1830 – 1880
1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Expliquer les différentes résistances des peuples d’Afrique contre l’expansionnisme des colons et l’accaparement des terres et des richesses par les concessionnaires et la colonisation
- Signaler les divers modes d’opposition présents au niveau de l’Afrique
- Citer les principaux animateurs des résistances en Afrique
- Connaître les principales causes des résistances africaines
- Connaître les stratégies mises sur pied par les Africains dans leur résistance
- Connaître les différentes stratégies mises sur pied par les colonisateurs pour mettre fin aux résistances africaines
2 ¦ Introduction
Au XIXe siècle, l’Europe est en pleine révolution industrielle et cherche partout dans le monde de nouvelles ressources et de nouveaux débouchés pour ses produits industrialisés. C’est ainsi que les Européens s’intéressent à l’Afrique. Depuis les XVe et XVIe siècles, ils se sont installés sur les côtes occidentales africaines et se sont adonnés à la traite des esclaves avec la complicité des États africains côtiers. Au XIXe siècle, au moment où l’Afrique, affaiblie par la traite des esclaves, veut se rétablir, les différents pays européens veulent conquérir et coloniser toujours plus de territoires Africains. Ils se servent de l’Afrique comme d’une vitrine leur permettant d’affirmer leur puissance et leur pouvoir les uns par rapport aux autres.
C’est à cette époque que les Africains prennent conscience du danger que représente la colonisation pour leur souveraineté et leur indépendance et commencent à réagir.
3 ¦ Définitions
3.1. Qu’est-ce que la résistance?
Par résistance, il faut entendre un mouvement d’autodéfense en vue de garder sa liberté et sa dignité.
Dans le cas qui nous concerne, il s’agit de l’opposition manifeste des Africains à l’occupation et l’exploitation de l’Afrique par les puissances européennes.
Les causes générales des résistances africaines sont :
- l’occupation de l’Afrique par les puissances européennes
- la perte de l’indépendance des Africains, de leur souveraineté et de leurs terres.
3.2. Les formes de résistance
Les résistances à la colonisation revêtent plusieurs formes :
- Les résistances politiques :
Les rois africains, et leurs armées s’opposent aux envahisseurs européens par les armes pour préserver leur indépendance et leur souveraineté. Ces résistances se situent à l’époque de la pénétration de l’Afrique par les Européens au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.
- Les résistances populaires :
Même si, avec le temps, les résistances politiques ont échoué, les Africains ont continué à résister à la colonisation par diverses actions comme le refus de cultiver telle ou telle culture (telles que les cultures obligatoires), d’exécuter les travaux forcés, de payer les impôts, etc.
- Les résistances religieuses :
Des rois religieux (convertis à l’Islam, par exemple) se sont opposés à la pénétration des puissances européennes pour des raisons religieuses. C’est le cas, par exemple, des rois religieux El Hadji Omar Tall ou Samori Touré au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Nous pouvons aussi citer le cas des mouvements messianiques comme le Kitawala ou le Kimbanguisme en République Démocratique du Congo (au cours des années 1920).
La colonisation de l’Afrique occidentale commence, dès la fin du XVIIe siècle en Sierra Leone, du fait de la traite négrière. Mais c’est au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle qu’elle se généralise en Afrique. L’intention des colonisateurs européens est d’étendre leur occupation territoriale à l’intérieur de l’Afrique. C’est ainsi que ces différentes résistances vont se retrouver partout en Afrique : en Afrique méditerranéenne, Afrique occidentale, Afrique centrale, Afrique orientale et Afrique australe.
4 ¦ Les résistances à la conquête européenne
4.1. Afrique méditerranéenne
L’Afrique méditerranéenne est sous la domination de l’Empire ottoman jusqu’au XIXe siècle. Elle comprend l’Algérie (dirigée par un Dey), la Tunisie (dirigée par un Bey), l’Égypte (dirigée par un Pacha). Le Maroc, par contre, est indépendant. Les puissances européennes vont profiter de l’affaiblissement de l’Empire ottoman pour chercher à conquérir et à occuper ces États africains. Mais, elles font face à des résistances armées.
