1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume Kongo, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace l’espace Téké, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume Kuba, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace le royaume Luba, et ses principales caractéristiques.
- de situer dans le temps et dans l’espace lunda, et ses principales caractéristiques.
2 ¦ Introduction
L’Afrique centrale, australe, mais aussi orientale ont accueilli diverses expériences de formation d’États au cours de leur histoire. Les savanes et les forêts étant favorables à la concentration de la population, elles ont offert de multiples opportunités d’évolution pour ces populations. Les chefferies et royaumes se sont ainsi multipliés dans la savane du sud et la forêt équatoriale.
La naissance d’un État du point de vue interne s’explique à la fois par le nombre élevé d’habitants (grande densité de population), les environnements productifs sur le plan agricole, les communications faciles entre communautés locales et interrégionales, et le commerce. Mais également par les sites favorables comme le terminus de navigation, l’embouchure des fleuves, les régions montagneuses, les vallées, les confluents des rivières, les lieux où l’on trouve des richesses particulières tels que les minerais, le sel, les pâturages. Ces lieux attirent les convoitises des voisins, dans la mesure où leur exploitation et commercialisation garantissent l’avenir des sociétés occupant ces espaces.
Mais il ne faut pas oublier l’initiative des dirigeants qui, s’appuyant sur divers modes de pouvoir, ont contribué à la centralisation politique et donc à la formation des États. Dans ce monde en mutation, la complexité du pouvoir a souvent nécessité la mise en place d’une force militaire qui permette d’imposer sa domination sur les autres, mais également la maîtrise des moyens techniques supérieurs : les armes en fer perfectionnées et les outils qui facilitent le travail dans les champs. Les forgerons et autres fabricants d’armes ont donc une place importante dans les chefferies puissantes.
D’autres États se sont formés du fait d’influences externes. Bien que nous commencions seulement à comprendre comment se déroule le processus de centralisation politique, l’Afrique centrale n’est pas absente de l’histoire des foyers de formation des États dans le monde. La formation de ces États d’Afrique centrale se caractérise par un processus d’intégration politique et économique complexe et varié marqué par l’intensification de la hiérarchie, l’expansion et l’intégration territoriale, la spécialisation économique, le contrôle du travail, les communications de longue distance, les échanges culturels et une formulation d’idéologies d’État.
Du fait de la production grandissante, du contrôle, de la circulation et de la commercialisation des produits, des États se sont créés, mettant en place des organisations toujours plus complexes et moins souples que les organisations lignagères des villages qui sont présentes jusque-là dans ces régions. Si certaines sociétés lignagères ne se sont pas centralisées politiquement et économiquement, d’autres ont utilisé la centralisation comme un levier pour créer des institutions politiques très élaborées. Parmi celles-ci figurent les États de Kuba, Kongo, Luba et Lunda.
3 ¦ Le royaume Kongo (XIVe – XIXe siècle)
Le royaume Kongo est l’une des organisations sociopolitiques d’Afrique centrale qui a joué un rôle crucial dans l’évolution historique de la région. À cheval sur les territoires actuels de la RDC, du Congo-Brazzaville, et de l’Angola, ce royaume est organisé autour d’un ensemble d’agglomérations nommées « mbanza » et de provinces, dont les principales sont Sundi, Pangu, Bata, Soyo, Pemba et Bamba.
Son histoire est très bien documentée grâce aux écrits des missionnaires européens, des commerçants, de l’élite et des souverains du Kongo, et grâce aussi aux nombreuses études historiques qui lui ont été consacrées.
3.1. Contexte historique
1.Origine et naissance du royaume
Des populations, établies dès le IIe siècle avant J.-C. dans la région, parlent des variantes de la langue Kikongo et des communautés fondées sur l’agriculture s’y installent depuis le Ier siècle avant J.-C. L’origine du royaume semble remonter à 1375 avec Ntinu Wene Nimi Lukeni, prince et fils d’un souverain du Royaume de Bungu, au nord du fleuve Congo. Avec son armée, il s’impose comme leader incontesté de cet espace géographique et constitue le royaume Kongo en s’alliant à quelques chefs autochtones. La formation du royaume a également été facilitée par le fait que les peuples présents sur ce territoire partagent des cultures et des langues proches. Une autre tradition rapporte qu’un forgeron, fondateur de la première dynastie régnante, s’impose dans la région grâce à l’apport de techniques métallurgiques.
