1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Expliquer les tentatives de réforme en Afrique au XIXe siècle.
- Expliquer la façon dont les Européens se sont emparés de territoires en Afrique.
- Expliquer le rôle du continent africain dans les deux guerres mondiales.
- Expliquer la façon dont les colonies sont organisées.
- Expliquer les facteurs qui précipitent la fin de la colonisation en Afrique.
2 ¦ Introduction
Tout au long du XIXe siècle, l’Afrique multiplie les efforts pour se remettre de quatre siècles de traite négrière transatlantique. Elle va tenter de se réformer et de se renforcer. Des structures politiques vont se déployer, tandis que d’autres s’affaiblissent. Contrairement à ce que l’on présente parfois, l’Afrique n’est pas un ensemble homogène. Les réalités et les processus politiques et sociaux en œuvre en Afrique occidentale ne sont pas les mêmes que dans l’Afrique centrale. Avant la colonisation, les différentes régions africaines connaissent des histoires différentes, ce sera le cas aussi durant la colonisation, même si un certain nombres de caractéristiques, comme la violence, le racisme, et le mode de gestion des colonies seront assez similaires à l’ensemble du continent.
En Europe, un système capitaliste impérialiste fondé sur l’industrialisation émerge. Les nouveaux moyens de production entraînent l’augmentation de la production. Un petit nombre de capitalistes et de groupes financiers possèdent les infrastructures industrielles, et recherchent très activement des ressources pour faire fonctionner leurs industries, et des marchés pour écouler leurs produits finis. C’est ainsi que l’avènement de l’âge industriel en Europe est indissociable de l’avènement du colonialisme « moderne » en Afrique, et dans le monde. L’Europe va tenter de dominer l’Afrique pour de multiples raisons : économique, politique, démographique, voire idéologique. Le racisme, et le capitalisme sont à la base de la colonisation.
3 ¦ L’Afrique au XIXe siècle
Avant la colonisation de la fin du XIXe siècle, l’Afrique a connu quatre siècles de relations commerciales avec l’Europe. Des comptoirs européens, sous souveraineté africaine, sont situés le long de la côte atlantique de l’Afrique. Une énorme demande en esclaves pour les Amériques va entrainer une traite négrière du XVe siècle jusqu’au début du XIXe siècle. La traite atlantique va bouleverser les structures politiques en Afrique. En parallèle, une traite négrière s’opère via l’océan indien, et le Sahara du VIIe au XIXe siècle. Des royaumes puissants disparaissent comme le royaume Kongo, et d’autres, tirant profit du trafic, se renforcent comme le Dahomey. Avec l’abolition de la traite négrière, au début du XIXe siècle, les États africains ont tiré les leçons de cet épisode. Dans leur ensemble, ils essayent de renforcer leur puissance, et leurs moyens de défense.
3.1. Économie et politique
La demande européenne de produits comme le caoutchouc, l’huile de palme, ou encore l’ivoire va faire du commerce africain un facteur essentiel de la puissance des États africains. Un réseau intérieur de routes commerciales permet de répondre à la demande européenne, et permet aux Africains de se procurer armes à feu et richesses qui permettent de combattre les États rivaux, ou de permettre des rébellions et des sécessions.
Les Africains ont conscience que les armes européennes sont plus efficaces et tentent de s’en procurer, ce qui va bouleverser l’organisation militaire africaine. Des infanteries armées vont remplacer les cavaleries en tant que corps d’élite. De nombreux États africains sont en guerre au cours du XIXe siècle. L’instabilité politique et les déplacements de population sont généralisés. Par exemple, le Mfecane (entre 1815 et 1840, guerres et migrations en Afrique australe et centrale autour de l’accession au pouvoir de Chaka, roi des Zoulous) bouleverse les structures politiques d’une partie du continent africain.
