1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Identifier les divers secteurs où l’impact de la déportation et de l’esclavage des Noirs dans le monde d’aujourd’hui est visible.
- Montrer la contribution des Africains aux civilisations du monde musulman.
- Expliquer les survivances et la vitalité des cultures africaines dans les sociétés issues de l’esclavage aux Amériques.
2 ¦ Introduction
Les traites négrières arabe (VIIe au XIXe s., leçon 2) et transatlantique (XVe au XIXe s., leçon 3) ont couvert, ensemble, une période de presque douze siècles (VIIe – XIXe s.) et ont fortement marqué le continent africain. De nombreux Africains se sont révoltés face à l’esclavage et à la traite négrière. D’autres formes de résistance notamment via la musique ont également existées.
Toutes ces révoltes, l’évolution des idées, ou encore le contexte économique et industriel mèneront, officiellement, à l’abolition de l’esclavage et à la fin de la traite négrière au XIXe siècle. L’esclavage et son abolition ont marqué durablement l’histoire de l’Afrique et du Monde et continuent à avoir un impact sur le présent.
La traite et l’esclavage des Noirs ont été des catastrophes humaines indéniables, et ont également contribué à l’émergence d’un racisme anti-noir qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
3 ¦ Le processus d’abolition de la traite et de l’esclavage
3.1. L’abolition de la traite et de l’esclavage
Le processus d’abolition de la traite et de l’esclavage a été très long. Plusieurs voix se sont élevées dans le monde pour contester ces pratiques, aussi bien des Noirs que des Blancs, des révoltes ont eu lieu, mais il faut attendre la fin du XVIIIe siècle, et le XIXe siècle pour que les choses bougent enfin officiellement.
En Afrique, dès le XIIIe siècle, Soundjata Keita, fondateur de l’Empire du Mali, aurait proclamé la charte du Manden, considérée comme l’une des premières déclarations des droits de l’homme, ouvertement antiesclavagiste. D’autres combats ont eu lieu en Afrique ou chez les esclaves africains pour conquérir leur liberté et mettre fin à l’esclavage. Ainsi, au IXe siècle, dans l’actuel Irak, des esclaves noirs, les Zandj, se révoltent et créent leur propre État ; dans le royaume du Kongo au XVIIe siècle, Kimpa Vita mène la révolte ; au Brésil, des esclaves créent au XVIIe siècle, l’État de Palmarès ; et les esclaves de Saint-Domingue (l’actuel Haïti) se révoltent en 1791 contre les Français, ce qui conduira à l’indépendance et la proclamation de la toute première république noire libre.
En Europe également, certains s’opposent à l’esclavage et à la traite comme les prêtres espagnols Épiphane de Moirans et Francisco José de Jaca au XVIIe siècle. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que des mesures officielles soient prises. Les révolutionnaires français, suite à l’insurrection de Saint-Domingue et au combat de Toussaint Louverture, abolissent l’esclavage en 1794, mais Napoléon le rétablira en 1802. Le Danemark est le premier pays d’Europe à abolir définitivement la traite en 1802, mais c’est surtout son abolition par la Grande-Bretagne en 1807 qui va avoir des conséquences significatives.
Lors du Congrès de Vienne en 1815, les puissances européennes se mettent d’accord pour abolir la traite négrière. Toutefois, la traite de contrebande se poursuit jusqu’à l’abolition définitive de l’esclavage en 1833 pour la Grande-Bretagne, en 1848 pour la France, en 1865 pour les États-Unis et jusqu’en 1888 pour le Brésil.
L’abolition de la traite et de l’esclavage par les pays européens est le résultat d’une part de la montée du mouvement « philanthropique » apparu au Siècle des Lumières, et qui tend à considérer que tous les êtres humains sont égaux, et d’autre part de l’essor du capitalisme industriel au XIXe siècle qui prône d’autres formes de travail que l’esclavage et qui considère qu’il est plus intéressant d’avoir des clients sur le sol africain que de déporter ces individus vers les Amériques.
