1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Expliquer ce qu’est une contestation sociale
- Expliquer les causes des contestations sociales
- Lister quelques cas de contestations sociales
- Citer quelques leaders qui ont dirigé des mouvements de contestations sociales
2 ¦ Introduction
Même si les résistances politiques à la colonisation ont échoué, les Africains ont continué à résister par diverses actions comme le refus de pratiquer les cultures obligatoires, le refus d’exécuter les travaux forcés, le refus de payer les impôts, etc. Quand les travailleurs trouvent que leurs conditions de travail et de vie ne sont pas acceptables, ils manifestent leur volonté de déclencher une grève, en posant des conditions pour la reprise du travail.
On se trouve face à un mouvement de mécontentement de la population face à la dégradation d’une situation sociale donnée.
Les contestations sociales ont pour objectifs, soit de recouvrer l’indépendance ou la souveraineté perdue, soit de limiter certains abus ou actions oppressives du colonisateur.
Le peuple n’envisage comme solutions à ses problèmes que la résistance à travers des révoltes, des migrations, des grèves ou des contestations idéologiques, etc.
Il faut aussi noter que si le peuple a résisté, des rois et des chefs religieux se sont aussi mobilisés contre la domination des puissances européennes.
Nous retrouvons ces formes de résistance partout en Afrique: Afrique méditerranéenne, Afrique occidentale, Afrique centrale, Afrique orientale et Afrique australe.
3 ¦ L’Afrique méditerannéenne
● Algérie
En dépit du « mythe kabyle », cette politique française qui tentait d’assimiler la population kabyle à la culture française par, entre autres, une scolarisation plus poussée que dans d’autres régions, les Algériens résistent massivement à la colonisation. Nombreux sont les Kabyles à participer à la création,
- en 1913, de l’Amicale des instituteurs indigènes, tout comme à celle,
- en 1931, de l’Association des oulémas algériens, dont les médersas, les écoles coraniques, serviront de lieu de diffusion des idées nationalistes.
- En 1926, parmi les émigrés qui fondent l’Étoile nord-africaine, 5 sur 8 des premiers dirigeants sont originaires de Kabylie.
- Mais la région est touchée de plein fouet par les événements du 8 mai 1945 avec une grande insurrection, qui, partie de Sétif s’étend à Kherrata et Guelma. Mais l’insurrection est réprimée par l’armée française qui bombarde les abords de Kherrata et fait des milliers de morts parmi la population. On assiste là à l’éclatement du principal mouvement nationaliste algérien.
Parmi les autres résistants algériens, certains sont éliminés, d’autres, sous la menace de l’exclusion, se rallient à l’orientation alors dominante.
● Tunisie
Outre la lutte armée menée par différentes tribus, on assiste aussi en Tunisie à des soulèvements populaires.
Celui d’avril 1906, connu sous le nom de révolte des Frashish, est dû à la confiscation des terres autochtones dans la région de Thala-Kasserine.
En septembre 1911, des incidents populaires sont dus à la tentative de la municipalité d’intégrer la nécropole (don de l’ascète kariouanais Muhammad al-Djallaz pour abriter les sépultures des musulmans) au domaine municipal dans le but d’y faire passer une ligne de tramway et une route.
D’autres soulèvements ont eu lieu pendant la Première Guerre mondiale et ont été menés par les Wadarna. Ces insurrections dirigées par des Daghbaji et Béchir ibn Sidira se sont poursuivies jusqu’aux années 1920.
Au cours des années 1950 naît un mouvement de résistance connu sous le nom de « mouvement des Fellagas », suite au refus de la France d’accorder une suite favorable aux revendications tunisiennes d’aboutir à l’autonomie interne de la Tunisie. Ces résistances se sont poursuivies jusqu’à l’indépendance de la Tunisie en 1956.
4 ¦ L’Afrique occidentale
Il y a eu de nombreuses résistances en Afrique occidentale, comme la rébellion des Ashanti en 1900 sous la direction de la reine d’Edweso Nana Yaa Asantewoa.
