L’indépendance du Congo

Par Benjamin Hennon,

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Démontrer que dès le début de la colonisation, le mouvement vers l’indépendance s’est enclenché.
  • Citer les différentes formes de contestation coloniale avant la Seconde Guerre mondiale.
  • Expliquer pourquoi le colonisateur belge a organisé l’indépendance du Congo dans la précipitation.

2 ¦ Introduction

Le Congo, colonisé par Léopold II en 1885, puis par la Belgique en 1908 va connaitre son indépendance en 1960. Dés le début de la colonisation, il existe plusieurs formes de résistances. Ces mouvements de résistance, au Congo, prennent le plus souvent la forme de mouvements messianiques qui suscitent des troubles. Jusque dans les années 1950, il n’y a pas d’organisations politique qui structurent les mouvements de contestation dans la voie d’une émancipation politique. La Belgique se convainc que les Congolais sont incapables de gérer le pays seuls, et met tout en œuvre pour retarder l’inévitable. En 1958, il ne fait plus aucun doute quant à la volonté des Congolais de prendre en main leur destin loin de l’oppression coloniale. Dès lors, l’indépendance sera organisée dans la précipitation par la Belgique.

3 ¦ Troubles et résistances avant la Seconde Guerre mondiale

L’indépendance proclamée du Congo en 1960 est l’aboutissement de multiples processus sociaux, culturels, religieux et politiques qui remontent loin dans le passé.

L’annexion du Congo par la Belgique en 1908 n’a pas fait disparaitre la violence, le racisme, et les mouvements de résistance à la colonisation. La résistance va, au contraire, s’amplifier à la suite de la Première Guerre mondiale pendant laquelle les Congolais ont été lourdement mis à contribution en fournissant des matières premières aux alliés, dans les conditions épouvantables du travail forcé. Des Congolais vont également participer à des campagnes militaires contre les colonies allemandes.

Paul Otlet (1868 - 1944), créateur de la classification décimale universelle (CDU) est également un militant anticolonial.source: CEC-Bokundoli

Dès 1921, dans la région du Bas-Congo, où la présence coloniale est très marquée, Simon Kimbangu se présente comme un prophète venu pour libérer les peuples du Congo et la race noire du monde entier. Il déclare : «  j’étais envoyé pour libérer les peuples du Congo et la Race noire du Monde. L’Homme noir deviendra blanc et l’Homme blanc deviendra Noir. » Ses prédications ont du succès, et il commence à être suivi par de nombreuses personnes. Kimbangu représente une menace pour le pouvoir colonial qui l’arrête et le condamne à mort. Toutefois, la sentence est commuée en détention à perpétuité. La relégation du Prophète et de ses disciples à travers le Congo, loin de leurs terres natales, contribue paradoxalement à multiplier le nombre de ses disciples.

Paul Panda Farnana (1888 - 1930) est l'un des rares Congolais à avoir combattu au sein de l'armée belge en Europe. Il militera en Belgique contre la colonisation.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Panda_Farnana_enlisted_in_the_Belgian_army_in_1914_(cropped_photo).png

En 1921, le deuxième Congrès panafricain, d’inspiration anticolonialiste choisit de se réunir à Bruxelles sous la direction du Noir américain W.E.B. Du Bois. Le choix de la Belgique n’est pas anodin. Il fait suite aux critiques d’avant-guerre contre le régime brutal de Léopold II. Paul Panda Farnana (1888-1930),  agronome congolais formé en Belgique, y prend une part active ainsi que Paul Otlet (1868 – 1944), Belge anticolonialiste. Farnana est l’un des rares Congolais à avoir participé à la Première Guerre mondiale au sein de l’armée belge, dans une section congolaise. Farnana se voit en porte-parole du Congo belge à Bruxelles, et tente de sensibiliser les politiques et le grand public à la cause congolaise, en publiant de nombreux articles dans la presse, ainsi que des livres.

En 1927, Bruxelles est de nouveau choisie pour accueillir le « Congrès international contre l’oppression coloniale et l’impérialisme »  organisé par les communistes européens. Les représentants de ce congrès soutiennent Simon Kimbangu. Pour la première fois, des Africains et des Européens se retrouvent ensemble pour condamner la colonisation.