Paradoxalement, c’est au moment de l’abolition de l’esclavage au XIXe siècle que nait le racisme biologique en Europe, qui tente de démontrer l’inégalité des races et déclare que le Noir est la race inférieure. Cette pseudoscience aura des conséquences néfastes pour les Noirs, elle légitimera, entre autres, la colonisation, et perdurera jusqu’au milieu du XXe siècle.
Du côté musulman, en 1840, le sultan d’Oman décide de déplacer la capitale de son royaume à Zanzibar. Cela renforce la prospérité de la ville qui s’impose alors comme la plaque tournante mondiale de l’ivoire et des esclaves.
Selon le traité de Moresby signé en 1822 par le sultan et le gouverneur britannique, la vente d’esclaves par des colons chrétiens y est interdite. Mais cet accord n’est pas respecté, et la traite clandestine menée par les Européens, souvent maquillée sous la forme de contrat de travail libre, y continue jusqu’aux années 1880-1890. Dans certains pays arabes, l’esclavage va perdurer jusqu’au XXe siècle.
3.2. Les États-Unis et la fin de l’esclavage
L’arrêt de la « traite légale » ne signifie donc pas la fin du besoin d’esclaves dans les Amériques ni la fin de l’esclavage. Cette traite illégale a encore permis d’acheminer des esclaves vers le sud des Etats-Unis, Cuba et le Brésil jusqu’à 1888 et l’abolition totale de l’esclavage au Brésil. Toutefois la fin de l’esclavage n’entraine pas une amélioration du sort des Noirs. La colonisation, et le racisme scientifique vont maintenir l’Africain dans une position d’infériorité alors que le travail forcé, et les mauvais traitements lors de la colonisation vont entraîner de nouvelles souffrances chez les Africains.
L’abolition de l’esclavage a entrainé de nombreux débats et a même mené à des guerres civiles, comme aux États-Unis, lors de la Guerre de Sécession (1861 – 1865) où les États du Sud (esclavagistes du fait des nombreuses plantations qui s’y trouvent) s’opposent aux États du nord (abolitionnistes, car plus industrialisés). Lors de cette guerre, près de 200 000 anciens esclaves noirs prennent part au combat dans le camp du nord. Leur contribution entrainera la victoire des États du nord. Le président Lincoln, suite à un long combat mené par les mouvements antiesclavagistes, édicte en 1863 une proclamation d’émancipation qui va aboutir à l’abolition de l’esclavage sur tout le territoire des Etats-Unis et l’obtention “théorique” des droits civiques par les Noirs.
3.3. La ségrégation raciale aux Etats-Unis
La proclamation d’émancipation ne met pas fin aux discriminations et aux mauvaises conditions de vie des anciens esclaves. On libère les esclaves tout en ne leur donnant ni terre ni moyen de subsistance. On voit fleurir aux États-Unis des black codes qui ramènent les Noirs à un statut plus ou moins similaire à celui d’esclaves et autres lois ségrégationnistes qui ont pour but de régir la vie quotidienne des Noirs, de leur interdire l’accès aux écoles et aux autres lieux publics et de régenter strictement les relations acceptables entre les Blancs et les Noirs. La ségrégation raciale est légalement instaurée en 1896. Les Afro-Américains ne sont officiellement plus des esclaves, mais ils ne sont toujours pas égaux aux Blancs, et ne bénéficient ni des mêmes droits ni des mêmes moyens de subsistance.
La lutte pour l’égalité va entrainer des émeutes, des manifestations, etc. C’est dans ce contexte ségrégationniste que Martin Luther King (1929 – 1968), un pasteur baptiste afro-américain, militant non violent pour le mouvement des droits civiques des Noirs américains organise et dirige des actions pour défendre le droit de vote, la déségrégation et l’emploi des minorités ethniques. Il prononce un discours célèbre le 28 août 1963, un siècle après le discours de Lincoln, intitulé « I have a dream » où il rêve d’une société égalitaire. Il reçoit en 1964 le prix Nobel de la paix, mais est assassiné en 1968.