Les rivalités politiques sont fortes, et certains États, pour survivre, n’ont d’autres choix que de se réformer en centralisant le pouvoir, de créer une force armée permanente, et d’envahir les États voisins, au risque de disparaitre eux-mêmes. C’est le cas de l’Ashanti ou du Dahomey par exemple. Certains chefs africains, dans les États fanti de la Côte-de-l’Or, reçoivent une éducation occidentale, et essayent de réformer les structures traditionnelles. L’Éthiopie s’unifie et réforme ses institutions. Dans les années 1870, les États africains sont plus centralisés, plus forts et plus étendus.
La révolution industrielle, et les guerres permettent à l’Europe de développer un armement très efficace. Dès lors, à partir des années 1870, les rapports de force entre États africains et européens deviennent de plus en plus inégaux.
3.2. Transformation sociale et politique
Socialement, l’Afrique se transforme aussi. Outre l’apparition d’une classe de guerriers, et d’une classe de marchands, la demande croissante de main-d’œuvre, allant de pair avec l’augmentation de la demande pour certains produis africains, entraine une augmentation du nombre d’esclaves dans les sociétés africaines, et l’utilisation du travail forcé.
Les sociétés africaines se transforment grâce à des facteurs internes ou grâce à des contacts avec les missionnaires, et les négociants européens qui se trouvent sur les côtes africaines, puis à partir du milieu du XIXe siècle, de plus en plus profondément à l’intérieur du continent africain.
4 ¦ L’Europe et la montée du colonialisme moderne (XIXe siècle)
Lors du Congrès de Vienne en 1815, les puissances européennes se mettent d’accord pour abolir la traite négrière, même si elle perdurera illégalement jusqu’au milieu du siècle. L’abolition de la traite et de l’esclavage par les pays européens est surtout le résultat de l’essor du capitalisme industriel au XIXe siècle qui prône d’autres formes de travail que l’esclavage et qui considère qu’il est plus intéressant d’avoir des clients sur le sol africain.
4.1. Idéologie européenne
Dès le XVIIIe siècle, le racisme biologique se répand en Europe. De nombreux scientifiques vont tenter de démontrer, à travers de pseudosciences, qu’il existe une hiérarchisation des races, et que la race blanche est supérieure aux autres. Ces pseudosciences, bien que remise en cause par certains dès le XIXe siècle, entre autre par Anténor Firmin, servira de légitimation à la colonisation. Il est normal que la race supérieure domine la race inférieure afin de l’aider à se développer. Les Européens vont de plus en plus ressentir le besoin d’apporter la prétendue civilisation blanche aux peuples dits « inférieurs ». L’argument antiesclavagiste se développe également en Europe. L’esclavage sévit toujours en Afrique, que ce soit de la part des États africains eux-mêmes ou de la part des Arabes qui organisent une traite orientale. Les Européens considèrent, dès lors, qu’il est de leur devoir de mettre fin à ces pratiques, bien que leurs explorateurs, et marchands s’en servent dans leurs missions en Afrique.
4.2. Révolution industrielle
La révolution industrielle du XIXe siècle va faire exploser la recherche de débouchés pour les produits européens, et la demande en matières premières. L’Afrique, ainsi que d’autres régions extraeuropéennes, apparaissent de plus en plus comme des lieux attractifs avec lesquels il est intéressant de commercer. Des liens commencent à se créer, des négociants européens parcourent de plus en plus les royaumes africains. L’idée qu’il serait plus intéressant de dominer entièrement ces territoires plutôt que de commercer avec eux fait petit à petit son chemin. De plus, les évolutions technologiques vont permettre la colonisation, comme les avancées biomédicales en général, et en particulier la quinine, le développement du bateau à vapeur, ou encore l’invention du fusil automatique.
4.3. Guerres et rivalités européennes
En 1870, la révolution industrielle et les guerres, notamment la victoire de la Prusse sur la France en 1870-1871, entrainent une amélioration des armements et des techniques militaires en Europe. Les unifications allemande et italienne en 1870 poussent ces deux nouveaux États puissants à revendiquer une plus grande place dans l’obtention des ressources africaines jusque-là monopolisée principalement par la Grande-Bretagne et la France. Les rivalités européennes sont très fortes au XIXe siècle. La défaite de la France face à la Prusse entraine sa volonté de se tailler un empire africain pour faire oublier l’humiliation et pour développer son économie. Elle s’appuie sur des missionnaires et des agents commerciaux déjà présents en Afrique. Les rivalités européennes vont s’installer en Afrique.