Le royaume est très tôt en contact avec l’Europe et développe une civilisation authentique qui suscite respect et curiosité chez les Européens. À l’arrivée des Portugais au XVe siècle, le royaume dispose déjà de structures solidement établies qui contribuent à la centralisation politique du territoire. Le roi Nzinga a Nkuwa (1482 – 1506) est intéressé par ces Portugais, et demande qu’ils lui envoient des missionnaires et des artisans. Il se fera baptiser sous le nom de Joao Ier. Des échanges économiques, culturels, religieux et politiques soutenus par des relations diplomatiques s’établissent entre le Royaume Kongo, l’Espagne, le Portugal, le Brésil, le Saint-Siège et la France dès le milieu du XVIe siècle. Des diplomates du royaume Kongo sont envoyés en Europe, notamment Antoine Emmanuel Nsaku ne Vunda. Il est envoyé à Rome en 1604 et y meurt en 1608. La christianisation du royaume est favorisée par les prêtres envoyés par le Portugal établis dans les paroisses disséminées dans les provinces. Des missionnaires franciscains, dominicains, capucins et jésuites sillonnent également le royaume. A partir de 1509, le clergé catholique a même un pouvoir décisionnel dans la politique du royaume.
2. Ingérence du Portugal
Mais des mouvements de résistance voient le jour. A la mort de Joao Ier en 1506, c’est son fils, le prince Panzu qui monte sur le trône et refuse l’ingérence étrangère – notamment européenne – dans le royaume. Il est tué par le prince Nzinga Mbemba, un de ses frères. Celui-ci devient le second Ntinu chrétien du royaume Kongo sous le nom de roi Afonso Ier du Kongo (1506-1543). Il s’appuie sur ses relations avec les Portugais et les missionnaires catholiques pour mener ce coup d’État et asseoir son pouvoir. Sous son règne le royaume se modernise, des écoles sont créées dans la capitale et les enfants issus de la noblesse et de la famille royale sont envoyés en Europe pour suivre leurs études. Certains deviennent à leur retour des interprètes officiels de la cour, à l’instar de Joao Texeira, secrétaire du roi Afonso Ier, qui rédige en portugais les correspondances adressées au roi du Portugal. Afonso Ier christianise également le royaume. Son fils, Dom Henrique, est ordonné prêtre et est élevé au rang d’évêque au sein de l’Église Catholique. Toutefois, les Portugais, dès 1510, achètent des esclaves et souhaitent développer le commerce. Afonso s’oppose à l’essor de la traite qui affaiblirait son royaume. Il tente d’expulser les trafiquants d’esclaves, mais en vain. Il meurt en 1543.
De plus en plus impliqués dans les affaires politiques de l’État, les Portugais viennent ensuite en aide à Nimi a Lukeni lua Mvemba, petit-fils d’Afonso Ier connu sous le nom de roi Alvaro Ier (1567-1587) pour contrer l’attaque des Jaga, qui envahissent le Kongo. Après avoir battu l’armée d’Alvaro, les Jaga atteignent la capitale et la détruisent. Le roi tente de résister, mais il est contraint de se retirer avec la noblesse dans une île du fleuve Congo tandis que les habitants de la capitale Mbanza-Kongo fuient dans les montagnes. Les Portugais aident alors Alvaro à repousser les Jaga et le rétablissent sur son trône. Pour les remercier de leur soutien militaire, les Portugais reçoivent les territoires du sud, situés dans le Royaume Ndongo, leur ouvrant un accès direct à la traite négrière.
La christianisation du royaume s’accélère, en même temps que le sentiment antireligieux exacerbé par le comportement de certains missionnaires qui n’hésitent pas à brûler les objets sacrés des populations rurales et imposent le sacrement du baptême.
