1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Indiquer sur la carte de l’Afrique les différents Etats précoloniaux dont les chefs ont opposé une résistance à la domination européenne ;
- Identifier les différents chefs africains qui ont opposé une résistance à la domination européenne
- Identifier les États précoloniaux où les femmes ont pris une part active dans les conflits contre la domination européenne.
- Epingler la stratégie utilisée parfois par les européens, à savoir, l’art de diviser pour régner, en s’alliant avec un groupe contre un autre.
2 ¦ Introduction
Suite à la conquête militaire de l’Afrique par les Européens à la fin du XIXe siècle, la plupart des Africains, opposés à cette domination extérieure, entrent en résistance.
Cette résistance revêt plusieurs formes. On rencontre ainsi des résistances pacifiques, des résistances diplomatiques et des résistances armées. Comme pour les résistances à la conquête, les résistances à la domination sont observées dans tout le continent africain : Afrique méditerranéenne, Afrique occidentale, Afrique centrale, Afrique orientale et australe.
3 ¦ Les résistances à la domination
3.1. En Afrique méditerranéenne
A. La Libye
Depuis 1880, les Italiens adoptent une politique de pénétration pacifique à partir de la région Tripolitaine. Ils y exercent des activités commerciales et y implantent des écoles. En 1911, l’Italie s’attaque à l’Empire ottoman, prétextant qu’elle doit sécuriser ses ressortissants dans la région Tripolitaine. L’Italie occupe alors la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Dodécanèse. Entre 1922 et 1943, on assiste à la colonisation de la Libye par les Italiens et à de nombreux actes de résistance armée sous l’égide d’Omar Al Mokhtar. Celui-ci sera arrêté et pendu le 16 septembre 1931. La Libye est occupée militairement après vingt ans de résistance libyenne. À partir de janvier 1943, la Libye passe de l’occupation italienne à l’occupation britannique. La Libye accède à l’Indépendance le 1er janvier 1952.
B. L’Égypte
De son côté, la Grande-Bretagne occupe l’Egypte mais la résistance, à la fois armée et populaire, rend difficile l’occupation anglaise. En 1882, les Égyptiens décident de repousser les Britanniques, résistant ainsi aux bombardements d’Alexandrie. Le colonel Urabi déclare le djihad contre les Britanniques. Mais, forts d’une armée de 20.000 soldats, les Anglais écrasent la résistance armée égyptienne. Les Britanniques ont également rencontré la résistance du Mahdi Mohamed Ahmed au Soudan, fondateur d’un État théocratique au Soudan qui finira par tomber en 1898.
3.2. En Afrique Occidentale
A. Les résistances face à la France
Au Dahomey, la reine Tasi Hangbè a créé une compagnie de femmes guerrières pour les utiliser dans les différents conflits contre ses voisins. Son successeur, le roi Ghézo, leur donne le nom de « Amazones vierges du Dahomey ». Le roi Béhanzin les utilise ensuite pour s’opposer à l’occupation française, puisqu’il s’est assigné comme mission en 1893 de chasser les Européens de son pays. Après avoir lutté, il se rend finalement en 1894 et est déporté à la Martinique puis en Algérie. Des femmes guerrières ont été présentes dans d’autres armées africaines. Au Sénégal, les femmes guerrières, les Linguères sont les sœurs et cousines des rois. On trouve aussi des femmes guerrières chez les Zulu.
B. Les résistances face au Royaume-Uni
Les Britanniques, à l’instar des Français, ont recours tantôt à des actions pacifiques comme en Sierra Leone, en Gambie ou en Gold Coast, tantôt à des affrontements armés comme chez les Ashanti, les Yoruba, le nord du Nigéria, etc. Ils ont surtout utilisé l’intervention militaire pour l’occupation du Nigéria qui accueillait déjà de nombreux missionnaires et des compagnies commerciales. Ils ont ainsi signé des traités de protectorat avec certains chefs Yoruba. Par contre, ils n’ont pas réussi à décider la tribu d’Ijebu qui a résisté à toutes leurs sollicitations et a décidé au contraire de les attaquer. Battus, les Ijebu et les autres tribus Yorubas ont fini par signer un traité de paix. D’autres tribus ont tenté de poursuivre la résistance armée, mais ont été battues. Dans la partie nord du Nigéria, certains chefs africains ont préféré mourir plutôt que de renoncer à leur foi. C’est le cas des chefs Kontagora en 1900, Adamowa en 1901, Bauchi en 1902, Kano, Sokoto et Burwuri en 1903.