Il faut attendre le 3 juillet 1964 pour que le président américain Lyndon Johnson, édicte une loi appelée : le Civil Right Act par laquelle il déclare illégale toute discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l’origine nationale. C’est donc, en théorie, la fin de la ségrégation, mais jusqu’à aujourd’hui, tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant, et des émeutes éclatent régulièrement.
4 ¦ Traite négrière comme crime contre l’humanité & la question des réparations
La qualification de la traitre négrière et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité alimente les débats, surtout depuis la fin du XXe siècle.
Avant cette période, on retrouve déjà des condamnations de ces pratiques. On a évoqué la charte du Manden, antiesclavagiste, qui est proclamée dans l’Empire du Mali dès le XIIIe siècle. Au XVIIe siècle, deux prêtres espagnols Francisco José de Jaca et Epiphane de Moirans posent la question des réparations. S’il faut, selon eux, interdire la traite et l’esclavage qui sont contraires au christianisme et au droit naturel, il faut faire en sorte que les victimes de ces crimes reçoivent une juste réparation pour le préjudice subi et pour leur travail. Leur combat contre l’esclavage n’aboutira cependant pas. En 1781, le philosophe Condorcet déclare que « réduire un homme à l’esclavage, l’acheter, le vendre, le retenir dans la servitude, ce sont de véritables crimes (…). »
Dans plusieurs parties du monde, dès la fin du XXe siècle, des associations ont engagé des actions contre des sociétés ou des États afin de faire valoir le droit à des réparations financières pour les descendants d’esclaves. Lors de l’abolition de l’esclavage, dans certains pays, des propriétaires d’esclaves ont été indemnisés pour la perte de leurs « biens ».
Dans ce contexte, en 2013, la CARICOM (association qui regroupe plusieurs États des Caraïbes) a défini un plan en dix points pour une réconciliation et une justice réparatrices. Parmi ces points, on retrouve une demande d’excuses officielles, et pas seulement des déclarations de regrets de la part des anciens pays esclavagistes ; une annulation de la dette pour ces pays des Caraïbes ; une demande d’instruction concernant l’Afrique afin d’informer les Afrodescendants de leur passé. Toutefois, en 2021, ce plan n’a pas encore entrainé d’actions concrètes.
Certaines initiatives ont eu lieu en Europe et dans le monde par rapport à cette question de l’esclavage. Ainsi, en 2001, la « Conférence mondiale de Durban (Afrique du Sud) contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance » a, entre autres, confirmé à l’échelle mondiale, la condamnation de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. La même année, en France, la Loi Taubira est adoptée et reconnait la traite et l’esclavage comme « crimes contre l’humanité ».
En 2007, Ken Livingstone, maire de Londres s’excuse publiquement pour le rôle de Londres dans la traite des esclaves. Suite au mouvement « Black Lives Matter » créé en 2013, mais qui prendra de l’importance suite à la mort de George Floyd en 2020, le parlement européen adopte une résolution en 2020 qui considère que la traite des esclaves est « un crime contre l’humanité ».
Toutefois, la question des réparations et des excuses suscite toujours des débats et des controverses.
5 ¦ Les conséquences contemporaines de la traite négrière
La traite négrière et l’esclavage des Noirs ont transformé tous les peuples qui ont participé à ce trafic humain en Europe, en Afrique, en Asie et aux Amériques.
Ce trafic a eu à la fois des conséquences économiques, géographiques, démographiques, sociales, politiques et culturelles.
5.1. Les conséquences économiques
L’accumulation des capitaux issus de la traite et de l’exploitation des esclaves dans les colonies, entre le XVe et le XIXe siècle, a favorisé la constitution de monopoles économiques nationaux et la croissance économique de la Grande-Bretagne, de la France, du Portugal, de l’Espagne, des Pays-Bas et des Amériques.