4.4. Évolution des rapports de force entre l’Europe et l’Afrique
Les perspectives économiques et politiques que représente l’Afrique pour les États européens bouleversent les rapports entre Européens et Africains. Dorénavant, certaines activités qui pouvaient apparaitre comme « désintéressées » comme les explorations, ou l’évangélisation des missionnaires commencent à être envisagées dans un intérêt stratégique pour les pays européens. Les missionnaires, et les marchands européens servent désormais les intérêts nationaux européens en recueillant des informations, et en tentant d’affaiblir les pouvoirs locaux.
5 ¦ Appropriation territoriale et résistance africaine (1880 – 1900)
Les Européens pour les motifs évoqués plus hauts (économiques, politiques, et « civilisateurs » principalement) vont élaborer plusieurs stratégies pour accaparer les territoires africains. Ils vont principalement utiliser la diplomatie, le droit international, et la guerre. Toutefois, les États africains ne se laisseront pas faire et résisteront, parfois pendant plusieurs décennies aux prétentions européennes.
5.1. Le droit international au service de la conquête
Les rivalités européennes qui se sont exportées en Afrique risquent de déclencher de nouveaux conflits en Europe, ce que les pays européens veulent éviter. Ainsi, la France et la Grande-Bretagne s’opposent dans le Haut et le Bas-Niger, quant aux Portugal et à la Grande-Bretagne, ils veulent éviter de s’affronter dans le bassin du Congo. La conférence de Berlin est alors organisée en 1884-1885 afin d’établir un certain nombre de règles pour l’occupation de l’Afrique et ainsi éviter des conflits entre États européens. Contrairement au mythe bien connu, l’Europe ne se partage pas l’Afrique, mais établit les règles à suivre pour revendiquer un territoire en Afrique.
Aucun État africain n’est représenté lors de la conférence de Berlin. En effet, au cours du XIXe siècle, au nom de critères raciaux et civilisationnels, la plupart des pays non européens sont exclus du droit international. De plus, pour les États européens, bien qu’ils fassent du commerce avec les États africains, ils considèrent que comme ces derniers possèdent des esclaves et en font commerce, ils ne peuvent être reconnus en droit international. Dès lors, l’Afrique sera reconnue terra nullius (espace considéré comme pouvant être habité, mais ne relevant pas d’un État). L’Europe part, ici, avec un avantage sur l’Afrique, elle fait front commun, alors que les États africains sont divisés dès le départ.
En Afrique, les États européens s’allient avec certains États africains, en combattent d’autres, les montent les uns contre les autres, en Europe, à travers la conférence de Berlin (1885) et l’Acte de Bruxelles (1890), un front européen se dessine pour interdire, notamment, la fourniture d’armes à feu. La stratégie est implacable et l’Afrique souffre d’un déficit diplomatique en politique internationale.
