1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Démontrer que dès le début de la colonisation, le mouvement vers l’indépendance s’est enclenché.
- Citer les différentes formes de contestation coloniale avant la Seconde Guerre mondiale.
- Expliquer pourquoi le colonisateur belge a organisé l’indépendance du Congo dans la précipitation.
2 ¦ Introduction
Le Congo, colonisé par Léopold II en 1885, puis par la Belgique en 1908 va connaitre son indépendance en 1960. Dés le début de la colonisation, il existe plusieurs formes de résistances. Ces mouvements de résistance, au Congo, prennent le plus souvent la forme de mouvements messianiques qui suscitent des troubles. Jusque dans les années 1950, il n’y a pas d’organisations politique qui structurent les mouvements de contestation dans la voie d’une émancipation politique. La Belgique se convainc que les Congolais sont incapables de gérer le pays seuls, et met tout en œuvre pour retarder l’inévitable. En 1958, il ne fait plus aucun doute quant à la volonté des Congolais de prendre en main leur destin loin de l’oppression coloniale. Dès lors, l’indépendance sera organisée dans la précipitation par la Belgique.
3 ¦ Troubles et résistances avant la Seconde Guerre mondiale
L’indépendance proclamée du Congo en 1960 est l’aboutissement de multiples processus sociaux, culturels, religieux et politiques qui remontent loin dans le passé.
L’annexion du Congo par la Belgique en 1908 n’a pas fait disparaitre la violence, le racisme, et les mouvements de résistance à la colonisation. La résistance va, au contraire, s’amplifier à la suite de la Première Guerre mondiale pendant laquelle les Congolais ont été lourdement mis à contribution en fournissant des matières premières aux alliés, dans les conditions épouvantables du travail forcé. Des Congolais vont également participer à des campagnes militaires contre les colonies allemandes.
Dès 1921, dans la région du Bas-Congo, où la présence coloniale est très marquée, Simon Kimbangu se présente comme un prophète venu pour libérer les peuples du Congo et la race noire du monde entier. Il déclare : « j’étais envoyé pour libérer les peuples du Congo et la Race noire du Monde. L’Homme noir deviendra blanc et l’Homme blanc deviendra Noir. » Ses prédications ont du succès, et il commence à être suivi par de nombreuses personnes. Kimbangu représente une menace pour le pouvoir colonial qui l’arrête et le condamne à mort. Toutefois, la sentence est commuée en détention à perpétuité. La relégation du Prophète et de ses disciples à travers le Congo, loin de leurs terres natales, contribue paradoxalement à multiplier le nombre de ses disciples.
En 1921, le deuxième Congrès panafricain, d’inspiration anticolonialiste choisit de se réunir à Bruxelles sous la direction du Noir américain W.E.B. Du Bois. Le choix de la Belgique n’est pas anodin. Il fait suite aux critiques d’avant-guerre contre le régime brutal de Léopold II. Paul Panda Farnana (1888-1930), agronome congolais formé en Belgique, y prend une part active ainsi que Paul Otlet (1868 – 1944), Belge anticolonialiste. Farnana est l’un des rares Congolais à avoir participé à la Première Guerre mondiale au sein de l’armée belge, dans une section congolaise. Farnana se voit en porte-parole du Congo belge à Bruxelles, et tente de sensibiliser les politiques et le grand public à la cause congolaise, en publiant de nombreux articles dans la presse, ainsi que des livres.
En 1927, Bruxelles est de nouveau choisie pour accueillir le « Congrès international contre l’oppression coloniale et l’impérialisme » organisé par les communistes européens. Les représentants de ce congrès soutiennent Simon Kimbangu. Pour la première fois, des Africains et des Européens se retrouvent ensemble pour condamner la colonisation.
Le monde paysan congolais, connu pour ses manœuvres en vue d’échapper aux contrôles permanents de l’administration, entre à son tour sur la scène. Écrasés par des impôts incessants et trop lourds, soumis à un rythme de travail épuisant pour la production de l’huile de palme dans les plantations des Huileries du Congo belge, les paysans du Kwango se soulèvent en 1931. L’évènement est connu comme « la révolte des Pende ». L’insurrection sera matée brutalement par le pouvoir colonial et fera au minimum 500 morts. Cette révolte alimentera la mémoire collective et servira de référence à d’autres insurrections.
