appelée l’ère de la pierre polie ou aussi néolithique. Mais un problème se pose pour la périodisation de cette séquence, car ce n’est pas partout en Afrique que se pratique l’élevage, l’agriculture et la formation des premiers villages. Du moins, on constate des transformations importantes chez l’être humain durant cette période. Les familles s’organisent sous la coupe des clans.
Les principaux centres d’élevage se trouvent dans la basse vallée du Nil en Égypte, au Sahara, en Éthiopie et en Afrique orientale.
La domestication des bovins, caprins, porcins, félins et canidés a eu lieu
- vers 2000 avant J.-C. chez les peuples du Sahara, de la corne de l’Afrique et de l’Afrique orientale,
- vers 50 avant J.-C. en Afrique australe.
Les éleveurs ont ainsi succédé aux chasseurs-pêcheurs-cueilleurs. Certains chasseurs cueilleurs semblent avoir pratiqué la protoculture, qui consiste à favoriser certains végétaux.
L’agriculture, qui exige que l’on travaille le sol susceptible d’accueillir les cultures, est née simultanément sur plusieurs continents. Elle s’est développée lorsque l’homme a voulu résoudre les problèmes liés à la rareté et l’insuffisance de la cueillette et du ramassage en domestiquant des plantes de manière sélective et systématique. L’agriculture en Afrique a débuté en Égypte vers 5200 av. J.-C., ainsi qu’au nord du Soudan et au Sahara. Elle s’est développée plus tardivement au Sahel, car les premières traces d’agriculture ne semblent pas remonter avant 2400 avant notre ère. Dans le reste du continent, elle s’est probablement propagée avec les migrations bantoues vers 2000 ans avant notre ère. En Afrique centrale, elle n’est pas apparue avant 500 avant notre ère.
Les hommes de cette époque ont également développé l’arboriculture, cultivant des arbres fruitiers et la sylviculture tirant parti des forêts qui l’entourent (coupe du bois, protection).
Quelques exemples de cultures exploitées dès ces temps anciens :
- Le sorgho est cultivé comme céréale en Nubie et en Libye vers 500 ans avant J.-C.
- Le riz africain (oriza glaberima) est cultivé depuis 500 avant J.-C. dans le delta du fleuve Niger, au nord du Mali.
- Le palmier à huile a été exploité depuis la fin de l’âge de la pierre.
- La banane est probablement attestée au Cameroun vers 700 avant J.-C.
- Le millet a été domestiqué vers 2400 avant J.-C. en Afrique de l’Ouest. On le trouve, dès 1700 avant J.-C. dans la région comprise entre la Mauritanie et le nord du Sénégal.
- L’igname figure parmi les tubercules exploités aux époques préhistoriques en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
- Le mil qui était cultivé au Mali et au Niger fut envoyé tant en Inde en passant par le Yémen (vers 1 500 avant J.-C) qu’en Afrique du Sud en passant par le Cameroun (de 1 500 avant J.C. à 300 après J.C)
- les légumineuses (amarantes, hibiscus) et les arbres fruitiers (prunier africain ou safou, cola, élémier d’Afrique, figuier).
Avec le développement de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, les êtres humains s’installent dans des endroits censés leur apporter protection et nourriture. Ils s’organisent en familles et en tribus, mais aussi en groupes. Ils deviennent sédentaires, créent les premiers villages et voient émerger des chefs de groupe ou de village. La situation de ces villages dépend du climat, du relief, de la végétation sauvage qui s’y trouve et des conditions géographiques telles que la présence de points d’eau, d’une vallée inondée, d’un plateau…
Ils deviennent sédentaires, créent les premiers villages et voient émerger des chefs de groupe ou de village. La situation de ces villages dépend du climat, du relief, de la végétation sauvage qui s’y trouve et des conditions géographiques telles que la présence de points d’eau, d’une vallée inondée, d’un plateau…
La sédentarisation a également engendré des transformations importantes au sein des sociétés humaines, en particulier au niveau des systèmes de filiation avec l’apparition du système matrilinéaire et patrilinéaire.
Le regroupement en villages va faire en sorte que de nouvelles techniques se développent et que de nouveaux métiers voient le jour. C’est ainsi que le tissage et le tannage des peaux d’animaux permet de fabriquer des vêtements, la vannerie de fabriquer des paniers qui servent à transporter les aliments et la poterie, de conserver les aliments (dont les céréales obtenues par la culture), de les cuire et de transporter l’eau. La fabrication de la poterie témoigne de changements dans les pratiques alimentaires. La découverte de la poterie en Afrique remonte à 9500-9000 ans avant J.-C. Les plus anciennes céramiques ont été découvertes dans la région de l’Aïr au Niger, dans les massifs montagneux du Sahara central et méridional, ainsi que dans l’actuelle Libye.
Des outils agricoles pour faciliter l’agriculture tels que les herminettes et les houes apparaissent
Désormais, il y a des agriculteurs, des éleveurs, des potiers dans les communautés … Et comme chaque personne se spécialise dans un métier, l’offre des échanges se diversifie.
5 ¦ L’Âge des métaux
La période suivante à l’âge de la pierre est marquée dans certaines régions par l’apparition du travail du métal, mais surtout par l’invention de l’écriture (vers 3 300 avant J.-C.) en Mésopotamie puis en Égypte (vers 3 000 avant J.-C.). Cette écriture qui a pris, selon les régions, différentes formes (idéogrammes, hiéroglyphes des égyptiens, écriture cunéiforme des Sumériens, écriture grecque…) est, à ses débuts, rudimentaire. En effet, les êtres humains, pour faciliter les échanges et la transmission du savoir, le commerce et la communication, se mettent d’accord pour représenter tel objet par tel signe et tel autre objet par un autre. Il s’agit surtout au début de dessins facilement compréhensibles représentant des objets, des idées, ou des personnes.
La métallurgie (le travail du fer), qui remonte à 1500 ans avant J.-C. chez les Hittites a permis la production d’outils qui ont facilité la pêche et l’agriculture augmentant ainsi les rendements agricoles et la prise de poissons.
Elle permet également la production d’armes de chasse et de guerre ainsi que d’objets d’apparats, de parures ou des objets facilitant les activités quotidiennes. Selon les régions, il y a d’abord eu le travail du cuivre, puis du bronze et enfin celui du fer.
Sur le continent africain, l’origine du travail de réduction du fer est une question épineuse.
Il y a des attestations de la métallurgie du fer le long du Nil, mais aussi :
- au XVIe siècle avant J.-C. dans la région du Niger.
- au IXe siècle avant J.-C. en Afrique centrale et orientale.
- entre les VIIIe et Ve siècles avant J.-C. en Afrique de l’Ouest.
- vers le VIIe siècle avant J.-C. dans la région des Grands Lacs.
Au départ, un seul foyer habité par une famille, la vie en communauté de ces hommes a engendré les villages. Pour garantir l’harmonie, des chefs de village se sont imposés, et leur lignage a gagné en importance dans la société. Leur rôle est de fédérer les énergies, d’écouter et dissiper les conflits entre les membres de la communauté, ainsi que de dompter et contrôler les forces mystiques et de la nature. L’art et les rites religieux qui s’étaient développés ont joué de plus en plus un rôle significatif dans l’organisation politique.
Un autre besoin au sein de ses sociétés a été le développement de divers instruments monétaires destinés à servir dans le cadre des transactions liées au commerce interrégional et que certains produits, comme le fer, le cuivre, l’or, le sel, le raphia, vu la demande et parfois leur rareté, prirent une importance stratégique. Le contrôle des gisements de salines était très important. En Afrique centrale, le cuivre a été utilisé comme instrument monétaire de même que le raphia. Contrôler les gisements, les circuits de production et de circulation donnaient une importance au village ou la chefferie qui en était le possesseur.
Des lignages et des clans se spécialisent dans certaines activités avec l’apparition des nouveaux métiers : forgeron, potier, sculpteur, tisserand, charpentier, éleveur-agriculteur… Tout cela favorise les échanges et les liens entre villages à travers les relations commerciales, mais également par le biais des mariages et des échanges de marchandises et de savoir-faire créant ainsi une hiérarchisation de la société dans certaines régions.
La complexification des systèmes sociaux, due au développement démographique et à l’intensification du commerce sur de vastes régions, entraîna la mise en place d’entités politiques au-dessus des simples regroupements de villages et surtout la mise sur pied d’un système de sécurisation des biens et des personnes sous la bannière d’une entité politique plus ou moins centralisée.
6 ¦ Résumé
- L’Âge de la pierre taillée (- 4 000 000 ; – 8000) est la première période de la Préhistoire. C’est durant cette période que l‘être humain apparaît en Afrique. Durant cet âge, les humains sont d’abord nomades. Ce sont des chasseurs-pêcheurs-cueilleurs. Les êtres humains confectionnent des outils et des armes pour leur faciliter le travail. C’est durant cette période que le feu est apprivoisé.
- L’Âge de la pierre polie (- 8000 ; – 3300) est la seconde période de la Préhistoire. Les outils sont perfectionnés et polis pour les rendre plus efficaces. L’être humain domestique les animaux, et invente donc l’élevage. Les connaissances sur les végétaux se développent, et l’agriculture apparait. L’être humain devient sédentaire ou semi-nomade. De nouvelles techniques se développent, et de nouveaux métiers apparaissent comme le tannage, ou la poterie. L’alimentation se diversifie et les communautés humaines s’agrandissent.
- La fin de l’Âge de la pierre polie voit l’apparition du travail du métal, mais également l’invention de l’écriture en Asie (Mésopotamie), et en Afrique (Égypte) vers – 3000. La métallurgie permet de perfectionner armes et outils. Les systèmes sociaux se complexifient à cause de la sédentarisation, et de l’augmentation de la population. Des hiérarchies se créent, et la monnaie est inventée pour faciliter les transactions commerciales.
Béhanzin
Ruganzu II Ndoli (1510-1543)
Bibliographie module 3 colonisation et indépendances
Nzinga
Les anciens États d’Afrique occidentale
L’indépendance du Congo
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Démontrer que dès le début de la colonisation, le mouvement vers l’indépendance s’est enclenché.
- Citer les différentes formes de contestation coloniale avant la Seconde Guerre mondiale.
- Expliquer pourquoi le colonisateur belge a organisé l’indépendance du Congo dans la précipitation.
2 ¦ Introduction
Le Congo, colonisé par Léopold II en 1885, puis par la Belgique en 1908 va connaitre son indépendance en 1960. Dés le début de la colonisation, il existe plusieurs formes de résistances. Ces mouvements de résistance, au Congo, prennent le plus souvent la forme de mouvements messianiques qui suscitent des troubles. Jusque dans les années 1950, il n’y a pas d’organisations politique qui structurent les mouvements de contestation dans la voie d’une émancipation politique. La Belgique se convainc que les Congolais sont incapables de gérer le pays seuls, et met tout en œuvre pour retarder l’inévitable. En 1958, il ne fait plus aucun doute quant à la volonté des Congolais de prendre en main leur destin loin de l’oppression coloniale. Dès lors, l’indépendance sera organisée dans la précipitation par la Belgique.
3 ¦ Troubles et résistances avant la Seconde Guerre mondiale
L’indépendance proclamée du Congo en 1960 est l’aboutissement de multiples processus sociaux, culturels, religieux et politiques qui remontent loin dans le passé.
L’annexion du Congo par la Belgique en 1908 n’a pas fait disparaitre la violence, le racisme, et les mouvements de résistance à la colonisation. La résistance va, au contraire, s’amplifier à la suite de la Première Guerre mondiale pendant laquelle les Congolais ont été lourdement mis à contribution en fournissant des matières premières aux alliés, dans les conditions épouvantables du travail forcé. Des Congolais vont également participer à des campagnes militaires contre les colonies allemandes.
Dès 1921, dans la région du Bas-Congo, où la présence coloniale est très marquée, Simon Kimbangu se présente comme un prophète venu pour libérer les peuples du Congo et la race noire du monde entier. Il déclare : « j’étais envoyé pour libérer les peuples du Congo et la Race noire du Monde. L’Homme noir deviendra blanc et l’Homme blanc deviendra Noir. » Ses prédications ont du succès, et il commence à être suivi par de nombreuses personnes. Kimbangu représente une menace pour le pouvoir colonial qui l’arrête et le condamne à mort. Toutefois, la sentence est commuée en détention à perpétuité. La relégation du Prophète et de ses disciples à travers le Congo, loin de leurs terres natales, contribue paradoxalement à multiplier le nombre de ses disciples.
En 1921, le deuxième Congrès panafricain, d’inspiration anticolonialiste choisit de se réunir à Bruxelles sous la direction du Noir américain W.E.B. Du Bois. Le choix de la Belgique n’est pas anodin. Il fait suite aux critiques d’avant-guerre contre le régime brutal de Léopold II. Paul Panda Farnana (1888-1930), agronome congolais formé en Belgique, y prend une part active ainsi que Paul Otlet (1868 – 1944), Belge anticolonialiste. Farnana est l’un des rares Congolais à avoir participé à la Première Guerre mondiale au sein de l’armée belge, dans une section congolaise. Farnana se voit en porte-parole du Congo belge à Bruxelles, et tente de sensibiliser les politiques et le grand public à la cause congolaise, en publiant de nombreux articles dans la presse, ainsi que des livres.
En 1927, Bruxelles est de nouveau choisie pour accueillir le « Congrès international contre l’oppression coloniale et l’impérialisme » organisé par les communistes européens. Les représentants de ce congrès soutiennent Simon Kimbangu. Pour la première fois, des Africains et des Européens se retrouvent ensemble pour condamner la colonisation.
Le monde paysan congolais, connu pour ses manœuvres en vue d’échapper aux contrôles permanents de l’administration, entre à son tour sur la scène. Écrasés par des impôts incessants et trop lourds, soumis à un rythme de travail épuisant pour la production de l’huile de palme dans les plantations des Huileries du Congo belge, les paysans du Kwango se soulèvent en 1931. L’évènement est connu comme « la révolte des Pende ». L’insurrection sera matée brutalement par le pouvoir colonial et fera au minimum 500 morts. Cette révolte alimentera la mémoire collective et servira de référence à d’autres insurrections.
Tout au long de la colonisation, les populations se révoltent de manière sporadique. Il faudra attendre les années 1950, pour qu’une organisation politique vienne structurer les mouvements.
4 ¦ Seconde Guerre mondiale et révoltes populaires
La Seconde Guerre mondiale est un moment d’accélération dans la décolonisation. La Belgique est occupée par l’Allemagne nazie et le gouvernement belge s’est réfugié à Londres. Le Congo va être soumis à une lourde pression afin de participer à l’effort de guerre. Des soldats vont être envoyé en Éthiopie, en Birmanie, à Madagascar. Le travail forcé qui n’avait pas disparu est amplifié afin de fournir les alliés en matières premières. L’uranium qui va servir aux bombes atomiques lâchées sur Hiroshima et Nagasaki provient des mines du Katanga. Les mauvaises conditions vont entrainer des mouvements de révolte, des grèves et des insurrections paysannes. Toutes seront matées violemment par le pouvoir colonial. Parmi les principaux mouvements sociaux, on peut relever la grève générale des travailleurs de l’UMHK (Union Minière du Haut-Katanga), la plus grande entreprise coloniale, à Jadotville (Likasi), et à Élisabethville (Lubumbashi) en 1941 ; la mutinerie de Luluabourg (Kananga) en 1944 et la grève des dockers du port de Matadi en 1945-1946.
5 ¦ Le contexte socio-économique de l’après-guerre
Le radicalisme du peuple, durant la Seconde Guerre mondiale, tranche avec la modération des revendications exprimées par les « évolués », selon la terminologie coloniale. Il s’agit de petits fonctionnaires que le colonisateur prend plaisir à opposer aux « sauvages de la brousse ». Les « évolués » souhaitent surtout une amélioration de leur propre statut. Le colonisateur refuse de faire participer les Congolais au pouvoir, même dans les échelons les plus bas. Et devant la demande des « évolués » d’une plus grande participation, les Belges décident alors de renforcer l’influence de la chefferie. Frustrés, les évolués vont se politiser et se radicaliser dans les années 1950.
Le radicalisme du peuple, durant la Seconde Guerre mondiale, tranche avec la modération des revendications exprimées par les « évolués », selon la terminologie coloniale. Il s’agit de petits fonctionnaires que le colonisateur prend plaisir à opposer aux « sauvages de la brousse ». Les « évolués » souhaitent surtout une amélioration de leur propre statut. Le colonisateur refuse de faire participer les Congolais au pouvoir, même dans les échelons les plus bas. Et devant la demande des « évolués » d’une plus grande participation, les Belges décident alors de renforcer l’influence de la chefferie. Frustrés, les évolués vont se politiser et se radicaliser dans les années 1950.
Les conditions de vie des Congolais sont assez mauvaises. Devant la pression de l’ONU, et afin de suivre le mouvement initié par les autres colonisateurs, la Belgique développe un Plan décennal (1949-1959) afin d’améliorer les conditions de vie des Congolais. Le plan va provoquer une forte croissance, et va consolider l’infrastructure économique de la colonie, toutefois il n’est pas parvenu à remédier aux déséquilibres et à la vulnérabilité de l’économie congolaise. Le pays est toujours obligé d’importer des denrées alimentaires jusqu’à l’indépendance, et au-delà. Le coût des réformes est élevé, car en dehors de la croissance économique, rien n’a jamais vraiment été entrepris pour le bien-être des populations. De plus, ce cout élevé des réformes sera supporté par le Congo seul, laissant les économies de la colonie dans un mauvais état au moment de l’indépendance.
Les conditions de vie des Congolais sont assez mauvaises. Devant la pression de l’ONU, et afin de suivre le mouvement initié par les autres colonisateurs, la Belgique développe un Plan décennal (1949-1959) afin d’améliorer les conditions de vie des Congolais. Le plan va provoquer une forte croissance, et va consolider l’infrastructure économique de la colonie, toutefois il n’est pas parvenu à remédier aux déséquilibres et à la vulnérabilité de l’économie congolaise. Le pays est toujours obligé d’importer des denrées alimentaires jusqu’à l’indépendance, et au-delà. Le coût des réformes est élevé, car en dehors de la croissance économique, rien n’a jamais vraiment été entrepris pour le bien-être des populations. De plus, ce cout élevé des réformes sera supporté par le Congo seul, laissant les économies de la colonie dans un mauvais état au moment de l’indépendance.
À partir de 1955, on assiste à une accélération du processus d’indépendance. Les liens traditionnels entre l’État, l’Église et les entreprises privées commencent à se défaire pour de multiples raisons, propres au contexte belge, et international. Le contexte économique et social se détériore à partir de 1957, en particulier à cause d’une forte croissance démographique, et à l’augmentation de l’exode rural. De plus, le contexte africain et les indépendances comme celle du Ghana en 1957 commencent à produire leur effet dans la colonie belge. Toutefois la Belgique refuse toujours de voir l’évidence. Des Congolais vont commencer à prendre position, et un auteur comme Paul Lomami Tshibamba est obligé de s’exiler à Brazzaville pour publier son roman qui est une critique de la colonisation.
6 ¦ L’accélération de l’histoire
Au Congo, le mouvement d’indépendance s’accélère. L’influence de l‘Église kimbanguiste s’étend de plus en plus. Dans les années 1950, son message est plus politique et elle possède des possibilités d’action élargies. En 1956, alors que les mouvements d’indépendance s’accélèrent dans les colonies britanniques et française, Jef Van Bilsen va publier, dans une revue catholique belge, une proposition de plan d’émancipation de 30 ans pour le Congo. Ce plan va connaitre un retentissement en Belgique, et au Congo. Il entraine la stupeur dans les milieux coloniaux, et suscite différentes réactions parmi les Congolais. Cette idée d’émancipation, formulée par un Belge, est accueillie favorablement, mais le délai parait trop important.
Suite à la publication du plan, la revue Conscience Africaine publie un manifeste qui est favorable sur le principe au plan de Van Bilsen. Le manifeste estime que l’avenir du Congo réside dans « la synthèse de notre caractère et de notre tempérament africain avec les richesses foncières de la civilisation occidentale ». Toutefois, l’Abako (Association des Bakongo) publie un contre-manifeste dans lequel elle se montre intransigeante, et ne veut pas attendre 30 années de plus pour obtenir l’indépendance. À ces mouvements chrétiens, vient s’ajouter un mouvement plus radical : le MNC (Mouvement national congolais) fondé par Patrice Lumumba en 1958. Rare parti congolais à avoir une base nationale. La plupart des formations ont une assise régionale. Lumumba déclare : « L’indépendance que nous réclamons ne doit pas être considérée par la Belgique comme un cadeau qu’elle nous ferait. Il s’agit de la jouissance d’un droit que le peuple congolais avait perdu. » De nombreux autres partis politiques vont apparaitre.
7 ¦ Le 4 janvier 1959, événement fondateur
Le 4 janvier 1959, des émeutes éclatent à Léopoldville (Kinshasa) suite à l’interdiction d’un meeting de l’Abako. Elle entraineront trois jours de pillages qui feront officiellement 42 morts et 250 blessés parmi les Congolais. Des grèves et des insurrections éclatent partout. De plus en plus de Congolais refusent de payer l’impôt. Des leaders congolais comme Kasavubu et Lumumba sont arrêtés.
La Belgique ne sait pas quoi faire face à cette accélération de l’histoire. L’africanisation des cadres de l’armée et de l’administration a seulement commencé. La Belgique ne veut pas recourir à la force pour rétablir l’ordre dans sa colonie. Les exemples français avec l’Algérie notamment ne l’incitent pas à aller dans cette voie. Elle doit dialoguer avec les Congolais.
8 ¦ Les Tables rondes de Bruxelles
Après réflexion, la Belgique décide d’organiser deux conférences avec les représentants congolais afin de mettre en œuvre l’indépendance du Congo. Les Belges ne préparent pas beaucoup ces réunions, car ils misent sur les faibles connaissances politiques des Congolais, et sur les divisions entre Congolais.
A. La Table ronde politique (20 janvier – 20 février 1960)
La Table ronde politique réunit des représentants belges et congolais. Les Congolais font bloc en créant un front commun et demandent la libération de Patrice Lumumba. Cette réunion constitue l’étape décisive du transfert de la souveraineté aux Congolais par le pouvoir colonial belge. C’est là que l’on fixe la date du 30 juin 1960 comme jour de l’indépendance totale du Congo. On élabore également les structures du futur État, maintenu dans ses frontières de 1885.
La Belgique va essayer de maintenir son influence. Elle propose le roi Baudouin comme nouveau chef de l’État, ce qui sera refusé, puis propose de garder certaines compétences, ce qui sera aussi refusé. Se rendant compte que cette démarche ne porte pas ses fruits, les autorités belges vont alors décider de s’appuyer sur certains politiques congolais favorables à leurs intérêts afin de pouvoir continuer à dicter leur volonté après l’indépendance.
B. La Table ronde économique, financière et sociale (26 avril – 16 mai 1960)
La Table ronde économique, financière et sociale ne connait pas la même affluence, les principaux leaders ayant regagné précipitamment le Congo en vue de préparer les élections. La discussion de ces dossiers cruciaux est confiée à des conseillers congolais, pour la plupart des étudiants vivant en Belgique, sous l’influence des politiciens, financiers et experts belges. Les négociations n’aboutissent pas et la question centrale du système économique est reportée à plus tard.
9 ¦ L’indépendance du 30 juin 1960
Les élections organisées dans un climat de fièvre politique consacrent la victoire du MNC, et Lumumba devient Premier ministre. Il doit former le nouveau Gouvernement. Lumumba va détenir l’essentiel du pouvoir exécutif. Joseph Kasa-Vubu devient, lui, président de la République du Congo, dans un rôle plus effacé.
Le 30 juin 1960, au Palais de la Nation à Léopoldville, en présence du roi Baudouin, et du président Joseph Kasa-Vubu, l’indépendance du Congo est enfin proclamée. Au cours de cette cérémonie, le roi Baudouin et le président Joseph Kasa-Vubu lisent les discours prévus au programme du jour et vantent les mérites de la colonisation belge. De manière inattendue et à la surprise générale, le premier ministre Patrice Lumumba lit un discours qu’il avait secrètement préparé et qui dresse un bilan critique du système colonial. Lumumba apparait de plus en plus aux yeux des Belges, et des Occidentaux comme un danger pour leurs intérêts.
Le jour de l’indépendance, de grands défilés hauts en couleur sont organisés partout, jusque dans les moindres villages. Partout, les Congolais célèbrent l’indépendance au rythme de la chanson ‘Indépendance cha cha’ du chanteur Joseph Kabasele, qui avait suivi à Bruxelles les travaux de la Table ronde politique, accompagné de son orchestre ‘African Jazz’.
Alors que la transition du pouvoir s’effectue de manière pacifique, les lendemains de l’indépendance vont entrainer le pays dans une guerre civile (mutinerie de la Force publique, sécession du Katanga, et du Kasaï, assassinats politiques).