5.2. L’appropriation par traité
L’Europe n’a pas systématiquement dû faire des guerres pour s’approprier des territoires en Afrique. Certaines régions sont tombées sous domination européenne grâce à des négociations. De nombreux traités sont signés entre les États africains et les États européens. Dans ces traités, en échange de protection, les Africains acceptent la perte de leur souveraineté, mais dans la plupart des cas, les chefs d’État africains conservent leur autorité. Il est probable que pour les Africains, ces traités soient surtout apparus comme des actes d’alliance et pas d’allégeance. Toutefois, certains chefs d’État africain refusent complètement ces traités comme le roi du Dahomey qui déclare, dans une lettre envoyée au roi du Portugal en 1887 : « Il vaut mieux que chaque nation gouverne ses terres, les Blancs dans les leurs avec leurs Rois, et moi, Roi du Dahomey avec les miennes. »
Parfois, certains chefs d’États africains trouvent eux-mêmes intéressant d’établir des liens avec un pays européen pour des raisons diverses : acquérir des armes, se défendre face à un voisin expansionniste, ou encore garantir son pouvoir face à des rivaux. Certains chefs d’État sont, par ailleurs, habiles dans l’art de jouer avec les rivalités européennes. Dès lors, il faut relativiser l’idée commune qui voudrait que la plupart des chefs d’État africains aient signé des traités avec une croix sans savoir ce qu’ils faisaient. En 1894, Witbooi, par exemple, chef du Namaqualand entretient une correspondance avec les officiers allemands afin de défendre ses revendications, et sa conception égalitaire entre nations. Ce sont parfois les Européens eux-mêmes qui ne comprennent pas les stratégies que poursuivent leurs nouveaux alliés africains.
Une fois les traités d’allégeance signés, tout n’est pas gagné pour les Européens. En effet, il est possible que des guerres se déclarent si les États africains considèrent que la pression coloniale est trop forte. Les Sotho, par exemple, lancent la « guerre des fusils » (1879 – 1881) face aux Britanniques alors qu’un traité avait déjà été signé. Witboi se soulève face aux Allemands en 1904, 10 ans après avoir pourtant accepté de se soumettre. Parfois, signer un traité est une ruse pour les chefs d’État africain afin de gagner du temps, de se procurer des armes et de se soulever face aux pays européens. Ainsi, Samori Touré en Afrique de l’Ouest conclut plusieurs traités avec les Français entre 1886 et 1889 avant de se soulever en 1891.
5.3. L’appropriation par la guerre
Si les traités ou l’ingérence ne fonctionnent pas, les Européens utilisent la guerre pour s’approprier les territoires africains. Les Européens vendent, tout au long du XIXe siècle, des armes aux Africains afin d’obtenir des marchandises, ou des traités. Dès lors, l’infanterie africaine se développe. Toutefois, suite à la conférence de Berlin en 1885 et surtout à l’Acte de Bruxelles en 1890, il est décidé, qu’au nom de la campagne antiesclavagiste, il est interdit de vendre des armes aux États africains, affaiblissant ainsi ces derniers.
On retrouve du côté africain, par exemple chez les Zoulous, au Dahomey ou encore à Zanzibar, de très bonnes armées disciplinées avec de très bons généraux qui possèdent, en plus, l’avantage de mieux connaitre le terrain que les Européens. Les Européens ne vont pas directement envoyer des troupes entières en Afrique. L’émancipation des esclaves sert les intérêts européens. Cela leur permet d’affaiblir l’économie africaine basée sur ce système, et surtout d’enrôler dans leurs armées des esclaves émancipés qui se montreront loyaux envers leurs « libérateurs ». Mais il arrive que les troupes africaines, au service des Européens, se mutinent également, comme en 1897 dans l’État Indépendant du Congo où la Force publique (armée coloniale) se révolte. Les Européens se font également des alliés parmi les États africains grâce au travail de renseignements, des missionnaires et des marchands sur place.
Les Européens ne gagnent pas toutes leurs guerres d’occupation. En Éthiopie, lors de la bataille d’Adoua en 1896, Ménélik, empereur d’Éthiopie écrase l’armée italienne et parvient à maintenir l’indépendance de son pays. En 1879, les Britanniques sont battus par les Zoulous, même s’ils finiront par l’emporter. Malgré les défaites que peuvent subir les Européens, ils ont confiance dans la supériorité quantitative et qualitative de leur armement qui finira par faire la différence.