Le monde paysan congolais, connu pour ses manœuvres en vue d’échapper aux contrôles permanents de l’administration, entre à son tour sur la scène.  Écrasés par des impôts incessants et trop lourds, soumis à un rythme de travail épuisant pour la production de l’huile de palme dans les plantations des Huileries du Congo belge, les paysans du Kwango se soulèvent en 1931. L’évènement est connu comme « la révolte des Pende ». L’insurrection sera matée brutalement par le pouvoir colonial et fera au minimum 500 morts. Cette révolte alimentera la mémoire collective et servira de référence à d’autres insurrections.

Tout au long de la colonisation, les populations se révoltent de manière sporadique. Il faudra attendre les années 1950, pour qu’une organisation politique vienne structurer les mouvements.

4 ¦ Seconde Guerre mondiale et révoltes populaires

La Seconde Guerre mondiale est un moment d’accélération dans la décolonisation. La Belgique est occupée par l’Allemagne nazie et le gouvernement belge s’est réfugié à Londres. Le Congo va être soumis à une lourde pression afin de participer à l’effort de guerre. Des soldats vont être envoyé en Éthiopie, en Birmanie, à Madagascar. Le travail forcé qui n’avait pas disparu est amplifié afin de fournir les alliés en matières premières. L’uranium qui va servir aux bombes atomiques lâchées sur Hiroshima et Nagasaki provient des mines du Katanga. Les mauvaises conditions vont entrainer des mouvements de révolte, des grèves et des insurrections paysannes. Toutes seront matées violemment par le pouvoir colonial.  Parmi les principaux mouvements sociaux, on peut relever la grève générale des travailleurs de l’UMHK (Union Minière du Haut-Katanga), la plus grande entreprise coloniale, à Jadotville (Likasi), et à Élisabethville (Lubumbashi) en 1941 ; la mutinerie de Luluabourg (Kananga) en 1944 et la grève des dockers du port de Matadi en 1945-1946.

5 ¦ Le contexte socio-économique de l’après-guerre

Le radicalisme du peuple, durant la Seconde Guerre mondiale, tranche avec la modération des revendications exprimées par les « évolués », selon la terminologie coloniale. Il s’agit de petits fonctionnaires que le colonisateur prend plaisir à opposer aux « sauvages de la brousse ». Les « évolués » souhaitent surtout une amélioration de leur propre statut. Le colonisateur refuse de faire participer les Congolais au pouvoir, même dans les échelons les plus bas. Et devant la demande des « évolués » d’une plus grande participation, les Belges décident alors de renforcer l’influence de la chefferieFrustrés, les évolués vont se politiser et se radicaliser dans les années 1950.

Les évolués en congé.source: HO.2013.57.1014, collection MRAC Tervuren ; photo MRAC Tervuren Matanda. Les évolués en Conge 1956. Droits réservés.

Le radicalisme du peuple, durant la Seconde Guerre mondiale, tranche avec la modération des revendications exprimées par les « évolués », selon la terminologie coloniale. Il s’agit de petits fonctionnaires que le colonisateur prend plaisir à opposer aux « sauvages de la brousse ». Les « évolués » souhaitent surtout une amélioration de leur propre statut. Le colonisateur refuse de faire participer les Congolais au pouvoir, même dans les échelons les plus bas. Et devant la demande des « évolués » d’une plus grande participation, les Belges décident alors de renforcer l’influence de la chefferieFrustrés, les évolués vont se politiser et se radicaliser dans les années 1950.

Les conditions de vie des Congolais sont assez mauvaises. Devant la pression de l’ONU, et afin de suivre le mouvement initié par les autres colonisateurs, la Belgique développe un Plan décennal (1949-1959) afin d’améliorer les conditions de vie des Congolais. Le plan va provoquer une forte croissance, et va consolider l’infrastructure économique de la colonie,  toutefois il n’est pas parvenu à remédier aux déséquilibres et à la vulnérabilité de l’économie congolaise. Le pays est toujours obligé d’importer des denrées alimentaires jusqu’à l’indépendance, et au-delà. Le coût des réformes est élevé, car en dehors de la croissance économique, rien n’a jamais vraiment été entrepris pour le bien-être des populations.  De plus, ce cout élevé des réformes sera supporté par le Congo seul, laissant les économies de la colonie dans un mauvais état au moment de l’indépendance.