10 ¦ Résumé
Tandis que l’Afrique est partout secouée par les soubresauts de l’indépendance, le gouvernement belge qui n’a ni envisagé ni planifié l’émancipation politique de sa colonie, sous forme d’un régime de transition, est surpris par les émeutes du 4 janvier 1959 dans la capitale. Celles-ci sonnent le glas de la colonisation belge.
L’indépendance du pays est prononcée le 30 juin 1960, avec un parterre d’invités dont la délégation belge conduite par le roi des belges et les officiels Congolais. Cette indépendance est le fruit d’un long processus à la fois culturel, social, religieux, politique et économique. Elle est très bien accueillie par de nombreux Congolais qui espéraient qu’une ère nouvelle de bonheur, de paix et de développement va commencer.
Cependant, miné par les actions subversives des anciens colonisateurs et par les convoitises et les menées souterraines des grandes puissances, le Congo indépendant devient un espace géostratégique où vont se jouer les luttes entre blocs idéologiques dans le contexte de la guerre froide.
La décolonisation de l’Afrique
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Expliquer les facteurs favorables à la décolonisation des Etats africains.
- Discuter des différentes décolonisations selon les régions africaines.
- Expliquer ce qu’est le panafricanisme, et l’intérêt qu’il comporte toujours de nos jours.
- Expliquer la particularité du nationalisme en Afrique.
- Démontrer que la décolonisation n’est pas un cadeau fait par les colonisateurs, mais un long combat des Africaines, et des Africains.
2 ¦ Introduction
La décolonisation désigne le processus de changement multiforme par lequel le peuple d’un pays colonisé use de tous les moyens pour se débarrasser de la domination et de l’exploitation étrangères. Cette émancipation résulte, selon le cas, de la violence (émeutes, insurrections, lutte armée, guerre de libération) ou de méthodes non violentes mobilisées par des partis politiques ou des mouvements sociaux.
Au XXe siècle, la décolonisation va commencer en Asie après la Seconde Guerre mondiale, et va gagner l’ensemble du continent africain. Elle est le fait des femmes et des hommes qui ont résisté et milité pour obtenir leur indépendance. Des facteurs internes et externes permettent de comprendre cet évènement important du XXe siècle.
3 ¦ Les facteurs favorables à la libération des peuples africains
3.1. Les peuples africains et le « nationalisme »
Dès le XIXe siècle, les peuples africains ont fait preuve de résistance face à la colonisation européenne. Des résistances, et des révoltes armées voient le jour durant toute la période coloniale, et dans toute l’Afrique. Des résistances « passives » comme le fait de ne pas respecter les règles imposées par le colonisateur, de fuir le travail forcé, de perpétuer les coutumes anciennes malgré leur interdiction sont aussi présentes durant toute la période coloniale. Elles sont l’œuvre des anciennes élites qui ont perdu leur pouvoir à cause de la colonisation, ou des peuples de manière générale qui ne supportent pas la domination européenne.
Toutefois, ces résistances, et ces révoltes ne sont pas organisées à grande échelle, mais se situent à des niveaux locaux, et rarement au même moment. Il faut attendre la Seconde Guerre mondiale, et les années 1950, pour qu’une organisation politique « nationaliste » vienne véritablement structurer les résistances et les révoltes en Afrique. La conscience nationale n’existe pas avant cette période (et même parfois encore après l’indépendance), car les frontières des colonies ne tiennent pas compte, à de rares exceptions, des structures politiques préexistantes.
La formation scolaire va entrainer l’apparition d’une classe d’intellectuels qui n’hésitera pas à retourner contre les colonisateurs les acquis intellectuels et idéologiques qu’ils leur ont fournis, surtout dans les années 1950. Ce sera principalement le cas dans les colonies britanniques, puis françaises et néerlandaises. Les Belges et les Portugais, eux, limiteront au maximum le développement d’un enseignement (secondaire et supérieur) afin de ne pas être confrontés, pensent-ils, à ces problèmes. Ces intellectuels qui se trouvent en Afrique et en Europe créent des partis politiques, des syndicats, et des associations culturelles. À Paris, par exemple, une diaspora d’étudiants africains, proches de la gauche politiquement (ensemble des groupes, et partis favorables à l’application maximale des réformes démocratiques, politiques, sociales, et à la solidarité internationale), édite des revues, des journaux, et élabore le concept de négritude. Toutefois, lors de l’apparition de partis, et des journaux. Le pouvoir colonial réagit par la répression, et par l’arrestation des leaders.
3.2. Le panafricanisme
Le panafricanisme est courant de pensée et un mouvement dont le premier congrès se tient en 1900 à Londres lors d’une conférence organisée par le Noir américain William E. B. Du Bois. À l’origine le mouvement entend défendre la « race africaine » aussi bien en Afrique que dans le reste du monde. Par la suite, il militera pour la création d’une unité africaine aussi bien politiquement qu’économiquement.
On distingue habituellement deux grandes périodes du panafricanisme. De 1900 aux années 1945, et de 1945 à 1963. La première période est surtout le fait de Noirs de la diaspora et principalement des États-Unis. Le mouvement va toucher les Africains à partir de 1920, mais surtout dans les colonies britanniques, car certains, dont Kwame Nkrumah (futur leader du Ghana indépendant), vont étudier aux États-Unis, et en Grande-Bretagne et répandent les idées sur le continent africain. Dans les colonies belges, et portugaises, avant la Seconde Guerre mondiale, les colonisés n’ont pas le doit de circuler en dehors des colonies. Dès lors les idées panafricanistes ne se diffusent pas. Dans les colonies françaises, le mouvement sera également limité malgré une plus grande mobilité vers la métropole. Avant la Seconde Guerre mondiale, le mouvement ne parle pas d’indépendance africaine, mais lutte contre les discriminations raciales (notamment aux États-Unis), prône l’amélioration des conditions de vie, et le de développement intellectuel des Noirs du monde entier. La Première Guerre mondiale change la donne. Une partie du mouvement reste attaché aux premiers principes comme Du Bois, mais deux nouveaux courants apparaissent : un, animé par le Jamaïquain Marcus Grey préconise le retour à la « mère patrie » africaine pour les Noirs, l’autre, représenté par George Padmore, est très influencé par le communisme. Toutefois, le courant panafricaniste dominant reste modéré. Le mouvement agit comme un groupe de pression auprès des partis politiques, et des gouvernements.
La deuxième période, à partir de 1945, commence avec le Congrès panafricain de Manchester. Le mouvement panafricaniste revendique l’autonomie et l’indépendance pour les Africains. Kwame Nkrumah et George Padmore prennent la tête du mouvement. Le panafricanisme ne s’intéresse plus aux seuls Noirs, mais devient un projet politique intégrant l’ensemble du continent africain. Pour Nkrumah, l’unité de toute l’Afrique est nécessaire économiquement, et politiquement. Économiquement, l’Afrique serait plus forte avec une prise de décision à l’échelle du continent, ce qui permettrait d’éviter les concurrences néfastes et profiterait à toutes les régions du continent. Politiquement, cela permettrait d’éviter au moment des indépendances, un néo-colonialisme et la main mise des puissances étrangères sur les pays nouvellement indépendants. Toutefois, la vision de Nkrumah n’est pas partagée par l’ensemble du mouvement, et des Africains.
Les colonisateurs, eux, sont hostiles au panafricanisme, car il peut créer une lutte commune anticoloniale, et affaiblirait la mainmise de ces pays sur les anciennes colonies lors de leur indépendance. La France, notamment, met la pression sur les dirigeants africains comme Houphouët-Boigny pour ne pas rejoindre le mouvement. Senghor, lui, cultivera le panafricanisme sur le plan culturel.
Différentes visions s’opposent sur le panafricanisme une fois les indépendances obtenues vers 1960. Certains soutiennent Nkrumah, d’autres sont plus modérés. C’est ce dernier courant qui l’emporte. En 1963, au Sommet d’Addis-Abeba, on s’accorde sur la nécessité d’une concertation entre États africains, mais aussi peu contraignante que possible, les frontières coloniales sont considérées comme intangibles, et on condamne l’ingérence dans les affaires intérieures des États.
3.3. Les deux guerres mondiales, l’ONU, et le nouvel ordre mondial
A. Les deux guerres mondiales
Pendant la Première Guerre mondiale, des soldats africains vont combattre pour la Grande-Bretagne et pour la France en Europe. La plupart seront enrôlés de force, et se mutineront à plusieurs reprises. La Belgique refuse d’employer des soldats noirs sur son sol. Les soldats vont constater que le Blanc qu’on leur présentait comme invincible et supérieur, peut, non seulement être battu, mais n’est pas plus fort qu’eux. Certaines promesses du colonisateur pour inciter les Africains à combattre ne seront pas tenues après le conflit, ce qui suscitera de la rancœur, mais on n’assiste pas à la naissance d’un véritable mouvement indépendantiste.
La Seconde Guerre mondiale va par contre marquer un tournant dans la décolonisation. Les combats gagnent l’Afrique, et les Africains contribuent encore plus, en termes de soldats, mais aussi de matières premières à alimenter le conflit. Les défaites françaises, belges, et britanniques montrent à quel point les Européens sont fragiles, loin de l’image invincible qu’ils défendent. Le travail forcé est imposé dans la plupart des colonies, ce qui provoque des révoltes qui seront matées dans le sang. Des mouvements « nationalistes » se développent dans les différentes colonies. De nouvelles promesses non tenues vont alimenter la rancœur et le désir de s’émanciper de la tutelle européenne. En Asie, d’ailleurs, le lendemain de la Guerre entraine des guerres d’indépendance, notamment en Indonésie, et en Indochine.
B. L’ONU
La Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 contient des principes favorables à la promotion des droits des peuples et à la protection des libertés fondamentales. Toutefois, la France parvient à interdire toute intervention de la part de l’ONU dans les affaires intérieures des États. À ces débuts, l’ONU n’occupe donc qu’une place modeste dans la décolonisation. Toutefois, les colonies s’appuient sur la charte de l’ONU pour justifier leur lutte. Avec l’accession de plus en plus importante d’anciennes colonies à l’indépendance après la Seconde Guerre mondiale et surtout autour de 1960, le nombre de pays anciennement colonisés augmente à l’ONU qui devient alors une tribune pour l’anticolonialisme. Ces pays se rassemblent et parviennent à mettre en place « Le Comité de décolonisation » qui œuvre à la décolonisation des territoires toujours soumis à l’autorité occidentale.
C. Le nouvel ordre mondial
La fin de la Seconde Guerre mondiale consacre l’avènement des deux grands vainqueurs du conflit : les États-Unis, et l’URSS. Les pays colonisateurs perdent leur place de grandes puissances, et dépendent des aides financières américaines pour leur reconstruction. Les États-Unis et l’URSS s’opposent à la colonisation pour des raisons diverses et sont favorables à la fin des empires coloniaux. Les États-Unis font référence à leur propre histoire pour défendre leur position anticoloniale. En effet, les États-Unis sont une ancienne colonie britannique. Toutefois, la comparaison avec les colonies du XXe siècle s’arrête là. En effet, les Américains qui ont lutté pour l’indépendance étaient des colons blancs, et pas des colonisés, et ont eux-mêmes mis en place un esclavage puis une ségrégation raciale néfaste pour les Noirs. De plus, les États-Unis sont eux-mêmes une puissance coloniale en ayant mis la main sur les Philippines, Hawaï, ou encore Puerto Rico. Quoi qu’il en soit, les États-Unis considèrent le système colonial comme arriéré, et comme un frein pour le libre commerce, cher à l’idéologie américaine.
L’URSS, et le communisme dans sa globalité ont toujours été contre la colonisation, symbole, à leurs yeux, du capitalisme occidental. De nombreux partis communistes militent, dès le début, contre la colonisation. Une branche du panafricanisme est d’ailleurs très influencée par le communisme. L’URSS sous Staline soutient théoriquement la fin des empires coloniaux, mais ses successeurs seront plus actifs, surtout pour ne pas laisser à la Chine populaire, dont le régime est communiste, le monopole de l’anticolonialisme.
Au-delà des convictions théoriques des deux superpuissances, il y a également une volonté de mettre la main sur les anciennes colonies qui joueront un rôle important durant la Guerre froide (1945 – 1991), en établissant les sphères d’influence des deux grandes puissances, bien que la plupart des pays nouvellement indépendants revendiquent un statut de non-aligné.
3.4. Le mouvement anticolonial international
A. En Europe
En Europe aussi des critiques s’élèvent contre la colonisation, et ce, dès le XIXe siècle. Toutefois, le mouvement est globalement impuissant et discret. L’impérialisme triomphe dans les sociétés européennes. Déjà avant la Première Guerre mondiale, l’anticolonialisme se retrouve à gauche de la sphère politique. Les partis socialistes critiquent les abus, comme Émile Vandervelde en Belgique, mais sont surtout partisans d’un réformisme plutôt que d’une suppression totale du colonialisme. L’accès des travaillistes au pouvoir en Grande-Bretagne dans les années 1920 ou le Front populaire en France dans les années 1930 n’apporteront que peu de changements à la situation coloniale. Les partis communistes, eux, considèrent le colonialisme comme une manifestation du capitalisme et y sont formellement opposés. Toutefois, au sein des principaux pays colonisateurs, Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, ces partis pèsent peu de poids. Et outre un anticolonialisme de fait, les partis communistes s’intéressent davantage à la situation en Europe que dans les autres continents. Après la Seconde Guerre mondiale, l’anticolonialisme va toucher de plus en plus l’opinion publique dans la société européenne, même si certains défendent ardemment les empires coloniaux.
Toutefois, les communistes, et en particulier le Parti communiste français, probablement le parti communiste le plus important parmi les puissances coloniales, vont contribuer à former et à soutenir les révolutionnaires. En 1927, le premier congrès contre le colonialisme et l’impérialisme va se tenir à Bruxelles à l’initiative des communistes européens. Il rassemblera des intellectuels européens comme Einstein, mais aussi des représentants des peuples colonisés comme Nehru, futur premier ministre de l’Inde indépendante. Des intellectuels européens prennent ouvertement position contre le colonialisme même si la tendance dominante reste l’impérialisme.
B. En Asie
Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays d’Asie accèdent à l’indépendance suite à des luttes armées comme l’Indonésie (1945, mais reconnue en 1949). Les représentants de ces pays indépendants vont prendre la tête du mouvement anticolonial mondial. Une première conférence entre Asiatiques a lieu à New Delhi en 1947. En 1955, à Bandoeng, une rencontre afro-asiatique a lieu. Elle rassemble 29 États indépendants ou en passe de devenir indépendants. Ces États sont unis contre l’impérialisme occidental, mais sont en désaccord sur leurs choix politiques et économiques. De cette conférence, ressort la condamnation de tout impérialisme, mais aucune institution n’est créée. Toutefois, l’évènement est important, car en pleine Guerre froide (le bloc USA s’opposant au bloc URSS), on a un ensemble de pays du Sud qui s’expriment d’une seule voix sur la scène internationale. La conférence marque le début du « non-alignement », c’est-à-dire le fait de ne pas choisir le camp des USA ou de l’URSS. Toutefois, ce « non-alignement » est plus théorique qu’effectif, car dans les faits les anciennes colonies s’allieront d’une façon ou d’une autre aux USA ou à l’URSS.
4 ¦ Les voies de la décolonisation de l’Afrique
La décolonisation ne s’est pas déroulée de la même manière dans les différentes régions d’Afrique. Elle est surtout le fait de femmes et d’hommes de ces régions, et n’est pas un cadeau fait par le colonisateur. Des luttes violentes ont dû être menées pour arracher l’indépendance. Jusqu’en 1945, et même au delà, aucun colonisateur n’envisage de donner l’indépendance à ses colonies. S’ils le font, c’est en garantissant un maximum leurs intérêts dans ces régions. Certains veulent voir dans la réussite ou non des pays africains actuels les traces d’une décolonisation réussie ou ratée à mettre au mérite des pays colonisateurs. Ainsi, jusqu’à nos jours, pour certains, il est inenvisageable de penser qu’un pays africain puisse bien fonctionner grâce aux qualités de sa population. Si le pays a une bonne santé économique, et des droits sociaux reconnus, c’est forcément grâce aux anciens colonisateurs. Or, des décolonisations « préparées » ont entrainé certains pays dans le chaos, alors que d’autres, moins organisées ont donné lieu à des pays stables et en bonne santé économiques. On remarque deux constantes dans l’histoire de la décolonisation (africaine) : la volonté du colonisateur de retarder l’inévitable, et son obsession à maintenir ses intérêts après l’indépendance.
5 ¦ La décolonisation de l’Afrique occidentale
L’Afrique occidentale est principalement colonisée par les Français (Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Bénin) et les Britanniques (Sierra Leone, Ghana, Nigéria) entrainant des conflits armés, des luttes, et d’âpres négociations.
L’Afrique occidentale a la particularité d’avoir vu naitre une classe intellectuelle très brillante, bien avant la colonisation. En effet, une forte communauté européenne est présente dans la région depuis longtemps, et le métissage, ainsi que le rapatriement d’anciens esclaves d’Amérique contribuent à la propagation de l’enseignement «occidental ». Les missionnaires et leur enseignement sont favorablement accueillis dans la région. Au XIXe siècle, des écoles apparaissent ainsi que la presse, et l’édition d’ouvrages. Une classe d’Africains lettrés (pasteurs, médecins, enseignants) se constitue et certains se mettent au service des Britanniques au Nigéria et au Ghana actuel.
5.1. Décolonisation britannique
5.2. Décolonisation française
6 ¦ La décolonisation de l’Afrique centrale
Dans cet espace, on retrouve le Congo belge, le Rwanda, le Burundi, l’Afrique-Équatoriale française (Gabon, Congo-Brazzaville, Oubangui-Chari (République centrafricaine)), le Cameroun, l’Angola, la Rhodésie du Nord (Zambie), et le Malawi.
L’Afrique centrale a particulièrement souffert de la colonisation, et des découpages territoriaux effectués par les Européens qui ne tiennent pas compte des structures politiques préexistantes. L’Afrique centrale est constituée de grands espaces vides d’hommes, mais riches en ressources. Les pays colonisateurs vont forcer de manière violente les populations à extraire les richesses pour leur profit. Cet espace a été particulièrement brutalisé et les violences ont été condamnées par les contemporains, notamment par E. Morel contre le Congo de Léopold II, René Maran contre l’Oubangui-Chari (République centrafricaine) ou encore André Gide contre le Congo-Brazzaville. Partout le travail forcé est imposé aux populations.
Dans cet espace, l’éveil politique est assez tardif et se concentre surtout après la Seconde Guerre mondiale pour plusieurs raisons : un régime particulièrement coercitif, une contestation qui s’opère surtout via des mouvements messianiques, ou encore une élite africaine peu développée.
6.1. Décolonisation française
6.2. Décolonisation belge
6.3. Décolonisation britannique
7 ¦ La décolonisation de l’Afrique orientale
L’Afrique orientale possède deux caractéristiques majeures par rapport au reste de l’Afrique. D’une part, elle rassemble un important assemblage de peuples, et de cultures, qui ne se sont pas beaucoup mélangées. On retrouve des Africains, des Indonésiens, des Arabes, des Indiens et des Européens. La coexistence de ces peuples a entrainé des difficultés politiques, mais a donné naissance à une langue spécifique : le swahili, mélange d’arabe et de langues bantou. D’autre part, sa situation géographique stratégique en a fait l’objet de convoitise internationale et un lieu de tensions permanentes entre les différents peuples, et entre les différentes puissances qui veulent dominer la région. Dans cet espace, on retrouve l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, et Madagascar.
7.1. Décolonisation britannique
7.2. Décolonisation française
8 ¦ La décolonisation de la Corne de l’Afrique
La Corne de l’Afrique rassemble l’Éthiopie, la Somalie, l’Érythrée, et Djibouti. La région a été peu marquée par la colonisation. L’Éthiopie est une des rares régions d’Afrique a avoir échappé à la colonisation européenne grâce à la victoire d’Adoua en 1896 des troupes de l’empereur Ménélik face aux Italiens. Elle ne connait qu’une occupation de 5 ans entre 1936 et 1941 par les troupes de Mussolini. Toutefois, le pays, alors qu’il aurait pu suivre l’exemple du Japon et se moderniser, préfère se maintenir dans une structure archaïque et oppressive. Le Négus (empereur) se comporte en monarque absolu et bien que jouissant d’une bonne image à l’étranger, doit faire à des contestations et à une pauvreté très importante au sein de son pays. L’Érythrée ne va connaitre la domination italienne que de 1882 à 1947 avant d’être fédérée à l’Éthiopie puis d’être annexée en 1962. Une guerre d’indépendance va alors être entreprise et aboutira en 1993. Toutefois les pays resteront en guerre jusqu’en 2018. La Somalie a été très négligée politiquement et économiquement par le colonisateur britannique et accède à l’indépendance en 1960. Seul Djibouti a connu une occupation plus importante de la part de la France et ne connaitra son indépendance qu’en 1977.
9 ¦ La décolonisation de l’Afrique australe
En Afrique australe, on retrouve l’Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana, le Zimbabwe, le Mozambique, le Lesotho et le Swaziland. Dans la région, l’Afrique du Sud a beaucoup de mines de diamant et d’or et va chercher sa main-d’œuvre dans les territoires voisins, et y place ses capitaux. Le régime politique sud-africain de l’Apartheid (les communautés noires et blanches vivent de manière séparée, avec tous les avantages accordés aux Blancs) a tendance à se répandre dans les territoires voisins comme au Zimbabwe ou en Namibie.
La Namibie a été dominée par l’Allemagne jusqu’à la Première Guerre mondiale, puis est passée sous domination sud-africaine jusqu’à son indépendance en 1990. La domination sud-africaine sous un régime d’apartheid semblable à l’Afrique du Sud a entrainé une résistance armée de la part de la South West Africa People’s Organisation (SWAPO) soutenue par Cuba et les pays de l’Est. L’indépendance obtenue en 1990 est surtout politique, tant le pays dépend économiquement de l’Afrique du Sud.
Le Mozambique, colonisé par les Portugais, ne l’a été que superficiellement à cause du manque de moyens dont bénéficiait le Portugal pour entreprendre une telle entreprise.
La Rhodésie du Sud (Zimbabwe) est obtenue par la Grande-Bretagne en 1888 suite aux ruses de Cecil Rhodes et administrée par une firme commerciale (British South Africa Company) qui accapare la plupart des terres au détriment des Africains.
Le Botswana, le Swaziland et le Lesotho acceptent un protectorat britannique au XIXe siècle afin d’échapper aux Européens d’Afrique du Sud. Le Lesotho accède à l’indépendance en 1966, le Swaziland en 1968, demeurant toutefois dépendant de l’économie sud-africaine par leur position enclavée.
En Afrique du Sud, les Boers, arrivés en 1652 s’opposent aux Anglais arrivés en 1795. Lors de la guerre des Boers (1899 -1902), les Anglais triomphent. L’Afrique du Sud devient un dominion britannique, c’est-à-dire une colonie qui possède énormément de droits, mais ces derniers sont exercés uniquement par la minorité blanche. Depuis 1948, la domination et la discrimination blanche ont été institutionnalisées. Le racisme qui sert de base à l’organisation politique de l’ Afrique du Sud se couple à la crainte de la minorité blanche de voir se développer une élite noire concurrente, et redoute la pression démographique noire. En 1923, l’ANC est créée et se radicalise en 1949, notamment avec l’arrivée de Nelson Mandela.
L’ANC est réprimée par la minorité blanche, et répond par des émeutes violentes qui vont contribuer à l’arrestation des dirigeants de l’ANC, dont Mandela en 1962. La minorité blanche s’accorde un répit, mais les indépendances de la Zambie, de l’Angola, et du Mozambique et le soutien apporté par ces derniers à l’ANC oblige l’Afrique du Sud à apporter quelques aménagements à l’apartheid. En 1985, de nouveaux attentats de l’ANC entrainent de nouvelles répressions. La pression internationale est de plus en plus forte, et les sanctions économiques obligent Frederick De Klerk, Premier ministre sud-africain à plus d’ouverture que ses prédécesseurs. La Namibie, sous domination sud-africaine, obtient son indépendance en 1990, et Mandela est libéré la même année après 26 années de prison. La ségrégation raciale est abolie, et l’ANC abandonne la lutte armée. Les premières élections multiraciales portent au pouvoir Mandela en 1994.
10 ¦ Résumé
Tout comme l’histoire de la colonisation, celle de la décolonisation est non seulement présente dans les archives et les documents édités, mais elle est également encore fraîche dans la mémoire de toutes les personnes qui l’ont vécue et qui en témoignent grâce aux sources orales. Cette décolonisation s’est inscrite dans un contexte historique favorable, après la Seconde Guerre mondiale, où les grandes puissances commencent à se faire la Guerre froide entre le Bloc capitaliste de l’Ouest et le Bloc socialiste de l’Est. La décolonisation de l’Afrique est donc intervenue au moment opportun même si certaines puissances coloniales trainent les pieds à accorder l’indépendance aux territoires sous leur domination.
La colonisation du Congo
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Démontrer que l’espace congolais n’a cessé de se structurer avant la colonisation.
- Démontrer que les Européens ont dû s’appuyer sur les Africains pour parvenir à coloniser.