Suite à l’abolition de la traite négrière au XIXe siècle, le commerce européen s’intéresse aux produits africains qui pourraient se substituer au commerce des esclaves, notamment l’huile de palme, les noix palmistes et l’arachide. Vers 1850, l’huile de palme utilisée en Europe et en Amérique pour l’éclairage, la fabrication du savon, la cuisson des aliments et la lubrification des machines devient le produit phare de l’exportation africaine.
Par ailleurs, plusieurs espèces de plantes sont importées vers le continent africain comme le bambou, le riz, la canne à sucre, ou encore le manioc.
5.2. Les conséquences psychosociales dans les Amériques
La fin de la traite négrière et l’abolition de l’esclavage, au XIXe siècle, n’ont pas pour autant amélioré les conditions de vie ou même l’image des anciens esclaves. Dans le monde musulman, dès le VIIIe siècle, le Noir est associé à des caractéristiques négatives, et cette image négative va également se répandre en Europe à partir du Moyen-Âge, et surtout au XIXe siècle, via la religion chrétienne et certains commentateurs, qui associent l’Africain noir à la descendance maudite de Cham.
La fin de l’esclavage ne met pas fin à l’image négative associée au Noir. Au contraire, au XIXe siècle, se généralise en Occident le racisme scientifique. Sur la base de pseudo-expériences, des scientifiques vont tenter de démontrer qu’il existe une hiérarchisation entre les êtres humains. Ils vont jusqu’à parler de races, et considérer le Noir comme la race inférieure. Bien que des voix contestent, à juste titre, ces expériences, notamment celles d’Anténor Firmin, ces théories vont se répandre en Europe. On retrouve ces théories raciales jusqu’au début du XXe siècle. Elles sont à l’origine d’un racisme anti-noir qui sévit encore de nos jours. Ce racisme scientifique servira, entre autres, de prétexte à la colonisation. En effet, l’homme blanc considère, à l’époque, qu’il est de son devoir d’élever, entre autres, son frère noir moins évolué.
Au XXIe siècle encore, les Afro-Américains et les Européens d’origine africaine, notamment, souffrent de ces stéréotypes négatifs, et de conditions de vie moins bonnes que les autres. Ils ont un accès plus limité à l’éducation, à la santé, subissent des discriminations à l’emploi et au logement. Les stéréotypes nés à l’époque de la traite négrière et de la colonisation sont encore trop ancrés de nos jours. Une égalité de droit a été obtenue pour les Afrodescendants, mais une égalité de droit ne signifie pas forcément une égalité de fait.
5.3. Les conséquences politiques en Afrique
La traite négrière et l’esclavage ont eu des conséquences néfastes et tragiques pour l’Afrique tant au point de vue démographique, économique, culturel que religieux.
Au niveau démographique, les conséquences vont être marquantes. Les chefs ou les rois africains ne vendent pas leurs propres sujets, mais organisent des expéditions pour vendre des prisonniers de guerre. Cela va déséquilibrer tout le continent. Par exemple, le Gabon ou les côtes du Nigéria, très peuplées à l’origine, vont se vider de leur population, alors que le Rwanda, qui sert de refuge aux populations émigrées va être surpeuplé.
Au niveau politique, depuis le XVIIe siècle, en Afrique occidentale, de nouveaux États, ayant à leur tête des aristocraties militaires alliées aux marchands d’esclaves, ont pris la place des sociétés lignagères. Ils ont érigé des entités politiques et commerciales qui ont opéré des razzias à l’intérieur du continent et y ont semé la dévastation, spécialement au Soudan central et oriental à partir de Khartoum et dans la Région des Grands Lacs.
La fin de la traite et de l’esclavage, au XIXe siècle, va entrainer une augmentation d’esclaves sur le continent africain. En effet, les esclaves qui ne sont plus vendus aux Européens sont utilisés désormais en Afrique. Paradoxalement, fin du XIXe siècle, l’Europe va justifier la colonisation de l’Afrique par la lutte contre l’esclavage qu’elle a elle-même contribué à développer par la traite puis par son abolition. Le bouleversement des structures politiques en Afrique due à la traite négrière va contribuer à affaiblir le continent qui ne pourra pas résister aux conquêtes coloniales.