3.3. En Afrique Centrale
A. Le Cameroun
À l’instar des Britanniques et des Français, les Allemands ont fait face à des résistances armées, populaires et culturelles au Cameroun. La résistance armée a commencé sous la direction du roi Kum’a Mbape ou Lock Priso en 1884.
Ne disposant pas de beaucoup de soldats allemands, les colonisateurs ont poussé les chefs camerounais à se battre entre eux, se trahir, se neutraliser. Les Allemands et les chefs camerounais auxquels ils se sont alliés vont battre le roi Lock Priso en 1885 et le contraindre à signer un traité de paix et à transférer la souveraineté de son État à l’Allemagne. Les résistances armées vont encore se poursuivre à l’intérieur du Cameroun, au centre, avec les Bakoko et Bassa, à l’ouest avec les Bafia, les Sanaga et les Babuté, à l’est avec les Baya, Maka et les Njem et au nord avec d’autres tribus, notamment l’armée de Mahaman. Toutes ces résistances, qui continuent jusqu’au début des années 1900, sont finalement écrasées par les colonisateurs.
B. La République centrafricaine, le Gabon, le Congo-Brazza
La population de la future République centrafricaine a connu plusieurs types de violences même si, jusqu’en 1883, elle a surtout résisté à l’esclavage. Si l’intrusion des colonisateurs français met fin à celui-ci, elle n’empêche pas pour autant la poursuite des exactions parmi la population locale. Le négrier Rabah continue même à sévir jusqu’à ce que les troupes françaises le tue en 1901. Mais la conquête de la RCA par les Français, qui fondent Bangui en 1889 n’est pas pacifique. Les expéditions françaises sont attaquées de toutes parts par les populations locales : les Bondjo, les Langbassi, les Senoussistes, les Gbaya, les Mandjia, les Ngbougous…
C. Le Congo (actuellement RDC)
1. Originaire de l’Unyamwezi dans le Tanganika, M’Siri est arrivé dans la région du chef Mpande des Sanga vers 1850 à la recherche d’ivoire et d’esclaves. À la mort du chef Mpande, il soumet les Sanga, crée et étend son royaume appelé Garenganze et fait de Bunkeya sa capitale. Il refuse l’offre de Léopold II de placer son royaume dans le giron de l’État Indépendant du Congo (EIC). Il est assassiné par le capitaine belge Bodson le 20 décembre 1891 et son royaume Garenganze tombe entre les mains des troupes de l’EIC. Le fils aîné de M’Siri, Mukanda Bantu succède à son père, et s’allie aux colonisateurs pour soumettre les différentes révoltes des populations autochtones, à savoir les Sanga, Aushi, Lomotwa, Lala, Lamba, etc.
2. Dans la région du Lac Tanganyika, chez les Tabwa, les colonisateurs ont fait face à une forte résistance du chef Lusinga lwa Ng’ombe. Pour s’en débarrasser, Emile Storms, qui commande la 4e expédition de l’Association Internationale Africaine (AIA), dont l’objectif est d’explorer la région du Lac, tue le chef Lusinga, lui tranche la tête et ramène le crâne en Europe comme un butin de guerre. À propos du crâne de Lusinga, Storms écrira : « Cet homme est mort parce qu’il a menti à l’homme blanc (…). Je fais apporter la tête de Lusinga au milieu du cercle. Je dis : ‘Voilà l’homme que vous craigniez hier. Cet homme est mort parce qu’il a toujours cherché à détruire la contrée et parce qu’il a menti à l’homme blanc ». Le crâne du chef Lusinga sera conservé en Belgique, où il servira d’objet d’étude pour des analyses anthropologiques à caractère raciste.