- Critiquer et démonter l’idée d’une colonie belge modèle et positive pour les colonisés.
- Décrire la violence et le racisme inhérents à la colonisation.
- Démontrer la continuité des pratiques entre l’État Indépendant du Congo et le Congo belge.
2 ¦ Introduction
Avant la colonisation, l’Afrique centrale, et en particulier l’espace congolais connaissent une longue et riche histoire. L’espace congolais entretient des relations avec l’Europe et l’Asie depuis plusieurs siècles. Lorsque les Européens veulent coloniser l’Afrique, des résistances ont lieu de la part des « colonisés », et la domination européenne ne sera jamais totale. La colonisation du Congo comporte deux phases, la première est l’œuvre du roi des Belges Léopold II qui va régner à titre personnel sur le Congo de 1885 à 1908. Durant cette période, le Congo porte le nom d’État Indépendant du Congo. La violence du système va donner lieu à des luttes intérieures très importantes et à une campagne internationale contre Léopold II et son régime. Face aux critiques, la Belgique annexe le Congo en 1908, et ce jusqu’à l’indépendance de 1960. Le Congo s’appellera « Congo belge » pendant cette deuxième phase. La Belgique s’engage à mettre fin aux atrocités constatées. Toutefois, un certain nombre de pratiques du régime léopoldien perdureront jusqu’à l’indépendance.
3 ¦ L’espace congolais au XIXe siècle
L’espace congolais a été traversé par de nombreux royaumes et territoires. Au XIXe siècle, cela fait près de quatre siècles que l’espace congolais est en contact, grâce aux côtes, avec l’Europe. En effet, des échanges commerciaux se sont établis, et de nombreux articles comme l’ivoire, l’or, le fer, le cuivre, ou encore les esclaves sont vendus aux Européens. Certains États d’Afrique centrale vont tirer profit de ce commerce, ou au contraire, vont s’affaiblir à cause de celui-ci, et en particulier à cause de la traite négrière (XVe – XIXe siècle). Le prestigieux royaume Kongo, par exemple, va cesser d’exister. Toutefois, de nouvelles formations politiques voient également le jour au milieu du XIXe siècle, sous l’autorité de commerçants-guerriers comme Tippo-Tip ou encore MSiri qui s’installent dans l’est et le sud-est du Congo actuel, et qui font commerce avec le monde arabe.
Comme ailleurs en Afrique, l’espace congolais est en pleine mutation au XIXe siècle. On observe une densité de population plus importante dans certaines zones, grâce à une amélioration des rendements agricoles. Les échanges commerciaux s’intensifient. Comme dans le reste du continent, l’esclavage est toujours pratiqué au XIXe siècle, malgré l’abolition en Europe, que ce soit pour servir les royaumes locaux ou pour être exportés dans le monde arabe. L’économie africaine repose sur l’esclavage, car selon les mœurs africaines, un homme libre ne peut vendre sa force de travail. Dès lors, le besoin en main-d’œuvre contraint les organisations politiques africaines à pratiquer et à maintenir la pratique. Politiquement, les communautés d’Afrique centrale s’organisent collectivement, et pas avec une hiérarchisation aussi forte qu’en Europe, ce qui va donner parfois l’impression aux observateurs extérieurs que ce territoire n’est pas organisé politiquement, alors que le modèle est simplement différent de celui pratiqué en Europe.
4 ¦ L’Etat Indépendant du Congo (1885-1908)
4.1. Les prémices de l’appropriation (1876 – 1885)
A. Léopold II et son rêve de colonie
La colonisation du Congo est liée au nom d’un homme : Léopold II, roi des Belges. Devenu roi en 1865, il souhaite convaincre la Belgique de se lancer dans la course à la colonisation. Toutefois, seule une petite partie de l’élite belge trouve l’idée intéressante. Elle considère qu’acquérir une colonie pourrait être bénéfique à l’économie du pays, et lui permettrait de se faire une place parmi les grands empires européens. Certains, dont Léopold II, y voient également l’occasion de développer leurs ambitions personnelles. Pour légitimer les ambitions impérialistes, plus que pour les motiver, les Européens considèrent également qu’il est de leur devoir d’apporter la prétendue « civilisation » des Blancs aux autres peuples « moins évolués » de la planète.
À la fin des années 1870, et au début des années 1880, Léopold II va mettre en place plusieurs associations internationales dont le motif officiel est d’explorer les régions du centre de l’Afrique et en particulier le bassin du Congo. Il a recruté l’explorateur Stanley qui connait bien la région. En réalité, les associations servent les intérêts politiques et impérialistes du monarque belge. L’Association internationale du Congo (AIC), fondée en 1879, sous couvert d’une activité scientifique, va établir plusieurs postes au Congo et va conclure des traités avec des chefs africains. Afin d’entreprendre leurs différentes expéditions, les Européens ont besoin des Africains qui leur servent de guides, ou leur fournissent des esclaves pour servir de porteurs.
B. La conférence de Berlin et la reconnaissance de l’État Indépendant du Congo
L’Afrique suscite la convoitise de plusieurs pays européens, et des conflits pourraient éclater en cas de désaccord. Dès lors, les Européens vont décider d’organiser une conférence, elle aura lieu à Berlin en 1884-1885. La conférence de Berlin veut établir un certain nombre de règles pour l’occupation de l’Afrique, et ainsi éviter des conflits entre États européens. Contrairement au mythe bien connu, l’Europe ne se partage pas l’Afrique, mais établit les règles à suivre pour revendiquer un territoire en Afrique. Aucun État africain n’est représenté lors de la conférence de Berlin. En effet, au cours du XIXe siècle, au nom de critères raciaux et civilisationnels, la plupart des pays non européens sont exclus du droit international. De plus, les États européens, bien qu’ils fassent du commerce avec les États africains, estiment que comme ces derniers possèdent des esclaves et en font commerce, ils ne peuvent être reconnus en droit international.
En marge de la conférence de Berlin, les représentants de Léopold II négocient avec les autres puissances européennes pour que l’on reconnaisse le territoire congolais, où sont présents les postes de l’AIC, comme un État sous l’autorité du monarque belge. Le roi déclare qu’il défendra le libre-échange dans cette région, et que, dès lors, n’importe quel pays pourra venir faire du commerce, et payera peu d’impôts. Il se présente également comme un philanthrope, et s’engage à mettre fin à l’esclavage toujours présent dans cette région de l’Afrique. Pour des motifs divers, les pays européens reconnaissent, en juin 1885, les territoires de l’actuel Congo comme un nouvel État : l’État Indépendant du Congo (EIC) sous l’autorité de Léopold II. Toutefois, ce nouvel « État » est indépendant de la Belgique. Refusant de prendre part à la colonisation, le gouvernement belge laisse son souverain dirigé, à titre personnel, le Congo. Bien que l’on retrouve beaucoup de Belges impliqués dans la colonisation du Congo, la majorité des agents du roi sont issus d’autres pays européens comme la Grande-Bretagne, la France, ou encore les pays scandinaves.
4.2. Résistances et appropriation des territoires congolais par l’EIC (1885 – 1908)
Comme d’autres colonisateurs européens, lorsque Léopold II et son entourage acquièrent, suite à des accords entre Européens, l’autorité sur ce qui est aujourd’hui le Congo, ils n’ont pas la moindre idée de ce que contient cette région et de comment s’organisent les peuples qui y vivent. L’entreprise va s’avérer beaucoup plus compliquée qu’imaginée. Certaines zones sont peuplées de communautés qui s’organisent parfois depuis des siècles autour d’une économie et d’une culture propres comme les Chokwe au sud, les Arabo-Swahlis, et le Garanganze, à l’est, ou encore l’Égypte soudanaise au nord, et ces différentes structures politiques n’ont pas l’intention de se soumettre à des étrangers.
Il y a très peu d’Européens sur place, et les expéditions entreprises pour reconnaitre et « occuper » le territoire doivent beaucoup aux Africains qui sont recrutés (souvent des esclaves achetés) et qui servent de soldats, de porteurs, et de guides. Le colonisateur a beaucoup de difficultés à évoluer dans un espace qu’il ne maitrise pas, sans voies de communication classique. Ces expéditions cartographient la région et installent des petits postes afin de signaler aux autres pays européens que la région fait partie de l’État Indépendant du Congo. Toutefois, en 1908, lorsque l’EIC deviendra le Congo belge, on ne compte qu’une centaine de postes occupés par quelques centaines d’Européens et quelques milliers de soldats africains. Impossible, dès lors de parler de véritable contrôle de l’immense Congo. Que ce soit au Congo, ou dans les autres régions d’Afrique, les Européens vont devoir s’appuyer sur les chefs africains qui régnaient déjà sur ces territoires bien avant leur arrivée.
Certains chefs acceptent de traiter avec l’EIC afin d’obtenir différents avantages : nouveaux débouchés économiques, armes européennes, alliance intéressante face aux rivaux locaux. Contrairement à l’idée reçue de chefs africains un peu naïfs qui signent des traités sans se rendre compte de ce qu’ils font, certains ont parfaitement conscience de leurs actions, et constatant la présence réduite des Blancs, ils espèrent continuer à régner avec une liberté plus ou moins totale sur leurs territoires. À certains endroits, des chefs refusent obstinément de plier face au colonisateur, ou malgré les traités signés continuent à se comporter en seuls maitres dans la région. Dans ces cas-là, la Force publique (armée coloniale) composée de quelques officiers européens et de milliers de soldats africains entreprend des expéditions particulièrement violentes afin de forcer les peuples à se soumettre à l’autorité de l’EIC. Malgré les réflexions autour du droit de la guerre, en Europe, notamment au niveau du statut des prisonniers de guerre, et l’invention de la Croix-Rouge en 1864, les armées coloniales ne respectent pas les nouvelles normes et n’hésitent pas à tuer prisonniers et civils.
L’un des exemples les plus marquants de l’hypocrisie coloniale est celui de Tippo-Tip. Marchand arabo-swahili régnant sur un immense territoire dans l’est du Congo, il fait du commerce de l’ivoire et d’esclaves depuis le milieu du XIXe siècle. Il accepte de traiter avec l’EIC pour les raisons évoquées plus haut, et fournit aux Européens des esclaves, de l’ivoire, etc. Il est nommé gouverneur de l’est du Congo. Toutefois, le colonisateur considère que Tippo Tip se comporte de façon trop indépendante vis-à-vis de l’autorité coloniale. Dès lors, de 1892 à 1894, une guerre éclate entre le colonisateur et Tippo-Tip et fera des milliers de victimes, dont beaucoup de civils. La propagande coloniale présentera cette guerre comme un moyen de mettre fin à l’esclavagisme pratiqué par les Arabo-Swahilis alors que non seulement les Européens ont utilisé de nombreux esclaves pour leurs expéditions, mais ont aussi collaboré étroitement avec les marchands arabes pendant des années.
4.3. Économie et violences coloniales dans l’EIC (1885 – 1908)
Une colonie pas si lucrative qu’espéré
Non seulement la réalité du terrain, et l’immensité du territoire congolais obligent le colonisateur à s’aider des structures et des chefs locaux, mais en plus la colonisation du Congo coute énormément d’argent. Léopold II, en tant que propriétaire de cet immense territoire, doit utiliser son immense fortune personnelle pour financer les expéditions, les infrastructures de base, les ports, les hommes sur place, etc. Mais très vite, sa fortune seule ne suffit plus à alimenter la machine coloniale. Il est au bord de la faillite, et le Congo n’est pas aussi rentable qu’il l’avait imaginé. Le commerce, dans les premières années, n’est pas très développé. Alors qu’il s’était engagé à ne rien demander à la Belgique, Léopold II finit par lui demander un prêt en 1889 qui sera accordé.
Pour que la colonie devienne lucrative, Léopold II et son entourage vont prendre plusieurs mesures. Toutes les terres « non cultivées » deviennent propriété de l’État, ce qui permet d’exercer un monopole sur toutes les richesses naturelles du Congo. Les populations locales sont soumises à un travail forcé, c’est-à-dire qu’elles doivent travailler gratuitement et obligatoirement pour l’État, et verser une « taxe » sous la forme de matières premières comme l’ivoire, puis le caoutchouc. Pour réduire les couts au maximum, des entreprises privées acquièrent en concession certaines zones du Congo. Ces entreprises peuvent fixer les prix souhaités des marchandises, elles administrent le territoire, certaines vont avoir leur propre milice, et parfois leur propre monnaie. En échange, l’EIC perçoit un pourcentage sur les profits de ces entreprises. Désormais, des territoires immenses, parfois bien plus grands que la Belgique, sont soumis à la seule autorité d’une entreprise qui n’a qu’un seul objectif : faire le plus de profits possible. Suite à ces réformes, les profits augmentent pour l’État, mais les dépenses aussi. Dès lors, Léopold II demande une nouvelle fois en 1895 l’aide de la Belgique.
Le caoutchouc rouge
La situation des finances de Léopold II n’est pas bonne, et le nouveau crédit obtenu en 1895 aurait dû, en théorie, lui permettre de gagner seulement quelques années avant de devoir céder sa colonie. Toutefois, l’explosion du prix du caoutchouc sur le marché mondial va lui permettre de se refaire financièrement. L’industrie automobile, en plein essor, nécessite du caoutchouc pour fabriquer des pneus. Le Congo contient des forêts riches en caoutchouc, et « grâce » au système de taxes en ressources imposé aux populations ainsi qu’au système de concession, la colonie commence à réaliser d’énormes profits. Le roi refait rapidement sa fortune, rembourse ses dettes et commence à investir en Belgique dans plusieurs projets urbanistiques. La colonie apparait aux yeux des autres colonisateurs comme un modèle d’efficacité, la France va d’ailleurs l’imiter dans ses colonies d’Afrique centrale.
Une telle « efficacité » se fait au détriment des populations locales, soumises à une violence extrême pour atteindre les quotas fixés par l’EIC et les entreprises concessionnaires. La récolte du caoutchouc est une tâche complexe. Les Congolais doivent se rendre en forêt pour trouver des lianes à caoutchouc, en extraire la substance et ramener le tout à des postes situés parfois à des dizaines de kilomètres. Pendant ce temps-là, ils ne peuvent cultiver, ou chasser pour leur propre compte. Dès lors, les populations locales ne se pressent pas pour exécuter ces tâches ingrates. Résultat, face au manque de moyen dont dispose le colonisateur et à cause de son impuissance à convaincre les populations locales de lui fournir le précieux caoutchouc, le pouvoir colonial va forcer les populations à travailler en commettant des exactions d’une rare violence : viols, mutilations, incendie de village, massacres, prises d’otage, etc.
Les demandes en caoutchouc ne cessent d’augmenter, et les fonctionnaires, les officiers, et les agents d’entreprise reçoivent des bonus liés à l’augmentation de la production. Sous cette violence, se cache aussi un racisme latent. En effet, les Européens considèrent que les populations locales sont fainéantes et primitives et que la violence est inévitable pour leur faire comprendre ce qu’on leur demande.
Paradoxalement, on retrouve au sein des troupes de l’EIC ou parmi les hommes au service des entreprises privées d’anciens soldats, ou chefs de guerre qui utilisaient ces techniques violentes au service des Arabo-Swahilis afin de les fournir en esclaves et en ivoire. Dès lors, l’EIC use des mêmes méthodes que celles des esclavagistes arabes qu’elle a prétendu combattre.
Les conséquences de cette violence varient d’une région à l’autre. Certaines ont connu les pires horreurs, alors que d’autres ont été relativement épargnées. Toutefois, le régime de terreur règne sur l’ensemble du Congo. Des régions entières vont être dépeuplées suite aux massacres, à la famine, aux fuites, et aux maladies dues à la colonisation. Il est très difficile, voire quasiment impossible d’estimer le nombre d’individus morts à cause de la colonisation léopoldienne. Les études les plus récentes estiment que la population congolaise a pu diminuer de 1 à 5 millions d’habitants entre 1885 et 1930. Dans tous les cas, ce qui est certain, c’est que la violence a été extrême et a traumatisé des populations entières.
Propagande et zoos humains
Afin de défendre « son œuvre » et de susciter l’intérêt parmi la population belge, Léopold II et son entourage développent une propagande coloniale. C’est-à-dire qu’au travers d’expositions, de livres, d’images, etc., les colonisateurs vont imposer une image de la colonisation conforme à leurs intérêts. Ainsi, les colonisateurs belges sont présentés à la fois comme des sauveurs face à l’esclavagisme et à la barbarie supposée de l’Afrique, mais aussi comme des civilisateurs, dès lors comme des êtres supérieurs, apportant les bienfaits de la prétendue civilisation occidentale. Les Congolais sont présentés comme inférieurs, et sont même déshumanisés afin de convaincre les Belges de la nécessité de les coloniser. Les Arabo-Swahilis sont présentés comme des esclavagistes sanguinaires dont l’accoutrement n’est pas sans rappeler les croisades. Cette propagande a eu un impact très fort sur les mentalités, car pour la plupart des Belges de l’époque, c’est le seul contact qu’ils ont avec le Congo, et dès lors des images stéréotypées se forgent sur ces autres qu’on ne connait pas autrement qu’à travers cette propagande. Outre les affiches, les conférences, etc. les colonisateurs européens, et donc belges, n’hésiteront pas à exposer en Europe, dans ce que l’on appelle des zoos humains, des prétendus villages africains, avec ses villageois censés mimer leur vie de tous les jours. En 1897, lors de l’exposition internationale de Bruxelles, un prétendu village congolais est reconstitué pour divertir la foule. Sept Congolais décèderont des suites des mauvaises conditions.
En 1897, lors de l’exposition internationale de Bruxelles, un prétendu village congolais est reconstitué pour divertir la foule. Sept Congolais décèderont.
Critique et résistances
Face à une exploitation aussi intense et violente, la production commence à décroitre vers 1904. Les réserves de caoutchouc sont épuisées, et il y a de moins en moins de personnes pour extraire la substance. Dans certaines régions, les populations sabotent les récoltes en détruisant les lianes, d’autres se révoltent et prennent les armes face au pouvoir colonial et aux entreprises privées.
La révolte et la résistance locale se couplent à des critiques qui viennent du monde occidental. En 1903, le consul britannique Roger Casement dénonce les violences dans un rapport qui va entrainer des débats importants en Grande-Bretagne, et en Belgique. En 1904, Casement et le journaliste Edmund Morel fondent la Congo Reform Association afin de dénoncer les actes barbares commis au Congo. Des campagnes intenses sont menées contre Léopold II et son régime de violence. Les écrivains Mark Twain et Conan Doyle dénoncent les abus de Léopold II. Des photos de mains coupées, symboles de la violence léopoldienne, circulent dans tout l’Occident. Au Congo, des individus dénoncent également la terreur qu’ils subissent.
Devant la pression internationale, Léopold II envoie une commission d’enquête en 1904 dont il sélectionne lui-même les membres. Il va également corriger le rapport. Malgré cela, lors de sa promulgation en 1905, le rapport fait grand bruit en Belgique et va susciter de vifs débats entre les opposants, et les partisans du roi. Un juriste de l’ULB, Félicien Cattier réalise une étude sur la situation du Congo en se basant sur le rapport de la Commission d’enquête et demande l’annexion du Congo à la Belgique. Les hommes politiques belges Émile Vandervelde et Georges Lorand se montrent également très critiques quant à la gestion du Congo par le roi.
En 1906, la décision est prise : la Belgique va annexer le Congo et s’engage officiellement à mettre fin aux abus. Toutefois, Léopold II va tout mettre en œuvre pour faire durer les négociations et ne cédera sa colonie qu’en 1908.
5 ¦ Le Congo belge (1908 – 1960)
5.1. Rupture avec l’EIC ?
En 1908, le Congo devient officiellement une colonie belge et prend le nom de « Congo belge ». Lors de l’annexion, la Belgique s’engage à mettre fin aux dérives violentes du régime léopoldien. La pratique du travail forcé c’est-à-dire l’obligation pour les populations de travailler pour l’État sans rémunération, dans des conditions épouvantables, est officiellement abolie dans les premiers mois d’existence du Congo belge. Toutefois, le colonisateur belge souhaite entreprendre plusieurs chantiers d’infrastructure, et il y a un manque de main-d’œuvre criant. Les Européens, convaincus par la supériorité de leur modèle économique, pensent, à tort, que les populations locales vont se laisser tenter par le salariat (c’est-à-dire le fait d’échanger sa force de travail contre un salaire). La majorité de la population congolaise préfère pratiquer une agriculture à petite échelle, et une économie de subsistance. De plus, les conditions dans les plantations, sur les chantiers de construction, et dans les mines ne sont pas enviables. Dès lors, le colonisateur belge va très vite réinstaurer la pratique du travail forcé, et ce dès 1909 pour la construction d’infrastructure et dans l’agriculture, en mettant en avant « l’intérêt public » d’une telle mesure. Les entreprises privées vont également toujours avoir recours à la pratique du travail forcé, parfois jusqu’à l’indépendance. Des révoltes auront lieu au sein de la population, mais elles seront toutes matées violemment.
Il n’y a pas d’amélioration non plus au niveau des droits. Aucun droit n’est reconnu aux colonisés (pas de liberté de la presse, pas de syndicat, pas de droit de grève) qui subissent répressions et châtiments arbitraires. Si les Congolais n’ont aucun droit, les coloniaux, eux, bénéficient d’une impunité quasi totale. En cas de conflit entre colonisé et coloniaux, ces derniers gagnent toujours. Le travail forcé, le racisme, et la violence n’ont dont pas cessé avec la reprise du Congo par la Belgique.
5.2. Organisation de la colonie
La trilogie coloniale belge
Déjà durant l’EIC, le régime colonial repose sur trois piliers : l’Église (les missions catholiques), l’administration, et les entreprises privées.
L’Église reçoit le monopole de l’éducation, et est chargée d’éduquer les colonisés tout en les évangélisant. On retrouve des missions religieuses déjà avant la création de l’EIC. Elles vont lutter contre les religions prétendument « primitives » des locaux. En formant les Congolais, l’Église permet la fourniture d’une main-d’œuvre « qualifiée » aux entreprises privées. En effet, il s’agit surtout d’un enseignement technique limité essentiellement au niveau primaire.
L’administration de la colonie est dominée par un Gouverneur général qui applique les décisions prises par Léopold II pendant l’EIC et puis par un ministre des colonies pendant le Congo belge. Toutefois, vu la lenteur de la communication entre les deux pays, le Gouverneur possède une certaine autonomie. La colonie est divisée en districts, dirigés par des administrateurs. Devant la complexité des structures politiques existantes et à cause du peu de moyens dont dispose le colonisateur, les Européens doivent s’appuyer sur des chefs locaux. Ces derniers sont contraints d’appliquer les décisions venant des Européens, mais gardent quand même une forme de liberté dans les régions peu touchées par la présence des Blancs.
Les entreprises privées reçoivent, comme on l’a vu, des concessions pendant l’EIC, et exploitent sans scrupule, et avec une rare violence, les régions occupées. Pendant le Congo belge, certaines entreprises continuent à avoir recours au travail forcé. Elles ne versent qu’un salaire dérisoire et les conditions de travail sont assez déplorables pour la population jusque dans les années 1950. Le racisme qui sous-tend l’ensemble du système colonial contraint les Congolais à rester dans une position inférieure aux Blancs jusqu’à l’indépendance.
Un apartheid à la belge ?
Comme dans d’autres colonies en Afrique, une ségrégation s’installe au Congo. Dans les villes construites par le colonisateur, on crée spécifiquement une « ville européenne » pour les Blancs, et « des cités indigènes » pour les Africains. Les deux parties de la ville sont séparées par une zone neutre. Ce n’est pas une conception propre au Congo. En 1931, s’organise à Paris un Congrès international de l’urbanisme des colonies où différents experts coloniaux s’expriment sur l’intérêt de la ségrégation pour des motifs essentiellement hygiénistes. Les Blancs craignent que les maladies « africaines » ne se répandent dans les habitations des Blancs. Cette ségrégation raciale perdure jusqu’à l’indépendance du Congo.
Toutefois, la volonté d’établir des zones nettement séparées pour les Blancs et les Noirs ne résistent pas toujours à la réalité des faits. À Léopoldville, par exemple, les quartiers se touchent parfois et les petits commerçants grecs, italiens, portugais et « asiatiques » non autorisés dans la ville blanche, se situent dans des zones intermédiaires où se mélangent plusieurs communautés.
5.3. Économie
Tout au long de son histoire, le Congo connaitra une pénurie de main-d’œuvre. Toutefois, ce qui entrainerait normalement une revalorisation salariale, n’est pas le cas au Congo (et dans les autres colonies) où les travailleurs continuent à être payés très faiblement. Le travail forcé, principale forme de travail dans l’EIC, est maintenu pour la construction d’infrastructure, dans l’agriculture, et dans certaines entreprises à l’époque du Congo belge.
Les entreprises, cibles des critiques durant l’EIC, continuent à pratiquer des mesures similaires au Congo belge. En 1911, l’entreprise britannique Lever (qui deviendra Unilever) qui produit du savon, utilise le travail forcé dans ses concessions congolaises afin de produire de l’huile de palme. Faisant face à un manque de main-d’œuvre, ils forcent les populations à travailler. L’entreprise compte sur l’aide de ses mercenaires africains et de l’administration coloniale afin de ratisser les villages pour trouver des travailleurs.