3. Affaiblissement du royaume Kongo
La traite négrière affaiblit la structure étatique du royaume sur le plan démographique, culturel, social et économique. La fondation de la colonie portugaise de l’Angola vers 1575 va marquer le déclin du Kongo. Les Portugais vont envahir militairement le Ndongo, royaume voisin du Kongo, début XVIIe siècle, époque où la traite négrière est de plus en plus intense. Nzinga, reine du Ndongo en 1624, va lutter contre les Portugais, pendant de longues années, avant de conclure la paix avec les Portugais, assortie de garanties réelles. Parallèlement, la colonie portugaise de l’Angola va s’intéresser aux richesses du royaume Kongo, et commencent des incursions dès 1622, ce qui donne lieu à la bataille de Bumbi qui met fin à l’alliance entre le Kongo et la colonie portugaise d’Angola. Le roi Garcia II du Kongo (1641-1660) se rapproche des Néerlandais qui occupent Luanda, et ensemble, attaquent les Portugais. Toutefois, l’Angola réussit à battre
les Néerlandais en 1641, et le roi Garcia II va signer un traité de quasi-protectorat en 1649. Son successeur, Antonio Ier (1660-1665) remet en cause le traité et se fera tuer par les Portugais, lors de la bataille de Mbwila, le 29 octobre 1665. S’ensuivent alors des guerres civiles, et des affrontements qui continuent à affaiblir le royaume. La capitale est même abandonnée pendant un moment. La pratique du christianisme chute en même temps. En 1700, les Portugais veulent restaurer l’unité du royaume Kongo, et choisissent de soutenir Pedro IV Alphonse (1709-1718) qui semble le plus qualifié. Mais le Royaume Kongo ne retrouve plus sa grandeur et ses territoires passés. Kimpa Vita, une princesse du Kongo va, au début du XVIIIe siècle lutter contre les Portugais. Elle veut unir et libérer le royaume Kongo de l’ingérence
portugaise, mais sera capturée et exécutée par les Portugais. La colonisation, à la fin du XIXe siècle, fait éclater et disparaître le Royaume Kongo.
3.2. L’organisation politique et sociale
Le roi du Kongo, le Mani Kongo, pour le différencier des Mani provinciaux, est élu parmi la famille royale et se trouve au sommet de la hiérarchie. Les symboles de la royauté (regalia) sont le couvre-chef, le bracelet en cuivre, le sac des impôts, le tambour sacré et l’enclume royale. Le royaume est dirigé par une caste de nobles (princes et princesses), une assemblée élective du roi, des gouverneurs de provinces, des chefs de villages et une armée. La société est organisée en classes sociales composées de nobles, de paysans, de fonctionnaires et d’esclaves.
Administrativement, le royaume est organisé en agglomérations nommées (mbanza) et en provinces, composées de villages et de chefs-lieux. Les provinces se modifient au gré des alliances et des conquêtes. Les villes sont administrées et reliées entre elles par un réseau de communication. La capitale, Mbanza Kongo, se trouve dans la province de Mpemba. Elle compte 60 000 habitants au XVIIe siècle, ce qui la place parmi les villes les plus peuplées du monde à cette époque.
3.3. Économie
Les nombreux axes de communication qui traversent le royaume Kongo favorisent une économie prospère. Le Kongo dépend surtout des revenus issus du commerce de produits agricoles, des textiles et des minerais précieux.
Un impôt (mpaku) est collecté aux postes de péage (kimpaku) répartis sur les grands axes commerciaux, et les gouverneurs des provinces apportent à la capitale les revenus récoltés dans leurs entités administratives respectives.
En plus de ses ressources naturelles (bois, ivoire), le royaume dispose de gisements de fer et de cuivre. Les forgerons y ont donc un statut particulier, le roi étant le premier d’entre eux.
Le royaume a deux monnaies : l’une en coquillage (nzimbu) provenant d’une pêcherie de l’île de Luanda, dont le roi a l’exclusivité de la production, l’autre en carrés de tissu raphia (mbongo) dont le circuit de production et son lien avec le pouvoir central sont encore mal définis.
La noblesse et les hauts fonctionnaires vivent dans la capitale. Tout comme le roi, ils possèdent des plantations où travaillent des esclaves.
4 ¦ L’espace Téké (XVe – XIXe siècle)
Lorsqu’on parle d’espace Téké, il ne s’agit pas d’une seule entité politique mais de plusieurs structures politiques étalées sur un espace géographique allant de l’est du Gabon au Pool Malebo en République Démocratique du Congo. Cet espace figure parmi les structures politiques qui ont joué un rôle économique essentiel en Afrique centrale et a développé une civilisation qui est l’une des plus anciennes du bassin congolais.
Le royaume Tio, le royaume de Makoko, l’anzicana ou le royaume des Anziques sont des appellations que l’on retrouve sur les cartes anciennes des XVIIe et XVIIIe siècles, et font partie des organisations politiques Téké les plus illustres. Cet espace est voisin de celui de Loango à l’Ouest, du royaume Kongo au Sud et Sud-Est.