La conquête militaire de l’Afrique n’est pas si simple que cela pour les Européens. Ils ont eu recours à une violence extrême pour parvenir à leurs fins. Comme les populations locales ravitaillent et soutiennent les armées autochtones, les officiers européens, à de nombreuses reprises et à différents endroits n’hésitent pas à ordonner de brûler les villages et à exécuter les prisonniers. Afin de soumettre les populations à la nouvelle autorité coloniale, les Européens n’hésiteront pas à brûler les récoltes, afin d’affamer les populations pour qu’elles se soumettent. C’est notamment une stratégie que la France pratique en Algérie. Ces pratiques sont d’autant plus choquantes qu’elles sont contraires au droit de la guerre en vigueur à cette époque et qui protège les prisonniers de guerre notamment.
La violence coloniale, poussée à son paroxysme, a entrainé l’un des premiers génocides reconnus envers les Hereros et les Namas. Les Allemands vont exterminer entre 70 et 80% des Hereros, et près de 50% des Namas entre 1904 et 1908.
5.4. Conclusion
Les États africains ont probablement cru qu’étant loin de leurs pays, les Européens ne pourraient jamais être une menace significative, le nombre jouant pour l’Afrique. De plus, les États ont préféré jouer la carte individuelle alors qu’une solidarité panafricaine aurait certainement entrainé d’autres conséquences. Fin du XIXe –début du XXe siècle, les frontières coloniales sont tracées, mais des résistances à l’occupation vont perdurer jusqu’aux indépendances. Les Européens n’ont pas la maitrise absolue de l’ensemble des territoires, certaines régions restent relativement autonomes contrairement à ce que pourraient faire penser les cartes des colonies africaines.
6 ¦ L’État colonial, entre lutte et consolidation (+- 1885 – +- 1960)
6.1. L’organisation des colonies
A. Statuts différents
Les territoires africains colonisés par les Européens n’ont pas tous le même statut. On peut distinguer la colonie, totalement dominée par la Métropole, et dirigée à tous les étages par des Européens et le protectorat où les élites locales restent en place tout en étant, bien sûr, soumises à l’autorité coloniale. Certaines régions passent d’un statut à l’autre pendant la période coloniale. Toutefois, on observe que les États européens ont de plus en plus tendance à se servir des élites locales pour gérer leurs territoires au cours de la période coloniale. Cela est moins couteux et plus efficace pour les Européens qui sont présents de manière très minoritaire en Afrique. Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas de véritable méthode coloniale propre à chaque pays européen. Les différences de gestion au sein d’un même empire colonial sont parfois plus importantes qu’entre les différents empires eux-mêmes. La gestion des territoires dépend surtout de la structure politique, sociale et culturelle de l’espace colonisé, plus que de la vision du colonisateur. De plus, les puissances coloniales tentent de s’inspirer de ce qui semble le mieux fonctionner chez les autres. Dès lors, on peut véritablement parler de colonisation européenne au sens large, et non pas de colonisation britannique, française ou belge en particulier.
B. Le mythe de l’administration directe
Les colonisations belge ou française sont parfois présentées comme les représentants d’une administration directe, c’est-à-dire que les colonisateurs organisent et maitrisent tout ce qui se passe dans la colonie alors que la Grande-Bretagne est présentée comme l’incarnation même de l’administration indirecte (Indirect rule), c’est-à-dire une administration qui s’appuie sur les élites locales. En réalité, il y a trop peu d’Européens présents dans les colonies, et les territoires sont si gigantesques qu’on ne retrouve pas des Européens sur l’ensemble des espaces colonisés. Dès lors, les colonisateurs n’ont d’autres choix que de s’appuyer sur les élites locales pour administrer leurs colonies. Les colonisateurs vont destituer des élites, en nommer d’autres, plus conciliantes, à leur place, mais ne peuvent se passer des élites locales.
C. Infrastructures
Une fois la main mise sur les territoires africains, les Européens vont tenter de développer les infrastructures en Afrique afin d’exploiter plus facilement les territoires colonisés, et de permettre une meilleure circulation des marchandises, des troupes, et des informations. Pour réaliser les travaux, comme l’installation de rails, ou de télégraphe, les Européens se servent de la main-d’œuvre locale contrainte de travailler dans des conditions abominables.