Le Congo belge est une des colonies les plus rentables du monde. Toutefois, ce qui bénéficie aux Belges ne bénéficie pas aux Congolais dont le niveau de vie jusqu’aux années 1950 reste très précaire.
5.4. Les Deux Guerres mondiales
La Première Guerre mondiale
Pendant la Première Guerre mondiale, la colonie belge prend part aux combats, mais le territoire congolais ne connait pas d’affrontements sur son sol. La Force publique (armée coloniale) va surtout combattre en Afrique orientale allemande (actuellement la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi). Elle va triompher et occuper le territoire. En 1917, la Force publique compte 25 000 Congolais dans ses rangs, dirigés par des officiers belges. Mais il faut y ajouter tous les porteurs, et les femmes qui accompagnent les troupes, ce qui porte le chiffre à 260 000 Congolais ayant participé au premier conflit mondial. Les Belges forcent la plupart de ces hommes à s’enrôler. Près de 27 000 d’entre-deux trouveront la mort, sous les balles, ou surtout à cause de maladies.
Pendant le conflit, les Belges refusent d’employer les troupes congolaises en Europe contrairement à la France et à la Grande-Bretagne qui n’hésiteront pas à puiser des centaines de milliers de soldats non européens pour se battre. La Belgique refuse d’utiliser des soldats noirs pour ne pas dévoiler aux colonisés la réalité du quotidien en Belgique, et ne pas saper le prestige de l’homme blanc. À noter que 32 Congolais, présents en Belgique avant la Première Guerre s’engageront dans le conflit volontairement, au sein de l’armée belge. Parmi eux, on retrouve Paul Panda Farnana.
C’est surtout en tant que producteur de matières premières que le Congo va être utile à la Belgique et aux alliés. Le travail forcé, qui n’avait pas totalement disparu suite à la reprise du Congo par la Belgique en 1908, est amplifié dans certaines parties de la colonie. Les conditions de vie sont très dures pour les Congolais contraints de fournir toujours plus de ressources pour alimenter les armées qui combattent en Europe.
Grâce au Congo, la Belgique peut se vanter d’avoir remporté des batailles, en Afrique, lors de la guerre, alors qu’elle a perdu face à l’Allemagne en Europe. Elle recevra même, en récompense, un mandat sur le Rwanda et le Burundi, anciennement allemands. Toutefois, les Congolais ne verront aucune amélioration de leur sort pendant l’Entre-Deux-Guerres, et ce malgré les sacrifices de la population pour un conflit qui ne la regardait pas.
La Seconde Guerre mondiale
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les combats auront lieu encore plus loin que lors du premier conflit. La Force publique va combattre en Abyssinie, où elle battra les Italiens. Elle va également être envoyée en Égypte, au Nigéria et en Palestine, mais sans combattre. En 1942, on compte 34 000 hommes dans la Force publique. La mortalité est moins importante que lors de la Première Guerre mondiale. 700 hommes perdront la vie, principalement des suites de maladie. Comme lors du premier conflit, on n’utilise pas la Force publique en Europe.
Grâce au Congo, la Belgique, envahie par l’Allemagne nazie en 1940, pourra prétendre continuer le combat au côté des Alliés, et son gouvernement en exil à Londres bénéficie d’un certain poids et d’une légitimité.
Comme pour la Première Guerre mondiale, le Congo va surtout être employé comme réservoir de matière première. Le travail forcé va être, une nouvelle fois, amplifié et les populations vont devoir fournir des quantités énormes de matière première. L’uranium qui va servir à réaliser les bombes atomiques américaines sera fourni par la Belgique grâce au travail des Congolais. En 1942, on impose 120 jours de travail obligatoire aux Congolais. Les prix des denrées augmentent, alors que les salaires restent faibles. Des revendications puis des mouvements de révolte éclatent, mais tous seront matés dans le sang.
À l’instar de ce qu’il se passe dans les autres colonies, la reconnaissance de l’effort fourni par les Congolais ne voit pas le jour. Très peu de Congolais reçoivent des avantages matériels, et dans les discours officiels de la métropole, on tait volontairement la contribution de la colonie à l’effort de guerre.
5.5. Les années 1950, un pas vers la modernité et la décolonisation ?
Le « Plan décennal »
Bien que la colonisation dans son ensemble, et la colonisation belge en particulier aient justifié la pratique coloniale comme le moyen d’apporter la soi-disant « civilisation » européenne aux peuples « primitifs », on constate que les conditions de vie de la majorité des Congolais sont toujours aussi médiocres après la Seconde Guerre mondiale. Le Gouverneur général Pierrre Ryckmans, lui-même, constate en 1946 que les populations vivent dans la misère et critique ainsi le colonialisme belge.
L’avènement des Nations unies en 1945, très critiques par rapport aux colonisateurs, et les réflexions d’après-guerre sur le développement et le sous-développement poussent les autorités belges à envisager des réformes pour améliorer les conditions de vie des Congolais. En 1949, le « Plan décennal pour le développement économique et social du Congo belge » est lancé, et doit durer dix ans. Les auteurs du plan constatent que l’économie du Congo est trop tournée vers l’exportation, que l’agriculture stagne, et qu’il n’y a pas de vraie industrie transformatrice, enfin le constat est clair quant aux problèmes de logement, d’hygiène et d’éducation.
On constate une amélioration du niveau de vie dans la colonie dans les années 1950. Les salaires augmentent un peu, et les Congolais bénéficient d’un meilleur pouvoir d’achat ce qui entraine une augmentation de la consommation intérieure. Toutefois, loin de la colonie modèle que défend la propagande belge, des problèmes évidents perdurent : le Congo reste toujours fortement dépendant de l’exportation de matière première, et les problèmes de l’agriculture ne sont pas résolus. Le Congo n’est pas en mesure de se nourrir de sa propre production, et doit importer des produits alimentaires, et ce jusqu’à l’indépendance et au-delà. Enfin, l’augmentation des conditions de vie et du pouvoir d’achat ne concernent que les habitants des villes, et non pas l’immense majorité des Congolais qui vivent en milieu rural. Dès lors, les gens rejoignent de plus en plus les villes, ce qui entraine une augmentation du chômage urbain.
La Belgique refuse de financer le plan décennal qui coute une fortune. C’est le budget du Congo qui doit subvenir aux dépenses. Dès lors, à la veille de l’indépendance, le futur pays indépendant possède une forte dette qui se chiffre en plusieurs milliards.
Les infrastructures médicales et l’enseignement
Dans les années 1950, l’infrastructure médicale au Congo est plus importante que dans les colonies françaises et britanniques. Toutefois, il existe une ségrégation entre hôpitaux pour Blancs bien équipés, et hôpitaux pour Noirs peu équipés. Quant au nombre de médecins par habitant, il est inférieur à celui des autres colonies. Les premiers médecins congolais ne seront diplômés qu’après l’indépendance.
Dans les années 1950, le Congo est le deuxième pays le plus alphabétisé du continent africain. Ce positionnement dont se vantera la Belgique doit être nuancé. En effet, le Congo belge bénéficie d’un enseignent primaire très développé, ce qui lui vaut sa place dans ce classement, mais est à la traine en matière d’enseignement secondaire et encore plus au niveau de l’enseignement supérieur. En effet, l’objectif pour le colonisateur est de produire des ouvriers capables de lire, d’écrire et de compter. L’enseignement primaire suffit amplement. Les Belges craignent que l’accès à un enseignement secondaire et supérieur entraine l’apparition d’une élite revendicatrice et critique par rapport à la colonisation. En 1957, on ne compte que 5% d’élèves dans l’enseignement secondaire, l’immense majorité se trouve dans l’enseignement primaire. En 1960, on ne compte que 0.1% de la population scolaire congolaise dans l’enseignement supérieur, alors que la moyenne africaine est de 0.4 % et la moyenne mondiale est de 3%. La Belgique a trop tardé à lancer des formations secondaires et supérieures, ce qui sera préjudiciable à la reprise correcte du pays par les Congolais lors de l’Indépendance.
Après-guerre, les industries dans un souci de profit et de rendement maximal, mise sur la mécanisation. Toutefois les travailleurs qualifiés européens coutent très cher, donc de plus en plus d’industries forment des Congolais qui exercent des postes plus importants qu’auparavant. Toutefois, même le plus qualifié des Congolais reste inférieur au moins qualifié des Européens dans la logique raciste coloniale.
Les Congolais s’organisent politiquement
Depuis le début de la colonisation, les Congolais ont résisté de différentes façons, parfois de façon violente à la présence étrangère sur leur sol. Mais toutes ces actions ne résultent pas de mouvements politiques organisés. Il faut attendre la seconde moitié des années 1950, pour que de vraies revendications politiques autonomistes voient le jour. L’élite congolaise, qu’on appelle « les évolués » ne voit pas d’amélioration de son sort. Malgré tous les efforts fournis pour obtenir le statut « d’évolué », ils sont toujours considérés comme inférieurs aux Blancs. En 1956, le « Manifeste » paru dans Conscience africaine puis le contre-manifeste du parti ABAKO sont les premiers documents officiels où une revendication politique congolaise souhaite l’émancipation du Congo. En 1958, Patrice Lumumba cofonde le Mouvement national congolais (MNC) et revendique l’indépendance du Congo. De plus en plus de partis politiques réclamant l’indépendance sont créés.
Malgré des signaux évidents de la part des Congolais pour obtenir leur indépendance, le mouvement n’est pas suffisamment pris au sérieux par le colonisateur belge qui se berce d’illusions. Pour preuve, le roi Baudouin se rend au Congo en 1955 afin de faire la tournée de la colonie belge et rappeler les liens solides entre les deux pays. Ce n’est que vers la fin des années 1950 que le colonisateur belge se rend compte qu’il ne pourra plus maintenir très longtemps son pouvoir sur la colonie. Les autres pays colonisateurs ont ouvert la voie à l’indépendance, il ne peut plus se voiler la face. Une véritable panique s’installe quand les Belges prennent conscience qu’ils n’ont pas assez africanisé les cadres de la colonie. Avec une précipitation qui sera néfaste à la stabilité du Congo indépendant, les Belges organisent plusieurs réunions avec les représentants congolais.
Le 30 juin 1960, l’indépendance est proclamée avec Joseph Kasa-Vubu comme président, et Patrice Lumumba comme Premier ministre. La passation de pouvoir s’effectue dans la paix. Mais les lendemains de l’indépendance vont plonger le Congo dans la guerre civile, à cause de la mauvaise politique de passation de pouvoir de la Belgique, et la volonté de cette dernière (et des pays occidentaux) de maintenir leurs intérêts dans ce nouveau pays.
6 ¦ Résumé
- Avant la colonisation de la fin du XIXe siècle, des structures politiques existent dans les territoires congolais. Elles sont bien organisées économiquement et culturellement. L’Europe souhaite mettre la main sur les richesses africaines, et entreprend la colonisation de l’Afrique. Léopold II, roi des Belges, veut une colonie pour son pays, mais devant l’indifférence générale, il va se lancer dans l’aventure entouré d’une partie de la bourgeoisie belge. En 1885, en marge de la conférence de Berlin, les États occidentaux reconnaissent les territoires congolais comme un État : l’État Indépendant du Congo (EIC), sous l’autorité du monarque belge.
- La colonisation du Congo va être difficile, car les populations locales refusent de se laisser dominer par des étrangers, et résistent. La Force publique (armée coloniale) utilise une violence extrême pour soumettre le pays. Cette violence va également être particulièrement brutale dans la gestion économique de la colonie. Afin d’obliger les populations à fournir de grosses quantités de caoutchouc, le colonisateur va user d’une cruauté rare : viols, incendies de village, massacres, etc. Une résistance locale couplée à une campagne internationale va obliger Léopold II à céder le Congo à la Belgique en 1908.
- La Belgique s’engage à mettre fin aux atrocités, mais dans les faits, de nombreuses caractéristiques de l’EIC vont perdurer comme le travail forcé, les violences, ou encore le racisme. Pendant les guerres, le Congo va surtout fournir des matières premières, et permettra à la Belgique de justifier sa place parmi les Alliés. Une amélioration du sort des Congolais des villes est visible dans les années 1950. Mais loin de l’idée défendue d’une colonie modèle, la Belgique ne fait rien pour permettre une bonne transition du pouvoir au bénéfice des Congolais lors de l’indépendance. Le Congo est très rentable économiquement pour le colonisateur, mais les structures établies ne bénéficient que très peu aux Congolais
La colonisation de l’Afrique
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Expliquer les tentatives de réforme en Afrique au XIXe siècle.
- Expliquer la façon dont les Européens se sont emparés de territoires en Afrique.
- Expliquer le rôle du continent africain dans les deux guerres mondiales.
- Expliquer la façon dont les colonies sont organisées.
- Expliquer les facteurs qui précipitent la fin de la colonisation en Afrique.
2 ¦ Introduction
Tout au long du XIXe siècle, l’Afrique multiplie les efforts pour se remettre de quatre siècles de traite négrière transatlantique. Elle va tenter de se réformer et de se renforcer. Des structures politiques vont se déployer, tandis que d’autres s’affaiblissent. Contrairement à ce que l’on présente parfois, l’Afrique n’est pas un ensemble homogène. Les réalités et les processus politiques et sociaux en œuvre en Afrique occidentale ne sont pas les mêmes que dans l’Afrique centrale. Avant la colonisation, les différentes régions africaines connaissent des histoires différentes, ce sera le cas aussi durant la colonisation, même si un certain nombres de caractéristiques, comme la violence, le racisme, et le mode de gestion des colonies seront assez similaires à l’ensemble du continent.
En Europe, un système capitaliste impérialiste fondé sur l’industrialisation émerge. Les nouveaux moyens de production entraînent l’augmentation de la production. Un petit nombre de capitalistes et de groupes financiers possèdent les infrastructures industrielles, et recherchent très activement des ressources pour faire fonctionner leurs industries, et des marchés pour écouler leurs produits finis. C’est ainsi que l’avènement de l’âge industriel en Europe est indissociable de l’avènement du colonialisme « moderne » en Afrique, et dans le monde. L’Europe va tenter de dominer l’Afrique pour de multiples raisons : économique, politique, démographique, voire idéologique. Le racisme, et le capitalisme sont à la base de la colonisation.
3 ¦ L’Afrique au XIXe siècle
Avant la colonisation de la fin du XIXe siècle, l’Afrique a connu quatre siècles de relations commerciales avec l’Europe. Des comptoirs européens, sous souveraineté africaine, sont situés le long de la côte atlantique de l’Afrique. Une énorme demande en esclaves pour les Amériques va entrainer une traite négrière du XVe siècle jusqu’au début du XIXe siècle. La traite atlantique va bouleverser les structures politiques en Afrique. En parallèle, une traite négrière s’opère via l’océan indien, et le Sahara du VIIe au XIXe siècle. Des royaumes puissants disparaissent comme le royaume Kongo, et d’autres, tirant profit du trafic, se renforcent comme le Dahomey. Avec l’abolition de la traite négrière, au début du XIXe siècle, les États africains ont tiré les leçons de cet épisode. Dans leur ensemble, ils essayent de renforcer leur puissance, et leurs moyens de défense.
3.1. Économie et politique
La demande européenne de produits comme le caoutchouc, l’huile de palme, ou encore l’ivoire va faire du commerce africain un facteur essentiel de la puissance des États africains. Un réseau intérieur de routes commerciales permet de répondre à la demande européenne, et permet aux Africains de se procurer armes à feu et richesses qui permettent de combattre les États rivaux, ou de permettre des rébellions et des sécessions.
Les Africains ont conscience que les armes européennes sont plus efficaces et tentent de s’en procurer, ce qui va bouleverser l’organisation militaire africaine. Des infanteries armées vont remplacer les cavaleries en tant que corps d’élite. De nombreux États africains sont en guerre au cours du XIXe siècle. L’instabilité politique et les déplacements de population sont généralisés. Par exemple, le Mfecane (entre 1815 et 1840, guerres et migrations en Afrique australe et centrale autour de l’accession au pouvoir de Chaka, roi des Zoulous) bouleverse les structures politiques d’une partie du continent africain.
Les rivalités politiques sont fortes, et certains États, pour survivre, n’ont d’autres choix que de se réformer en centralisant le pouvoir, de créer une force armée permanente, et d’envahir les États voisins, au risque de disparaitre eux-mêmes. C’est le cas de l’Ashanti ou du Dahomey par exemple. Certains chefs africains, dans les États fanti de la Côte-de-l’Or, reçoivent une éducation occidentale, et essayent de réformer les structures traditionnelles. L’Éthiopie s’unifie et réforme ses institutions. Dans les années 1870, les États africains sont plus centralisés, plus forts et plus étendus.
La révolution industrielle, et les guerres permettent à l’Europe de développer un armement très efficace. Dès lors, à partir des années 1870, les rapports de force entre États africains et européens deviennent de plus en plus inégaux.
3.2. Transformation sociale et politique
Socialement, l’Afrique se transforme aussi. Outre l’apparition d’une classe de guerriers, et d’une classe de marchands, la demande croissante de main-d’œuvre, allant de pair avec l’augmentation de la demande pour certains produis africains, entraine une augmentation du nombre d’esclaves dans les sociétés africaines, et l’utilisation du travail forcé.
Les sociétés africaines se transforment grâce à des facteurs internes ou grâce à des contacts avec les missionnaires, et les négociants européens qui se trouvent sur les côtes africaines, puis à partir du milieu du XIXe siècle, de plus en plus profondément à l’intérieur du continent africain.
4 ¦ L’Europe et la montée du colonialisme moderne (XIXe siècle)
Lors du Congrès de Vienne en 1815, les puissances européennes se mettent d’accord pour abolir la traite négrière, même si elle perdurera illégalement jusqu’au milieu du siècle. L’abolition de la traite et de l’esclavage par les pays européens est surtout le résultat de l’essor du capitalisme industriel au XIXe siècle qui prône d’autres formes de travail que l’esclavage et qui considère qu’il est plus intéressant d’avoir des clients sur le sol africain.
4.1. Idéologie européenne
Dès le XVIIIe siècle, le racisme biologique se répand en Europe. De nombreux scientifiques vont tenter de démontrer, à travers de pseudosciences, qu’il existe une hiérarchisation des races, et que la race blanche est supérieure aux autres. Ces pseudosciences, bien que remise en cause par certains dès le XIXe siècle, entre autre par Anténor Firmin, servira de légitimation à la colonisation. Il est normal que la race supérieure domine la race inférieure afin de l’aider à se développer. Les Européens vont de plus en plus ressentir le besoin d’apporter la prétendue civilisation blanche aux peuples dits « inférieurs ». L’argument antiesclavagiste se développe également en Europe. L’esclavage sévit toujours en Afrique, que ce soit de la part des États africains eux-mêmes ou de la part des Arabes qui organisent une traite orientale. Les Européens considèrent, dès lors, qu’il est de leur devoir de mettre fin à ces pratiques, bien que leurs explorateurs, et marchands s’en servent dans leurs missions en Afrique.
4.2. Révolution industrielle
La révolution industrielle du XIXe siècle va faire exploser la recherche de débouchés pour les produits européens, et la demande en matières premières. L’Afrique, ainsi que d’autres régions extraeuropéennes, apparaissent de plus en plus comme des lieux attractifs avec lesquels il est intéressant de commercer. Des liens commencent à se créer, des négociants européens parcourent de plus en plus les royaumes africains. L’idée qu’il serait plus intéressant de dominer entièrement ces territoires plutôt que de commercer avec eux fait petit à petit son chemin. De plus, les évolutions technologiques vont permettre la colonisation, comme les avancées biomédicales en général, et en particulier la quinine, le développement du bateau à vapeur, ou encore l’invention du fusil automatique.
4.3. Guerres et rivalités européennes
En 1870, la révolution industrielle et les guerres, notamment la victoire de la Prusse sur la France en 1870-1871, entrainent une amélioration des armements et des techniques militaires en Europe. Les unifications allemande et italienne en 1870 poussent ces deux nouveaux États puissants à revendiquer une plus grande place dans l’obtention des ressources africaines jusque-là monopolisée principalement par la Grande-Bretagne et la France. Les rivalités européennes sont très fortes au XIXe siècle. La défaite de la France face à la Prusse entraine sa volonté de se tailler un empire africain pour faire oublier l’humiliation et pour développer son économie. Elle s’appuie sur des missionnaires et des agents commerciaux déjà présents en Afrique. Les rivalités européennes vont s’installer en Afrique.
4.4. Évolution des rapports de force entre l’Europe et l’Afrique
Les perspectives économiques et politiques que représente l’Afrique pour les États européens bouleversent les rapports entre Européens et Africains. Dorénavant, certaines activités qui pouvaient apparaitre comme « désintéressées » comme les explorations, ou l’évangélisation des missionnaires commencent à être envisagées dans un intérêt stratégique pour les pays européens. Les missionnaires, et les marchands européens servent désormais les intérêts nationaux européens en recueillant des informations, et en tentant d’affaiblir les pouvoirs locaux.
5 ¦ Appropriation territoriale et résistance africaine (1880 – 1900)
Les Européens pour les motifs évoqués plus hauts (économiques, politiques, et « civilisateurs » principalement) vont élaborer plusieurs stratégies pour accaparer les territoires africains. Ils vont principalement utiliser la diplomatie, le droit international, et la guerre. Toutefois, les États africains ne se laisseront pas faire et résisteront, parfois pendant plusieurs décennies aux prétentions européennes.
5.1. Le droit international au service de la conquête
Les rivalités européennes qui se sont exportées en Afrique risquent de déclencher de nouveaux conflits en Europe, ce que les pays européens veulent éviter. Ainsi, la France et la Grande-Bretagne s’opposent dans le Haut et le Bas-Niger, quant aux Portugal et à la Grande-Bretagne, ils veulent éviter de s’affronter dans le bassin du Congo. La conférence de Berlin est alors organisée en 1884-1885 afin d’établir un certain nombre de règles pour l’occupation de l’Afrique et ainsi éviter des conflits entre États européens. Contrairement au mythe bien connu, l’Europe ne se partage pas l’Afrique, mais établit les règles à suivre pour revendiquer un territoire en Afrique.
Aucun État africain n’est représenté lors de la conférence de Berlin. En effet, au cours du XIXe siècle, au nom de critères raciaux et civilisationnels, la plupart des pays non européens sont exclus du droit international. De plus, pour les États européens, bien qu’ils fassent du commerce avec les États africains, ils considèrent que comme ces derniers possèdent des esclaves et en font commerce, ils ne peuvent être reconnus en droit international. Dès lors, l’Afrique sera reconnue terra nullius (espace considéré comme pouvant être habité, mais ne relevant pas d’un État). L’Europe part, ici, avec un avantage sur l’Afrique, elle fait front commun, alors que les États africains sont divisés dès le départ.
En Afrique, les États européens s’allient avec certains États africains, en combattent d’autres, les montent les uns contre les autres, en Europe, à travers la conférence de Berlin (1885) et l’Acte de Bruxelles (1890), un front européen se dessine pour interdire, notamment, la fourniture d’armes à feu. La stratégie est implacable et l’Afrique souffre d’un déficit diplomatique en politique internationale.
5.2. L’appropriation par traité
L’Europe n’a pas systématiquement dû faire des guerres pour s’approprier des territoires en Afrique. Certaines régions sont tombées sous domination européenne grâce à des négociations. De nombreux traités sont signés entre les États africains et les États européens. Dans ces traités, en échange de protection, les Africains acceptent la perte de leur souveraineté, mais dans la plupart des cas, les chefs d’État africains conservent leur autorité. Il est probable que pour les Africains, ces traités soient surtout apparus comme des actes d’alliance et pas d’allégeance. Toutefois, certains chefs d’État africain refusent complètement ces traités comme le roi du Dahomey qui déclare, dans une lettre envoyée au roi du Portugal en 1887 : « Il vaut mieux que chaque nation gouverne ses terres, les Blancs dans les leurs avec leurs Rois, et moi, Roi du Dahomey avec les miennes. »
Parfois, certains chefs d’États africains trouvent eux-mêmes intéressant d’établir des liens avec un pays européen pour des raisons diverses : acquérir des armes, se défendre face à un voisin expansionniste, ou encore garantir son pouvoir face à des rivaux. Certains chefs d’État sont, par ailleurs, habiles dans l’art de jouer avec les rivalités européennes. Dès lors, il faut relativiser l’idée commune qui voudrait que la plupart des chefs d’État africains aient signé des traités avec une croix sans savoir ce qu’ils faisaient. En 1894, Witbooi, par exemple, chef du Namaqualand entretient une correspondance avec les officiers allemands afin de défendre ses revendications, et sa conception égalitaire entre nations. Ce sont parfois les Européens eux-mêmes qui ne comprennent pas les stratégies que poursuivent leurs nouveaux alliés africains.