4.1. Contexte historique
On connait peu de choses sur l’origine et l’essor de l’espace Téké. L’espace Téké n’a pas de contact direct avec la mer, cet espace ne sera quasiment jamais visité par les explorateurs et les missionnaires européens avant le XIXe siècle. Aucune influence extérieure n’a justifié sa naissance ou le maintien de son unité. Le processus de formation étatique serait donc le fruit d’une longue évolution locale. La conviction des Tékés de partager une même culture et une même religion représentée par une forêt sacrale et mystique constitue le fondement de ce royaume qui est attesté depuis le XVe siècle dans les sources historiques du royaume Kongo.
Au XVIIe siècle, le Royaume Téké connait une expansion vers le sud du fleuve Congo sur les deux rives du Pool Malebo. Le royaume se heurte à l’opposition des princes des territoires attenants du royaume Kongo et plus particulièrement de la province de Nsundi. Des batailles ont lieu durant la seconde moitié du XVIIe siècle pour le contrôle du Pool Malebo. Les Tékés, sous la direction du chef Ngobila, finissent par s’imposer et chassent de la plaine du Pool Malebo les groupes Kongo. La traite négrière s’intensifie, et les Téké deviennent des intermédiaires pour le trafic d’esclaves.
Au XVIIIe siècle, en revanche, les groupes Kongo de la province de Nsundi prennent le contrôle des mines de cuivre au sud du royaume. Le royaume Téké perd ainsi son monopole sur les mines de cuivre de Mindouli-Boko Songho.
Au XIXe siècle, la traite négrière prend fin, et les Téké se concentrent dès lors sur l’ivoire. Le roi des Tékés, le roi Iloo choisit la collaboration plutôt que la confrontation. En 1880, il négocie un traité avec la France par l’intermédiaire de l’explorateur Savorgnan de Brazza. L’exécution de ce traité sonne le déclin du royaume, la cour royale Téké n’a plus que des pouvoirs protocolaires. Avant sa mort en 1892, le roi Iloo épouse en secondes noces une jeune femme du nom de Ngassié. Cette dernière est intronisée reine et succède au roi Iloo sous le nom de Ngalifuru, jusqu’à sa mort en 1956.
4.2. Organisation politique et sociale
Chez les Téké, le pouvoir est pyramidal. Au sommet, on trouve l’Onkoo (la forme « Makoko » serait une déformation en langue Vili). Le roi est écouté et vénéré à la manière d’une divinité.
Il est élu par les dignitaires (ministres et chefs), mais choisi par les ancêtres, il est initié à ses futures fonctions. Bien que le pouvoir soit héréditaire (lignée maternelle d’un défunt roi), le candidat doit présenter une bonne constitution physique, une conduite exemplaire, une allure autoritaire et doit être estimé du peuple. L’Onkoo détient les fonctions politiques, administratives et religieuses. Il est théoriquement le maître de la terre et de toutes ses richesses. Son intronisation, sa mort et sa succession font l’objet de tout un cérémonial et d’un ensemble de rites. Après le roi, le pouvoir politico-administratif est détenu au niveau de chaque province par le Nnga-nkobi, ou gouverneur, qui transmet les ordres du roi aux chefs de lignage et de chefferies et via ceux-ci aux chefs de village. C’est le gouverneur qui apporte au roi les tributs et prestations de son peuple. La société est très hiérarchisée.
4.3. Économie
Le cuivre qui provient des mines de Mindouli-Boko Songo est recherché au même titre que l’or dans plusieurs régions d’Afrique, c’est ainsi que le contrôle de ces gisements a joué un rôle important dans l’histoire du royaume. Les Téké savent fondre le fer et le cuivre. Le travail de fonte du cuivre, attesté depuis le XIIIe siècle, y a perduré jusqu’au XIXe siècle.
Les Téké (terme qui signifierait « marchands » ou « vendeurs ») sont de grands commerçants. Ils servent aussi d’intermédiaires dans les réseaux commerciaux entre la côte et l’intérieur des terres. Ils font le commerce du cuivre, du raphia, ainsi que des produits nouvellement introduits dans la région tels que le tabac et le maïs avec les régions du Bas-Kasaï et du haut fleuve Congo. Ils servent également d’intermédiaires lors des traites négrières, en fournissant des esclaves au royaume de Loango et au royaume Kongo.