Ces infrastructures sont présentées comme un apport de la civilisation occidentale au bénéfice des colonisés. Or, elles permettent surtout d’asseoir la domination coloniale, et d’exploiter plus efficacement les territoires colonisés. Il convient aussi de relativiser l’apport d’infrastructure en Afrique, en 1914, le continent ne possède que 5% des voies de chemin de fer mondiales, et de nombreuses régions africaines restent dépourvues d’infrastructure, et ce parfois jusqu’aux indépendances. Les réseaux locaux, telle la marche, le portage, ou encore la pirogue restent bien souvent importants dans les colonies.
6.2. Violence et racisme
L’histoire entière de la colonisation repose sur la violence et le racisme. Le colonisateur fait usage de violence de la conquête jusqu’aux indépendances, que ce soit lors de combats pour assurer sa domination, de répressions face aux insurrections, ou encore lors de châtiments corporels pour divers motifs. Le racisme est le fondement même du droit dans les colonies. Les colonisés n’ont aucun droit, et la justice coloniale donne constamment raison à l’Européen en cas de litige.
Pour effectuer de grands travaux d’infrastructure, pour travailler dans les champs, les plantations, ou encore les mines, le colonisateur a besoin d’énormément de main d’œuvre. Il la puise dans les populations locales en les y contraignant, le plus souvent par la force. La pratique du travail forcé est régulièrement utilisée, des gens sont contraints de travailler, le plus souvent sans rémunération, et dans des conditions épouvantables pour le compte de la métropole.
Tous les colonisateurs vont recourir à un moment ou à un autre au travail forcé dans leurs colonies, pour des travaux publics ou privés. Dans les colonies françaises, par exemple, le travail forcé ne sera aboli officiellement qu’en 1946.
6.3. Les deux guerres mondiales
A. La Première Guerre mondiale
La tension extrême entre impérialismes européens va conduire au premier conflit mondial entre 1914 et 1918. La guerre va se dérouler principalement en Europe, mais aussi dans quelques colonies. Des centaines de milliers de soldats issus des colonies vont combattre en Europe, mais aussi en Afrique et en Asie pour le compte des métropoles européennes.
Les colonies britanniques, françaises et belges vont attaquer les colonies allemandes en Afrique. Le Togo et le Cameroun allemands vont tomber en 1916, tandis que l’Afrique-Orientale allemande ne se rend qu’en 1918. L’idée d’utiliser des forces coloniales pour faire la guerre en Europe n’est pas partagée par tous les Européens. Les Britanniques sont réticents, mais vont quand même les utiliser, les Belges ne vont pas y recourir en Europe, tandis que les Français sont plus favorables à cette utilisation. Dès 1911, certains officiers français insistent pour l’utilisation, en cas de guerre, de la « force noire ». Dans les pays colonisés, les élites africaines vont soutenir cette utilisation des troupes locales en espérant recevoir en retour des droits politiques. C’est le cas, notamment de Blaise Diagne, seul représentant africain au parlement français durant la guerre, qui soutient l’envoi de tirailleurs sénégalais. Toutefois, la mobilisation des forces colonisées ne va pas être une tâche facile. Certains vont fuir afin d’échapper à l’enrôlement.
En plus des troupes utilisées, de nombreux colonisés vont travailler dans des usines européennes, en France principalement. Les impôts vont augmenter dans les colonies afin de soutenir l’effort de guerre, le travail forcé va être utilisé à peu près dans toutes les colonies. Le mécontentement va augmenter dans les colonies, et des révoltes vont avoir lieu. Des promesses de réforme en faveur des colonisés vont être faites, mais aucune ne sera tenue par les colonisateurs à la sortie de la guerre, et ce malgré les sacrifices importants des populations colonisées. La fin de la Première Guerre mondiale va marquer la chute de certains empires coloniaux comme l’empire allemand. Après-guerre, les colonies allemandes vont être réparties entre les vainqueurs européens à savoir la Grande-Bretagne, la Belgique et la France.