A. L’Algérie
En Algérie, les Français, qui commencent leur conquête vers 1830, se dirigent vers Alger. En voulant occuper l’ensemble du pays, ils se heurtent à la résistance des tribus algériennes sous le commandement d’Abdel Kader. Si les tribus algériennes harcèlent les troupes françaises, celles-ci vont néanmoins conquérir successivement la Petite Kabylie en 1844, puis la Haute Kabylie après une farouche résistance de Lalla Fatma N’Soumer et du chérif Boubaghla qui prône une guerre sainte contre les Français. En 1854, ce chef religieux meurt au combat.La domination française ne prend durablement le dessus en Kabylie qu’après la chute d’Icheriden, en juin 1857. Cependant, des soulèvements sporadiques ont lieu dans cette région. Ainsi, en 1870-1871 ont lieu les soulèvements des Mokrani pour des raisons à la fois politiques, économiques et religieuses.
En 1872 la résistance est écrasée : les résistants sont arrêtés, d’autres sont déportés en Nouvelle-Calédonie et plusieurs milliers d’hectares de terres sont confisqués par les Français.
B. La Tunisie
En Tunisie, l’occupation française commence en 1881 quand le Bey de Tunisie ordonne à ses troupes (plus ou moins deux mille combattants) de n’opposer aucune résistance face aux trente mille soldats français bien équipés et entraînés. Il signe le traité du Bardo en 1881 qui impose à la Tunisie le protectorat français. Mais, lorsque l’armée française commence à se déployer à l’intérieur du pays, elle se heurte aux tribus des steppes sous le commandement d’Ali ibn Khalifa, qui a décidé de poursuivre la résistance armée malgré la capitulation du Bey. Cette résistance armée est suivie par d’autres tribus et par des soldats du Bey mécontents de la capitulation. C’est ainsi que l’armée française, qui marche sur les différentes villes, notamment la ville sainte de Kairouan, se retrouve face à des villes en ruines du fait des résistants, car les citadins ne veulent pas donner aux envahisseurs français l’occasion de détruire leurs sanctuaires. Les troupes tunisiennes ne sont pas bien coordonnées et manquent cruellement de munitions. Ali ibn Khalifa continue à harceler l’armée française à partir de la frontière libyenne jusqu’à sa mort en 1885.
4.2. En Afrique occidentale
L’Afrique occidentale va être colonisée par les Britanniques, et par les Français. Les colonisateurs français ont confié la mission d’occupation aux officiers militaires qui ont préféré la conquête militaire à toute autre forme d’occupation.
A. La Sénégambie
En Sénégambie, le roi Lat-Dior Diop, le Damel du Kayor, entretient au début de bons rapports avec les Français. Mais, en 1862, ces bonnes relations se détériorèrent pour des raisons d’ordre politique et économique. En effet, le roi du Kayor s’oppose au projet des Français de construire un chemin de fer qui relierait Dakar à Saint-Louis.
Pour lui, ce chemin de fer va mettre fin à l’indépendance de son État. Pour contrecarrer le projet français, il interdit à ses sujets de fournir une aide quelconque aux Français et de cultiver des arachides pour eux. Il leur recommande de se tenir à distance des postes français et demande aux chefs africains musulmans de s’allier à lui pour combattre les Français. La lutte armée commence en 1882. Le roi du Kayor, qui se sait incapable d’affronter de front l’ennemi, préfère la guérilla et se déplace d’un village à un autre. Mais, les Français le poursuivent et le Kayor tombe entre les mains des troupes françaises en 1886 après plusieurs batailles, et meurt au combat. Le pouvoir du Kayor est confié à Samba Laobe Fall, membre de la famille de Lat-Dior Diop, que les Français jugent docile et dévoué à leur cause. Le roi Samba veut montrer son dévouement aux Français en s’attaquant au roi du Djoloff, où Lat-Dior Diop s’était réfugié, mais il est battu. Le gouverneur français transforme le Kayor en une confédération de six provinces autonomes confiées aux anciens captifs de la couronne.