Les Téké utilisent plusieurs monnaies : soit des barrettes de cuivre mitako, soit des pièces de raphia tissé tsulu, ou encore les coquillages olivancillaria nana appelés nzikè. Le tsulu est l’équivalent du mbongo des Kongo.
4.4. Croyances
Responsable devant les hommes, l’Onkoo l’est aussi devant les ancêtres qu’il représente.
Il est le seul grand prêtre des Téké, le grand détenteur des forces vitales et du nkwe-mbali, le génie tutélaire du peuple qui habiterait les chutes de la rivière Léfini, en amont de Mwabé.
5 ¦ Le royaume Kuba (XIIe (?) – XXe siècle)
Le royaume Kuba s’est développé sur un territoire compris entre la rivière Sankuru au nord et la rivière Luluwa au sud-ouest. Hormis l’ethnie principale qui compose ce royaume, il existe diverses formations ethniques : Leele, Pende Ding, Kete, Luba, Luluwa, Mongo. La langue Kuba est proche des parlers Mongo de l’Équateur.
Le royaume Kuba, aussi appelé royaume des Bushong est l’une des entités politiques les plus connues de l’Afrique centrale, tant pour ses activités artistiques que pour son art de cour : un art royal et aristocratique, dont la plupart des objets figurent aujourd’hui dans les musées et les collections privées en dehors du Congo.
5.1. Contexte historique
L’origine du royaume est controversée. D’après les traditions orales, il aurait été fondé vers le VIe siècle par des populations bantoues venues du nord de la rivière Kasaï. Sous le règne de Woot, fondateur du Royaume Kuba, fils du ciel et de la terre, la femme se voit concéder une place prépondérante. Son neveu Nyimi Loong, de la dynastie Bushoong, monte ensuite sur le trône. Mais son règne est marqué par d’incessantes guerres de succession qui ne prennent fin qu’avec l’avènement d’un roi de l’ethnie Leele, Musha Mishaang Matuun.
Au XVIIe siècle, le roi Shyaam a Mbul a Ngwoong, s’inspire des structures sociopolitiques des régions du Bas-Kasaï et de l’espace Kongo pour perfectionner l’organisation du royaume et introduire des nouveautés sociales, politiques et linguistiques. Il rapporte également du Bas-Congo la culture du maïs, du manioc, des haricots, du tabac, le tissage, la broderie, de nouveaux styles de forge et de sculpture sur bois. Le royaume atteint son apogée entre les XVIIIe et XIXe siècles grâce au commerce à longue distance avec la colonie portugaise d’Angola. C’est aussi à cette époque que le terme kuba s’est généralisé pour identifier la population de ce royaume.
Des guerres civiles au début du XXe siècle fragilisent le royaume. Malgré des invasions Luluwa rapidement matées, le royaume se retrouve vulnérable face à l’armée coloniale de Léopold II. le roi Kot a Pe, farouche résistant à l’occupation coloniale, est vaincu en 1902, et fait prisonnier et déporté à Lusambo en 1907. Un accord de paix est négocié avec l’État indépendant du Congo.
5.2. Organisation politique et sociale
Le roi, qui est une personne sacrée, a un pouvoir politique et judiciaire, mais il n’est pas seul à décider. Le roi Shyaam impose aux dignitaires du royaume de résider dans la capitale.
La gestion de la chose publique est basée sur des institutions contrebalançant le pouvoir royal. Elle repose sur quatre structures :
- le conseil de couronnement (Ibaam) dont le rôle est d’élire, d’introniser et de conseiller le roi.
- la structure chargée des affaires courantes (Ishyaame) qui s’apparente à un gouvernement ;
- le conseil national (Ibaanc) qui se tient sur la Grand-Place de la capitale et auquel tout le monde peut participer ;
- et enfin le conseil (Mbok Ilaam) qui se tient dans l’enceinte de la cour royale et qui n’est pas accessible au grand public.
L’organisation se perfectionne par la suite sous une forme plus centralisée autour du roi.
Le roi accède au trône après avoir été élu, malgré le caractère héréditaire de la succession au sein de la famille royale. Le nouveau roi n’accède au trône qu’après le décès naturel ou provoqué du précédent. La succession se fait par ailleurs selon le système matrilinéaire : le pouvoir passe au fils de la sœur du roi, en tenant compte de l’âge et de la moralité du candidat. La reine mère joue aussi un rôle important dans la gestion des affaires du royaume.