B. La Seconde Guerre mondiale
Comme lors du premier conflit mondial, les colonies vont être mises à rude contribution lors de la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette guerre, l’Afrique est l’un des centres où se déroulent les conflits. En 1936, soit 40 ans après la défaite cuisante de l’Italie face à l’Éthiopie, l’Italie de Mussolini parvient à battre l’Éthiopie, restée indépendante jusque-là, et va l’occuper jusqu’en 1941.
Les pays colonisateurs vont s’appuyer sur leurs colonies qui vont servir de réserves d’hommes, de matière première et de produits alimentaires. Les Belges, dont le pays est complètement dominé par l’Allemagne nazie, conservent leur place parmi les Alliés grâce à leurs colonies africaines qui participent activement à l’effort de guerre. Les colonies sont stratégiques aussi pour les Français, divisés entre Pétain qui voit dans les colonies un moyen de garantir son pouvoir, et De Gaulle qui y voit le moyen de libérer le pays.
La mobilisation du côté des colonisés va être très importante, et ils vont connaitre de lourdes pertes, notamment chez les tirailleurs sénégalais engagés au côté des Français. Des dizaines de milliers de colonisés vont être prisonniers dans les camps en Allemagne. Et de nombreuses troupes de soldats colonisés vont participer aux débarquements en Italie ou dans le sud de la France.
En plus des hommes envoyés au combat face aux nazis allemands et aux fascistes italiens, les colonies vont également servir de réserves de matières premières. On voit, à nouveau, la continuation du travail forcé, que ce soit dans les champs ou dans les mines des colonies africaines, cette fois au service de l’effort de guerre. Les conditions de vie sont très difficiles pour les populations dans les colonies, du fait de l’énorme pression qui est demandée aux populations afin de soutenir l’effort de guerre. Des pénuries, et des famines vont parfois voir le jour. Des révoltes vont avoir lieu dans de nombreuses colonies. Elles seront violemment réprimées par les colonisateurs.
Comme lors du premier conflit mondial, des promesses sont faites aux populations colonisées, mais elles ne sont pas tenues, une nouvelle fois, par les colonisateurs. Toutefois, les défaites des Belges, des Britanniques, des Français, et des Néerlandais face à l’Allemagne nazie vont montrer aux populations colonisées que les colonisateurs ne sont pas si forts et qu’ils peuvent être vaincus.
6.4. La marche vers la décolonisation
Encore plus qu’après le Premier conflit mondial, les peuples colonisés aspirent à voir leurs droits respectés, voire leur indépendance reconnue. En Asie, des mouvements de libération s’enclenchent, notamment en Indonésie (indépendance proclamée en 1945), ou en Indochine (proclamation d’indépendance du Vietnam en 1945). En Afrique, les populations espèrent que les nouveaux sacrifices consentis pour les Européens leur permettront d’acquérir davantage de liberté, ce qui ne sera pas le cas. Les mouvements réclamant l’indépendance vont prendre de l’ampleur.
La Charte des Nations unies de 1945 condamne le colonialisme. Dès lors, les pays colonisateurs sont de plus en plus isolés sur la scène internationale. Les États-Unis qui se déclarent ouvertement anticolonialistes, mais aussi l’URSS qui pour des raisons différentes condamne également le colonialisme.
De nombreux pays colonisés accèdent à l’indépendance, le plus souvent par la force, entre 1945 et 1965. Certains pays colonisateurs comme la Belgique font de timides réformes dans les années 1950 pour préparer les colonies à l’indépendance, d’autres comme la Grande-Bretagne déploient de plus grands efforts, en tentant toutefois de garantir le plus possible leurs intérêts dans leurs colonies.