- En Sierra Leone, les Britanniques créent une taxe foncière sur l’habitation. En 1898, les chefs Temne et Mende refusent de payer cet impôt de case et se révoltent sous la conduite de Bai Bureh. Ils attaquent, pillent les comptoirs et tuent des soldats, des fonctionnaires britanniques et tous les Africains qu’ils considèrent comme complices des Britanniques.
- En Sénégambie, entre 1885 et 1887, beaucoup des Soninke, recrutés pour la construction du chemin de fer reliant Kayes au Niger, ont créé un mouvement de protestation à cause des mauvaises conditions de travail amenant à une mortalité élevée. Mamadou Lamine, qui avait été en pèlerinage à La Mecque, n’hésite pas à parler de crise religieuse dans ses sermons publics. Pour lui, il est interdit aux musulmans de vivre sous une autorité non islamique. Et il compte sur la supériorité numérique et le fanatisme de ses troupes convaincues de lutter pour Dieu et la patrie. Cette stratégie religieuse lui a permis de faire de son mouvement d’opposition, une guerre contre les chrétiens.
5 ¦ L’Afrique centrale
– En République centrafricaine et au Congo-Brazzaville après la période de la conquête vient celle des sociétés concessionnaires. Les populations locales opposent une résistance contre les abus commis par les colons français tels que l’impôt de capitation (impôt « par tête » ou par habitant), le travail forcé, les taxes de toutes sortes, la corvée du portage, l’obligation de participer à la construction du chemin de fer… Les nombreuses atrocités offrent des prétextes à des exécutions sommaires, des amputations, des tortures qui n’épargnent ni les femmes ni les enfants. Ces événements ont poussé la population à des contestations sociales comme les insurrections Mandjia (1902-1904) et de Lobaye en (1906).
– Au Congo (actuelle RDC), on peut distinguer, au moins, deux formes de résistance, une résistance « silencieuse » qui s’illustre par la fuite des travailleurs afin de ne pas subir le travail forcé notamment, et une résistance plus violente, où les populations se révoltent contre le colonisateur. Entre 1885 et 1905, plus d’une douzaine de groupes du Bas-Congo et du Congo Central se révoltent. Parmi les groupes dont la résistance est bien organisée, on retrouve les Yaka qui résistent jusqu’en 1906 et les Budja et les Boa qui se révoltent à la fin du XIXe siècle contre le travail forcé dans les plantations de caoutchouc. Les Chokwe infligent de lourdes pertes à la Force publique (armée coloniale) pendant vingt ans.
- Dans l’ancienne province du Katanga, on note plusieurs résistances populaires : beaucoup de Sanga, Aushi, Lomotwa, Lala, etc., ont émigré vers la Rhodésie du nord (actuelle Zambie) et ont refusé de travailler pour les colonisateurs belges.
- Dans le nord du Katanga, après la relégation du chef Kasongo Nyembo des Luba, opposé à la gestion administrative des colonisateurs, la population a continué à désobéir à certains ordres des colonisateurs. Ces derniers devaient aussi faire face aux raids de et de ses partisans Yaka et à l’appui apporté par les Luba aux rebelles Kiwilu.
De temps à autre, les Africains, recrutés par les colonisateurs pour écraser les dissidents, se révoltent à leur tour pour protester contre les abus des colonisateurs. Ils s’insurgent contre les salaires de misère, les sanctions sévères et le comportement capricieux de leurs officiers européens.
- C’est dans l’État indépendant du Congo (E.I.C) qu’éclatent les plus violentes mutineries. En 1895, l’ensemble de la garnison de Luluabourg s’insurge. Les soldats, sous la conduite de sous-officiers mutins, massacrent le chef de poste pour se venger de son intolérable tyrannie. Pendant plus de six mois, les rebelles contrôlent la presque totalité de la province du Kasaï, mais ils finissent par être vaincus par les troupes restées loyales.
La période de l’entre-deux-guerres a connu de grands bouleversements sur le plan économique, social, politique et culturel sur l’ensemble du Congo belge. Sur le plan culturel, on assiste à la naissance des mouvements messianiques qui prônent la libération de l’homme noir du joug de l’homme blanc.
