1 ¦ Objectifs de la leçon
A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
- Retracer l’évolution historique qui a conduit à la naissance de la République démocratique du Congo.
- Déterminer et d’expliquer les problèmes relatifs à la première constitution du Congo indépendant.
- Retracer les grandes étapes de la crise politique congolaise aux lendemains de l’Indépendance.
- Expliquer le contenu de la constitution de 1964 et pourquoi elle va amener à la prise du pouvoir par Mobutu.
2 ¦ Introduction
Le 30 juin 1960, c’est la naissance du Congo indépendant. Le nouvel État obtient son admission aux Nations-Unies, le 7 juillet. Son emblème est hérité directement du drapeau bleu ciel, étoilé d’or, adopté le 21 juin 1877 au lendemain de la Conférence Internationale de Géographie de Bruxelles et qui avait flotté, pendant près de quatre-vingt ans, sur les hampes de l’État Indépendant du Congo, puis du Congo belge. La continuité historique était donc assurée, à cette nuance près que l’emblème du Congo indépendant possède, en plus, six petites étoiles jaunes rangées longitudinalement et symbolisant les six provinces de l’époque.
Cependant, l’histoire nationale du Congo ne commence pas avec ses années d’indépendance, ni même avec la colonisation belge. C’est une trajectoire bien remplie que le peuple congolais traîne derrière lui depuis que ses ancêtres se sont installés sur cet espace au début du premier millénaire de notre ère. Pendant des siècles, ils ont assuré la maîtrise de l’environnement, façonné des cultures de grande originalité et élaboré des systèmes politiques complexes qui ont produit des chefferies, des royaumes et des empires.
Mais la fin du 19è siècle marque un tournant. En 1885, les pays européens, réunis à Berlin avec les États-Unis et l’empire turc, décident du partage de l’Afrique. Ils conviennent, cependant, de respecter la neutralité des territoires prospectés par les agents de Léopold II. Le roi belge disposait en effet d’une grande notoriété dans le domaine de l’humanitaire, depuis l’initiative de la convocation de la Conférence Géographique de Bruxelles en 1876 et de la création d’une structure philanthropique, « l’Association Internationale Africaine pour l’exploration et la Civilisation de l’Afrique Centrale » (AIA) dont il était le président. Plus tard, il aura bien des difficultés à continuer à dissimuler les ambitions personnelles et nationalistes cachées derrière cette générosité apparente. Mais lors de la Conférence de Berlin, les Puissances présentes lui font encore confiance. C’est donc à la suite de la reconnaissance par chacune d’elles de la neutralité de cet espace qu’est né l’Etat Indépendant du Congo, sous la forme inédite d’une colonie sans métropole. Il s’agit d’un territoire vaste couvrant pratiquement tout le bassin du Congo dont Léopold II devient le roi souverain.
Mais tout ne va pas de soi. La fixation des frontières est le fruit de négociations nombreuses et successives. Entamées avant la conférence de Berlin, elles se sont poursuivies bien après, avec l’Allemagne, la France, l’Angleterre et le Portugal. Tracées pour séparer le territoire national des pays voisins actuels, l’Angola, le Congo (Brazza) et l’Oubangui-Chari (la future Centrafrique), l’actuel Soudan du Sud, l’Ouganda et la Rhodésie du Nord (la future Zambie), le Rwanda-Burundi et le Tanganyika (la future Tanzanie), ces frontières séparaient en même temps des peuples qui vivaient ensemble sous l’autorité de mêmes chefs. C’est ainsi qu’il y a aujourd’hui également des Kongo en Angola et au Congo, des Zande en Centrafrique et au Soudan du Sud et des Lunda en Angola et en Zambie.
3 ¦ Héritage colonial
C’est à Vivi, la première capitale du pays avant son transfert à Boma, que se réalise, le 1er juillet 1885, la proclamation d’indépendance de cet État fictif, propriété privée du roi belge. Pendant 23 ans, il fonctionne sous le régime de l’Acte général de Berlin. Mais en 1908, Léopold II accepte de la céder à la Belgique. L’Etat indépendant du Congo se transforme en Congo belge. Depuis cette date et jusqu’en 1960, il fonctionne sous le régime de la Loi du 18 octobre 1908 dite la Charte Coloniale, votée par le parlement belge. De cette date à 1960, pendant 52 ans, les Belges ont donc dirigé le pays de la même manière que les Anglais gouvernaient le Soudan et la Zambie, les Français le Congo et la Centrafrique, et les Portugais l’Angola.