Le système judiciaire intervient à deux niveaux de prise de décision : au niveau local et au niveau de la capitale. Le roi n’intervient qu’en dernier ressort. Le roi Shyaam transforme le système judiciaire en introduisant les jurys, composés de délégués des parties en conflit.
5.3. Économie et art
Le tissage est une activité tellement connue dans cet espace bantu que le terme kuba finit par désigner les populations de ce royaume. Vers les XVIIIe et XIXe siècles, les Bushong sont appelés du nom commun « tisserands » (bakuba) par les populations voisines. Ils sont experts en tissage d’étoffes, de tapis, de nattes. Les tapisseries ornées de dessins shoowa, les sculptures aux décors géométriques variés, les masques et les statuaires (représentation des rois appelés ndop), contribuent également à la célébrité de la culture kuba.
Les arts kuba jouissent d’une telle réputation que les œuvres des Bushoong sont connues sur toute la côte, dans le Bas-Kasaï et jusqu’à Luba. Certaines pièces (tissus en velours, sculptures) sont même collectées et vendues par les antiquaires européens depuis 1890. Elles sont exposées dans le salon d’honneur de l’exposition de Bruxelles à Tervuren en 1897.
L’un des réseaux commerciaux du royaume Kuba est l’Angola, ce qui suscite l’intérêt des Portugais installés dans cette région depuis le XVIe siècle. Ceux-ci tentent à plusieurs reprises de nouer des liens commerciaux directs avec eux pour éviter de recourir à des intermédiaires tels que les Kongo, les Tshokwe, les Pende et les Imbangala de Kasanje.
6 ¦ Le royaume luba (XVIe – XIXe siècle)
6.1. Contexte historique
L’identité luba remonte au VIIIe siècle après J.-C., lorsque des travailleurs du cuivre forment des villages autour du lac Kisale, tandis que des agriculteurs s’implantent sur les hauts plateaux très fertiles. Ces communautés villageoises se structurent en entités politiques dans un paysage constitué de savane et de lambeaux de forêts comme en témoignent les insignes du pouvoir, dont des haches de parade retrouvées dans des tombes du IXe siècle. La richesse alimentaire des cours d’eau et des lacs de la dépression de l’Upemba permet aux communautés humaines d’y maintenir un niveau de vie élevé pendant plusieurs siècles.
Des chefferies se développent sur place et sont à l’origine des groupes culturels à la base du royaume Luba. Ces formations vivent d’échanges commerciaux et matrimoniaux. Des signes monétaires (comme les croix de cuivre) apparaissent à cette époque.
Les traditions orales divergent quant à la fondation, au début du XVIe siècle, du royaume Luba. Pour les uns, le fondateur serait Kongolo (chef des Kalundwe) pour les autres, ce serait Kalala Ilunga. Originaire de l’est vers les lacs Moero et Tanganyka, ce dernier serait à l’origine de l’introduction de nouvelles techniques, comme l’art de la forge.
Au XVIIe siècle des troubles apparaissent dans la région en raison, d’une part de sécheresses et de famines qui entrainent des vagues migratoires plus ou moins importantes, et, d’autre part, des guerres de succession dans les chefferies du royaume. L’empire Luba serait né au XVIIIe siècle des conquêtes des territoires kanyok au nord-ouest et des migrations des leaders luba vers les rives de la rivière Lubilash. D’autres États font également partie de ce grand ensemble : Kayumba, Mulongo, Butumba, etc.
Son expansion s’arrête avec la montée en puissance des Songye. La tradition rapporte qu’ils vainquent le roi Kadilo et s’imposent dans toute la région, influençant même la succession chez les Luba.
La présence de commerçants arabes contribue également à la déstabilisation du royaume. Ces derniers mènent en effet des razzias et des campagnes militaires à Mulongo, et participent à la guerre fratricide qui sévit dans la région.
L’empire commence à s’effriter en raison des guerres de succession. L’espace luba est divisé en deux grands ensembles, l’un dirigé par Kasongo Kumwimba, l’autre par Kasongo Nyembo. La guerre engagée vers 1886 par ces deux hommes aboutit à l’exil de Kasongo Nyembo. Il fait alors appel aux troupes de l’État Indépendant du Congo pour recouvrer son trône, au prix d’un pouvoir politique réduit. Cette scission politique entraîne une division du territoire en deux chefferies : celle de Kumwimba au nord-est, et celle de Nyembo au sud-ouest.
