1832 — 1912 (Liberia, Sierra Leone)
Edward Wilmot Blyden
Edward Wilmot Blyden est un des premiers intellectuels modernes du continent africain. Critique sévère du christianisme missionnaire, il est considéré comme l’ancêtre direct du panafricanisme et de la négritude.
Né à Saint Thomas aux Antilles Danoises, instruit aux États Unis d’Amérique, E.W.Blyden émigre au Liberia où il achève sa formation. Débordant d’énergie, doté d’une solide culture classique, il enseigne le latin, le grec, le français et l’arabe. Pionnier dans l’affirmation de la dignité des Noirs, il croyait farouchement en la nécessité de préserver l’autonomie des institutions africaines contre la colonisation.
Son œuvre majeure, Christianity Islam and the Negro Race (1887), exerça une influence considérable dans tout l’espace anglophone de l’Afrique de l’ouest. Dans plusieurs de ses articles, il rend hommage à plusieurs personnalités noires célèbres, telles que Toussaint Louverture et Paul Cuffe. Il veut ainsi revaloriser l’histoire des Noirs et montrer leur importance dans le monde. Blyden rappelle également le rôle de l’Afrique comme le « berceau de la civilisation », le « conservatoire du monde ». Lors de son séjour en Égypte (1866), Blyden s’émerveille de son passé millénaire. Dans un discours aux États-Unis prononcé en 1882, Blyden évoque ses lectures d’Hérodote, qui écrit que les égyptiens ont « la peau noire et les cheveux laineux » et sont « les plus grands hommes » civilisateurs du monde.
En 1872, Edward Wilmot Blyden lance un journal intitulé The Negro, nommé ainsi dans un souci d’unification de tous les Africains, immigrés affranchis et indigènes, et visant « à reconnaître et à accroître la fraternité de la race, partout où elle se trouve ». Il cherche également à construire un modèle Nègre, en opposition au modèle occidental : « le Nègre est inconsciemment persuadé que pour être un grand homme, il doit être comme l’homme blanc ». Il invite ceux qu’il considère comme ses semblables à « ne pas s’effacer » devant le Blanc et espère pour eux qu’ils finiront par « développer leurs capacités d’Africains ».
Mais Edward Wilmot Blyden a été fort critiqué par quelques intellectuels africains car il prônait le séparatisme ethnique, faisait l’éloge de la pureté raciale et brocardait le métissage. Par ailleurs, il ne réprouvait pas les lois ségrégationnistes aux États-Unis, comme les discriminations scolaires en Géorgie, car il affirmait que la place des Noirs est en Afrique et que la ségrégation doit les encourager à rentrer sur leur continent. Au Liberia, « le Noir reprend sa place », dans sa « terre natale ». Il croyait en la nécessité d’une émigration partielle des Afro-Américains pour civiliser l’Afrique – évoquant « la superstition » et le « barbarisme africain », ce qui n’a fait que renforcer les thèses coloniales.
Convaincu du rôle « civilisateur » des Noirs revenus des Amériques, il s’est aussi mis à dos les élites du Libéria dont il critiquait la médiocrité. Il finit par trouver refuge en Sierra Leone, d’où sa pensée rayonna sur l’ensemble des pays anglophones de l’Afrique occidentale.