3.1. Au temps colonial
Sous la colonisation, c’est le gouvernement belge et, en particulier, son ministre des colonies, qui était responsable de l’administration du Congo belge. La Charte coloniale faisait office de constitution, c’est-à-dire de loi principale. En Belgique, au sein du Gouvernement, les affaires du Congo relevaient du ministère des Colonies dont le premier responsable fut Jules Renkin. Au Congo, la Belgique était représentée par un Gouverneur général qui était le chef et le vrai responsable de l’administration de la colonie. Il avait sous ses ordres les Gouverneurs de province, les Commissaires de District et les Administrateurs de Territoire. L’exécutif colonial disposait, pour le conseiller, d’un réseau d’organes de consultation, mais dont le principal défaut était de ne pas faire appel aux congolais eux-mêmes. C’est quelques années seulement avant l’indépendance, qu’ils ont pu en faire partie. Mais le Conseil de gouvernement, comme les Conseils de Province, de District, de Territoire ou de Centre-Extra Coutumier ne pouvaient que donner des avis. La décision revenait aux seuls fonctionnaires coloniaux. La gestion de la colonie Congo n’avait donc rien de démocratique, puisque les Congolais en étaient exclus. Certaines populations locales se sont révoltées contre cette politique parce que, en organisant le pays dans leur intérêt, les Belges leur imposaient beaucoup d’obligations. L’armée de la colonie, appelée la Force Publique, était là pour réprimer ces révoltes et contraindre les populations aux travaux obligatoires et aux recrutements forcés.
Après la seconde guerre mondiale, les élites du pays, appelées les Évolués, se sont mises, elles aussi, à manifester leur mécontentement dans le cadre de leurs réseaux associatifs. Elles s’insurgeaient contre l’injustice sociale et des discriminations pratiquées dans la colonie. Le refus de l’administration coloniale de leur permettre de prendre part à la gestion du pays, l’influence grandissante des idées anticolonialistes dans le monde et les expériences de décolonisation en cours dans certaines autres colonies d’Afrique sont autant de raisons qui les ont finalement conduits à réclamer, elles aussi, l’indépendance. Le point culminant a été les émeutes du 4 janvier 1959 à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa), qui ont fini par faire prendre conscience aux Belges qu’il était grand temps de changer de politique. Par une déclaration publique, le roi Baudouin annonça le 13 janvier 1959 la marche du Congo vers l’indépendance.
3.2. La décolonisation en marche.
La table ronde politique, qui regroupa les leaders politiques congolais à Bruxelles du 20 janvier au 20 février 1960, parmi lesquels les premiers animateurs du pays notamment, Joseph Kasa-Vubu, Patrice Emery Lumumba et Moïse Tshombé, est la conférence qui a décidé de la date de l’indépendance, le 30 juin 1960. Il restait à en accélérer les préparatifs car la tâche était immense. Après les questions politiques, on tenta, en effet, de résoudre les problèmes complexes liés à la situation économique et sociale de l’ancienne colonie. Mais en avril -mai 1960, lors de la table ronde économique qui a eu lieu également à Bruxelles, le résultat fut moins satisfaisant. Et dans les années qui suivirent, la question allait à nouveau être mise sur le tapis, à plusieurs reprises, sous le signe du contentieux belgo-congolais.
Il fallait une nouvelle disposition constitutionnelle, en remplacement de la Charte Coloniale, pour permettre au futur Congo indépendant de fonctionner. Le 19 mai 1960 est promulguée une première disposition, sous le nom de Loi fondamentale relative aux structures du Congo ; elle est suivie, le 17 juin, de la promulgation de la Loi fondamentale relative aux libertés publiques ; les deux Lois fondamentales formant la Constitution provisoire de l’Etat du Congo.