6.2. Organisation politique et sociale
L’État est organisé comme une pyramide de pyramides, avec des relations de parenté très complexes. Le roi ou Mulopwe est au sommet et n’appartient à aucun clan ou lignage pour montrer qu’il est au-dessus de la mêlée et du combat politique. L’empire est gouverné depuis la capitale. Au XIXe siècle, la cour royale est installée à Kabongo.
Le roi, qui porte les regalia, symboles du pouvoir, gouverne avec le soutien de l’association des Bambudye qui exercent un contrôle religieux et séculier sur le roi lui-même et sur le pays. Ses membres sont chargés de maintenir les traditions orales. Il y a également un conseil de notables (tshidie) et une cour de justice (tshihangu). Si la société est patrilinéaire, la reine mère (ndalamba) y joue un rôle rituel.
Les principaux fonctionnaires sont
- le premier ministre (twite),
- le chargé des insignes royaux et des rites (nabanza),
- le premier juge (lukunga),
- le chef de l’armée (mwana mwilamba) et
- le gardien de la tradition et des lois (mwine lundu)
L’armée n’est pas permanente. L’administration du territoire est entre les mains de gouverneurs (bilolo), qui sont des notables, chefs de guerre ou d’entités administratives, et des dignitaires de la cour à la tête des entités administratives (kibwindji). Ils sont choisis dans les familles régnantes par les habitants et confirmés (ou parfois imposés) par le roi.
L’armée n’est pas permanente. L’administration du territoire est entre les mains de gouverneurs (bilolo), qui sont des notables, chefs de guerre ou d’entités administratives, et des dignitaires de la cour à la tête des entités administratives (kibwindji). Ils sont choisis dans les familles régnantes par les habitants et confirmés (ou parfois imposés) par le roi.
Les villages sont organisés sur le même modèle que celui de la capitale. Les liens de clans et de lignées cimentent les relations au niveau des villages.
Le modèle politique Luba sera adopté par l’empire Lunda situé au sud.
6.3. Économie
L’économie de la région repose sur le commerce : les régions lacustres foisonnent de poissons et la savane est riche en gibier. Les échanges sont alimentés par les gisements de sel, de fer et de cuivre. Un réseau routier relie les différentes régions de cet espace. Les perles et les croix en cuivre servent de monnaie aux Luba.
7 ¦ L’espace Lunda (Xe (?) – XIXe siècle)
7.1. Contexte historique
Au Xe siècle, des chefferies de pêcheurs et d’agriculteurs s’installent dans la région des savanes du sud autour des vallées du Haut Lualaba, au sud de la dépression de l’Upemba. Ces différents groupes, qui comptent des Ruund, des Lozi, des Ndembo, des Luena et des Imbangala s’allient sous un même système politique à l’origine de l’entité Lunda qui signifie « amitié ». La tradition rapporte que le chasseur Tshibinda Ilunga fonde ce royaume, introduisant le modèle Luba chez les Lunda. Il épouse une princesse locale, prend le contrôle du royaume, et crée une dynastie.
Mais les bases de l’empire sont posées sous le règne de Mwant Yav qui étend les frontières jusqu’au bassin supérieur du Zambèze au sud, et jusqu’au bassin du Kasaï au nord-ouest. Son nom devient un titre dynastique. Toutefois, c’est son successeur, Naweej, qui organise véritablement l’empire. Il commerce avec les Européens de la côte atlantique, les Portugais du Mozambique et les Arabes de la côte indienne en leur livrant des esclaves et des produits divers.
Lors de son apogée, l’Empire Lunda s’étend jusqu’au bassin du Zambèze au sud, jusqu’au lac Moero à l’est et le long de la rivière Kwango, chez les Yaka à l’ouest. L’expansion répond à une volonté de contrôler le commerce des esclaves avec la colonie portugaise d’Angola.
Plusieurs entités se forment dans l’espace lunda dont le royaume de Kazembe et le royaume Yeke. Kazembe, un général du Mwant Yav, tisse des liens de coopération avec les colonies portugaises de la côte indienne. Entre 1790 et 1830, les échanges commerciaux avec les villes de Sena et Tete, permettent au Kazembe d’acquérir une certaine autonomie vis-à-vis du Mwat Yav installé à Musumba.
