1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Identifier quelques mouvements ou associations des intellectuels qui ont été créés dans certains pays ou sous régions
- Identifier quelques leaders des mouvements ou associations de résistance contre la domination des Africains
- Expliquer brièvement le but poursuivi par certains mouvements ou associations des intellectuels
- Identifier quelques intellectuels à l’origine du panafricanisme
- Enumérer les objectifs poursuivis par le panafricanisme
2 ¦ Introduction
Les résistances des populations africaines ont varié aussi bien dans le temps que dans l’espace. À côté des résistances armées, et des contestations sociales, des mouvements rassemblant des intellectuels se sont créés.
Ces associations constituent une sorte de laboratoires au sein desquels les intellectuels réfléchissent à
- l’avenir de leurs États ;
- comment se défendre contre les critiques négatives émises à l’endroit de l’Afrique et des Africains ;
- lutter contre le racisme ;
- définir des stratégies à mettre en place pour rétablir l’homme africain dans ses droits ;
- combattre la colonisation et reconquérir l’indépendance et la liberté des États africains…
3 ¦ Afrique méditerranéenne
A. L’Égypte
En 1883, Djamal al-Din al-Afghani et Muhammad Abu créent la revue panislamique Al-Urwa al-Wuthqa dont l’objectif est le réveil et la libération de l’Egypte. Malgré le fait que la revue est interdite à partir de son dix-huitième numéro, son esprit antibritannique a survécu. Le mouvement nationaliste égyptien est vivace en 1893 avec l’opposition des grandes figures comme le khédive Abbas Hilmi (Abbas II, 1892-1914).
B. La Tunisie
La Tunisie accepte, par la convention de la Marsa de 1883, le protectorat de la France. Celle-ci attribue au Bey la souveraineté interne et l’intégrité du territoire, tandis que la France s’occupe de la défense nationale, de la politique étrangère et du contrôle de l’administration. Cette occupation française, qui réduit à néant toutes les initiatives tunisiennes, a néanmoins permis à l’élite tunisienne de partir étudier en Europe. De retour dans leur pays, les élites tunisiennes créent des cercles culturels d’où naissent des associations qui se transformèrent en partis politiques contribuant à la prise de conscience nationale de l’élite tunisienne.
En 1907, Ali Bach Hamba et Béchir Sfar fondent le mouvement des Jeunes Tunisiens pour la défense des intérêts des autochtones. Ce mouvement harcelle l’administration malgré les répressions. Les partis politiques issus de l’élite tunisienne, de leur côté, mobilisent la population contre la France pour réclamer la souveraineté nationale, pour défendre les intérêts de la population, etc. En 1938, après une grève générale des travailleurs, les dirigeants du parti politique dont fait partie Habib Bourguiba, sont arrêtés et le parti est dissout.
4 ¦ Afrique occidentale
Les intellectuels africains créent des clubs et même des associations au sein desquels ils échangent sur les conditions sociales des populations africaines. Ils utilisent des journaux, des pièces de théâtre, des tracts et des pamphlets pour exprimer leurs protestations.
Parmi ces associations, l’Aborigines Rights Protection Society (ARPS) formée en Gold Coast (Nigéria en 1897) a été la plus active. Non seulement elle a envoyé des délégations à Londres, mais aussi elle a aussi présenté plusieurs pétitions de protestation chaque fois que les intérêts des Africains étaient en danger. Elle est en quelque sorte le porte-parole des clubs et associations des élites et des chefs coutumiers de l’Afrique occidentale, c’est-à-dire le plus grand adversaire du colonialisme avant la création du National Congress of British West Africa, après la première guerre, en 1920.
Il faut également noter la création en 1910 du Club des Jeunes Sénégalais qui réclame l’égalité des droits ainsi que la Peoples Union (1908) et l’Anti-Slavery and Aborigines Protection Society (1912).