Une fois les traités d’allégeance signés, tout n’est pas gagné pour les Européens. En effet, il est possible que des guerres se déclarent si les États africains considèrent que la pression coloniale est trop forte. Les Sotho, par exemple, lancent la « guerre des fusils » (1879 – 1881) face aux Britanniques alors qu’un traité avait déjà été signé. Witboi se soulève face aux Allemands en 1904, 10 ans après avoir pourtant accepté de se soumettre. Parfois, signer un traité est une ruse pour les chefs d’État africain afin de gagner du temps, de se procurer des armes et de se soulever face aux pays européens. Ainsi, Samori Touré en Afrique de l’Ouest conclut plusieurs traités avec les Français entre 1886 et 1889 avant de se soulever en 1891.
5.3. L’appropriation par la guerre
Si les traités ou l’ingérence ne fonctionnent pas, les Européens utilisent la guerre pour s’approprier les territoires africains. Les Européens vendent, tout au long du XIXe siècle, des armes aux Africains afin d’obtenir des marchandises, ou des traités. Dès lors, l’infanterie africaine se développe. Toutefois, suite à la conférence de Berlin en 1885 et surtout à l’Acte de Bruxelles en 1890, il est décidé, qu’au nom de la campagne antiesclavagiste, il est interdit de vendre des armes aux États africains, affaiblissant ainsi ces derniers.
On retrouve du côté africain, par exemple chez les Zoulous, au Dahomey ou encore à Zanzibar, de très bonnes armées disciplinées avec de très bons généraux qui possèdent, en plus, l’avantage de mieux connaitre le terrain que les Européens. Les Européens ne vont pas directement envoyer des troupes entières en Afrique. L’émancipation des esclaves sert les intérêts européens. Cela leur permet d’affaiblir l’économie africaine basée sur ce système, et surtout d’enrôler dans leurs armées des esclaves émancipés qui se montreront loyaux envers leurs « libérateurs ». Mais il arrive que les troupes africaines, au service des Européens, se mutinent également, comme en 1897 dans l’État Indépendant du Congo où la Force publique (armée coloniale) se révolte. Les Européens se font également des alliés parmi les États africains grâce au travail de renseignements, des missionnaires et des marchands sur place.
Les Européens ne gagnent pas toutes leurs guerres d’occupation. En Éthiopie, lors de la bataille d’Adoua en 1896, Ménélik, empereur d’Éthiopie écrase l’armée italienne et parvient à maintenir l’indépendance de son pays. En 1879, les Britanniques sont battus par les Zoulous, même s’ils finiront par l’emporter. Malgré les défaites que peuvent subir les Européens, ils ont confiance dans la supériorité quantitative et qualitative de leur armement qui finira par faire la différence.
La conquête militaire de l’Afrique n’est pas si simple que cela pour les Européens. Ils ont eu recours à une violence extrême pour parvenir à leurs fins. Comme les populations locales ravitaillent et soutiennent les armées autochtones, les officiers européens, à de nombreuses reprises et à différents endroits n’hésitent pas à ordonner de brûler les villages et à exécuter les prisonniers. Afin de soumettre les populations à la nouvelle autorité coloniale, les Européens n’hésiteront pas à brûler les récoltes, afin d’affamer les populations pour qu’elles se soumettent. C’est notamment une stratégie que la France pratique en Algérie. Ces pratiques sont d’autant plus choquantes qu’elles sont contraires au droit de la guerre en vigueur à cette époque et qui protège les prisonniers de guerre notamment.
La violence coloniale, poussée à son paroxysme, a entrainé l’un des premiers génocides reconnus envers les Hereros et les Namas. Les Allemands vont exterminer entre 70 et 80% des Hereros, et près de 50% des Namas entre 1904 et 1908.
5.4. Conclusion
Les États africains ont probablement cru qu’étant loin de leurs pays, les Européens ne pourraient jamais être une menace significative, le nombre jouant pour l’Afrique. De plus, les États ont préféré jouer la carte individuelle alors qu’une solidarité panafricaine aurait certainement entrainé d’autres conséquences. Fin du XIXe –début du XXe siècle, les frontières coloniales sont tracées, mais des résistances à l’occupation vont perdurer jusqu’aux indépendances. Les Européens n’ont pas la maitrise absolue de l’ensemble des territoires, certaines régions restent relativement autonomes contrairement à ce que pourraient faire penser les cartes des colonies africaines.
6 ¦ L’État colonial, entre lutte et consolidation (+- 1885 – +- 1960)
6.1. L’organisation des colonies
A. Statuts différents
Les territoires africains colonisés par les Européens n’ont pas tous le même statut. On peut distinguer la colonie, totalement dominée par la Métropole, et dirigée à tous les étages par des Européens et le protectorat où les élites locales restent en place tout en étant, bien sûr, soumises à l’autorité coloniale. Certaines régions passent d’un statut à l’autre pendant la période coloniale. Toutefois, on observe que les États européens ont de plus en plus tendance à se servir des élites locales pour gérer leurs territoires au cours de la période coloniale. Cela est moins couteux et plus efficace pour les Européens qui sont présents de manière très minoritaire en Afrique. Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas de véritable méthode coloniale propre à chaque pays européen. Les différences de gestion au sein d’un même empire colonial sont parfois plus importantes qu’entre les différents empires eux-mêmes. La gestion des territoires dépend surtout de la structure politique, sociale et culturelle de l’espace colonisé, plus que de la vision du colonisateur. De plus, les puissances coloniales tentent de s’inspirer de ce qui semble le mieux fonctionner chez les autres. Dès lors, on peut véritablement parler de colonisation européenne au sens large, et non pas de colonisation britannique, française ou belge en particulier.
B. Le mythe de l’administration directe
Les colonisations belge ou française sont parfois présentées comme les représentants d’une administration directe, c’est-à-dire que les colonisateurs organisent et maitrisent tout ce qui se passe dans la colonie alors que la Grande-Bretagne est présentée comme l’incarnation même de l’administration indirecte (Indirect rule), c’est-à-dire une administration qui s’appuie sur les élites locales. En réalité, il y a trop peu d’Européens présents dans les colonies, et les territoires sont si gigantesques qu’on ne retrouve pas des Européens sur l’ensemble des espaces colonisés. Dès lors, les colonisateurs n’ont d’autres choix que de s’appuyer sur les élites locales pour administrer leurs colonies. Les colonisateurs vont destituer des élites, en nommer d’autres, plus conciliantes, à leur place, mais ne peuvent se passer des élites locales.
C. Infrastructures
Une fois la main mise sur les territoires africains, les Européens vont tenter de développer les infrastructures en Afrique afin d’exploiter plus facilement les territoires colonisés, et de permettre une meilleure circulation des marchandises, des troupes, et des informations. Pour réaliser les travaux, comme l’installation de rails, ou de télégraphe, les Européens se servent de la main-d’œuvre locale contrainte de travailler dans des conditions abominables.
Ces infrastructures sont présentées comme un apport de la civilisation occidentale au bénéfice des colonisés. Or, elles permettent surtout d’asseoir la domination coloniale, et d’exploiter plus efficacement les territoires colonisés. Il convient aussi de relativiser l’apport d’infrastructure en Afrique, en 1914, le continent ne possède que 5% des voies de chemin de fer mondiales, et de nombreuses régions africaines restent dépourvues d’infrastructure, et ce parfois jusqu’aux indépendances. Les réseaux locaux, telle la marche, le portage, ou encore la pirogue restent bien souvent importants dans les colonies.
6.2. Violence et racisme
L’histoire entière de la colonisation repose sur la violence et le racisme. Le colonisateur fait usage de violence de la conquête jusqu’aux indépendances, que ce soit lors de combats pour assurer sa domination, de répressions face aux insurrections, ou encore lors de châtiments corporels pour divers motifs. Le racisme est le fondement même du droit dans les colonies. Les colonisés n’ont aucun droit, et la justice coloniale donne constamment raison à l’Européen en cas de litige.
Pour effectuer de grands travaux d’infrastructure, pour travailler dans les champs, les plantations, ou encore les mines, le colonisateur a besoin d’énormément de main d’œuvre. Il la puise dans les populations locales en les y contraignant, le plus souvent par la force. La pratique du travail forcé est régulièrement utilisée, des gens sont contraints de travailler, le plus souvent sans rémunération, et dans des conditions épouvantables pour le compte de la métropole.
Tous les colonisateurs vont recourir à un moment ou à un autre au travail forcé dans leurs colonies, pour des travaux publics ou privés. Dans les colonies françaises, par exemple, le travail forcé ne sera aboli officiellement qu’en 1946.
6.3. Les deux guerres mondiales
A. La Première Guerre mondiale
La tension extrême entre impérialismes européens va conduire au premier conflit mondial entre 1914 et 1918. La guerre va se dérouler principalement en Europe, mais aussi dans quelques colonies. Des centaines de milliers de soldats issus des colonies vont combattre en Europe, mais aussi en Afrique et en Asie pour le compte des métropoles européennes.
Les colonies britanniques, françaises et belges vont attaquer les colonies allemandes en Afrique. Le Togo et le Cameroun allemands vont tomber en 1916, tandis que l’Afrique-Orientale allemande ne se rend qu’en 1918. L’idée d’utiliser des forces coloniales pour faire la guerre en Europe n’est pas partagée par tous les Européens. Les Britanniques sont réticents, mais vont quand même les utiliser, les Belges ne vont pas y recourir en Europe, tandis que les Français sont plus favorables à cette utilisation. Dès 1911, certains officiers français insistent pour l’utilisation, en cas de guerre, de la « force noire ». Dans les pays colonisés, les élites africaines vont soutenir cette utilisation des troupes locales en espérant recevoir en retour des droits politiques. C’est le cas, notamment de Blaise Diagne, seul représentant africain au parlement français durant la guerre, qui soutient l’envoi de tirailleurs sénégalais. Toutefois, la mobilisation des forces colonisées ne va pas être une tâche facile. Certains vont fuir afin d’échapper à l’enrôlement.
En plus des troupes utilisées, de nombreux colonisés vont travailler dans des usines européennes, en France principalement. Les impôts vont augmenter dans les colonies afin de soutenir l’effort de guerre, le travail forcé va être utilisé à peu près dans toutes les colonies. Le mécontentement va augmenter dans les colonies, et des révoltes vont avoir lieu. Des promesses de réforme en faveur des colonisés vont être faites, mais aucune ne sera tenue par les colonisateurs à la sortie de la guerre, et ce malgré les sacrifices importants des populations colonisées. La fin de la Première Guerre mondiale va marquer la chute de certains empires coloniaux comme l’empire allemand. Après-guerre, les colonies allemandes vont être réparties entre les vainqueurs européens à savoir la Grande-Bretagne, la Belgique et la France.
B. La Seconde Guerre mondiale
Comme lors du premier conflit mondial, les colonies vont être mises à rude contribution lors de la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette guerre, l’Afrique est l’un des centres où se déroulent les conflits. En 1936, soit 40 ans après la défaite cuisante de l’Italie face à l’Éthiopie, l’Italie de Mussolini parvient à battre l’Éthiopie, restée indépendante jusque-là, et va l’occuper jusqu’en 1941.
Les pays colonisateurs vont s’appuyer sur leurs colonies qui vont servir de réserves d’hommes, de matière première et de produits alimentaires. Les Belges, dont le pays est complètement dominé par l’Allemagne nazie, conservent leur place parmi les Alliés grâce à leurs colonies africaines qui participent activement à l’effort de guerre. Les colonies sont stratégiques aussi pour les Français, divisés entre Pétain qui voit dans les colonies un moyen de garantir son pouvoir, et De Gaulle qui y voit le moyen de libérer le pays.
La mobilisation du côté des colonisés va être très importante, et ils vont connaitre de lourdes pertes, notamment chez les tirailleurs sénégalais engagés au côté des Français. Des dizaines de milliers de colonisés vont être prisonniers dans les camps en Allemagne. Et de nombreuses troupes de soldats colonisés vont participer aux débarquements en Italie ou dans le sud de la France.
En plus des hommes envoyés au combat face aux nazis allemands et aux fascistes italiens, les colonies vont également servir de réserves de matières premières. On voit, à nouveau, la continuation du travail forcé, que ce soit dans les champs ou dans les mines des colonies africaines, cette fois au service de l’effort de guerre. Les conditions de vie sont très difficiles pour les populations dans les colonies, du fait de l’énorme pression qui est demandée aux populations afin de soutenir l’effort de guerre. Des pénuries, et des famines vont parfois voir le jour. Des révoltes vont avoir lieu dans de nombreuses colonies. Elles seront violemment réprimées par les colonisateurs.
Comme lors du premier conflit mondial, des promesses sont faites aux populations colonisées, mais elles ne sont pas tenues, une nouvelle fois, par les colonisateurs. Toutefois, les défaites des Belges, des Britanniques, des Français, et des Néerlandais face à l’Allemagne nazie vont montrer aux populations colonisées que les colonisateurs ne sont pas si forts et qu’ils peuvent être vaincus.
6.4. La marche vers la décolonisation
Encore plus qu’après le Premier conflit mondial, les peuples colonisés aspirent à voir leurs droits respectés, voire leur indépendance reconnue. En Asie, des mouvements de libération s’enclenchent, notamment en Indonésie (indépendance proclamée en 1945), ou en Indochine (proclamation d’indépendance du Vietnam en 1945). En Afrique, les populations espèrent que les nouveaux sacrifices consentis pour les Européens leur permettront d’acquérir davantage de liberté, ce qui ne sera pas le cas. Les mouvements réclamant l’indépendance vont prendre de l’ampleur.
La Charte des Nations unies de 1945 condamne le colonialisme. Dès lors, les pays colonisateurs sont de plus en plus isolés sur la scène internationale. Les États-Unis qui se déclarent ouvertement anticolonialistes, mais aussi l’URSS qui pour des raisons différentes condamne également le colonialisme.
De nombreux pays colonisés accèdent à l’indépendance, le plus souvent par la force, entre 1945 et 1965. Certains pays colonisateurs comme la Belgique font de timides réformes dans les années 1950 pour préparer les colonies à l’indépendance, d’autres comme la Grande-Bretagne déploient de plus grands efforts, en tentant toutefois de garantir le plus possible leurs intérêts dans leurs colonies.
7 ¦ L’impact de la colonisation en Afrique
7.1. Politique
Sur le plan politique, la colonisation a profondément bouleversé les structures politiques, en créant de nouvelles constructions politiques qui échappent au contrôle des Africains. Le pouvoir de chefs traditionnels est fortement diminué. Alors qu’avant la colonisation, les décisions politiques sont prises de manière collective, sous l’autorité d’un chef, dorénavant, le chef sert à appliquer les décisions prises par une autorité étrangère. Le principe de « diviser pour régner » est appliqué pour mieux dominer, en opposant les groupes ethniques les uns aux autres. Les mouvements politiques, qui sont créés à la veille des indépendances, font la promotion du nationalisme naissant, et du panafricanisme, et servent d’instrument de lutte pour l’indépendance. Ils sont le fait d’une élite africaine qui se développe dans les grandes villes du continent, et en Europe.
7.2. Économique
Sur le plan économique, l’économie coloniale entraîne la construction et le développement d’infrastructures routières, de voies ferrées, de l’installation du télégraphe et du téléphone, de la construction des ports et des aéroports qui sont créés dans le seul but de pouvoir mieux exploiter les territoires et les dominer. On constate, par ailleurs, que certaines régions considérées comme peu intéressantes pour les Européens ne bénéficient pas d’infrastructure, et ce jusqu’aux indépendances. La plupart de ces chantiers vont être menés par des populations contraintes de travailler et violentées par le colonisateur. Les cultures d’exportation sont développées, et remplacent par endroit les économies de subsistance qui vont être transformées dans le seul but de fournir des matières premières destinées à l’exportation.
7.3. Social
Sur le plan des répercussions sociales de la domination coloniale, on constate une chute démographique provoquée par la première phase de la colonisation. Les massacres, et surtout les maladies vont faire chuter la démographie africaine. Par la suite, une fois les colonies établies, l’introduction, le plus souvent de manière contraignante, des systèmes de santé européens va entrainer un accroissement démographique et l’amélioration de la qualité de la vie. On constate également l’émergence de nouvelles structures sociales comme le mariage qui viennent se superposer aux structures sociales préexistantes. Suite à la scolarisation, de nouvelles élites naissent dans tous les domaines et veulent être considérées comme égaux aux Européens, ce que ces derniers ne permettront jamais du fait de la vision raciste de la société.
8 ¦ Résumé
- Les sociétés africaines du XIXe siècle entreprennent des réformes grâce à des facteurs internes et externes. La présence de missionnaires, et de commerçants européens, au lieu de profiter aux réformes, va souvent les saboter. En Europe, la révolution industrielle, et les guerres permettent à l’Europe de développer un armement très efficace. Dès lors, à partir des années 1870, les rapports de force entre États africains et européens deviennent de plus en plus inégaux.
- Les Européens souhaitent mettre la main sur les territoires africains et entreprennent leur conquête, grâce au droit international, aux traités et à la guerre. Toutefois, loin des clichés habituels, les autorités africaines profitent parfois de ces traités pour leurs propres intérêts, et résistent longtemps à la conquête militaire. L’Éthiopie, par exemple, maintiendra son indépendance face à l’impérialisme européen.
- Durant toute l’époque de la colonisation, les Européens vont faire face à des résistances. Ils vont développer quelques infrastructures pour leurs propres intérêts économiques et politiques, mais contrairement aux idées reçues, ces infrastructures ne seront pas aussi étendues que cela. Devant le peu d’Européens présents sur place, les colonisateurs n’auront d’autres choix que de s’appuyer sur les élites locales pour administrer les territoires, et les politiques coloniales vont surtout se décider grâce aux structures sociales et politiques présentes sur place, plus que sur une théorisation coloniale venant d’Europe.
- Les deux guerres mondiales vont avoir un impact sur l’Afrique. Les colonies africaines vont participer, soit via des combats en Afrique et en Europe, soit comme réserve de matière première. Des promesses faites par les colonisateurs pendant les guerres ne sont jamais tenues une fois le conflit terminé.
- Après la Deuxième Guerre mondiale, les critiques du colonialisme sont de plus en plus importantes. Les colonisateurs vont entreprendre de timides réformes pour tenter de maintenir leur domination, mais ne pourront pas lutter contre la volonté d’indépendance des territoires africains, présente dès les premiers jours de la colonisation.
Comprendre la colonisation
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Définir les concepts de colonisation, de colonialisme, et d’impérialisme.
- Citer et expliquer les différentes motivations qui poussent les Européens à entreprendre la colonisation de l’Afrique.
- Savoir que des critiques et des résistances ont eu lieu contre la colonisation, en Afrique, et en Europe.
2 ¦ Introduction générale
- L’Afrique au XIXe siècle
La fin de la traite négrière transatlantique et l’abolition de l’esclavage au cours du XIXe siècle vont entrainer une nouvelle dynamique en Afrique. Les souverains africains, dans de nombreuses régions du continent, vont essayer de réformer leur société, en renforçant leur puissance et la défense de leur territoire, mais ces efforts vont souvent être contrés par l’intervention extérieure des commerçants, et des missionnaires européens. De vastes et puissants États se situent partout en Afrique, certains, comme le royaume Ashanti, sont redoutés par les Européens. L’Afrique, au XIXe siècle, n’est donc pas un territoire vide de structures politiques comme on a pu longtemps le croire.
- L’Europe au XIXe siècle
L’avènement, à la fin du XVIIIe siècle, de la révolution industrielle en Europe, entraine l’accélération de la mondialisation. Les États européens, désireux de se procurer des ressources, et des débouchés pour leurs industries, vont manifester des visées expansionnistes en allant chercher en Amérique, en Asie, en Océanie et en Afrique les moyens de leur politique. L’Europe va se ruer vers de nouveaux territoires pour des raisons complexes mêlant peuplement, exploitation économique, expansion politique, ou encore idéologie.
3 ¦ Quelques définitions
Les colonisateurs européens vont théoriser la colonisation, a posteriori, et tenter de justifier leur domination. Toutefois, les théories sont souvent éloignées des réalités du terrain.
- La colonisation est une politique d’occupation, d’exploitation et de domination d’une région et de ses communautés humaines par une puissance étrangère (métropole). La colonisation repose sur la croyance en l’infériorité biologique et culturelle des colonisés face au colonisateur (racisme), et s’accompagne de violences multiples. La colonie et est liée économiquement, politiquement et culturellement à la métropole. Les colonisateurs (personnes qui colonisent) ont des droits étendus et peu de devoirs, tandis que les colonisés ont de nombreux devoirs et très peu de droits.
- Le colonialisme est une doctrine qui a pour but de justifier la colonisation. Parmi les justifications, on retrouve l’économie (besoin d’accès protégé à des ressources et à des marchés), la politique (domination pour affirmer sa puissance en tant qu’État et civilisation), et l’humanitaire (lutte contre l’esclavage et apport de la soi-disant « civilisation »).
- L’impérialisme est une doctrine d’expansion nationale au moyen de la force ou de l’influence et qui vise à dominer d’autres espaces et communautés. La colonisation est une forme d’impérialisme.
4 ¦ Les motivations européennes à la colonisation
Plusieurs motivations inséparables poussent les Européens à vouloir entreprendre la colonisation d’autres territoires extraeuropéens.
- la motivation économique : la métropole cherche à obtenir un réservoir de matières premières pour ses industries (par exemple le cuivre, l’or, le coton, ou encore le café) et de nouveaux débouchés pour ses marchandises. Jules Ferry, un homme politique français du XIXe siècle a déclaré : « La création d’une colonie, c’est la création d’un débouché…La politique coloniale est fille de la politique industrielle.» Une fois la colonie établie, la métropole contrôle la production, l’exportation, l’importation et le commerce dans ses colonies.
- La motivation idéologique : la métropole souhaite imposer à d’autres populations son idéologie (religieuse, culturelle, etc.) qu’elle considère comme supérieure. Une fois la colonie établie, elle l’impose (s’il le faut par la force) aux populations colonisées, et tente de leur faire croire qu’elles sont inférieures culturellement.
- La motivation démographique : dans certains cas, la métropole souhaite envoyer ses ressortissants dans d’autres régions du monde, afin qu’ils s’y établissent définitivement (c’est le cas des colonies de peuplement comme l’Australie, l’Algérie, et l’Afrique du Sud par exemple).
- La motivation politique : la métropole veut accroitre sa puissance politique en occupant un ou plusieurs autres territoires.
5 ¦ Critique de la colonisation
Face à ces motivations coloniales, une résistance intellectuelle et effective s’installe dans les espaces colonisés comme l’Afrique, mais aussi en Europe. En Afrique, les populations vont résister violemment, et de vastes campagnes militaires vont se dérouler pendant des années. Jusqu’aux indépendances, les États européens vont devoir lutter contre des révoltes et des résistances permanentes de la part des colonisés, mais aussi contre le refus des colonisés de s’accepter comme « inférieurs », ou de répondre aux demandes des acteurs coloniaux (travail forcé, taxation). Les peuples colonisés, dans leur majorité, ne vont jamais accepter la domination européenne et vont constamment lutter contre l’envahisseur occidental.
En Europe, tout le monde ne soutient pas la politique coloniale. Par exemple, le socialisme européen, y compris sa branche communiste, s’oppose à la colonisation, en y voyant une des formes du capitalisme. En 1927, un congrès contre le colonialisme et l’impérialisme va se tenir à Bruxelles à l’initiative des communistes européens. Il rassemblera des intellectuels européens, mais aussi des représentants des peuples colonisés.
6 ¦ Résumé
La colonisation est un processus qui permit aux peuples européens de dominer et d’exploiter d’autres peuples du monde tandis que le colonialisme est une doctrine qui justifie pareille entreprise d’aliénation des pays étrangers à l’Europe et leur exploitation par les puissances d’occupation. Tout au long de la colonisation, les peuples colonisés résistent et se révoltent face contre la domination étrangère.
Esclavage et traites négrières dans l’espace congolais
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Comprendre pourquoi et comment certaines pratiques esclavagistes sont nées et quels sont leurs prolongements et leurs effets aujourd’hui.
- Comprendre pourquoi il est nécessaire de bien connaître cette histoire des traites et de l’esclavage qui a fortement marqué la perception des Africains sur eux-mêmes ainsi que le regard des autres sur les Africains.
2 ¦ Introduction
L’espace congolais, de par sa position centrale en Afrique, a longtemps servi de plaque tournante de l’esclavage. Avant la traite négrière orientale (VIIe siècle, leçon 2), et la traite négrière transatlantique (XVe siècle, leçon 3), l’espace congolais et l’Afrique ont connu un esclavage interne, comme dans toutes les sociétés du monde.
Toutefois, l’intensité des traites négrières, et en particulier la traite transatlantique, va avoir des conséquences importantes sur l’espace congolais. Au XVe siècle, la traite négrière sera un obstacle au progrès sociopolitique du Royaume du Kongo. Elle bouleversera l’ordre social et toutes les structures culturelles traditionnelles. Des royaumes ancestraux vont s’effondrer, d’autres vont apparaitre. De nombreuses routes des esclaves vont parcourir l’espace congolais. Ces itinéraires sont les témoins silencieux des horreurs quotidiennes qui caractérisent le trafic d’esclaves.