L’un des premiers mouvements messianiques, est celui du prophète Simon Kimbangu, ancien catéchiste, puis diacre chez les Frères Baptistes qui prétend avoir reçu de Dieu, sa mission de prophète. Il déclare que « les Blancs seraient Noirs et les Noirs seraient Blancs ». Des foules nombreuses le suivent et refusent de payer l’impôt et de se soumettre au pouvoir colonial. L’administration coloniale, inquiète du désordre créé, arrête Kimbangu en 1921. Il est jugé à Thysville en octobre 1921 et condamné à mort par un conseil de guerre. Mais le Roi Albert Ier commue sa peine en détention à perpétuité. Il est transféré en janvier 1922 à la prison d’Elisabethville. Kimbangu y purge sa peine jusqu’à sa mort, le 12 octobre 1951. En 1960, les restes de Kimbangu sont inhumés à Nkamba, la nouvelle Jérusalem. Actuellement, la prison de Kasombo est devenue un lieu de mémoire et de pèlerinage.
Le deuxième cas est celui du Kitawala appelé aussi Mwana Lesa, (fils de Dieu). C’est un autre mouvement philosophique qui tend à faire fusionner plusieurs doctrines dont la Watch Tower Bible and Tract Society créée aux États-Unis d’Amérique. Ce mouvement est entré au Congo en 1925 par l’ancienne province du Katanga, via l’Afrique du Sud et la Zambie. Ses animateurs prêchent la fin de la colonisation et le départ des Blancs, qui abandonneraient leurs femmes aux Noirs. Kitawala est arrêté et ramené en Zambie où il est condamné à mort et pendu en 1926.
En 1931 va éclater la révolte dite des Pende contre l’autorité coloniale. Cette révolte, intervenue en pleine crise économique mondiale, a été provoquée par la brutalité de l’administration du territoire, la pression due à la production accrue exigée par les compagnies concessionnaires (Huileries du Congo belge et Compagnie du Kasaï), les rivalités entre les tribus, l’hostilité des chefs coutumiers évincés par l’administration coloniale et l’émergence de la secte magico-religieuse Tupelepele dont les adeptes participent à la révolte. Cette révolte a été réprimée très sévèrement par la Force Publique qui, pendant trois mois, se bat pour rétablir l’ordre public.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Congo belge a été le théâtre de diverses agitations sociales. On a assisté au déclenchement, en décembre 1941, de la première grève des travailleurs noirs de l’Union Minière du Haut-Katanga à Lubumbashi, alors Elisabethville. Cette grève correspond à la deuxième forme de résistance des travailleurs contre leurs mauvaises conditions de vie et de travail. Cette grève des travailleurs africains, bien que la plus grande jamais enregistrée jusque-là, n’est pas un cas isolé. En effet, le mécontentement a gagné la plupart des milieux à forte concentration de main-d’œuvre. C’est ainsi qu’on enregistre des troubles parmi les travailleurs de la Géomines à Manono au cours de la même année, ainsi qu’une grève à Matadi, dans le Bas-Congo, en 1945.
6 ¦ L’Afrique Orientale
- Dans les colonies portugaises, plusieurs causes ont entrainé une résistance de la part de la population : l’accroissement ou la perception plus rigoureuse des impôts ; l’introduction de la taxe d’habitation ; les réquisitions de main-d’œuvre ; la perte des terres ; l’absence de libertés politiques et la non-prise en considération de leur culture. Dans la vallée du Zambèze, on compte entre 1890 et 1905, pas moins de seize insurrections. La plupart de ces révoltes sont dirigées contre la compagnie du Mozambique et la compagnie de Zambézia. Ces deux sociétés imposent une lourde taxe sur les habitations et exposent la main-d’œuvre au travail forcé.