D. L’Angola
Au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, les Etats Chikunda battent à plusieurs reprises l’armée portugaise qui est désorganisée. C’est ainsi qu’au sud de l’Angola, en 1896, les Bihé organisent une embuscade contre un détachement portugais chargé d’établir des postes administratifs à l’intérieur du pays.
Lors de combats de 1904, les Humbe et les Cuamaro repoussent plusieurs attaques portugaises au cours desquelles ils tuent beaucoup de portugais. Au nord du Nyasaland, les Yao tiennent l’armée coloniale britannique en échec pendant près de cinq ans. Mais les succès les plus éclatants sont ceux de l’alliance Swahili-Makwa qui réussit à échapper à la tutelle portugaise jusqu’en 1910 et celle des Cuamoro alliés aux Cuanhama dont la défaite n’est définitive qu’en 1915.
3.4. En Afrique orientale
A. Le Kenya
La réaction kenyane à la colonisation est à la fois militaire et diplomatique. Elle se caractérise par le recul, la non-coopération ou la passivité.
– Parmi les peuples du Kenya, les Nandi s’opposent militairement à la construction du chemin de fer sur leur territoire. Cette résistance, qui commence dans les années 1890, ne s’achève que lorsque leur chef est tué en 1905.
– La réaction de Waiyaké du groupe des Gikuyu est également remarquable. Ses parents sont des Masaï venus s’installer au Kenya au XIXe siècle. Quand il était en état de force, il s’attaquait aux Britanniques ; en position de faiblesse, il devenait l’allié des envahisseurs.
– Sur la côte, Mbaruk bin Rashid du groupe Mzrui, mène une guerre de harcèlement contre les forces britanniques supérieurement équipées, à la fin du XIXe siècle. Il faudra faire venir des troupes indiennes pour le vaincre. Mbaruk Bin Rashid s’enfuit alors au Tanganyika et tombe entre les mains des Allemands.
– Dans le Kenya occidental, chez les Abaluyia, le roi des Wanga, Mumia, est également un adepte décidé de la diplomatie. Il considère les Britanniques comme des alliés qu’il peut utiliser pour étendre son influence sur tout le Kenya occidental et qui l’aideraient à vaincre ses adversaires Yteso et les Lus. C’est ainsi que l’occupation britannique s’accomplit, en grande partie, grâce à Mumia qui meurt en 1949.
B. Le Tanganyika
Au Tanganyika, on réagit comme au Kenya par l’emploi de la force et les alliances. Mais les Allemands, comme les Anglais au Kenya, sont passés maîtres dans l’art de diviser pour régner, en s’alliant avec un groupe contre un autre. Alors que plusieurs peuples prennent les armes pour défendre leur indépendance, Mbunga se heurte aux forces allemandes en 1891 et en 1893, tandis que l’arrière-pays Kilna, lutte les armes à la main sous la direction de Hasan Bin Omari. Les Makondé repoussent l’invasion allemande jusqu’en 1899. Les Hehe, avec leur chef Nkwawa, s’opposent aux Allemands en 1891 et en tuent près de 290. Mais, en 1894, les troupes allemandes ravagent la région Hehe, et s’emparent de sa capitale. Nkwawa réussit à s’enfuir, mais, à la suite d’une poursuite qui dure quatre ans, il se suicide pour éviter d’être capturé. Sur la côte du Tanganyika, la résistance s’organise également autour de la personne d’Abushiri.
C. Ouganda
Entre 1891 et 1899, il y a eu des heurts entre les forces de Kabarega, le roi du Bunyoro, et celles des Britanniques. Après plusieurs combats où les troupes de Kabarega sont vaincues, ce dernier recourt à la diplomatie.
4 ¦ Résumé
Les chefs africains, accompagnés de leurs populations, ont poursuivi leurs résistances contre la domination européenne. Face à ces adversaires armés, les Africains adoptent des stratégies différentes. Certains signent des traités de paix, d’autres résistent les armes à la main avant de signer un traité de soumission.
Parfois aussi, les Européens provoquent des divisions entre les différents royaumes voisins pour les diviser et pouvoir les dominer. Beaucoup de chefs africains sont morts sur le champ de bataille. Certains États de l’Afrique occidentale ont créé des compagnies de femmes guerrières. C’est l’exemple des Amazones du Dahomey.