3 ¦ Les formes anciennes d’esclavage au Congo
La plupart des sociétés humaines ont, à un moment de leur histoire, subi ou pratiqué l’esclavage. Avant même les traites négrières, les sociétés congolaises ont connu plusieurs formes d’esclavage telles que :
- l’esclavage au niveau familial, clanique ou lignager
Une personne devient esclave pour plusieurs raisons : par hérédité, par insolvabilité (non-paiement d’une dette personnelle ou de la dette d’un parent), à cause d’une accusation de sorcellerie, pour des motifs d’inceste, d’homicide, de mauvaise conduite, etc.
- l’esclavage au niveau de l’État
Les raisons de mise en esclavage sont plus diversifiées : esclaves royaux, esclaves gardiens des membres de la famille royale, esclaves des dignitaires de l’État, esclaves des élites marchandes ou religieuses, etc.
Les esclaves peuvent servir de butins de guerre ou de paiement de tribut. Il arrive parfois que des esclaves vivants soient choisis pour être ensevelis avec le roi en vue de le servir dans l’autre monde. L’esclavage peut s’inscrire également dans des circuits commerciaux plus étendus liés à l’exportation de personnes réduites en esclavage dans le cas de guerres entre lignages, de guerres entre États et autres formes de violence collective. Il est possible pour les esclaves de retrouver leur liberté le plus souvent après une ou plusieurs générations, soit suite au mariage avec une personne libre, soit par un des multiples procédés de rachat variables selon les lieux et selon les époques.
4 ¦ Les formes de traites négrières au Congo
On y distingue trois types de traite : la traite nilo-soudanaise, la traite orientale, la traite occidentale ou transatlantique.
4.1. La traite nilo-soudanaise
Depuis l’Antiquité, la traite se pratique le long du Nil. Les esclaves provenant de l’Afrique centrale et plus particulièrement du nord de la Province Orientale du Congo, du Soudan, de l’Ethiopie et de l’Egypte sont vendus sur les marchés au même titre que les épices. Sur ces marchés, on retrouve des esclaves de différentes origines, en plus des Noirs, on peut y retrouver des Blancs, des Asiatiques, etc.
4.2. La traite orientale (VIIe – XIXe siècle)
Des trafiquants musulmans s’installent et font du commerce d’esclave sur la côte orientale de l’Afrique dès le VIIIe siècle. Ils s’appuient sur les chefs locaux : les Arabo-Swahilis (souvent issus d’une union entre un Arabe et une Africaine). Les Arabo-Swahilis sont fortement influencés par la langue et la civilisation arabe. Ils ont à leur service des Africains noirs bien organisés, bien armés et généralement conduits par des esclaves africains émancipés. Par opposition aux esclaves (watumwa), les hommes libres, c’est-à-dire, les Arabo-Swahilis sont appelés « wangwana » et leur langue « kingwana » langue des hommes libres.
C’est vers 1875 que l’est du Congo (à partir du Maniema) est touché par l’expansion de la civilisation musulmane dont le berceau se situe sur le littoral de l’océan Indien et sur les îles qui lui font face (Zanzibar, Pemba, Mafia, Malinda).
À la tête de ces bandes armées, on trouve des sultans plus ou moins indépendants ainsi que des personnages hors du commun par leur fortune (fondée sur le commerce des esclaves, des minerais, des épices et de l’ivoire) ou leur culture (métisse, swahili, arabe et indienne) qui s’imposent par la force.
Le plus connu et le plus prospère de ces Arabo-Swahilis dans l’espace congolais est Tippo-Tip. Né à Zanzibar de l’union d’un Arabe venu à Zanzibar et d’une Africaine de la côte, il devient rapidement, l’homme le plus puissant de tout l’est du Congo au XIXe siècle. Son autorité s’exerce sur une zone s’étendant de la région des Grands Lacs à l’est et du cours supérieur du Congo à 300 km à l’ouest.
Le pouvoir de Tippo-Tip ne repose pas seulement sur son sens exceptionnel des affaires, mais aussi sur la force. Au début il obtient ses marchandises de luxe : esclaves et ivoire, en tissant des liens d’amitié avec les chefs locaux. Mais dès que les demandes en esclaves et en ivoire augmentent, Tippo Tip devient encore plus riche et plus puissant surtout à partir du moment où il réalise qu’il est plus rentable de piller et de brûler des villages entiers plutôt que d’acheter quelques défenses d’éléphant ou quelques esclaves.
Le chef Mwenda M’Siri Ngelengwa Shitambi, aussi appelé Msiri est un commerçant, originaire de la côte est de l’Afrique absorbe l’ancien royaume Lunda qui est fragilisé à cause des traites. De 1856 à 1891, il domine en souverain cette région riche en cuivre et contrôle les voies commerciales vers l’est. Bunkeya, la capitale de son royaume le Garanganze, sera l’un des principaux centres économiques de l’Afrique centrale durant son règne.
En plus de ces deux noms, il y avait d’autres chefs africains ou arabo-swahilis directement en lien avec le commerce d’esclaves comme Rachid aux Stanley-Falls, Kibonge à Kirundu, Mserera à Riba-Riba (l’actuel Lokandu), Mwinyi Mohara, de son vrai nom Mtagamoyo Ben Sultan Wakasire à Nyangwe, Sefu à Kasongo, Bwana N’zige à Kabambare et Rumaliza à Ujiji, d’où il contrôlait la région à l’ouest du lac Tanganyika.
Au début de l’État Indépendant du Congo (1885 – 1908), les Européens se serviront de certains de ces chefs de guerre en les nommant par exemple gouverneurs ou commissaires de district avant de s’en débarrasser quand ils n’en auront plus l’utilité.
4.3. La traite transatlantique (XVe – XIXe siècle)
Avec l’arrivée des Européens sur les côtes d’Afrique centrale au XVe siècle et la création d’un marché atlantique, un réseau commercial de longues distances s’est développé dans le centre de l’Afrique, du fait du commerce des esclaves, et de l’ivoire notamment. La traite des esclaves de l’Ouest de l’Afrique centrale vers l’Amérique du Nord était essentiellement conduite par des marchands britanniques et américains.
Tous les États de l’espace congolais ont participé d’une façon ou d’une autre à ce commerce dans lequel les Européens et leurs agents ont joué un rôle central. La traite négrière transatlantique commence dès la fin du XVe siècle pour le royaume Kongo qui doit fournir aux Portugais des esclaves à destination du Brésil.
Le royaume du Loango, au nord du royaume du Kongo, va fournir des esclaves vers l’Amérique du Nord, surtout au XVIIIe siècle. Durant le XVIIIe siècle, le commerce vers l’Amérique du Nord est concentré dans trois ports de la Côte du Loango, à savoir : Cabinda, Malemba et la Baie du Loango.
Ce sont les marchands arabo-swahilis, spécialisés dans le commerce à longue distance du cuivre et de l’ivoire, qui ont fourni des esclaves, provenant de plusieurs sources : du Nord du Gabon moderne, du Pool Malebo (Kinshasa) dans l’Est, du Royaume Kongo, et de l’Angola. Des révoltes et des résistances face à cette réduction en esclavage et cet impérialisme européen ont lieu partout en Afrique, et aussi dans l’espace congolais. Ainsi, au XVIIe siècle, Kimpa Vita va lancer une révolte dans le royaume Kongo.
Ces réseaux commerciaux ont eu une influence importante sur les structures sociales, économiques, culturelles et politiques des peuples de ces régions donnant naissance, dans la zone comprise entre le Sud de la RDC et le Nord de l’Angola, à une zone d’hybridité culturelle appelée « zone luso-africaine » dans laquelle les langues, les noms individuels, les noms des lieux, la politique (émergence de nouvelles élites politiques), la culture matérielle (objets domestiques et d’habillement, nouvelles pratiques alimentaires, objets de parure), les hiérarchies sociales (urbanisation et émergence de nouvelles professions comme celle d’interprètes) et les relations économiques (nouveaux produits d’échanges et biens de prestige) se sont influencées mutuellement.
Durant la dernière décennie du XVIIIe siècle, le fleuve Congo devient la voie principale de commerce des esclaves vers l’Amérique du Nord et l’embouchure du fleuve Congo devient presque la place la plus importante d’embarcation pour les navires britanniques et américains. Environ 22.000 esclaves sont transportés vers le Sud des Etats-Unis lorsque Boma devient l’entrepôt principal d’embarquement des esclaves.
Une fois l’abolition de la traite reconnue au niveau européen (1815), une phase illégale de traite commence. En effet, bien que la traite soit abolie, l’esclavage demeure légal, et certains continuent à pratiquer illégalement la traite négrière vers les Amériques. Quelques esclavagistes américains commencent à utiliser le fleuve Congo comme refuge pour échapper aux navires britanniques antiesclavagistes.
En 1860, soit 45 ans après son abolition par le Congrès de Vienne, la traite illégale est toujours pratiquée. Ainsi un capitaine anglais constate à son arrivée à l’embouchure du Congo, en 1860, la présence de huit navires négriers appartenant à diverses nations, qui attendent d’embarquer leurs cargaisons d’esclaves. Toutefois, la fin des années 1860 marque la fin effective de la traite négrière transatlantique.
5 ¦ Les survivances des pratiques esclavagistes au Congo
Alors que les nations européennes abolissent les unes après les autres l’esclavage à la fin du XIXe siècle, il n’en est pas de même pour les musulmans et certains Africains qui continuent à exploiter des esclaves.
L’Europe y trouve donc un prétexte pour coloniser l’Afrique afin de la libérer de l’esclavage. En 1885, Léopold II obtient le droit de régner sur l’actuel Congo en promettant, entre autres, de mettre fin à l’esclavage. Il apparait alors en Europe comme un roi philanthrope et va régner sur l’État Indépendant du Congo de 1885 à 1908. En 1889-1890, il convoque à Bruxelles la Conférence antiesclavagiste qui débouchera sur un traité signé par les puissances occidentales de l’époque qui s’engagent à mettre fin à l’esclavage.
Les agents de l’État Indépendant du Congo vont effectivement finir par mettre fin à l’esclavage dans l’espace congolais. Toutefois, bien qu’ils mettent fin à cette pratique en luttant contre les Arabo-Swahilis, notamment, ils vont mettre en place un système qui ressemble à l’esclavage. Les Congolais ne sont officiellement plus esclaves, mais restent soumis et dominés dans un système qui n’est pas plus enviable que l’esclavage.
Par exemple, dans les prisons coloniales, les prisonniers devaient porter la « cravate », c’est-à-dire, une chaîne les reliant les uns aux autres pendant la corvée, chaine chargée de les empêcher de s’enfuir.
6 ¦ La mémoire de l’esclavage au Congo
La mémoire de l’esclavage au Congo, comme dans d’autres pays d’Afrique, va se confondre avec la mémoire de la colonisation. En effet, les deux phénomènes se mêlent dans une même violence à l’égard des populations locales.
En 1994, l’UNESCO met en place au Congo, comme dans d’autres pays africains, le projet « La route de l’esclave » afin de briser les tabous autour de la traite négrière, et aider à mieux comprendre les bouleversements qu’ont entrainés ces traites négrières. En 2005, à Kinshasa, la première édition du Festival de la route de l’esclave du continent africain a eu lieu.
L’UNESCO en RDC a également rédigé un manuel « La traite négrière, l’esclavage et les violences coloniales en République démocratique du Congo » en 2011.
L’esclavage a profondément marqué le Congo comme l’Afrique, et certains comme Simon Kimbangu ou Patrice Lumumba associent l’esclavage des traites négrières avec les violences coloniales.
Plusieurs chansons rappellent non seulement le temps de la traite des esclaves, le temps colonial, mais aussi les souffrances au temps historique :
- Des chansons posent même la question de l’origine des Noirs qui ont perdu le sens et l’essence de leur dignité humaine : « Oh nakomitunaka, Nzambe nakomitunaka, poso moindo nde ewuta wapi ? » (Je me demande, Dieu, je me demande d’où vient la peau noire).
- Une chanson de marche militaire met en relation la corvée (le travail sans intérêt = le pasantela) avec la traite des esclaves :« Salongo ee salongo alinga mosala. Biso tokomi bawumbu ya pete… salongo alinga mosala, Pete abandi konyokola biso… Salongo alinga mosala » (Le travail, il faut aimer le travail…Nous sommes devenus des esclaves à force de chercher le grade…Le grade commence à nous faire souffrir…).
- Le musicien Luambo Makiadi Franco a même chanté le temps de Tippo Tippo et de la traite arabe vers le marché de Zanzibar dans sa chanson « Zando ya Tipo-Tipo».
7 ¦ Résumé
Depuis l’Antiquité, l’Afrique centrale et plus particulièrement le Congo ont connu plusieurs formes d’esclavage et de traites négrières.
Cette lourde histoire de l’esclavage, sur laquelle les Congolais se sont construits, qui a conduit à une sorte de déshumanisation et à la construction d’une image négative, mérite d’occuper une place importante dans la mémoire des Congolais.
La construction de « routes d’esclaves » à l’ouest comme à l’est du Congo pourra contribuer à entretenir durablement la mémoire du temps de l’esclavage.
La fin officielle de la traite négrière et ses conséquences
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Identifier les divers secteurs où l’impact de la déportation et de l’esclavage des Noirs dans le monde d’aujourd’hui est visible.
- Montrer la contribution des Africains aux civilisations du monde musulman.
- Expliquer les survivances et la vitalité des cultures africaines dans les sociétés issues de l’esclavage aux Amériques.
2 ¦ Introduction
Les traites négrières arabe (VIIe au XIXe s., leçon 2) et transatlantique (XVe au XIXe s., leçon 3) ont couvert, ensemble, une période de presque douze siècles (VIIe – XIXe s.) et ont fortement marqué le continent africain. De nombreux Africains se sont révoltés face à l’esclavage et à la traite négrière. D’autres formes de résistance notamment via la musique ont également existées.
Toutes ces révoltes, l’évolution des idées, ou encore le contexte économique et industriel mèneront, officiellement, à l’abolition de l’esclavage et à la fin de la traite négrière au XIXe siècle. L’esclavage et son abolition ont marqué durablement l’histoire de l’Afrique et du Monde et continuent à avoir un impact sur le présent.
La traite et l’esclavage des Noirs ont été des catastrophes humaines indéniables, et ont également contribué à l’émergence d’un racisme anti-noir qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
3 ¦ Le processus d’abolition de la traite et de l’esclavage
3.1. L’abolition de la traite et de l’esclavage
Le processus d’abolition de la traite et de l’esclavage a été très long. Plusieurs voix se sont élevées dans le monde pour contester ces pratiques, aussi bien des Noirs que des Blancs, des révoltes ont eu lieu, mais il faut attendre la fin du XVIIIe siècle, et le XIXe siècle pour que les choses bougent enfin officiellement.
En Afrique, dès le XIIIe siècle, Soundjata Keita, fondateur de l’Empire du Mali, aurait proclamé la charte du Manden, considérée comme l’une des premières déclarations des droits de l’homme, ouvertement antiesclavagiste. D’autres combats ont eu lieu en Afrique ou chez les esclaves africains pour conquérir leur liberté et mettre fin à l’esclavage. Ainsi, au IXe siècle, dans l’actuel Irak, des esclaves noirs, les Zandj, se révoltent et créent leur propre État ; dans le royaume du Kongo au XVIIe siècle, Kimpa Vita mène la révolte ; au Brésil, des esclaves créent au XVIIe siècle, l’État de Palmarès ; et les esclaves de Saint-Domingue (l’actuel Haïti) se révoltent en 1791 contre les Français, ce qui conduira à l’indépendance et la proclamation de la toute première république noire libre.
En Europe également, certains s’opposent à l’esclavage et à la traite comme les prêtres espagnols Épiphane de Moirans et Francisco José de Jaca au XVIIe siècle. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que des mesures officielles soient prises. Les révolutionnaires français, suite à l’insurrection de Saint-Domingue et au combat de Toussaint Louverture, abolissent l’esclavage en 1794, mais Napoléon le rétablira en 1802. Le Danemark est le premier pays d’Europe à abolir définitivement la traite en 1802, mais c’est surtout son abolition par la Grande-Bretagne en 1807 qui va avoir des conséquences significatives.
Lors du Congrès de Vienne en 1815, les puissances européennes se mettent d’accord pour abolir la traite négrière. Toutefois, la traite de contrebande se poursuit jusqu’à l’abolition définitive de l’esclavage en 1833 pour la Grande-Bretagne, en 1848 pour la France, en 1865 pour les États-Unis et jusqu’en 1888 pour le Brésil.
L’abolition de la traite et de l’esclavage par les pays européens est le résultat d’une part de la montée du mouvement « philanthropique » apparu au Siècle des Lumières, et qui tend à considérer que tous les êtres humains sont égaux, et d’autre part de l’essor du capitalisme industriel au XIXe siècle qui prône d’autres formes de travail que l’esclavage et qui considère qu’il est plus intéressant d’avoir des clients sur le sol africain que de déporter ces individus vers les Amériques.
Paradoxalement, c’est au moment de l’abolition de l’esclavage au XIXe siècle que nait le racisme biologique en Europe, qui tente de démontrer l’inégalité des races et déclare que le Noir est la race inférieure. Cette pseudoscience aura des conséquences néfastes pour les Noirs, elle légitimera, entre autres, la colonisation, et perdurera jusqu’au milieu du XXe siècle.
Du côté musulman, en 1840, le sultan d’Oman décide de déplacer la capitale de son royaume à Zanzibar. Cela renforce la prospérité de la ville qui s’impose alors comme la plaque tournante mondiale de l’ivoire et des esclaves.
Selon le traité de Moresby signé en 1822 par le sultan et le gouverneur britannique, la vente d’esclaves par des colons chrétiens y est interdite. Mais cet accord n’est pas respecté, et la traite clandestine menée par les Européens, souvent maquillée sous la forme de contrat de travail libre, y continue jusqu’aux années 1880-1890. Dans certains pays arabes, l’esclavage va perdurer jusqu’au XXe siècle.
3.2. Les États-Unis et la fin de l’esclavage
L’arrêt de la « traite légale » ne signifie donc pas la fin du besoin d’esclaves dans les Amériques ni la fin de l’esclavage. Cette traite illégale a encore permis d’acheminer des esclaves vers le sud des Etats-Unis, Cuba et le Brésil jusqu’à 1888 et l’abolition totale de l’esclavage au Brésil. Toutefois la fin de l’esclavage n’entraine pas une amélioration du sort des Noirs. La colonisation, et le racisme scientifique vont maintenir l’Africain dans une position d’infériorité alors que le travail forcé, et les mauvais traitements lors de la colonisation vont entraîner de nouvelles souffrances chez les Africains.
L’abolition de l’esclavage a entrainé de nombreux débats et a même mené à des guerres civiles, comme aux États-Unis, lors de la Guerre de Sécession (1861 – 1865) où les États du Sud (esclavagistes du fait des nombreuses plantations qui s’y trouvent) s’opposent aux États du nord (abolitionnistes, car plus industrialisés). Lors de cette guerre, près de 200 000 anciens esclaves noirs prennent part au combat dans le camp du nord. Leur contribution entrainera la victoire des États du nord. Le président Lincoln, suite à un long combat mené par les mouvements antiesclavagistes, édicte en 1863 une proclamation d’émancipation qui va aboutir à l’abolition de l’esclavage sur tout le territoire des Etats-Unis et l’obtention “théorique” des droits civiques par les Noirs.
3.3. La ségrégation raciale aux Etats-Unis
La proclamation d’émancipation ne met pas fin aux discriminations et aux mauvaises conditions de vie des anciens esclaves. On libère les esclaves tout en ne leur donnant ni terre ni moyen de subsistance. On voit fleurir aux États-Unis des black codes qui ramènent les Noirs à un statut plus ou moins similaire à celui d’esclaves et autres lois ségrégationnistes qui ont pour but de régir la vie quotidienne des Noirs, de leur interdire l’accès aux écoles et aux autres lieux publics et de régenter strictement les relations acceptables entre les Blancs et les Noirs. La ségrégation raciale est légalement instaurée en 1896. Les Afro-Américains ne sont officiellement plus des esclaves, mais ils ne sont toujours pas égaux aux Blancs, et ne bénéficient ni des mêmes droits ni des mêmes moyens de subsistance.
La lutte pour l’égalité va entrainer des émeutes, des manifestations, etc. C’est dans ce contexte ségrégationniste que Martin Luther King (1929 – 1968), un pasteur baptiste afro-américain, militant non violent pour le mouvement des droits civiques des Noirs américains organise et dirige des actions pour défendre le droit de vote, la déségrégation et l’emploi des minorités ethniques. Il prononce un discours célèbre le 28 août 1963, un siècle après le discours de Lincoln, intitulé « I have a dream » où il rêve d’une société égalitaire. Il reçoit en 1964 le prix Nobel de la paix, mais est assassiné en 1968.
Il faut attendre le 3 juillet 1964 pour que le président américain Lyndon Johnson, édicte une loi appelée : le Civil Right Act par laquelle il déclare illégale toute discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l’origine nationale. C’est donc, en théorie, la fin de la ségrégation, mais jusqu’à aujourd’hui, tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant, et des émeutes éclatent régulièrement.
4 ¦ Traite négrière comme crime contre l’humanité & la question des réparations
La qualification de la traitre négrière et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité alimente les débats, surtout depuis la fin du XXe siècle.
Avant cette période, on retrouve déjà des condamnations de ces pratiques. On a évoqué la charte du Manden, antiesclavagiste, qui est proclamée dans l’Empire du Mali dès le XIIIe siècle. Au XVIIe siècle, deux prêtres espagnols Francisco José de Jaca et Epiphane de Moirans posent la question des réparations. S’il faut, selon eux, interdire la traite et l’esclavage qui sont contraires au christianisme et au droit naturel, il faut faire en sorte que les victimes de ces crimes reçoivent une juste réparation pour le préjudice subi et pour leur travail. Leur combat contre l’esclavage n’aboutira cependant pas. En 1781, le philosophe Condorcet déclare que « réduire un homme à l’esclavage, l’acheter, le vendre, le retenir dans la servitude, ce sont de véritables crimes (…). »
Dans plusieurs parties du monde, dès la fin du XXe siècle, des associations ont engagé des actions contre des sociétés ou des États afin de faire valoir le droit à des réparations financières pour les descendants d’esclaves. Lors de l’abolition de l’esclavage, dans certains pays, des propriétaires d’esclaves ont été indemnisés pour la perte de leurs « biens ».
Dans ce contexte, en 2013, la CARICOM (association qui regroupe plusieurs États des Caraïbes) a défini un plan en dix points pour une réconciliation et une justice réparatrices. Parmi ces points, on retrouve une demande d’excuses officielles, et pas seulement des déclarations de regrets de la part des anciens pays esclavagistes ; une annulation de la dette pour ces pays des Caraïbes ; une demande d’instruction concernant l’Afrique afin d’informer les Afrodescendants de leur passé. Toutefois, en 2021, ce plan n’a pas encore entrainé d’actions concrètes.
Certaines initiatives ont eu lieu en Europe et dans le monde par rapport à cette question de l’esclavage. Ainsi, en 2001, la « Conférence mondiale de Durban (Afrique du Sud) contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance » a, entre autres, confirmé à l’échelle mondiale, la condamnation de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. La même année, en France, la Loi Taubira est adoptée et reconnait la traite et l’esclavage comme « crimes contre l’humanité ».
En 2007, Ken Livingstone, maire de Londres s’excuse publiquement pour le rôle de Londres dans la traite des esclaves. Suite au mouvement « Black Lives Matter » créé en 2013, mais qui prendra de l’importance suite à la mort de George Floyd en 2020, le parlement européen adopte une résolution en 2020 qui considère que la traite des esclaves est « un crime contre l’humanité ».
Toutefois, la question des réparations et des excuses suscite toujours des débats et des controverses.
5 ¦ Les conséquences contemporaines de la traite négrière
La traite négrière et l’esclavage des Noirs ont transformé tous les peuples qui ont participé à ce trafic humain en Europe, en Afrique, en Asie et aux Amériques.
Ce trafic a eu à la fois des conséquences économiques, géographiques, démographiques, sociales, politiques et culturelles.
5.1. Les conséquences économiques
L’accumulation des capitaux issus de la traite et de l’exploitation des esclaves dans les colonies, entre le XVe et le XIXe siècle, a favorisé la constitution de monopoles économiques nationaux et la croissance économique de la Grande-Bretagne, de la France, du Portugal, de l’Espagne, des Pays-Bas et des Amériques.
Suite à l’abolition de la traite négrière au XIXe siècle, le commerce européen s’intéresse aux produits africains qui pourraient se substituer au commerce des esclaves, notamment l’huile de palme, les noix palmistes et l’arachide. Vers 1850, l’huile de palme utilisée en Europe et en Amérique pour l’éclairage, la fabrication du savon, la cuisson des aliments et la lubrification des machines devient le produit phare de l’exportation africaine.
Par ailleurs, plusieurs espèces de plantes sont importées vers le continent africain comme le bambou, le riz, la canne à sucre, ou encore le manioc.