- Au Kenya, comme ailleurs en Afrique, les premières réactions de peuples comme les Mazrui et les Nandi sont destinées à protéger leur indépendance face aux menaces étrangères. Chez les Luo, dans le Kenya occidental, l’opposition à la domination des missions conduit à la création, sous la direction de John Owalo, d’une église indépendante en 1910. Celui-ci aurait reçu de Dieu l’autorisation de fonder son église. Il construit ses propres écoles primaires et exige une école secondaire libre de toute influence des missionnaires. En 1913, le culte Mumbo, qui est un mouvement contre la domination blanche utilise la religion comme une idéologie. Son fondateur, Onyango Dande, qui n’a pas un discours politique, proclame que « tous les Européens sont vos ennemis, mais le temps est proche où ils disparaitront de votre pays. » Les autorités coloniales réagissent en interdisant le mouvement. Dans la partie septentrionale du pays, en Onyanda, les Acholi, se révoltent en 1911 contre les Anglais. Ils réagissent aux réquisitions de travail ainsi qu’aux tentatives de les désarmer.
- Au Tanganyika, entre juillet 1905 et août 1907, le mouvement Mayi Mayi, dirigé par Kinjikitile Ngwale, rassemble plus de vingt groupes ethniques différents. Ce mouvement paysan de masse dirigé contre l’exploitation coloniale a utilisé la religion et la magie comme moyens de révolte. Dépossédés de leurs terres, de leurs foyers, de leur liberté et de leur volonté par les fonctionnaires coloniaux et les compagnies commerciales, les Africains, par leurs révoltes courageuses et incessantes, ne sont pas les témoins muets de leur impuissance. Si ce mouvement est brutalement écrasé par les Allemands, il est néanmoins le premier mouvement de résistance à grande échelle en Afrique orientale.
7 ¦ L’Afrique du Sud
– Chimurenga est le nom que les Shona donnent à leur résistance armée au Matabeleland et au Mashonaleland en 1896.
Le mouvement débute le 20 mars 1896 par l’assassinat d’un policier africain employé par la Compagnie Rhodes.
La première attaque contre des Européens a lieu le 22 mars et cause la mort de 7 Blancs et 2 Africains dans la ville d’Essexvale. Au bout d’une semaine, 130 Blancs sont tués au Matabeleland.
Les forces armées de la compagnie Rhodes recourt à la tactique de la terre brûlée pour affamer les résistants.
Les prophètes (Svikiro) jouent un rôle déterminant dans l’expansion du mouvement chimurenga. Ils affirment aux Ndebele et aux Shona que les Blancs sont la cause de leurs souffrances (travail forcé, impôt, châtiments corporels (fouet) et même de fléaux naturels (sauterelles, peste divine, sécheresse). Craignant d’être supplantés par les missionnaires européens, ils persuadent un grand nombre d’Africains que le dieu Shona Mwari, ému par les souffrances de son peuple, a décrété que les Blancs devaient être chassés du pays, et que les Africains n’ont rien à craindre, car le dieu Mwari est à leur côté et rend les balles de l’homme blanc aussi inoffensives que de l’eau. Ces prophètes (Svikiro), en tant que gardiens des traditions, sont avant tout des prophètes révolutionnaires qui exposent les causes fondamentales du chimurenga et expriment l’opinion générale de la population, sans laquelle leur prédication aurait perdu toute crédibilité et tout impact. En 1903, le Chimurenga est finalement maitrisé.
– Dans les entreprises minières, un mouvement grève est déclenché le 12 août 1946. C’est la grève des mineurs de la mine d’or dans la région de Witwatersrand, en Afrique du Sud. Comme l’entreprise minière ne répond pas à la requête des travailleurs d’améliorer leurs conditions de travail et de vie, le syndicat des travailleurs, l’African Mine Workers Union, déclenche une grève. La riposte des autorités est très forte. La grève est fortement réprimée et il y a beaucoup de morts et de blessés parmi les grévistes.
8 ¦ Résumé
Les contestations sociales sont des mécontentements exprimés par les populations africaines en réponse aux abus des colonisateurs : les conditions de travail et de vie difficiles, l’impôt de capitation, le portage, etc. Ces abus ont amené les populations africaines à déclencher des mouvements de grève, à créer des mouvements de résistance parfois armés, etc. Les mouvements religieux se sont aussi joints à ce mouvement pour revendiquer l’indépendance et la liberté de leurs pays. Partout, ces contestations sociales ont été réprimées et leurs dirigeants arrêtés ou tués.