Première Constitution du Congo indépendant, cette loi présentait l’inconvénient d’être une œuvre du Parlement belge et d’être à l’image de sa Constitution. Dans son contenu, le roi était simplement remplacé par un Président de la République désigné par le parlement. Comme le Roi des Belges, ce Président représentait le pays mais ne gouvernait pas. La gestion du pays était confiée aux ministres, conduits par un Premier ministre, et responsables, comme lui, devant le Parlement. Ce dernier était composé de la Chambre des Représentants et du Sénat. Dans cette dernière assemblée, les provinces étaient représentées mais sans tenir compte de l’importance de leur population. A la Chambre, par contre, le nombre des représentants était proportionnel à la population de chaque province. Le Parlement représentait le peuple congolais et était supposé être le grand responsable de la politique dans le pays. Il y avait aussi des juges qui étaient indépendants du gouvernement et devaient garantir que tous les Congolais soient bien traités également sans que le gouvernement n’abuse de son pouvoir.
4 ¦ Les premières années de l’indépendance
L’indépendance a été proclamée à Léopoldville, le 30 juin 1960, par le Roi des Belges, Baudouin Ier. Joseph Kasa-Vubu est le Président de la République et Patrice Lumumba Premier ministre. Mais quelques jours plus tard, les soldats de la Force publique se sont révoltés. En réaction, la Belgique, sans concertation avec le gouvernement de Lumumba, décide de faire intervenir des soldats belges au Congo. C’est la rupture diplomatique entre les deux pays. A la demande du gouvernement congolais, les troupes belges sont remplacées par des soldats des Nations-Unies, les « Casques bleus », provenant principalement d’autres pays africains, Ethiopie, Ghana, Nigeria et Maroc. Ces mutineries de la Force Publique ont eu surtout pour conséquence le départ précipité des fonctionnaires belges qui avaient choisis de rester sur place pour aider la nouvelle administration congolaise. Et comme les Belges n’avaient pas suffisamment formé de cadres congolais à diriger le pays, la situation est devenue fort difficile pour le nouveau gouvernement congolais. Mais d’autres éléments de crise allaient se manifester.
4.1. La crise congolaise
D’abord, la province du Katanga, se sépare, le 11 juillet, du reste du pays dirigée qu’elle était par Moïse Tshombe qui n’était pas un ami de Lumumba. Tshombe était conseillé par des Belges. Certains parmi eux étaient opposés à Lumumba et d’autres espéraient conserver, pour eux et leurs amis congolais, les richesses de la province. Peu après, le 8 août, Albert Kalonji Ditunga, conseillé de la même manière, prend la même initiative de sécession pour ce qui concerne le Sud-Kasaï. A Kinshasa, la situation n’est pas plus calme. Le Président Kasa-Vubu et le Premier ministre Lumumba ne s’entendent plus sur la manière de gouverner le pays. Le Président Kasa-Vubu, soutenu par l’armée commandée par le Colonel Joseph-Désiré Mobutu, révoque le Premier Ministre, le 5 septembre, et ce dernier déclare révoquer à son tour le Président.
Dans cette confusion, le 14 septembre 1960, le colonel Mobutu neutralise l’ensemble de l’exécutif et met en place un Collège de Commissaires généraux pour gérer l’État. Arrêté, le Premier ministre Lumumba est envoyé au Katanga où il est tué, le 17 janvier 1961. C’en était trop ! Les partisans de Lumumba, qui s’étaient regroupés à Kisangani sous la conduite d’Antoine Gizenga, vice-premier ministre du gouvernement Lumumba, décident alors de ne plus accepter l’autorité du gouvernement de Léopoldville et forment leur propre gouvernement, à Kisangani, après avoir proclamé l’existence d’une République libre du Congo. On assiste à l’existence de deux Républiques congolaises, chacune dotée d’un corps diplomatique l’assurant d’une certaine caution internationale mais installées dans deux capitales différentes, Kinshasa et Kisangani.