Tout au long de la colonisation, les populations se révoltent de manière sporadique. Il faudra attendre les années 1950, pour qu’une organisation politique vienne structurer les mouvements.
4 ¦ Seconde Guerre mondiale et révoltes populaires
La Seconde Guerre mondiale est un moment d’accélération dans la décolonisation. La Belgique est occupée par l’Allemagne nazie et le gouvernement belge s’est réfugié à Londres. Le Congo va être soumis à une lourde pression afin de participer à l’effort de guerre. Des soldats vont être envoyé en Éthiopie, en Birmanie, à Madagascar. Le travail forcé qui n’avait pas disparu est amplifié afin de fournir les alliés en matières premières. L’uranium qui va servir aux bombes atomiques lâchées sur Hiroshima et Nagasaki provient des mines du Katanga. Les mauvaises conditions vont entrainer des mouvements de révolte, des grèves et des insurrections paysannes. Toutes seront matées violemment par le pouvoir colonial. Parmi les principaux mouvements sociaux, on peut relever la grève générale des travailleurs de l’UMHK (Union Minière du Haut-Katanga), la plus grande entreprise coloniale, à Jadotville (Likasi), et à Élisabethville (Lubumbashi) en 1941 ; la mutinerie de Luluabourg (Kananga) en 1944 et la grève des dockers du port de Matadi en 1945-1946.
5 ¦ Le contexte socio-économique de l’après-guerre
Le radicalisme du peuple, durant la Seconde Guerre mondiale, tranche avec la modération des revendications exprimées par les « évolués », selon la terminologie coloniale. Il s’agit de petits fonctionnaires que le colonisateur prend plaisir à opposer aux « sauvages de la brousse ». Les « évolués » souhaitent surtout une amélioration de leur propre statut. Le colonisateur refuse de faire participer les Congolais au pouvoir, même dans les échelons les plus bas. Et devant la demande des « évolués » d’une plus grande participation, les Belges décident alors de renforcer l’influence de la chefferie. Frustrés, les évolués vont se politiser et se radicaliser dans les années 1950.
Le radicalisme du peuple, durant la Seconde Guerre mondiale, tranche avec la modération des revendications exprimées par les « évolués », selon la terminologie coloniale. Il s’agit de petits fonctionnaires que le colonisateur prend plaisir à opposer aux « sauvages de la brousse ». Les « évolués » souhaitent surtout une amélioration de leur propre statut. Le colonisateur refuse de faire participer les Congolais au pouvoir, même dans les échelons les plus bas. Et devant la demande des « évolués » d’une plus grande participation, les Belges décident alors de renforcer l’influence de la chefferie. Frustrés, les évolués vont se politiser et se radicaliser dans les années 1950.
Les conditions de vie des Congolais sont assez mauvaises. Devant la pression de l’ONU, et afin de suivre le mouvement initié par les autres colonisateurs, la Belgique développe un Plan décennal (1949-1959) afin d’améliorer les conditions de vie des Congolais. Le plan va provoquer une forte croissance, et va consolider l’infrastructure économique de la colonie, toutefois il n’est pas parvenu à remédier aux déséquilibres et à la vulnérabilité de l’économie congolaise. Le pays est toujours obligé d’importer des denrées alimentaires jusqu’à l’indépendance, et au-delà. Le coût des réformes est élevé, car en dehors de la croissance économique, rien n’a jamais vraiment été entrepris pour le bien-être des populations. De plus, ce cout élevé des réformes sera supporté par le Congo seul, laissant les économies de la colonie dans un mauvais état au moment de l’indépendance.