B. L’Empire toucouleur
Dans l’Empire Toucouleur, à l’instar de tous les chefs africains, Ahmadu Tall, l’empereur, veut sauvegarder l’indépendance de son État tout en recourant à l’alliance avec les Français. Sur le plan politique, l’empereur veut obtenir des Français la reconnaissance de son autorité et de la souveraineté de son empire, mais également la fourniture d’armes à feu et de munitions, car il veut disposer d’une armée forte et bien équipée. En contrepartie, l’empereur doit permettre aux Français d’exercer librement leur commerce dans son État, de construire et entretenir des routes commerciales et de construire des bateaux et les faire circuler sur le fleuve Niger. On comprend mieux le choix de Ahmadu Tall de s’allier aux Français, quand on sait qu’à l’intérieur de son État, il est en conflit avec, à la fois, ses frères et des chefs locaux (Bambara, Peuls) qui contestent son pouvoir et aspirent à recouvrer leur indépendance politique. Ahmadu Tall parvient néanmoins à pacifier son empire avant même que le traité signé avec la France ne soit ratifié par cette dernière. Les relations avec la France finissent par se détériorer. Et Ahmadu Tall choisit la voie de l’affrontement armé. L’invasion de l’empire par les troupes françaises commence en 1881. Bamako tombe, puis les autres villes comme Djenné, Kundian, Wesebugu, Nioro. Et Ahmadu finit par se réfugier à Sokoto.
C. L’empire Wassoulou
L’empire Wassoulou, fondé par Samori Touré en 1878, dispose d’une grande armée nationale, homogène et dotée d’un équipement militaire moderne, contrairement aux autres rois africains de la région. Il l’a équipée et modernisée grâce, entre autres, à la vente d’ivoire, d’or, d’esclaves et de chevaux. Son armée lui permet d’agrandir son empire, annexant différentes régions comme, par exemple, Buré, Wasulu, Konyan, Toron, Sankaran, Kabasarana… Mais quand, en 1882, il remonte la région du Haut-Niger (Haut-Fleuve) afin de la soumettre, il fait face aux Français. Son avancée vers Bamako, au carrefour des voies commerciales est un échec, car les Français y ont envoyé leurs troupes. Le contrôle des mines d’or, des voies commerciales et de tous les trafics d’armes et chevaux est un enjeu majeur. Pour contrecarrer le projet d’invasion française, il veut s’allier aux Anglais. Il signe ainsi un traité plaçant son empire sous le protectorat britannique. Mais ce traité n’est pas appliqué, car l’Angleterre s’en tient à un traité signé en 1889 avec la France qui impose la non interférence à l’intérieur de leurs protectorats Après de longues et dures batailles entre les troupes françaises et celles de Samori, ce dernier est capturé et fait prisonnier en 1898. Déporté dans l’île de l’Ogooué, il y meurt en 1900.
D. La Gold Coast
En Gold Coast, les Ashanti ont longtemps résisté aux colonisateurs britanniques. Leurs conflits trouvent leur origine dans le refus des Britanniques de payer l’impôt sur la traite des esclaves et dans leur désir d’imposer un protectorat. Les Ashanti ont combattu les Britanniques entre 1760 et 1824, et ont plusieurs fois battu les troupes britanniques et leurs alliés, tuant même leur commandant, Charles Mac Carthy, gouverneur de Gold Coast. Ils ont également réussi à reprendre leurs territoires côtiers et méridionaux.Mais en 1874, les Britanniques, bien équipés militairement, battent les Ashanti à Amufu, ce qui entraine la désintégration de l’empire Ashanti et l’émancipation des États vassaux au nord de Volta. En 1896, les Britanniques placent les Ashanti sous le régime de protectorat après s’être emparés de Koumasi, leur capitale. Prempeh I et sa suite sont arrêtés et déportés en Sierra Leone puis aux îles Seychelles en 1900.