Pour les États africains esclavagistes, l’abolition de la traite signifie donc un manque à gagner, du fait de l’impossibilité de vendre les esclaves captifs. Cette situation provoque la chute de ces États puissants, ouvrant la porte aux entreprises coloniales.
Par ailleurs, sur la côte de l’Afrique orientale, qui est déjà fragilisée depuis le XVIe siècle par l’affrontement entre Portugais et musulmans, l’intérieur est moins structuré. Quand en 1840, le Sultan d’Oman installe sa capitale à Zanzibar, cela bouleverse l’équilibre géopolitique et social de toute la région.
L’Afrique doit également gérer le fait que beaucoup de Noirs affranchis décident de retourner en Afrique. C’est ainsi que les Afro-brésiliens retournent plutôt sur la « Côte des esclaves » (Togo, Ghana, Dahomey, Nigeria), tandis que d’autres, tels Sheppard et Georges Washington William s’installent en Afrique du Sud ou dans l’Etat Indépendant du Congo.
6 ¦ Présence et vitalité des cultures africaines en Amérique
La présence des cultures africaines dans les Amériques est caractérisée par une vitalité remarquable dans plusieurs domaines de la culture américaine actuelle :
La musique
Les principaux courants musicaux qui ont fait la gloire des États-Unis comme le blues, le rock, le jazz, voire même le rap trouvent leur origine chez les esclaves des plantations américaines et leurs descendants. Les différents chants de travail, et chants religieux se transforment petit à petit pour devenir de véritables courants musicaux. Ces courants créés par des Noirs, qualifiés dans les années 20 de race music, ne sont à l’origine écoutés que par des Noirs. Petit à petit, quand des Blancs comme Elvis Presley vont se saisir de ces styles, le succès mondial sera au rendez-vous, et des Noirs américains deviendront des stars reconnues comme Duke Ellington, Chuck Berry, Little Richard, Louis Armstrong, Joséphine Baker ou encore Billie Holiday. De nos jours, de nombreux artistes afro-américains comme Beyoncé, Jay-Z, ou encore Kendrick Lamar continuent d’influencer la musique mondiale.
La religion
Dès l’arrivée des premiers esclaves sur le sol américain, la religion est un moyen d’échapper au quotidien et aux conditions de vie inhumaines. C’est une façon aussi de retrouver sa dignité humaine. Parmi les différents courants religieux qu’on retrouve en Amérique, il y a le vaudou, directement importé d’Afrique. Cette croyance africaine va se transformer en Amérique, mais garde les mêmes divinités, capables d’intervenir dans les corps des adeptes par la transe et la possession. Cette croyance va être diabolisée par les chrétiens qui y voient de la sorcellerie.
La littérature
Les Afro-Américains sont également à l’origine d’une littérature dont les des principaux thèmes sont l’égalité et la liberté. Dès le XVIIIe siècle, on retrouve une poétesse, Phillis Wheatley (1753 – 1784), esclave qui sera affranchie, elle est considérée comme la première femme américaine écrivaine. L’écrivain afro-américain le plus célèbre du XIXe siècle, reste Frederick Douglass (1818 – 1895), un esclave qui s’est enfui et qui rédige une autobiographie antiesclavagiste au succès retentissant. Suite à l’abolition de l’esclavage, d’autres auteurs afro-américains connaitront un succès conséquent comme Richard Wright, Ralph Ellison, Maya Angelou ou évidemment Toni Morrison (1931 – 2019) qui obtiendra le prix Nobel de littérature en 1993.
Dans le cinéma, le sport ou encore la science, de nombreux Afro-américains se sont illustrés et continuent à marquer leur époque.
7 ¦ Les formes actuelles de l’esclavage
Malgré l’abolition de l’esclavage, il est paradoxal de constater que la pratique persiste encore dans diverses parties du monde, tantôt sous des formes déguisées, tantôt de manière bien visible.