5.2. Les conséquences psychosociales dans les Amériques
La fin de la traite négrière et l’abolition de l’esclavage, au XIXe siècle, n’ont pas pour autant amélioré les conditions de vie ou même l’image des anciens esclaves. Dans le monde musulman, dès le VIIIe siècle, le Noir est associé à des caractéristiques négatives, et cette image négative va également se répandre en Europe à partir du Moyen-Âge, et surtout au XIXe siècle, via la religion chrétienne et certains commentateurs, qui associent l’Africain noir à la descendance maudite de Cham.
La fin de l’esclavage ne met pas fin à l’image négative associée au Noir. Au contraire, au XIXe siècle, se généralise en Occident le racisme scientifique. Sur la base de pseudo-expériences, des scientifiques vont tenter de démontrer qu’il existe une hiérarchisation entre les êtres humains. Ils vont jusqu’à parler de races, et considérer le Noir comme la race inférieure. Bien que des voix contestent, à juste titre, ces expériences, notamment celles d’Anténor Firmin, ces théories vont se répandre en Europe. On retrouve ces théories raciales jusqu’au début du XXe siècle. Elles sont à l’origine d’un racisme anti-noir qui sévit encore de nos jours. Ce racisme scientifique servira, entre autres, de prétexte à la colonisation. En effet, l’homme blanc considère, à l’époque, qu’il est de son devoir d’élever, entre autres, son frère noir moins évolué.
Au XXIe siècle encore, les Afro-Américains et les Européens d’origine africaine, notamment, souffrent de ces stéréotypes négatifs, et de conditions de vie moins bonnes que les autres. Ils ont un accès plus limité à l’éducation, à la santé, subissent des discriminations à l’emploi et au logement. Les stéréotypes nés à l’époque de la traite négrière et de la colonisation sont encore trop ancrés de nos jours. Une égalité de droit a été obtenue pour les Afrodescendants, mais une égalité de droit ne signifie pas forcément une égalité de fait.
5.3. Les conséquences politiques en Afrique
La traite négrière et l’esclavage ont eu des conséquences néfastes et tragiques pour l’Afrique tant au point de vue démographique, économique, culturel que religieux.
Au niveau démographique, les conséquences vont être marquantes. Les chefs ou les rois africains ne vendent pas leurs propres sujets, mais organisent des expéditions pour vendre des prisonniers de guerre. Cela va déséquilibrer tout le continent. Par exemple, le Gabon ou les côtes du Nigéria, très peuplées à l’origine, vont se vider de leur population, alors que le Rwanda, qui sert de refuge aux populations émigrées va être surpeuplé.
Au niveau politique, depuis le XVIIe siècle, en Afrique occidentale, de nouveaux États, ayant à leur tête des aristocraties militaires alliées aux marchands d’esclaves, ont pris la place des sociétés lignagères. Ils ont érigé des entités politiques et commerciales qui ont opéré des razzias à l’intérieur du continent et y ont semé la dévastation, spécialement au Soudan central et oriental à partir de Khartoum et dans la Région des Grands Lacs.
La fin de la traite et de l’esclavage, au XIXe siècle, va entrainer une augmentation d’esclaves sur le continent africain. En effet, les esclaves qui ne sont plus vendus aux Européens sont utilisés désormais en Afrique. Paradoxalement, fin du XIXe siècle, l’Europe va justifier la colonisation de l’Afrique par la lutte contre l’esclavage qu’elle a elle-même contribué à développer par la traite puis par son abolition. Le bouleversement des structures politiques en Afrique due à la traite négrière va contribuer à affaiblir le continent qui ne pourra pas résister aux conquêtes coloniales.
Pour les États africains esclavagistes, l’abolition de la traite signifie donc un manque à gagner, du fait de l’impossibilité de vendre les esclaves captifs. Cette situation provoque la chute de ces États puissants, ouvrant la porte aux entreprises coloniales.
Par ailleurs, sur la côte de l’Afrique orientale, qui est déjà fragilisée depuis le XVIe siècle par l’affrontement entre Portugais et musulmans, l’intérieur est moins structuré. Quand en 1840, le Sultan d’Oman installe sa capitale à Zanzibar, cela bouleverse l’équilibre géopolitique et social de toute la région.
L’Afrique doit également gérer le fait que beaucoup de Noirs affranchis décident de retourner en Afrique. C’est ainsi que les Afro-brésiliens retournent plutôt sur la « Côte des esclaves » (Togo, Ghana, Dahomey, Nigeria), tandis que d’autres, tels Sheppard et Georges Washington William s’installent en Afrique du Sud ou dans l’Etat Indépendant du Congo.
6 ¦ Présence et vitalité des cultures africaines en Amérique
La présence des cultures africaines dans les Amériques est caractérisée par une vitalité remarquable dans plusieurs domaines de la culture américaine actuelle :
La musique
Les principaux courants musicaux qui ont fait la gloire des États-Unis comme le blues, le rock, le jazz, voire même le rap trouvent leur origine chez les esclaves des plantations américaines et leurs descendants. Les différents chants de travail, et chants religieux se transforment petit à petit pour devenir de véritables courants musicaux. Ces courants créés par des Noirs, qualifiés dans les années 20 de race music, ne sont à l’origine écoutés que par des Noirs. Petit à petit, quand des Blancs comme Elvis Presley vont se saisir de ces styles, le succès mondial sera au rendez-vous, et des Noirs américains deviendront des stars reconnues comme Duke Ellington, Chuck Berry, Little Richard, Louis Armstrong, Joséphine Baker ou encore Billie Holiday. De nos jours, de nombreux artistes afro-américains comme Beyoncé, Jay-Z, ou encore Kendrick Lamar continuent d’influencer la musique mondiale.
La religion
Dès l’arrivée des premiers esclaves sur le sol américain, la religion est un moyen d’échapper au quotidien et aux conditions de vie inhumaines. C’est une façon aussi de retrouver sa dignité humaine. Parmi les différents courants religieux qu’on retrouve en Amérique, il y a le vaudou, directement importé d’Afrique. Cette croyance africaine va se transformer en Amérique, mais garde les mêmes divinités, capables d’intervenir dans les corps des adeptes par la transe et la possession. Cette croyance va être diabolisée par les chrétiens qui y voient de la sorcellerie.
La littérature
Les Afro-Américains sont également à l’origine d’une littérature dont les des principaux thèmes sont l’égalité et la liberté. Dès le XVIIIe siècle, on retrouve une poétesse, Phillis Wheatley (1753 – 1784), esclave qui sera affranchie, elle est considérée comme la première femme américaine écrivaine. L’écrivain afro-américain le plus célèbre du XIXe siècle, reste Frederick Douglass (1818 – 1895), un esclave qui s’est enfui et qui rédige une autobiographie antiesclavagiste au succès retentissant. Suite à l’abolition de l’esclavage, d’autres auteurs afro-américains connaitront un succès conséquent comme Richard Wright, Ralph Ellison, Maya Angelou ou évidemment Toni Morrison (1931 – 2019) qui obtiendra le prix Nobel de littérature en 1993.
Dans le cinéma, le sport ou encore la science, de nombreux Afro-américains se sont illustrés et continuent à marquer leur époque.
7 ¦ Les formes actuelles de l’esclavage
Malgré l’abolition de l’esclavage, il est paradoxal de constater que la pratique persiste encore dans diverses parties du monde, tantôt sous des formes déguisées, tantôt de manière bien visible.
Les situations de conflits armés, en particulier en Afrique, la misère malheureusement toujours présente et le rêve, trop souvent illusoire, d’un ailleurs meilleur que chez soi, provoquent des migrations massives, comme celles des Africains qui traversent le Sahara ou la mer méditerranée, devenant les proies de groupes djihadistes, de bandes mafieuses, voire même d’agents peu scrupuleux des États qu’ils traversent.
8 ¦ Le devoir de mémoire
La mémoire est un concept que l’on emploie souvent de nos jours, mais qui n’est pas forcément bien compris. L’histoire, c’est l’étude du passé au départ des traces qu’il nous en reste. La mémoire, c’est le regard porté par un groupe ou une société sur des faits du passé. Elle permet de se construire une identité, de mettre en valeur certains évènements ou figures du passé, elle relève d’un choix.
Les manifestations commémoratives des événements historiques aident à garder la mémoire d’un groupe humain. Il existe un lien fondamental entre mémoire et identité, mémoire et société.
Depuis la fin du XXe siècle, plusieurs initiatives ont vu le jour pour exprimer cette mémoire de l’esclavage et de la traite négrière. En 1994, l’UNESCO (l’Organisation des Nations pour l’Education, la Science et la Culture) lance à Ouidah au Benin le projet intitulé « La Route de l’esclave : résistance, liberté, héritage ».
Ce projet a pour objectif, non seulement, de contribuer à une meilleure compréhension des causes et des modalités d’opération de l’esclavage et de la traite négrière, mais souhaite aussi mieux appréhender les enjeux et les conséquences de l’esclavage dans le monde.
Il vise également à mettre en lumière les transformations globales et les interactions culturelles issues de cette histoire en favorisant le pluralisme culturel, le dialogue interculturel et la construction des nouvelles identités et citoyennetés, afin de contribuer à une culture de la paix.
Le 23 août est devenu « la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition », la date rappelle l’insurrection de Saint-Domingue contre la France en 1791. Certaines initiatives visent également à débaptiser des rues portant le nom d’esclavagiste.
En ce qui concerne la traite négrière, les monuments, musées et mémoriaux contribuent à la volonté de faire connaître l’histoire de l’esclavagisme au plus large public.
Le défi auquel il convient de répondre est celui de savoir :
- Comment représenter correctement ce commerce d’êtres humains dans un musée ?
- Quel type de monument national faut-il ériger qui puisse bien rendre compte de la mémoire des esclaves ?
- comment faire connaître aux générations actuelles et futures la complexité de l’histoire de la traite atlantique ?
Le souvenir de la traite négrière ne doit être occulté ni par les historiens, ni par les politiciens, ni encore par les médias.
Car l’être humain refuse d’admettre l’oubli. Il a besoin de lieux de mémoire pour se recueillir et surtout de connaître les pages glorieuses et les pages sombres de son histoire.
9 ¦ Résumé
- L’insurrection de Saint-Domingue en 1791 et le début du XIXe siècle marquent le début de la remise en question des divers pays face à la traite négrière et à l’esclavagisme. Le Brésil n’abolira l’esclavage qu’en 1888.
- Aux Etats-Unis, la question de l’esclavage va entrainer la guerre de Sécession qui voit s’opposer les États du Nord aux États du Sud. Suite à la victoire du Nord, Abraham Lincoln déclare l’abolition de l’esclavage sur tout le territoire des Etats-Unis, mais l’abolition ne signifie pas que les conditions de vie des Afro-américains vont être meilleures.
- En 1994, l’UNESCO lance un projet intitulé La Route de l’esclave : résistance, liberté, héritage.
- En 2001, la « Conférence mondiale de Durban (Afrique du Sud) contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance » a confirmé à l’échelle mondiale, la condamnation de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.
- Si les conséquences économiques, politiques, psychosociales furent nombreuses et dommageables pour le peuple noir, elles n’ont pu entamer la vitalité de la culture afro-américaine.
- Le souvenir de la traite négrière doit être gardé en mémoire, car l’être humain a besoin de lieux pour se recueillir et surtout de connaître les pages glorieuses et les pages sombres de son histoire.
La traite orientale
VIIe – XIXe siècle
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Expliquer les raisons de la traite arabe ainsi que le rôle qu’y a joué l’islam.
- Expliquer que l’esclavage ne dépend pas de la couleur de la peau, mais de la religion.
- Repérer sur une carte les différents itinéraires et les différentes régions de destination des esclaves africains lors de la traite arabe
2 ¦ Introduction
Le mot « Islam » correspond à la fois à la religion monothéiste fondée sur le Dieu appelé Allah et à la civilisation née en Arabie (région d’Asie) qui s’étend de l’espace méditerranéen au continent asiatique et de l’Afrique saharienne et soudanaise à l’océan Indien. La constitution de cette civilisation dès le VIIe siècle a entraîné une augmentation considérable des besoins en main-d’œuvre servile. La traite négrière pratiquée par les musulmans commence au VIIe siècle pour s’achever officiellement au XIXe siècle.
3 ¦ La création et l’expansion de la civilisation arabo-musulmane
Jusqu’au Ve siècle, les habitants de l’Arabie, pays en grande partie désertique, vivent essentiellement du commerce caravanier et sont animistes c’est-à-dire qu’ils considèrent que les objets et les éléments naturels possèdent un esprit. C’est vers 570 que naît Mohammed. Ayant de plus en plus d’adeptes, il sera à l’origine d’une nouvelle religion, l‘Islam. Cet événement est appelé la Révélation. À partir de ce moment, Mohammed prêche à La Mecque puis en 622, il quitte cette ville pour Yatrib où les habitants sont prêts à l’accueillir et à se convertir à la nouvelle religion. Ce déplacement du prophète est appelé l’Hégire. En 630, Mohamed décide de retourner à La Mecque et de prendre, avec ses compagnons, le contrôle de la ville à laquelle il donne le statut de capitale de l’Islam.
L’un des premiers compagnons de Mohammed s’appelle Bilal. C’est un ancien esclave noir affranchi par un proche du prophète. Les conversions à la nouvelle religion deviennent massives. À la mort de Mohammed en 632, l’Arabie est devenue majoritairement musulmane et les compagnons du prophète partent dans le monde pour répandre l’Islam, et unifier les tribus arabes afin d’en faire un grand empire capable de contrôler les voies caravanières et de dominer le commerce. Mohammed ayant interdit de réduire en esclavage des musulmans, ils vont réduire en esclavage les croyants d’autres religions, peu importe la couleur de leur peau.
Ces conquêtes arabes aboutissent à la création d’un vaste empire qui s’étend de l’océan Atlantique à l’Inde et du Maghreb à la mer Noire. L’empire donne naissance à une brillante civilisation caractérisée par une économie prospère. Les échanges s’y font tant sur terre par les pistes caravanières que sur mer où les navires chargés vont de port en port, reliant l’Asie, l’Afrique et l’Europe.
Dans l’industrie comme dans l’artisanat, les Arabes ont une avance considérable par rapport aux pays européens. Plusieurs villes qui se sont développées jouent un rôle important tant au niveau économique, politique que culturel. Les dirigeants et les riches marchands y montrent leur puissance et développent leur commerce en ayant toujours plus de personnes, dont des esclaves, à leur service.
4 ¦ Le BAQT
La traite systématique des Noirs par les musulmans arabes remonte au Baqt, quand le conquérant arabe Abdallah Ben Saïd, gouverneur d’Égypte, impose en 652 (l’an 31 du calendrier musulman) à la Nubie (territoire au sud de l’Egypte et de la Libye actuelles) de lui fournir un tribut de 360 esclaves par an. Cette coutume se maintient jusqu’ à l’arrivée, au XIIIe siècle, des Mameluks, une milice d’esclaves affranchis.
Par ailleurs, les empires soudanais occidentaux (fondés par des Soninké, des Malinké, des Bambara et des Songhaï) qui entretiennent des relations commerciales importantes avec le monde arabe se convertissent dès le XIe siècle à un Islam fortement teinté d’animisme. Au XIVe siècle, Mansa Moussa, empereur du Mali, développe la ville de Tombouctou, et au XVe siècle, sur ce territoire, alors aux mains de l’Empire Songhai, la mosquée de Sankoré devient l’une des universités islamiques les plus renommées du monde musulman.
Longtemps négligeable, le trafic des esclaves s’accélère après la conquête de l’empire Songhai par le Maroc à la fin du XVIe siècle.
Du côté ouest-africain, on raconte que les Berbères du désert, habitant les pays du Maghreb et la Libye, pratiquent systématiquement l’esclavage.
5 ¦ Les particularités de la traite arabe
Les conquêtes musulmanes, du VIIe au VIIIe siècle, sont brutales et d’une ampleur tel que le monde méditerranéen n’en avait jamais connu. Les courtiers vont acheter leurs esclaves, essentiellement des Blancs, dans des pays lointains. C’est ainsi que sur les premiers grands marchés d’esclaves au IXe et Xe siècle, sont vendus et achetés bon nombre de chrétiens européens parmi lesquels se trouve Miguel de Cervantes (1547-1616), écrivain chrétien espagnol (auteur des « aventures de Don Quichotte»). Les marchands sont juifs, chrétiens, russes ou bulgares.
De Byzance à l’Empire ottoman, de l’Europe chrétienne aux terres d’Islam, la couleur des esclaves importe peu. C’est donc pour des raisons religieuses, politiques et économiques que les Noirs africains vont être asservis comme bon nombre d’esclaves blancs.
Tous les peuples africains ne tombent pas dans l’esclavage sans résister. Ainsi les Zandj, en Irak, se révoltent plusieurs fois entre le 7e et le 19e siècle et vont même dominer une partie de l’Irak. Soundiata Keita, fondateur de l’Empire du Mali, aurait proclamé dès 1222, la charte du Manden, ouvertement antiesclavagiste et considérée comme l’une des premières Déclarations des droits de l’homme.
5.1. Les types d’esclaves
Dans les pays musulmans, les esclaves noirs occupent quatre fonctions : domestiques, militaires, travailleurs agricoles et eunuques.
Depuis le 9e siècle, l’esclavage agricole est fort répandu. On utilise déjà des esclaves dans les plantations de canne à sucre et dans les cultures du coton en Haute-Égypte et à Zanzibar.
Le commerce des eunuques noirs à destination du Maghreb, du Caire, d’Alexandrie et de Constantinople connait, au 10e siècle, une grande période de prospérité. On les importe en même temps que l’ivoire, l’ébène et la poussière d’or du Soudan. Pour répondre à la demande croissante d’eunuques, 100 à 200 garçons sont castrés chaque année à Abotig, sur la route des caravanes reliant le Soudan à l’Egypte. Cela signifie qu’on les ampute complètement de leurs organes sexuels masculins. Très tôt, l’Ethiopie devient le plus grand fournisseur d’eunuques. Ceux-ci sont souvent placés dans des postes de l’administration, et dans les palais royaux. D’autres sont gardiens des femmes du harem ou serviteurs et gardiens dans les mosquées comme celle de Médine.
5.2. Les marchands d’esclaves
Dans les grandes villes des États esclavagistes, les hommes des riches familles et des clans puissants ont plusieurs activités et font ainsi fortune grâce au commerce de l’or, des esclaves, mais également des épices et des soieries. Ces hommes d’Arabie, de Hedjaz, du Yémen, d’Oman, de Bassora et de Bagdad, ne se lancent pas eux-mêmes dans la chasse aux esclaves. Ils font appel à des courtiers et des chasseurs d’esclaves chargés d’attraper puis de transporter les captifs sur les nombreuses pistes caravanières vers leurs comptoirs et leurs entrepôts.
Par ailleurs, les populations au sud du Sahara s’affrontent souvent entre États, tribus ou ethnies et demandent à leurs guerriers d’attaquer et de razzier les villages voisins afin d’emporter du butin et du bétail humain. Une partie des esclaves est vendue à l’étranger, mais un grand nombre d’esclaves razziés dans les villages ne quittent pas les pays d’exportation où les souverains les gardent pour leurs services de la cour, pour leurs armées ou pour les travaux des champs.
Les régions d’Afrique orientale font face à l’arrivée de vagues de premiers immigrants, fugitifs ou exilés, venus de plusieurs pays du monde musulman qui s’établissent sur les côtes africaines avec des connexions vers l’arrière-pays, notamment vers le bassin du Congo.
5.3. Le prix des esclaves
Les marchands se servent rarement de monnaies métalliques pour payer les esclaves, ils recourent plutôt au troc. Chaque esclave, homme, femme ou enfant est évalué selon son âge, son aspect et ses qualités supposées. Il est ensuite proposé à la vente contre un poids plus ou moins élevé de produits ou un certain nombre d’objets (perles, poudre d’or, cauris, etc.).
Les Africains qui font la chasse aux esclaves pour le compte des marchés musulmans recherchent surtout des jeunes filles et des jeunes femmes qui atteignent de plus hauts prix que les hommes. Entre 1760 et 1769, le prix des esclaves de sexe féminin dépasse de 174% celui des hommes.
6 ¦ Les routes des caravanes
Les esclaves étaient déportés vers :
- l’Europe à travers le Sahara,
- le Proche Orient à travers la mer Rouge et
- l’Asie centrale et l’Inde à travers l’océan Indien.
Un réseau très complexe de pistes, qui partent de territoires plus ou moins éloignés, mène les esclaves vers les comptoirs. Le voyage dure deux à trois mois et constitue une épreuve terrible. On estime que pour un esclave qui arrive à destination, cinq à dix esclaves succombent sur la route à cause de la brûlure du soleil, du froid glacial de la nuit, des tortures, de la soif, de la faim, des maladies et de l’épuisement physique dû aux marches épuisantes qui leur sont imposées.
7 ¦ Les conséquences de la traite dans le monde musulman et en Afrique
7.1. Sur le plan économique
La traite négrière constitue un enjeu économique dans lequel les vendeurs, les courtiers et les acheteurs gagnent beaucoup d’argent.
Les marchands d’esclaves musulmans qui s’aventurent à l’intérieur du continent prennent de grands risques en ramenant des esclaves qu’ils négocient à prix d’or. On assiste ainsi au développement de plusieurs villes spécialisées dans les marchés d’esclaves aussi bien sur les routes des caravanes que dans les régions de déportation comme Zanzibar (définition).
Il n’est pas rare de voir des Noirs, habitant l’arrière-pays immédiat, venir vendre, en même temps que leurs récoltes, leurs propres esclaves aux trafiquants des comptoirs.
7.2. Sur le plan démographique
On estime que le nombre d’esclaves africains acheminés par les routes transsahariennes, la route de la Mer et les routes de l’Océan Indien tourne autour de :
4.820.000 esclaves entre les années 650 et 1000 et
2.400.000 esclaves dans la période allant de 800 à 1600,
soit environ 7.220.000 esclaves.
Par ailleurs, l’Arabie, la Perse et l’Inde importent :
25.000 esclaves entre 1800 et 1829,
35.000 esclaves entre 1830 et 1839,
40.000 esclaves entre 1840 et 1849
65.000 esclaves entre 1850 et 1859.
Si l’on considère le taux de mortalité de 9%, l’addition de ces derniers chiffres passe de 390.200 esclaves à 424.000 esclaves.
7.3. Sur le plan politique et social
Aussi bien dans les régions de départ que dans les régions de destination, la traite a eu un impact sur les structures politiques. De nouvelles cités ont été créées comme celle de Tahert (près de l’actuelle Tiaret en Algérie).
La traite a également fragilisé et bouleversé certaines structures étatiques anciennes et créé de nouveaux états et de nouvelles hiérarchies politiques et sociales, se présentant comme contre-pouvoir issu de la violence militaire et du commerce des esclaves.
Certains Africains ont profité du commerce des esclaves pour ériger des entités politiques fortes. C’est le cas des sultans esclavagistes du Soudan central et oriental qui pénètrent à l’intérieur du continent, en y semant la dévastation comme Mirambo (1840-1884) le grand chef de guerre Nyamwezi près du Lac Victoria au Kenya, rayonnant à partir de Khartoum, Msiri (1830 – 1888) au Katanga et Tippo Tip (1837 – 1905) dans la Province Orientale du Congo.
D’autres Africains, par contre, comme Ahmed Baba (1556- 1627) au Mali, s’oppose à l’esclavage et à la déshumanisation de l’esclave.
Enfin, la traite en bouleversant les structures africaines a ouvert la voie à une conquête facile de l’Afrique au XIXe siècle.
8 ¦ Résumé
Au cours de cette leçon, nous avons appris que :
- Le trafic des esclaves noirs d’Afrique vers les régions conquises par l’expansion de l’empire musulman, du 7e au 19e siècle, est fondé, non pas sur des motifs raciaux, mais plutôt sur des motivations économiques. Les musulmans ont besoin de plus en plus de main d’œuvre au fur et à mesure que leur empire augmente, et ils n’ont pas le droit de réduire en esclavage des musulmans. Donc, ils se servent dans les territoires limitrophes, principalement en Afrique, mais aussi en Europe.
- Les esclaves sont utilisés comme domestiques, mais aussi comme soldats, travailleurs agricoles ou eunuques. Les femmes sont souvent exploitées sexuellement.Les esclaves noirs sont déportés vers l’Europe à travers le Sahara, vers le Proche Orient à travers la mer Rouge et vers l’Asie centrale et l’Inde à travers l’océan Indien.
- Les conséquences de cette traite sont nombreuses pour l’Afrique : dépeuplement des régions de capture, bouleversements des structures politiques et sociales et instauration d’une terreur permanente.
La traite transatlantique
XVe – XIXe siècle
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Identifier les différents acteurs de la traite atlantique.
- Comprendre pourquoi la traite ne concerne que les Noirs.
- Expliquer les motivations des négriers et leurs modes de financement.
- Reconstituer la trajectoire d’un bateau négrier.
- Expliquer les raisons de la résistance des Noirs contre la servitude.