Les conditions de vie des Congolais sont assez mauvaises. Devant la pression de l’ONU, et afin de suivre le mouvement initié par les autres colonisateurs, la Belgique développe un Plan décennal (1949-1959) afin d’améliorer les conditions de vie des Congolais. Le plan va provoquer une forte croissance, et va consolider l’infrastructure économique de la colonie,  toutefois il n’est pas parvenu à remédier aux déséquilibres et à la vulnérabilité de l’économie congolaise. Le pays est toujours obligé d’importer des denrées alimentaires jusqu’à l’indépendance, et au-delà. Le coût des réformes est élevé, car en dehors de la croissance économique, rien n’a jamais vraiment été entrepris pour le bien-être des populations.  De plus, ce cout élevé des réformes sera supporté par le Congo seul, laissant les économies de la colonie dans un mauvais état au moment de l’indépendance.

À partir de 1955, on assiste à une accélération du processus d’indépendance.  Les liens traditionnels entre l’État, l’Église et les entreprises privées commencent à se défaire pour de multiples raisons, propres au contexte belge, et international. Le contexte économique et social se détériore à partir de 1957, en particulier à cause d’une forte croissance démographique, et à l’augmentation de l’exode rural. De plus, le contexte africain et les indépendances comme celle du Ghana en 1957 commencent à produire leur effet dans la colonie belge. Toutefois la Belgique refuse toujours de voir l’évidence. Des Congolais vont commencer à prendre position, et un auteur comme Paul Lomami Tshibamba est obligé de s’exiler à Brazzaville pour publier son roman qui est une critique de la colonisation.

6 ¦ L’accélération de l’histoire

Au Congo, le mouvement d’indépendance s’accélère. L’influence de l‘Église kimbanguiste s’étend de plus en plus. Dans les années 1950, son message est plus politique et elle possède des possibilités d’action élargies. En 1956, alors que les mouvements d’indépendance s’accélèrent dans les colonies britanniques et française, Jef Van Bilsen va publier, dans une revue catholique belge, une proposition de plan d’émancipation de 30 ans pour le Congo. Ce plan va connaitre un retentissement en Belgique, et au Congo. Il entraine la stupeur dans les milieux coloniaux, et suscite différentes réactions parmi les Congolais. Cette idée d’émancipation, formulée par un Belge, est accueillie favorablement, mais le délai parait  trop important.

Suite à la publication du plan, la revue Conscience Africaine publie un manifeste qui est favorable sur le principe au plan de Van Bilsen. Le manifeste estime que l’avenir du Congo réside dans  « la synthèse de notre caractère et de notre tempérament africain avec les richesses foncières de la civilisation occidentale »Toutefoisl’Abako (Association des Bakongo)  publie un contre-manifeste dans lequel elle se montre intransigeante, et ne veut pas attendre 30 années de plus pour obtenir l’indépendance. À ces mouvements  chrétiens, vient s’ajouter un mouvement plus radical : le MNC (Mouvement national congolais) fondé par Patrice Lumumba en 1958. Rare parti congolais à avoir une base nationale. La plupart des formations ont une assise régionale. Lumumba déclare : « L’indépendance que nous réclamons ne doit pas être considérée par la Belgique comme un cadeau qu’elle nous ferait. Il s’agit de la jouissance d’un droit que le peuple congolais avait perdu. » De nombreux autres partis politiques vont apparaitre.

7 ¦ Le 4 janvier 1959, événement fondateur

Des émeutes éclatent dans plusieurs endroits au Congo en 1959.source: HP.1959.28.68, collection MRAC Tervuren ; photo C. Lamote (Inforcongo), 1959, MRAC Tervuren ©

Le 4 janvier 1959, des émeutes éclatent à Léopoldville (Kinshasa) suite à l’interdiction d’un meeting de l’Abako. Elle entraineront trois jours de pillages qui feront officiellement 42 morts et 250 blessés parmi les Congolais. Des grèves et des insurrections éclatent partout. De plus en plus de Congolais refusent de payer l’impôt. Des leaders congolais comme Kasavubu et Lumumba sont arrêtés.

La Belgique ne sait pas quoi faire face à cette accélération de l’histoire. L’africanisation des cadres de l’armée et de l’administration a seulement commencé. La Belgique ne veut pas recourir à la force pour rétablir l’ordre dans sa colonie. Les exemples français avec l’Algérie notamment ne l’incitent pas à aller dans cette voie. Elle doit dialoguer avec les Congolais.

8 ¦ Les Tables rondes de Bruxelles

Après réflexion, la Belgique décide d’organiser deux conférences avec les représentants congolais afin de mettre en œuvre l’indépendance du Congo. Les Belges ne préparent pas beaucoup ces réunions, car ils misent sur les faibles connaissances politiques des Congolais, et sur les divisions entre Congolais.