7 ¦ L’impact de la colonisation en Afrique
7.1. Politique
Sur le plan politique, la colonisation a profondément bouleversé les structures politiques, en créant de nouvelles constructions politiques qui échappent au contrôle des Africains. Le pouvoir de chefs traditionnels est fortement diminué. Alors qu’avant la colonisation, les décisions politiques sont prises de manière collective, sous l’autorité d’un chef, dorénavant, le chef sert à appliquer les décisions prises par une autorité étrangère. Le principe de « diviser pour régner » est appliqué pour mieux dominer, en opposant les groupes ethniques les uns aux autres. Les mouvements politiques, qui sont créés à la veille des indépendances, font la promotion du nationalisme naissant, et du panafricanisme, et servent d’instrument de lutte pour l’indépendance. Ils sont le fait d’une élite africaine qui se développe dans les grandes villes du continent, et en Europe.
7.2. Économique
Sur le plan économique, l’économie coloniale entraîne la construction et le développement d’infrastructures routières, de voies ferrées, de l’installation du télégraphe et du téléphone, de la construction des ports et des aéroports qui sont créés dans le seul but de pouvoir mieux exploiter les territoires et les dominer. On constate, par ailleurs, que certaines régions considérées comme peu intéressantes pour les Européens ne bénéficient pas d’infrastructure, et ce jusqu’aux indépendances. La plupart de ces chantiers vont être menés par des populations contraintes de travailler et violentées par le colonisateur. Les cultures d’exportation sont développées, et remplacent par endroit les économies de subsistance qui vont être transformées dans le seul but de fournir des matières premières destinées à l’exportation.
7.3. Social
Sur le plan des répercussions sociales de la domination coloniale, on constate une chute démographique provoquée par la première phase de la colonisation. Les massacres, et surtout les maladies vont faire chuter la démographie africaine. Par la suite, une fois les colonies établies, l’introduction, le plus souvent de manière contraignante, des systèmes de santé européens va entrainer un accroissement démographique et l’amélioration de la qualité de la vie. On constate également l’émergence de nouvelles structures sociales comme le mariage qui viennent se superposer aux structures sociales préexistantes. Suite à la scolarisation, de nouvelles élites naissent dans tous les domaines et veulent être considérées comme égaux aux Européens, ce que ces derniers ne permettront jamais du fait de la vision raciste de la société.
8 ¦ Résumé
- Les sociétés africaines du XIXe siècle entreprennent des réformes grâce à des facteurs internes et externes. La présence de missionnaires, et de commerçants européens, au lieu de profiter aux réformes, va souvent les saboter. En Europe, la révolution industrielle, et les guerres permettent à l’Europe de développer un armement très efficace. Dès lors, à partir des années 1870, les rapports de force entre États africains et européens deviennent de plus en plus inégaux.
- Les Européens souhaitent mettre la main sur les territoires africains et entreprennent leur conquête, grâce au droit international, aux traités et à la guerre. Toutefois, loin des clichés habituels, les autorités africaines profitent parfois de ces traités pour leurs propres intérêts, et résistent longtemps à la conquête militaire. L’Éthiopie, par exemple, maintiendra son indépendance face à l’impérialisme européen.
- Durant toute l’époque de la colonisation, les Européens vont faire face à des résistances. Ils vont développer quelques infrastructures pour leurs propres intérêts économiques et politiques, mais contrairement aux idées reçues, ces infrastructures ne seront pas aussi étendues que cela. Devant le peu d’Européens présents sur place, les colonisateurs n’auront d’autres choix que de s’appuyer sur les élites locales pour administrer les territoires, et les politiques coloniales vont surtout se décider grâce aux structures sociales et politiques présentes sur place, plus que sur une théorisation coloniale venant d’Europe.
- Les deux guerres mondiales vont avoir un impact sur l’Afrique. Les colonies africaines vont participer, soit via des combats en Afrique et en Europe, soit comme réserve de matière première. Des promesses faites par les colonisateurs pendant les guerres ne sont jamais tenues une fois le conflit terminé.
- Après la Deuxième Guerre mondiale, les critiques du colonialisme sont de plus en plus importantes. Les colonisateurs vont entreprendre de timides réformes pour tenter de maintenir leur domination, mais ne pourront pas lutter contre la volonté d’indépendance des territoires africains, présente dès les premiers jours de la colonisation.