5 ¦ À l’origine du panafricanisme
Après l’abolition de la traite et de l’esclavage au XIXe siècle, beaucoup d’esclaves sont libérés et leur nombre augmente d’année en année. Face à ces Noirs libérés, les Blancs développent un comportement raciste dans les anciennes puissances esclavagistes. C’est ainsi que des hommes de science développent
des théories sur l’infériorité des Noirs par rapport aux Blancs tandis que d’autres développent, au début du XIXe siècle, le projet d’exclure les Noirs libres des sociétés occidentales et donc de les renvoyer en Afrique ! En 1816, le révérend Robert Finley et le pasteur Samuel John Mills créent l’American Colonization Society (ACS) dans le but de rapatrier des Noirs libres (issus de l’esclavage mais nés sur le sol américain) notamment sur le littoral de Sierra Leone et au Liberia. C’est ainsi que le Liberia, qui obtiendra son indépendance en 1860, abrite aussi bien les descendants des Afro-américains que les populations autochtones.
Certains membres de la diaspora afro-américaine trouvent favorable le retour des Noirs libres en Afrique. C’est le cas de Edward Wilmot Blyden qui, tout en réfutant la théorie des races supérieures et inférieures, prône la solidarité des Noirs. Cependant, il croit que les Afro-américains ont pour mission de civiliser les autres Noirs, les autochtones.
- De son côté, Joseph-Antenor Firmin prône l’égalité humaine et rejette toutes les théories qui justifieraient l’esclavage ou la colonisation des Noirs.
- Des concertations ont lieu entre plusieurs Africains comme Benito Sylvain, Anténor Firmin et Booker T. Washington qui vont adhérer à l’Association africaine fondée par Henry Sylvester William. Cette organisation a pour objectif de voir les Noirs se réunir et protéger leurs intérêts communs, notamment l’organisation et la résistance à la colonisation.
- C’est au cœur de cette organisation que l’on va préparer la première conférence panafricaine à Londres en juillet 1900. Cette conférence réunit des hommes politiques, avocats, médecins, instituteurs venus des Caraïbes, des États-Unis, du Canada, d’Afrique et du Royaume-Uni. Beaucoup de résolutions y sont adoptées, actant le fait que
- la couleur et la race ne doivent plus être des « critères de distinction » entre les Noirs et les Blancs;
- les populations autochtones d’Afrique et les Noirs dans les anciennes puissances esclavagistes à savoir les États-Unis d’Amérique doivent pouvoir jouir des mêmes droits pour leur développement et leur liberté;
- le respect de l’indépendance et de l’intégrité de l’Éthiopie, du Liberia et d’Haïti… doit être reconnu officiellement.
D’autres congrès panafricains seront organisés sous la présidence de William Edward Burghardt Du Bois :
- Celui de Paris, en 1919, a condamné les abus de la colonisation ;
- ceux de 1921 organisé à Londres, Bruxelles et Paris au cours de la même année ;
- celui de 1923 organisé à Londres qui prône, entre autres, le développement de l’Afrique au profit des Africains ;
- celui de 1927 organisé à New York ;
- celui de Manchester organisé en 1945. Il a été le dernier congrès panafricain organisé à l’extérieur de l’Afrique. Parmi ses organisateurs, on retrouve George Padmore, Kwame Nkrumah et W. E. B. Du Bois. Ce congrès a revendiqué, entre autres :
- l’abolition des lois empêchant de développer les ressources économiques de leur pays sans entraves,
- l’abolition de toutes les lois de discrimination raciale,
- le droit à la liberté de parole, de presse, d’association et d’assemblée ;
- le droit à l’éducation obligatoire et gratuite ;
- l’installation d’un service de santé et d’aide sociale pour tous ;
- l’octroi du droit de vote à tous les hommes et femmes de plus de 21 ans ;
- l’abolition du travail forcé et l’introduction du principe « à travail égal, salaire égal.
- Kwame Nkrumah, devenu chef du gouvernement au Ghana en 1951, organise le Congrès panafricain de Kumasi en décembre 1953.
De très nombreux rassemblements politiques vont ainsi avoir lieu en Afrique et donneront naissance aux partis politiques qui conduiront les différents pays à leur indépendance.
6 ¦ Résumé
Les intellectuels africains ont initié leur façon de résister contre la domination européenne par la création de mouvements ou d’associations au sein desquels ils échangent sur les stratégies à utiliser pour reconquérir l’indépendance de leurs Etats et réhabiliter l’homme africain dans une dimension mondiale.
De mouvements d’abord limités au niveau des Etats, on est passé à la création d’un grand mouvement au niveau continental : le panafricanisme animé non seulement par les Africains de l’Afrique, mais aussi par ceux d’Europe, d’Amérique et d’ailleurs.