Les conditions de vie des Congolais sont assez mauvaises. Devant la pression de l’ONU, et afin de suivre le mouvement initié par les autres colonisateurs, la Belgique développe un Plan décennal (1949-1959) afin d’améliorer les conditions de vie des Congolais. Le plan va provoquer une forte croissance, et va consolider l’infrastructure économique de la colonie, toutefois il n’est pas parvenu à remédier aux déséquilibres et à la vulnérabilité de l’économie congolaise. Le pays est toujours obligé d’importer des denrées alimentaires jusqu’à l’indépendance, et au-delà. Le coût des réformes est élevé, car en dehors de la croissance économique, rien n’a jamais vraiment été entrepris pour le bien-être des populations. De plus, ce cout élevé des réformes sera supporté par le Congo seul, laissant les économies de la colonie dans un mauvais état au moment de l’indépendance.
À partir de 1955, on assiste à une accélération du processus d’indépendance. Les liens traditionnels entre l’État, l’Église et les entreprises privées commencent à se défaire pour de multiples raisons, propres au contexte belge, et international. Le contexte économique et social se détériore à partir de 1957, en particulier à cause d’une forte croissance démographique, et à l’augmentation de l’exode rural. De plus, le contexte africain et les indépendances comme celle du Ghana en 1957 commencent à produire leur effet dans la colonie belge. Toutefois la Belgique refuse toujours de voir l’évidence. Des Congolais vont commencer à prendre position, et un auteur comme Paul Lomami Tshibamba est obligé de s’exiler à Brazzaville pour publier son roman qui est une critique de la colonisation.
6 ¦ L’accélération de l’histoire
Au Congo, le mouvement d’indépendance s’accélère. L’influence de l‘Église kimbanguiste s’étend de plus en plus. Dans les années 1950, son message est plus politique et elle possède des possibilités d’action élargies. En 1956, alors que les mouvements d’indépendance s’accélèrent dans les colonies britanniques et française, Jef Van Bilsen va publier, dans une revue catholique belge, une proposition de plan d’émancipation de 30 ans pour le Congo. Ce plan va connaitre un retentissement en Belgique, et au Congo. Il entraine la stupeur dans les milieux coloniaux, et suscite différentes réactions parmi les Congolais. Cette idée d’émancipation, formulée par un Belge, est accueillie favorablement, mais le délai parait trop important.
Suite à la publication du plan, la revue Conscience Africaine publie un manifeste qui est favorable sur le principe au plan de Van Bilsen. Le manifeste estime que l’avenir du Congo réside dans « la synthèse de notre caractère et de notre tempérament africain avec les richesses foncières de la civilisation occidentale ». Toutefois, l’Abako (Association des Bakongo) publie un contre-manifeste dans lequel elle se montre intransigeante, et ne veut pas attendre 30 années de plus pour obtenir l’indépendance. À ces mouvements chrétiens, vient s’ajouter un mouvement plus radical : le MNC (Mouvement national congolais) fondé par Patrice Lumumba en 1958. Rare parti congolais à avoir une base nationale. La plupart des formations ont une assise régionale. Lumumba déclare : « L’indépendance que nous réclamons ne doit pas être considérée par la Belgique comme un cadeau qu’elle nous ferait. Il s’agit de la jouissance d’un droit que le peuple congolais avait perdu. » De nombreux autres partis politiques vont apparaitre.
7 ¦ Le 4 janvier 1959, événement fondateur
Le 4 janvier 1959, des émeutes éclatent à Léopoldville (Kinshasa) suite à l’interdiction d’un meeting de l’Abako. Elle entraineront trois jours de pillages qui feront officiellement 42 morts et 250 blessés parmi les Congolais. Des grèves et des insurrections éclatent partout. De plus en plus de Congolais refusent de payer l’impôt. Des leaders congolais comme Kasavubu et Lumumba sont arrêtés.
La Belgique ne sait pas quoi faire face à cette accélération de l’histoire. L’africanisation des cadres de l’armée et de l’administration a seulement commencé. La Belgique ne veut pas recourir à la force pour rétablir l’ordre dans sa colonie. Les exemples français avec l’Algérie notamment ne l’incitent pas à aller dans cette voie. Elle doit dialoguer avec les Congolais.
8 ¦ Les Tables rondes de Bruxelles
Après réflexion, la Belgique décide d’organiser deux conférences avec les représentants congolais afin de mettre en œuvre l’indépendance du Congo. Les Belges ne préparent pas beaucoup ces réunions, car ils misent sur les faibles connaissances politiques des Congolais, et sur les divisions entre Congolais.