Après un long combat, les Congolais obtiennent l’indépendance de leur pays.source: HP.1959.28.821, collection MRAC Tervuren ; photo J. Makula (Inforcongo), 1959, MRAC Tervuren ©

A. La Table ronde politique (20 janvier – 20 février 1960)

La Table ronde politique réunit des représentants belges et congolais. Les Congolais font bloc en créant un front commun et demandent la libération de Patrice Lumumba. Cette réunion constitue l’étape décisive du transfert de la souveraineté aux Congolais par le pouvoir colonial belge. C’est là que l’on fixe la date du 30 juin 1960 comme jour de l’indépendance totale du Congo. On élabore également les structures du futur État, maintenu dans ses frontières de 1885.

En 1960, à Bruxelles, lors de la Table ronde politique, les Congolais s’organisent en front commun.source: HP.1960.4.86, collection MRAC Tervuren ; photo R. Stalin (Inforcongo), 1960, MRAC Tervuren ©

La Belgique va essayer de maintenir son influence. Elle propose le roi Baudouin comme nouveau chef de l’État, ce qui sera refusé, puis propose de garder certaines compétences, ce qui sera aussi refusé. Se rendant compte que cette démarche ne porte pas ses fruits, les autorités belges vont alors décider de s’appuyer sur certains politiques congolais favorables à leurs intérêts afin de pouvoir continuer à dicter leur volonté après l’indépendance.

B. La Table ronde économique, financière et sociale (26 avril – 16 mai 1960)

La Table ronde économique, financière et sociale ne connait pas la même affluence, les principaux leaders ayant regagné précipitamment le Congo en vue de préparer les élections. La discussion de ces dossiers cruciaux est confiée à des conseillers congolais, pour la plupart des étudiants  vivant en Belgique, sous l’influence des politiciens, financiers et experts belges. Les négociations n’aboutissent pas et la question centrale du système économique est reportée à plus tard.

9 ¦ L’indépendance du 30 juin 1960

Les élections organisées dans un climat de fièvre politique consacrent la victoire du MNC, et Lumumba devient Premier ministre. Il doit former le nouveau Gouvernement. Lumumba va détenir l’essentiel du pouvoir exécutif. Joseph Kasa-Vubu devient, lui, président de la République du Congo, dans un rôle plus effacé.

Le 30 juin 1960, au Palais de la Nation à Léopoldville, en présence du roi Baudouin, et du président Joseph Kasa-Vubu, l’indépendance du Congo est enfin proclamée. Au cours de cette cérémonie, le roi Baudouin et le président Joseph Kasa-Vubu lisent les discours prévus au programme du jour et vantent les mérites de la colonisation belge. De manière inattendue et à la surprise générale, le premier ministre Patrice Lumumba lit un discours qu’il avait secrètement préparé et qui dresse un bilan critique du système colonial. Lumumba apparait de plus en plus aux yeux des Belges, et des Occidentaux comme un danger pour leurs intérêts.

Le 30 juin 1960, alors que ce n’était pas prévu, Lumumba va tenir un discours qui dénonce la colonisation.source: HP.1960.4.622, collection MRAC Tervuren ; photo J. Makula (Inforcongo), 1960, MRAC Tervuren ©

Le jour de l’indépendance, de grands défilés hauts en couleur sont organisés partout, jusque dans les moindres villages. Partout, les Congolais célèbrent l’indépendance au rythme de la chanson ‘Indépendance cha cha’ du chanteur Joseph Kabasele, qui avait suivi à Bruxelles les travaux de la Table ronde politique, accompagné de son orchestre ‘African Jazz’.

Alors que la transition du pouvoir s’effectue de manière pacifique, les lendemains de l’indépendance vont entrainer le pays dans une guerre civile (mutinerie de la Force publique, sécession du Katanga, et du Kasaï, assassinats politiques).

10 ¦ Résumé

Tandis que l’Afrique est partout secouée par les soubresauts de l’indépendance, le gouvernement belge qui n’a ni envisagé ni planifié l’émancipation politique de sa colonie, sous forme d’un régime de transition, est surpris par les émeutes du 4 janvier 1959 dans la capitale. Celles-ci sonnent le glas de la colonisation belge.

L’indépendance du pays est prononcée le 30 juin 1960, avec un parterre d’invités dont la délégation belge conduite par le roi des belges et les officiels Congolais. Cette indépendance est le fruit d’un long processus à la fois culturel, social, religieux, politique et économique. Elle est très bien accueillie par de nombreux Congolais qui espéraient qu’une ère nouvelle de bonheur, de paix et de développement va commencer.