Les situations de conflits armés, en particulier en Afrique, la misère malheureusement toujours présente et le rêve, trop souvent illusoire, d’un ailleurs meilleur que chez soi, provoquent des migrations massives, comme celles des Africains qui traversent le Sahara ou la mer méditerranée, devenant les proies de groupes djihadistes, de bandes mafieuses, voire même d’agents peu scrupuleux des États qu’ils traversent.
8 ¦ Le devoir de mémoire
La mémoire est un concept que l’on emploie souvent de nos jours, mais qui n’est pas forcément bien compris. L’histoire, c’est l’étude du passé au départ des traces qu’il nous en reste. La mémoire, c’est le regard porté par un groupe ou une société sur des faits du passé. Elle permet de se construire une identité, de mettre en valeur certains évènements ou figures du passé, elle relève d’un choix.
Les manifestations commémoratives des événements historiques aident à garder la mémoire d’un groupe humain. Il existe un lien fondamental entre mémoire et identité, mémoire et société.
Depuis la fin du XXe siècle, plusieurs initiatives ont vu le jour pour exprimer cette mémoire de l’esclavage et de la traite négrière. En 1994, l’UNESCO (l’Organisation des Nations pour l’Education, la Science et la Culture) lance à Ouidah au Benin le projet intitulé « La Route de l’esclave : résistance, liberté, héritage ».
Ce projet a pour objectif, non seulement, de contribuer à une meilleure compréhension des causes et des modalités d’opération de l’esclavage et de la traite négrière, mais souhaite aussi mieux appréhender les enjeux et les conséquences de l’esclavage dans le monde.
Il vise également à mettre en lumière les transformations globales et les interactions culturelles issues de cette histoire en favorisant le pluralisme culturel, le dialogue interculturel et la construction des nouvelles identités et citoyennetés, afin de contribuer à une culture de la paix.
Le 23 août est devenu « la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition », la date rappelle l’insurrection de Saint-Domingue contre la France en 1791. Certaines initiatives visent également à débaptiser des rues portant le nom d’esclavagiste.
En ce qui concerne la traite négrière, les monuments, musées et mémoriaux contribuent à la volonté de faire connaître l’histoire de l’esclavagisme au plus large public.
Le défi auquel il convient de répondre est celui de savoir :
- Comment représenter correctement ce commerce d’êtres humains dans un musée ?
- Quel type de monument national faut-il ériger qui puisse bien rendre compte de la mémoire des esclaves ?
- comment faire connaître aux générations actuelles et futures la complexité de l’histoire de la traite atlantique ?
Le souvenir de la traite négrière ne doit être occulté ni par les historiens, ni par les politiciens, ni encore par les médias.
Car l’être humain refuse d’admettre l’oubli. Il a besoin de lieux de mémoire pour se recueillir et surtout de connaître les pages glorieuses et les pages sombres de son histoire.
9 ¦ Résumé
- L’insurrection de Saint-Domingue en 1791 et le début du XIXe siècle marquent le début de la remise en question des divers pays face à la traite négrière et à l’esclavagisme. Le Brésil n’abolira l’esclavage qu’en 1888.
- Aux Etats-Unis, la question de l’esclavage va entrainer la guerre de Sécession qui voit s’opposer les États du Nord aux États du Sud. Suite à la victoire du Nord, Abraham Lincoln déclare l’abolition de l’esclavage sur tout le territoire des Etats-Unis, mais l’abolition ne signifie pas que les conditions de vie des Afro-américains vont être meilleures.
- En 1994, l’UNESCO lance un projet intitulé La Route de l’esclave : résistance, liberté, héritage.
- En 2001, la « Conférence mondiale de Durban (Afrique du Sud) contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance » a confirmé à l’échelle mondiale, la condamnation de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.
- Si les conséquences économiques, politiques, psychosociales furent nombreuses et dommageables pour le peuple noir, elles n’ont pu entamer la vitalité de la culture afro-américaine.
- Le souvenir de la traite négrière doit être gardé en mémoire, car l’être humain a besoin de lieux pour se recueillir et surtout de connaître les pages glorieuses et les pages sombres de son histoire.