A. La Table ronde politique (20 janvier – 20 février 1960)
La Table ronde politique réunit des représentants belges et congolais. Les Congolais font bloc en créant un front commun et demandent la libération de Patrice Lumumba. Cette réunion constitue l’étape décisive du transfert de la souveraineté aux Congolais par le pouvoir colonial belge. C’est là que l’on fixe la date du 30 juin 1960 comme jour de l’indépendance totale du Congo. On élabore également les structures du futur État, maintenu dans ses frontières de 1885.
La Belgique va essayer de maintenir son influence. Elle propose le roi Baudouin comme nouveau chef de l’État, ce qui sera refusé, puis propose de garder certaines compétences, ce qui sera aussi refusé. Se rendant compte que cette démarche ne porte pas ses fruits, les autorités belges vont alors décider de s’appuyer sur certains politiques congolais favorables à leurs intérêts afin de pouvoir continuer à dicter leur volonté après l’indépendance.
B. La Table ronde économique, financière et sociale (26 avril – 16 mai 1960)
La Table ronde économique, financière et sociale ne connait pas la même affluence, les principaux leaders ayant regagné précipitamment le Congo en vue de préparer les élections. La discussion de ces dossiers cruciaux est confiée à des conseillers congolais, pour la plupart des étudiants vivant en Belgique, sous l’influence des politiciens, financiers et experts belges. Les négociations n’aboutissent pas et la question centrale du système économique est reportée à plus tard.
9 ¦ L’indépendance du 30 juin 1960
Les élections organisées dans un climat de fièvre politique consacrent la victoire du MNC, et Lumumba devient Premier ministre. Il doit former le nouveau Gouvernement. Lumumba va détenir l’essentiel du pouvoir exécutif. Joseph Kasa-Vubu devient, lui, président de la République du Congo, dans un rôle plus effacé.
Le 30 juin 1960, au Palais de la Nation à Léopoldville, en présence du roi Baudouin, et du président Joseph Kasa-Vubu, l’indépendance du Congo est enfin proclamée. Au cours de cette cérémonie, le roi Baudouin et le président Joseph Kasa-Vubu lisent les discours prévus au programme du jour et vantent les mérites de la colonisation belge. De manière inattendue et à la surprise générale, le premier ministre Patrice Lumumba lit un discours qu’il avait secrètement préparé et qui dresse un bilan critique du système colonial. Lumumba apparait de plus en plus aux yeux des Belges, et des Occidentaux comme un danger pour leurs intérêts.
Le jour de l’indépendance, de grands défilés hauts en couleur sont organisés partout, jusque dans les moindres villages. Partout, les Congolais célèbrent l’indépendance au rythme de la chanson ‘Indépendance cha cha’ du chanteur Joseph Kabasele, qui avait suivi à Bruxelles les travaux de la Table ronde politique, accompagné de son orchestre ‘African Jazz’.
Alors que la transition du pouvoir s’effectue de manière pacifique, les lendemains de l’indépendance vont entrainer le pays dans une guerre civile (mutinerie de la Force publique, sécession du Katanga, et du Kasaï, assassinats politiques).
10 ¦ Résumé
Tandis que l’Afrique est partout secouée par les soubresauts de l’indépendance, le gouvernement belge qui n’a ni envisagé ni planifié l’émancipation politique de sa colonie, sous forme d’un régime de transition, est surpris par les émeutes du 4 janvier 1959 dans la capitale. Celles-ci sonnent le glas de la colonisation belge.
L’indépendance du pays est prononcée le 30 juin 1960, avec un parterre d’invités dont la délégation belge conduite par le roi des belges et les officiels Congolais. Cette indépendance est le fruit d’un long processus à la fois culturel, social, religieux, politique et économique. Elle est très bien accueillie par de nombreux Congolais qui espéraient qu’une ère nouvelle de bonheur, de paix et de développement va commencer.
Cependant, miné par les actions subversives des anciens colonisateurs et par les convoitises et les menées souterraines des grandes puissances, le Congo indépendant devient un espace géostratégique où vont se jouer les luttes entre blocs idéologiques dans le contexte de la guerre froide.