2 ¦ Introduction
La traite transatlantique (XVe – XIXe siècle) qui a engendré la déportation de 10 à 25 millions d’Africains vers l’Amérique fait suite à de grands bouleversements survenus au XVe siècle.
En 1453, les Ottomans prennent Constantinople, la capitale de l’Empire romain d’Orient. Cet évènement marque la fin de l’Empire romain d’Orient. Dorénavant, les Européens qui veulent accéder à l’Asie et à son marché par voie terrestre doivent traiter avec les musulmans qui imposent de lourdes taxes, ce qui rend difficile le ravitaillement en épices. L’Europe a un grand besoin d’or et d’épices et cherche de nouveaux marchés lointains, en Asie et en Afrique en passant par la voie maritime.
Dans ce contexte, en 1454, le pape Nicolas V autorise l’esclavage dans sa bulle papale ( document à travers lequel le pape pose un acte juridique important) intitulée «Romanus Pontifex».
Par cette bulle, le pape Nicolas V concède aux rois du Portugal toutes les conquêtes en Afrique subsaharienne. Il leur permet ainsi de réduire en servitude perpétuelle toutes les personnes, considérées comme infidèles et ennemies du Christ en s’appropriant tous leurs biens et royaumes.
De grands progrès sont réalisés en Europe dans le domaine de la navigation, et des expéditions maritimes de plus en plus ambitieuses voient le jour. Parmi ces expéditions, celle de Christophe Colomb en 1492, un Italien travaillant pour les Espagnols, va avoir une influence considérable sur le monde. Croyant être arrivé dans les Indes (c’est comme cela que l’on désigne l’Asie à l’époque), il est, en réalité, arrivé sur un nouveau continent, inconnu de l’Europe : l’Amérique.
Très vite, les Espagnols vont réduire en esclavage et s’approprier les terres des Indiens d’Amérique. La mortalité sera importante des suites des mauvais traitements, des maladies, etc. Certains en Espagne vont remettre en cause cet esclavage, dont Bartolomé de las Casas. En 1551, lors de la Controverse de Valladolid, il va être reconnu que les Indiens ont un statut égal à celui des Blancs et qu’on ne peut donc pas les réduire en esclavage. Ce qui n’est pas le cas des Noirs, dont la traite va alors se généraliser. En effet, les Européens ont un grand besoin de main-d’œuvre en Amérique.
L’Europe n’est pas la seule région du monde à intervenir en Amérique. Tout au long du XVIe siècle, après l’arrivée des Européens (Portugais, Espagnols, Hollandais), Arabes et Indiens s’affrontent sur la côte orientale de l’Amérique.
Si les échanges et les influences sont multiples et croisés, ce sont les hommes transportés, c’est-à-dire, les esclaves africains, qui en constituent du XVe au XIXe siècle la dynamique principale. La traite négrière est donc une réponse aux besoins humains et commerciaux des puissances maritimes européennes.
3 ¦ La traite transatlantique ou le « commerce triangulaire »
Le commerce triangulaire, c’est le nom de l’organisation commerciale qui se met en place à cette époque entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique.
- Au premier sommet du triangle se trouve un port négrier européen (Nantes et Liverpool sont les ports les plus importants) d’où partent des bateaux remplis de produits manufacturés en Europe : objets de pacotille, armes et poudre à canon, tissus, eau de vie, perles de verre (minsanga), céramiques, pipes, etc. en direction de la côte africaine.
- Au deuxième sommet se trouve un comptoir négrier sur la côte africaine où ces marchandises sont échangées contre des esclaves, et d’autres produits de luxe tels que le cuivre, l’or, l’ivoire et les bois précieux.
- Le troisième sommet correspond à un port américain où les esclaves sont échangés contre du sucre, du coton, du café, de l’alcool, du cacao, du tabac, de l’indigo, de l’or, du riz, de la farine de manioc (venant du Brésil) des cauris (coquillages : nzimbu) qui sont alors ramenés en Europe.
À eux seuls, la Grande-Bretagne, le Portugal et la France ont organisé 89,9 % des expéditions. Alors que dans les pays arabes, les esclaves sont de couleurs de peaux différentes, ce n’est pas le cas pour la traite atlantique où tous les esclaves sont noirs. Bientôt le terme « nègre » deviendra synonyme d’esclave. Le Code que rédige Colbert sur la demande de Louis XIV et qui fixe le sort des esclaves sera bientôt appelé « Code noir », en référence à la peau des esclaves.
4 ¦ Les particularités de la traite transatlantique des esclaves
4.1. La capture des esclaves
À partir du XVe siècle, des contacts s’établissent entre Européens et royaumes africains. Par exemple, les Portugais créent des liens avec le royaume Kongo dès la fin du XVe siècle. Les relations, au départ, sont bonnes. Les royaumes du Portugal et du Kongo échangent même des ambassadeurs. Mais avec le besoin de plus en plus important d’esclaves pour le Nouveau Monde, les relations se détériorent et les Européens considèrent de plus en plus l’Afrique comme un réservoir d’esclaves. Des royaumes africains vont disparaître. D’autres royaumes africains, par contre, vont profiter de la traite négrière pour s’enrichir et se développer. Les esclaves peuvent être des prisonniers de guerre, ou des innocents capturés lors de razzias.
Après avoir quitté les points de capture, les esclaves sont enchaînés, au moyen de cordes, de troncs d’arbre ou de chaînes métalliques, avec parfois des pointes d’ivoire comme charges sur la tête. Ils entament alors une douloureuse marche à pied, en direction de la côte, sur des distances, variant de plusieurs centaines à quelques milliers de kilomètres, quelles que soient les intempéries. En cours de route, les malades sont abandonnés et les récalcitrants sont fouettés ou exécutés.
Arrivés sur la côte, ils sont enfermés dans des forts ou dans des baraquements (quibangas) construits par les charpentiers des navires négriers.
Au port d’embarquement, on les soigne quelque peu pour qu’ils soient aptes à supporter les supplices du voyage.
Toutefois, il faut noter que des révoltes et des résistances à cet esclavage ont eu lieu en Afrique. L’un des exemples les plus emblématiques est celui de Kimpa Vita (Dona Beatriz). En 1704, cette jeune femme du royaume Kongo résiste et lutte contre la réduction en esclavage des Noirs par les Portugais. Elle soulève ses compatriotes autour de son mouvement religieux des Antoniens. Mais, sous la pression des missionnaires blancs, le roi du Kongo fait arrêter et brûler Kimpa Vita en 1706.
4.2. Les conditions de traversée
Les conditions de transport des esclaves sont inhumaines. Certains navires portugais emportent jusqu’à 700 esclaves, alors que la moyenne est de 300 esclaves.
Certains esclaves sont plus appréciés que d’autres. Pour les Amériques, on cherche surtout des esclaves robustes, jeunes et sans défaut physique. Le terme « pièce d’Inde » était utilisé pour les désigner. Les esclaves qui ne présentent pas ces caractéristiques physiques comptent pour moins. L’esclave est considéré comme une marchandise que l’on mesure, inspecte, etc.
Les captifs sont entassés à l’étroit dans les cales et tenus sous une surveillance permanente. Sur le bateau, tout acte d’insubordination est réprimé violemment. Beaucoup d’esclaves meurent de maladie, de mauvais traitement, ou encore se suicident. En cas de révolte, les meneurs sont massacrés et jetés à la mer. Après le débarquement, les esclaves sont étroitement surveillés et conditionnés pour être vendus aux enchères au meilleur prix.
Texte 8: la traversée sur un bateau négrier extrait de « La traite des noirs de l’Afrique à l’Amérique » par Richard Château-Deg
5 ¦ Les conditions de vie dans les pays de déportation
Le gros des esclaves se retrouve dans le sud-est des actuels États-Unis, dans les îles des Caraïbes ou sur la façade atlantique de l’Amérique latine : du Brésil à l’Argentine, et sur la façade de l’Océan Pacifique : du Mexique au Chili.
Les conditions de vie, et le droit des esclaves sont réglementés. Ainsi, en France, la vie des esclaves des colonies françaises est régie par le Code Noir, code qui avait été écrit en 1685 par le ministre Colbert sous les ordres du roi Louis XIV. Ce Code Noir a été rédigé afin de régler tous les problèmes que pourrait engendrer l’esclavage. Toute la vie de l’esclave est régie par ce Code, de sa naissance à sa mort.
Après la vente, on marque les esclaves au fer rouge aux initiales de leur nouveau maître. On les transfère ensuite dans les plantations où ils sont soumis à un travail intensif et disproportionné sous une surveillance très étroite. Les maîtres, qui ont droit de vie et de mort sur leurs esclaves, se livrent à tous les abus, surtout sur les femmes qui ne peuvent protester en tant que propriété du maître.
L’esclave est considéré comme un objet au même titre que la canne à sucre, le cacao, le café ou le coton. On parle ainsi de chosification de l’homme noir. Cela signifie que l’homme noir s’apparente de plus en plus à une chose.
6 ¦ Les résistances à l’esclavage en terres américaines
Les Africains ont résisté à l’esclavage. En Afrique même, il y a des résistances comme celle de Kimpa Vita dans le royaume du Kongo. Lors de la traversée vers les Amériques, des révoltes ont également eu lieu. Une fois arrivés dans les Amériques, plusieurs esclaves vont également résister et se révolter. Ces résistances vont prendre différentes formes comme le marronnage ou la révolte pure et simple.
6.1. Le marronnage
Le marronage est l’une des premières expressions de résistance à l’esclavage dans les Antilles et en Amérique.
Le terme « marron » désigne l’esclave noir qui refuse sa condition d’esclave et qui, pour y échapper, s’enfuit loin du domaine de son maître pour se réfugier dans les montagnes ou la forêt.
Les esclaves qui osent fuir savent à quoi ils s’exposent, car, dès le début de la colonisation des Antilles, des mesures rigoureuses telles que la mise à mort sont prises contre les esclaves marrons.
6.2. Les révoltes
En plus des résistances individuelles à l’esclavage, il y a également eu de nombreuses révoltes violentes Il y a eu des révoltes d’esclaves à bord des navires négriers, mais aussi dans les plantations. Ces révoltes ont entrainé la mort de plusieurs colons et de leurs familles et bouleversé la production dans les plantations d’Amérique.
Parmi les révoltes célèbres, l’une d’entre elles a entrainé la mise sur pied de l’État de Palmarès au Brésil (Quilombo dos Palmares). Dans cet État, des anciens esclaves se sont organisés sous la direction de leur premier roi Nganga a Nzumbi, devenu héros national au Brésil pour la communauté afro-brésilienne, et ont vécu pendant presqu’un siècle (1605 – 1694) en résistant à la trentaine d’expéditions militaires européennes venues pour les réduire à nouveau en esclavage.
Une autre révolte célèbre est celle de Saint-Domingue. En 1791, les esclaves de Saint-Domingue (Haïti) se révoltent sous la direction, entre autres, de Toussaint Louverture, un ancien esclave noir affranchi. Très vite, les esclaves prennent possession de toute l’île et résistent aux attaques européennes. Malgré la capture de Toussaint Louverture en 1802 par les Français et sa mort en 1803, les Haïtiens vont résister et proclamer leur indépendance en 1804. La France reconnaîtra l’indépendance d’Haïti en 1825, mais en échange, la France demande des indemnités colossales qui ne seront remboursées qu’au milieu du XXe siècle.
7 ¦ Les conséquences de la traite transatlantique
La traite atlantique a eu des conséquences démographiques, économiques, sociales et culturelles.
7.1. Sur le plan démographique
Les historiens estiment qu’il y a eu entre 10 et 25 millions d’Africains victimes de la traite transatlantique entre le XVe et le XIXe siècle. En plus des 10 millions approximativement d’esclaves débarqués en Amérique, il faut comptabiliser toutes les victimes lors des razzias, des transports vers la cote, du transport sur les négriers, des suicides, etc. C’est une véritable catastrophe démographique pour l’Afrique. Il ne faut pas oublier, en plus, les victimes de la traite arabe et de la traite intra-africaine.
7.2. Sur le plan économique
La traite négrière a eu des conséquences économiques tant en Amérique, qu’en Europe et même en Afrique.
Elle a rapporté beaucoup d’argent aux hommes et aux États qui l’ont pratiquée.
Dans les Amériques et en Europe, toute une économie se développe autour de la traite négrière. Les villes portuaires européennes s’enrichissent. Certaines familles font fortune grâce à la traite, et par répercussion, tout un pan de l’économie tire profit de l’esclavage.
La traite des esclaves crée de nouveaux circuits commerciaux qui ont pour conséquence de faire circuler de nouvelles monnaies, d’induire de nouveaux taux de change et de stimuler une économie florissante sur les côtes africaines.
Par ailleurs, les principales cultures de traite américaines, telles que la canne à sucre, le coton, le tabac, le café, le cacao, ont pu se développer grâce à la main-d’œuvre africaine et donc procurer des bénéfices aux pays négriers.
Mais la traite a permis également d’importer de nouvelles cultures en Afrique comme la culture du manioc importée au 16e siècle, tandis que l’élevage et l’agriculture, pratiqués en Afrique, connaissent un essor lié au commerce des esclaves.
7.3. Sur le plan social, culturel et politique
Dans les Amériques, la traite négrière va avoir des conséquences culturelles importantes. Ainsi, les principaux courants musicaux de notre époque comme le blues, le rock, le jazz, voire même le rap trouvent leur origine chez les esclaves des plantations américaines et leurs descendants. Les différents chants de travail, cris et appels dans les plantations se transforment petit à petit pour devenir de véritables courants musicaux. Les esclaves afro-américains vont également marquer d’autres formes culturelles comme la danse, ou encore la cuisine. Tous ces arts vont être utilisés pour protester contre la servitude et pour exprimer la dignité humaine de l’esclave.
Sur le plan politique, l’esclavage en Amérique va entraîner des révoltes et est même un des motifs de la guerre de Sécession (1861 – 1865) entre États nordistes abolitionnistes et États sudistes esclavagistes. En Afrique, l’esclavage va entrainer le déclin de certains royaumes comme le royaume du Kongo, mais va également contribuer à la prospérité d’États comme le royaume Ashanti, situé sur le golfe de Guinée, ou le Dahomey, à l’est du royaume Ashanti qui, tous deux pratiquent, entre autres, le commerce des esclaves.
8 ¦ Résumé
- La traite atlantique constitue le plus grand commerce d’êtres humains, originaires d’Afrique noire dans le monde. Entre 10 et 25 millions d’Africains ont été victimes de cette traite.
- La traite a eu des conséquences au niveau culturel, avec l’apparition de genres musicaux toujours en vogue aujourd’hui, au niveau politique tant en Amérique qu’en Afrique et au niveau économique avec l’enrichissement de certains États en Europe. En Afrique, la traite a conduit à la fin de certains royaumes, mais certains en ont profité.
- La traite ne s’est pas déroulée sans résistance et révolte de la part des Africains. Des révoltes ont eu lieu constamment de l’Afrique à l’Amérique. Des États d’anciens esclaves comme l’État de Palmares ou d’Haïti ont vu le jour.
Esclavages et traites négrières
3500 av.J.C. – XIXe siècle
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- définir correctement le concept d’esclavage
- définir et différencer les traites négrières
- situer dans le temps et dans l’espace le concept d’esclavage
2 ¦ Introduction
L’histoire de l’esclavage et des traites négrières a fait couler beaucoup d’encre. L’esclavage est une pratique très ancienne que l’on retrouve dans toutes les civilisations du monde, et pas seulement en Afrique. Quant aux traites négrières, elles ont constitué un motif de souffrance et de chosification de l’homme noir qui est alors considéré comme une marchandise vendue et achetée sur le marché international du VIIe au XIXe siècle.
2.1. Qui sont les esclaves ?
Les esclaves sont des hommes, des femmes ou des enfants privés de liberté par une institution, par un pouvoir ou par un autre homme qui les achète ou les vend comme s’ils lui appartenaient, et qui les considère comme ses propres choses. L’esclavage est une pratique commune à l’ensemble des sociétés humaines.
Les esclaves, en général, sont d’origines diverses : des prisonniers de guerre, des bandits ou des criminels, ils peuvent également être capturés ou accusés de crimes divers.
L’esclave travaille pour le maître sans rémunération. Il doit obéir à son maître sous peine de condamnation ou de violences. Ainsi, il est commun que les esclaves africaines, entre autres, soient exploitées sexuellement. De nombreuses femmes africaines ont été réduites en esclavage pour cette exploitation. Les besognes les plus méprisées et les plus pénibles sont réservées aux femmes dépourvues d’attraits tandis que celles qui sont jolies et ont la peau claire sont affectées à la disposition du maître et de la maîtresse de la maison.
2.2. Qui sont les personnes impliquées dans le trafic d’esclaves en Afrique ?
Les chasseurs d’esclaves se chargent d’attraper des hommes ou des femmes en organisant des razzias, généralement dans les villages, juste avant l’aube, ou en achetant des prisonniers de guerre à un chef de village. Lors des razzias, il n’est pas rare que la plupart des hommes et des femmes âgés soient tués.
Les courtiers qui sont eux-mêmes chasseurs d’esclaves ou qui s’arrangent avec les chasseurs d’esclaves, n’ont plus qu’à amener les jeunes femmes et les jeunes hommes au point de départ du long chemin qui les conduit jusqu’au marché d’esclaves où ils les présentent et les vendent. Les courtiers se chargent éventuellement de transporter les esclaves vers les maîtres qui vont les acheter comme ils achèteraient un objet. Les esclaves sont sévèrement gardés. Ils souffrent beaucoup des fers et des chaînes qui servent à les attacher les uns aux autres afin qu’ils ne puissent pas s’échapper.
Les maitres ont le droit d’infliger à leurs esclaves des traitements corporels dégradants ou pénibles. Ils peuvent ainsi les fouetter, les marquer au fer rouge, les emprisonner. Ils ont le droit de vie ou de mort sur eux. On peut mesurer l’importance et le pouvoir d’un maitre en observant le nombre et la qualité de ses esclaves. Ceux-ci travaillent gratuitement pour lui en tant qu’esclave domestique, travailleur agricole, ou en tant que militaire.
Les esclavagistes sont les personnes qui sont favorables ou impliquées dans l’esclavage.
3 ¦ La pratique de l’esclavage de l’antiquité à nos jours
3.1. L’esclavage dans les civilisations méditérranéennes antiques (±3500 av.J.C-476)
Le bassin méditerranéen a longtemps été au centre du développement des différentes formations politiques qui s’y sont succédé. Les hommes au pouvoir se procurent la plupart de leurs esclaves en faisant la guerre ou en les achetant sur les marchés d’esclaves en Afrique, dans le Caucase ( région qui comprend entre autres la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan), dans le bassin méditerranéen et dans les pays slaves (le mot « slave » est d’ailleurs à l’origine du mot « esclave », Croatie, Serbie, Slovénie, Bulgarie et Macédoine du Nord). L’esclave a constitué un facteur déterminant de l’organisation et du développement de ces États.
Les systèmes d’esclavage présents en Égypte, dans les cités grecques, dans l’empire romain et de Carthage étaient semblables.
3.2. Le trafic des esclaves en Europe et au Moyen-Âge (VIe-XVe siècle)
L’esclavage est pratiqué durant tout le Moyen-Âge en Europe occidentale et dans l’ensemble du bassin méditerranéen. En Europe, la pratique de l’esclavage, au sens strict, diminue au profit d’une autre forme, très proche de l’esclavage : le servage. Par la coutume, ou la loi, un individu doit travailler et vivre sur la terre d’un autre et doit lui fournir des services déterminés, sans pouvoir changer sa condition. L’immense majorité des serfs en Europe sont des Blancs. Une partie des esclaves proviennent d’Afrique, et sont envoyés, via le Sahara, en Europe occidentale. Ces Africains servent notamment de chiourme (définition: rameurs d’une galère).
3.3. L’esclavage dans les civilisations asiatiques
L’Afrique de l’Est est le plus grand fournisseur de captifs destinés à l’Asie, en particulier la Turquie, l’Arabie, la Perse, l’Inde, l’Indonésie et la Chine. L’invasion arabe en Afrique du Nord et le développement de l’empire musulman qui a suivi ont provoqué une forte croissance du trafic des esclaves (voir leçon 2), à travers le Sahara, vers l’Empire ottoman, et l’Europe de l’Est jusqu’en Russie.
3.4. L’esclavage dans les civilisations africaines
Dans les sociétés africaines anciennes, les pratiques de l’esclavage ont varié d’une région à l’autre et ont évolué avec le temps.
En général, les esclaves sont esclaves du fait de leur naissance, de kidnappings, d’accusations de sorcellerie. C’étaient, soit des victimes de guerres ou de razzias, soit des criminels ou des personnes condamnées pour dettes ou des personnes données par leurs familles dans le cadre du remboursement d’une dette ou du paiement d’une dot. Ils peuvent également être des personnes choisies pour être sacrifiées à l’occasion de l’intronisation ou la mort d’un chef ou d’un roi. Après une ou deux générations, les esclaves peuvent généralement recouvrer leur liberté selon des procédures de rachat bien établies.
De nombreuses sources orales nous renseignent non seulement sur le mode de pensées, les discours et les représentations propres aux Africains concernant la traite des esclaves, mais aussi sur les modes de capture, les razzias, les complicités, la cruauté et les changements de pratiques de ces institutions.
4 ¦ La diversité des traites négrières
La traite négrière, c’est le système économique basé sur la capture, le transport et la vente des esclaves noirs. C’est un système mis en place par les musulmans dès le VIIe siècle et ensuite par les Européens dès le XVIe siècle pour aller capturer des Africains et les déporter dans de nouveaux territoires afin de les faire travailler comme esclave. Ce système prit officiellement fin au XIXe siècle.
On estime qu’entre 10 et 25 millions d’esclaves d’origine africaine auraient été victimes de la traite en direction de l’Amérique. Et si l’on tient compte des razzias, des captures, du transport, etc., on peut estimer à 200 millions le nombre de victimes africaines de cette traite négrière. En effet, la mortalité est telle, que les esclaves qui arrivent en Amérique ne représentent que 10 à 15% des survivants. Concernant la traite en direction des pays musulmans, on estime que plus de 10 millions d’esclaves noirs ont été importés dans ces pays entre le VIIe et le XIXe siècle, dont près de 4 000 000 pour le seul XIXe siècle.
Les traites négrières ont eu des impacts sociaux, politiques et économiques très importants en Afrique. Selon les époques, l’origine des marchands, les itinéraires et les espaces couverts par le trafic des esclaves, on distingue plusieurs types de traites négrières
Suivant les itinéraires :
- la traite transsaharienne ( via le Sahara)
- la traite via l’Océan Indien
- la traite via l’Océan Atlantique
Suivant l’origine des marchands :
- la traite arabe (orientale)
- la traite transatlantique.
5 ¦ Résumé
Au cours de cette leçon, nous avons appris que :
- L’esclave est un individu, dépouillé de sa dignité humaine, qui est transformé en objet que l’on peut vendre, acheter et même maltraiter.
- L’esclavage a été pratiqué dans toutes les sociétés humaines, de l’Antiquité à nos jours, que ce soit dans les civilisations africaines, asiatiques ou européennes.
- Les Européens et les Arabes sont à l’origine des traites négrières qui ont conduit à un trafic mondial des Africains déportés dans de nombreuses régions du monde et principalement vers les Amériques. Entre 10 et 25 millions d’esclaves arrivés en Amérique proviennent d’Afrique.
Maarten Langhendries et Reinout Vander Hulst, « Soins de santé »
Frans Buelens, « Capitalisme »
Isidore Ndaywel è Nziem, « L’enseignement colonial »
PATRICE LUMUMBA, Le Congo terre d’avenir est-il menacé ?, Bruxelles, Office de Publicité, 1961 (rédigé en 1956), p. 178-179.
Extrait de Amandine Lauro et Benoît Henriet, Carte blanche: «Dix idées reçues sur la colonisation belge», dans Le Soir, 2019.
Chronologie du Congo belge (1908 – 1960)
La production du travail libre, caricature dans La Trique, 1906
TABLEAU – Kalule Nord « travail forcé au Congo »
PHOTO – Mutilations dans l’État Indépendant du CONGO
Carte des concessions durant l’État Indépendant du Congo
Émeri Cambier, lettre « Il y a un trou dans mon cœur », 21 février 1890
Chronologie de l’État Indépendant du Congo
TABLEAU – Bataille d’Adoua, 1910, huile sur toile
Lettre de Witbooi au commandant Leutwein, le 17 août 1894
G.W.F. HEGEL, La raison dans l’histoire
PROPAGANDE : Le chef arabe Rachid et un convoi d’esclaves, collection « La vache qui rit »
Extrait de la conférence de Berlin, 26 février 1885
Jean-Pierre Nzeza Kabu Zex-Kongo, « Léopold II, le plus grand chef d’État de l’histoire du Congo »
TABLEAU – Kapenda, « Visée du colonisateur »
Schéma d’un navire négrier
Le commerce triangulaire
La traite orientale
Carte de l’Afrique orientale
Carte de l’Afrique centrale
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