Le Conclave de Lovanium, qui regroupa tous les élus des années 60 mit fin à ce bicéphalisme, par la mise en place d’un gouvernement d’union nationale présidé par l’ancien syndicaliste, Cyrille Adoula. Deux années plus tard, en janvier 1963, la sécession katangaise était terminée. Mais l’éclatement de la révolution de Pierre Mulele, en juillet de la même année dans le Kwilu et, surtout, le développement rapide du même type de maquis dans l’Est du pays, mené par des Lumumbistes comme Christophe Gbenye, Laurent-Désiré Kabila, Gaston Soumialot et Nicolas Olenga, dans le Nord-Katanga, le Kivu-Maniema et le Sankuru, finissent par faire la preuve de la vulnérabilité des accords de Lovanium. Le pays est à nouveau divisé en deux puisqu’une République Populaire du Congo, distincte de celle de Kinshasa, est à nouveau proclamée à Kisangani. Moïse Tshombe, devenu Premier ministre en 1964, y met fin avec l’appui des pays occidentaux.
4.2. La Première Constitution du Congo décolonisé.
Durant cette période de grande tension et malgré les conflits intérieurs et la poursuite de la contestation lumumbiste sous le signe des rébellions, la Commission Constitutionnelle mise en place à Luluabourg (aujourd’hui Kananga) par le Président Kasa-Vubu travaille. Elle prépare la première véritable Constitution du pays qui doit remplacer la Loi Fondamentale. Soumise au référendum, cette disposition est promulguée le 1 août 1964. Cette Constitution de Luluabourg, qui consacre, pour la première fois, l’appellation de « République Démocratique du Congo », était fort différente de la précédente en ce qu’elle prônait l’existence d’un Etat fédéral dans lequel les provinces avaient beaucoup à dire. Il était même précisé, en son article 178 que la terminologie d’Etat fédéral serait utilisé à partir de la troisième législature partant de l’entrée en vigueur de ladite Constitution. Le Président devait être élu par les Chambres réunies en Congrès. Les responsabilités du gouvernement étaient, quant à elles, partagées entre le gouvernement central à Léopoldville et les gouvernements des provinces. Dans chacune de celles-ci était prévu, en effet, un gouvernement provincial et une assemblée provinciale, fonctionnant sur le modèle central.
Malheureusement, à l’avènement de la Constitution succède une crise politique. Lorsqu’il est question d’élire le Président de la République, en 1965, Kasa-Vubu décide d’être candidat, de même que son Premier ministre, Moïse Tshombe. Comme ce dernier dispose d’une majorité dans le nouveau Parlement, il est crédité d’avance gagnant. Mais le Président refuse de se laisser aller au fatalisme. Décidé à se battre jusqu’au bout, il révoque le Premier ministre et propose au Parlement, en remplacement, la candidature d’Evariste Kimba. Le Parlement refuse. Mais le Président s’entête et désigne à nouveau le même candidat. Une fois de plus, on est en présence d’un blocage institutionnel à cause du conflit entre Président et Premier ministre. L’inattendu se produit alors. L’armée prend le pouvoir, chasse les deux prétendants et proclame son commandant en chef, Joseph-Désiré Mobutu, Chef de l’État, pour cinq ans.
5 ¦ Résumé
- Durant la colonisation belge, c’est la Charte coloniale qui fait office de constitution. Elle est votée par le parlement belge le 18 octobre 1908. Au sein du gouvernement belge, un ministre des colonies est chargé des affaires coloniales. Au Congo, la Belgique est représentée par un Gouverneur général qui avait beaucoup de pouvoir. Sous ses ordres se trouvaient des gouverneurs de province, des commissaires de district, et des administrateurs de territoire. L’ensemble de l’administration était aux mains des Belges.
- Au moment de l’indépendance, on remplace la Charte coloniale par les deux Lois fondamentales : Loi fondamentale relative aux structures du Congo du 19 mai 1960, et la Loi fondamentale relative aux libertés publiques du 17 juin 1960. Première constitution du pays indépendant, elle est l’œuvre du parlement belge, et calque la constitution belge. Le président, comme le roi des Belges, représente le pays mais ne gouverne pas. C’est le premier ministre qui détient véritablement le pouvoir.
- La constitution de Luluabourg de 1964 est la première constitution du Congo décolonisé. Pour la première fois, un texte consacre l’appellation de « République démocratique du Congo ». Cette constitution prévoit que le président doit être élu par les Chambres réunies en congrès. Les responsabilités du gouvernement étaient partagées entre Léopoldville et les provinces. Toutefois, une crise politique succède à l’avènement de la constitution, et l’armée prendre la pouvoir. Joseph Mobutu, son commandant sera proclamé chef de l’État pour cinq ans.