Le royaume du Garanganze

A l’origine, dans l’actuelle Tanzanie, on trouve la tribu des Nyamwezi. C’est une tribu spécialisée dans le commerce. Ils font notamment la route entre Tabora et Bagamoyo (10 semaines plus ou moins). Du continent vers la côte, ils acheminent des esclaves et de l’ivoire et en sens inverse, des tissus, des armes à feu et des munitions. Ce commerce va faire sensiblement évoluer la société des Nyamwezi.  Les armes à feu servent également à la chasse aux éléphants.

L’histoire commence avec Kalasa Mazuiri, un ntemi (chef) des Nyamwezi et vassal de Mirambo (voir carte), selon différentes sources, soit celui-ci s’installe dans le nord du Katanga vers le milieu du XIXème siècle, soit il reste dans l’Unyamwezi mais se rend régulièrement au Kantaga pour négocier.

Son fils Ngalengwa (« celui qui étonnera le monde ») Mwenda veut se lancer dans le commerce à longue distance avec l’Empire lunda pour se procurer ivoire et cuivre. Il va profiter de l’affaiblissement des pouvoirs locaux, à cause de la traite et de l’importance du commerce pour créer un royaume puissant et prospère. Il va  combattre les populations locales et vaincre le Kazembe vers 1869 (selon la tradition, M’Siri aurait enseigné aux habitants à vaincre la variole et pour le remercier, le roi aurait donné sa fille à M’Siri. Allié du Kazembe, il devra faire face à des intrigues de la famille royale). En plus de la guerre, M’Siri a su conquérir son royaume grâce à des alliances (le chef Katanga notamment). Il était un chef de guerre remarquable ainsi qu’un fin diplomate.

Il va proclamer le royaume du Garanganze (nom de sa tribu d’origine) en prenant le titre de mushidi qui, déformé lui vaut le nom de M’Siri. 

Sa capitale, Bunkeya devient le plus grand centre commercial d’Afrique centrale entre 1870 et 1885. Le royaume tire sa richesse du commerce du cuivre (non plus fondu sous forme de croisette mais de fils, ce qui rendait le transport plus facile), de l’ivoire et des esclaves. En échange, M’Siri importe des munitions et des armes à feu. M’Siri fait du commerce avec les Arabes (notamment Tippo-Tip), mais aussi avec les Européens (basés à Luanda).

Des révoltes voient le jour vers 1886 de la part des populations autochtones qui ne supportent plus l’autorité d’un « étranger ».

A cette époque, des Européens se rendent à Bunkeya afin d’obtenir la soumission de M’Siri aux puissances étrangères qui colonisent l’Afrique. Ces explorateurs nous ont laissé d’importants témoignages sur M’Siri. Ainsi, Reichart, un Allemand naturaliste qui a voulu s’établir à Bunkeya mais s’est fait chasser par M’Siri le décrit comme « un personnage d’une laideur repoussante, ayant les traits méchants et une âme perverse, aussi noire que son visage, mais fort intelligent et habile. » En 1886, le clergyman écossais Arnot, qui menait une œuvre d’évangélisation est bien reçu par M’Siri. Il le décrit comme « un homme intelligent, déjà âgé, ayant un aspect bienveillant et portant une barbe courte et toute blanche. » Il ajoute « que M’Siri possédait plus de 10 000 guerriers, dont 3000 possédaient des mousquets. » Enfin, le missionnaire Swan, ami d’Arnot, rapport que M’Siri lui aurait dit « qu’il évaluait la puissance et la bonté d’un chef au nombre d’exécutions qu’il avait ordonnées.

Il aurait dit qu’un grand roi est celui qui tue beaucoup de gens et chez qui on peut voir beaucoup d’hommes sans nez et sans oreilles. » 

De manière générale, les sources européennes décrivent M’Siri comme un homme intelligent mais cruel. D’autres témoins européens rapportent des histoires comme celles de Reichart, Arnot ou Swan. Par contre, dans la tradition orale africaine, M’Siri a une toute autre image, celle d’un souverain bon. 

En 1891, M’Siri, refusant de se soumettre à l’Etat Indépendant du Congo trouve la mort, le 20 décembre, de la main du capitaine Bodson, un Belge chargé de soumettre le roi à l’Etat Indépendant du Congo. Il est lui-même tué peu après par un des fils de M’Siri. Chaque année, on commémore la mort de M’Siri à Bunkeya. Quoiqu’il en soi, le royaume devient désormais une région de l’EIC. M’Siri aurait eu quelques 300 épouses. 

La capitale de M’Siri, Bunkeya est entourée de 6 collines couvertes de manguiers, de bananiers et de mulumba, un arbre ramené de l’Unyamwesi par M’Siri qu’il fit planter dans tout son royaume.

Sources : Sellier, J., Atlas des peuples d’Afrique, Paris, 2011 ; M’Siri, Roi du Katanga, dans ARSOM, p. 720 ; Boyer, A-M., Comment regarder les arts d’Afrique, Paris, 2007 ; Nantet, B., Dictionnaire de l’Afrique, Paris, 2006 ; Poirier, J., dir., Ethnologie régionale, t. 1 : Afrique – Océanie, Paris, 1972.