4.3. En Afrique orientale
A. L’Éthiopie
L’Éthiopie est le seul pays africain à n’avoir pas été colonisé. Abeto Menelik s’est particulièrement illustré dans la résistance armée contre la colonisation italienne. Il a été nommé gouverneur de Shewa par l’empereur Ethiopien Yohannes IV (Règne 1872-1889) qui était à la tête d’une armée redoutable. À la mort de ce dernier, il s’impose partout sous le nom de Menelik II et fonde sa capitale à Addis Abeba. En 1889, il signe avec les Italiens le traité de Wichale (ville éthiopienne appelée Ucciali en italien). Selon les Italiens, Menelik II accepte la soumission de l’Éthiopie au protectorat de l’Italie tandis que, pour Menelik II, il s’agit uniquement d’un acte d’amitié. Mécontent de la supercherie des Italiens, Menelik II dénonce le traité.Redoutant l’influence que pourrait exercer la France sur Menelik II et soucieuse de construire une ligne de chemin de fer entre Addis Abeba et Djibouti, l’Italie décide alors de précipiter la conquête de l’Éthiopie. En décembre 1895, les troupes italiennes subissent leur première défaite face aux troupes éthiopiennes à Amba Alafi, et en mars 1896, elles sont battues et mises en déroute par l’armée éthiopienne lors de la bataille d’Adoua. La guerre se termine par le traité d’Addis Abeba en 1896 par lequel l’Italie reconnaît l’indépendance de l’Éthiopie.
4.4. En Afrique Australe
Dans le royaume Zulu, Cetshwayo, roi des Zulu, entreprend dès 1877 une résistance armée contre l’occupation illégale de leurs fermes (terres) par les Afrikaners et les colons blancs qui en réclament les titres de propriété. En 1879, la guerre éclate entre l’armée britannique et l’armée Zulu. Elle se solde par la victoire de l’armée Zulu à la bataille d’Isandhlwana. Le 4 juillet de la même année, les représailles de l’armée britannique obligent Cetshwayo à l’exil au Cap. Le Zululand est démembré et les Zulu doivent subir la colonisation britannique.
La nation Ndebele : Après avoir longtemps résisté à la colonisation britannique, Lobengula, roi de la nation Ndebele, finit par signer avec un missionnaire anglais, une convention, dénommée traité Moffat, aux termes de laquelle il aliène sa souveraineté aux Britanniques alors qu’il pense ne signer qu’un traité d’amitié. Lorsque Lobengula et ses conseillers (Induna) découvrent qu’ils ont été bernés, ils sollicitent en 1889, mais sans succès, l’annulation du traité Moffat auprès de la reine Victoria d’Angleterre.En 1893, la guerre éclate entre la nation Ndebele et les colons du Mashonaland et de l’Afrique du sud. Devant la machine de guerre bien entrainée des colons et malgré son armée estimée à 20.000 hommes, Lobengula capitule, évacue le Matabeleland, et s’enfuit avec son peuple vers la Rhodésie du Nord. La nation Ndebele cesse d’exister et est totalement sous la domination britannique.
5 ¦ Résumé
- La résistance est une opposition manifeste des Africains à l’occupation et à l’exploitation de l’Afrique par les puissances européennes.
- Les résistances africaines pour leur territoire revêtent plusieurs formes, à savoir : politique, populaire, et religieuse.
- Des résistances armées à la conquête européenne ont eu lieu partout en Afrique méditerranéenne, occidentale, centrale, orientale et australe. Elles ont été menées par des chefs africains déterminés. Mais ces résistances, à l’exception de l’Éthiopie, ont fini par échouer pour plusieurs raisons :
- Les armées africaines, bien que dirigées par des chefs de guerre expérimentés, n’étaient pas aussi bien équipées que celles des colonisateurs. Ces derniers pouvaient généralement compter sur plus de combattants que les chefs africains puisqu’ils utilisaient les combattants des entités déjà occupées.
- Les tentatives de voir les chefs africains conjuguer leurs efforts pour combattre ensemble l’ennemi commun étaient rares sinon absentes. Alors que les Européens se sont mieux organisés diplomatiquement.