Le Royaume Yeke a été créé par M’Siri, venu de l’actuelle Tanzanie. Ce dernier contrôle, depuis sa capitale Bunkenya, les réseaux commerciaux du sud-est katangais. Ce royaume s’impose entre 1870 et 1886 grâce au commerce du cuivre, de l’ivoire et des esclaves. Le roi est assassiné en 1891 par Bodson, un officier belge au service de l’État indépendant du Congo, car il représente un obstacle à la conquête coloniale.
7.2. Organisation politique et sociale
Le Mwant Yav, qui est à la tête du royaume, règne sur un espace très vaste. Il est élu par quatre grands dignitaires de la cour, qui représentent les maîtres de la terre (tubung) s’occupant de l’administration du territoire. Les gouverneurs, qui disposent d’une certaine autonomie de gestion, sont nommés par le Mwat Yamv auquel ils versent un tribut. L’armée est dirigée par un chef militaire (kalala) qui commande l’avant-garde, et un commandant en chef (swan mulopwe).
Le Mwant Yav contrôle un réseau dense d’agglomérations comme Kazembe, Musumba, Casanje, Ishindi, Musokantanda, Shinje, Kanongesh… qui rassemblent des populations hétérogènes qui finissent par s’identifier au groupe originel Ruund. L’expansion Lunda favorise l’unité culturelle, mais elle est aussi à l’origine de ravages et de concentrations de populations denses dans certaines zones.
8 ¦ Résumé
Plusieurs structures politiques existent en Afrique centrale, bien avant la colonisation.
- Le royaume Kongo, fondé au XIVe siècle, est sans doute le plus célèbre de la région. Très tôt, le royaume est en contact avec l’Europe grâce au commerce. Lorsque les Portugais arrivent au XVe siècle, des échanges culturels, et religieux vont avoir lieu. Les rois du Kongo vont devenir chrétiens, et certains notables seront envoyés en Europe. Toutefois, avec la traite négrière qui s’intensifie, les relations entre le royaume Kongo et les Portugais vont se détériorer. Le Kongo doit fournir des esclaves. Plusieurs révoltes vont avoir lieu, jusqu’à l’extinction du royaume au XIXe siècle.
- L‘espace Téké est enclavé dans les terres, et son origine remonte au XVe siècle. Ils se situent au nord du fleuve Kongo, pas loin du royaume du même nom. Au XVIIe siècle, une expansion vers le sud va avoir lieu. Ils servent d’intermédiaires lors de la traite négrière. Au XVIIIe, ils perdent le contrôle des mines de cuivre qui passe aux mains du royaume Kongo. Avec la fin de la traite négrière au XIXe siècle, les Téké se concentrent sur le commerce de l’ivoire. En 1880, le roi Iloo collabore avec la France, et signe un traité qui marque le déclin du royaume.
- Le royaume Kuba, situé entre la rivière Sankuru et la rivière Luluwa a produit un artisanat resté très célèbre. Son origine remonterait au VI siècle. Au XVIIe siècle, les structures sociopolitiques du royaume se perfectionnent, ainsi que les cultures. Au XVIIIe, et XIXe siècle, le royaume connait son apogée grâce au commerce avec le Portugal (par l’intermédiaire de la colonie de l’Angola). Des guerres civiles au XXe siècle vont fragiliser le royaume qui va être soumis à l’État Indépendant du Congo.
- Le royaume Luba remonte au XVIe siècle. Plusieurs chefferies se développent et commercent ensemble. Au XVIIe siècle, le royaume Luba connait plusieurs difficultés à cause de sécheresses, et de famines. Au XVIIIe siècle, le royaume s’agrandit et atteint son expansion maximale. Les commerçants arabes vont déstabiliser le royaume, ainsi que des guerres de succession. En 1886, Kasongo Nyembo accepte de prêter allégeance à l’État indépendant du Congo afin de retrouver son trône, au prix d’un pouvoir politique très réduit.
- L’espace Lunda remonte au Xe siècle avec des chefferies de pêcheurs et d’agriculteurs installés dans le Haut Lualaba. Les Lunda vont commercer avec les Européens basés sur la côte atlantique, et avec les Arabes basés sur la côte orientale. Ils leur livrent principalement des esclaves. Le royaume va s’agrandir tout en voyant apparaitre des royaumes distincts sur son espace, comme le royaume de Kazembé au XVIIIe siècle et le Garenganze de M’Siri au XIXe siècle.