Cependant, miné par les actions subversives des anciens colonisateurs et par les convoitises et les menées souterraines des grandes puissances, le Congo indépendant devient un espace géostratégique où vont se jouer les luttes entre blocs idéologiques dans le contexte de la guerre froide.

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La décolonisation de l’Afrique

Par Benjamin Hennon,

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Expliquer les facteurs favorables à la décolonisation des Etats africains.
  • Discuter des différentes décolonisations selon les régions africaines.
  • Expliquer ce qu’est le panafricanisme, et l’intérêt qu’il comporte toujours de nos jours.
  • Expliquer la particularité du nationalisme en Afrique.
  • Démontrer que la décolonisation n’est pas un cadeau fait par les colonisateurs, mais un long combat des Africaines, et des Africains.

2 ¦ Introduction

La décolonisation désigne le processus de changement multiforme par lequel le peuple d’un pays colonisé use de tous les moyens pour se débarrasser de la domination et de l’exploitation étrangères. Cette émancipation résulte, selon le cas, de la violence (émeutes, insurrections, lutte armée, guerre de libération) ou de méthodes non violentes mobilisées par des partis politiques ou des mouvements sociaux.

Au XXe siècle, la décolonisation va commencer en Asie après la Seconde Guerre mondiale, et va gagner l’ensemble du continent africain. Elle est le fait des femmes et des hommes qui ont résisté et milité pour obtenir leur indépendance. Des facteurs internes et externes permettent de comprendre cet évènement important du XXe siècle.

Les pays africains vont obtenir leur indépendance, principalement autour de 1960.

3 ¦ Les facteurs favorables à la libération des peuples africains

3.1. Les peuples africains et le « nationalisme »

Dès le XIXe siècle, les peuples africains ont fait preuve de résistance face à la colonisation européenne. Des résistances, et des révoltes armées voient le jour durant toute la période coloniale, et dans toute l’Afrique. Des résistances « passives » comme le fait de ne pas respecter les règles imposées par le colonisateur, de fuir le travail forcé, de perpétuer les coutumes anciennes malgré leur interdiction sont aussi présentes durant toute la période coloniale. Elles sont l’œuvre des anciennes élites qui ont perdu leur pouvoir à cause de la colonisation, ou des peuples de manière générale qui ne supportent pas la domination européenne.

Aimé Césaire est à la base du concept de "négritude"source: https://commons.wikimedia.org

Toutefois, ces résistances, et ces révoltes ne sont pas organisées à grande échelle, mais se situent à des niveaux locaux, et rarement au même moment. Il faut attendre la Seconde Guerre mondiale, et les années 1950, pour qu’une organisation politique « nationaliste » vienne véritablement structurer les résistances et les révoltes en Afrique. La conscience nationale n’existe pas avant cette période (et même parfois encore après l’indépendance), car les frontières des colonies ne tiennent pas compte, à de rares exceptions, des structures politiques préexistantes.

La formation scolaire va entrainer l’apparition d’une classe d’intellectuels qui n’hésitera pas à retourner contre les colonisateurs les acquis intellectuels et idéologiques qu’ils leur ont fournis, surtout dans les années 1950. Ce sera principalement le cas dans les colonies britanniques, puis françaises et néerlandaises. Les Belges et les Portugais, eux, limiteront au maximum le développement d’un enseignement (secondaire et supérieur) afin de ne pas être confrontés, pensent-ils, à ces problèmes. Ces intellectuels qui se trouvent en Afrique et en Europe créent des partis politiques, des syndicats, et des associations culturelles. À Paris, par exemple, une diaspora d’étudiants africains, proches de la gauche politiquement (ensemble des groupes, et partis favorables à l’application maximale des réformes démocratiques, politiques, sociales, et à la solidarité internationale), édite des revues, des journaux, et élabore le concept de négritude. Toutefois, lors de l’apparition de partis, et des journaux. Le pouvoir colonial  réagit par la répression,  et par l’arrestation des leaders.

3.2. Le panafricanisme

Le panafricanisme est courant de pensée et un mouvement dont le premier congrès se tient en 1900 à Londres lors d’une conférence organisée par le Noir américain William E. B. Du Bois. À l’origine le mouvement entend défendre la « race africaine » aussi bien en Afrique que dans le reste du monde. Par la suite, il militera pour la création d’une unité africaine aussi bien politiquement qu’économiquement.

On distingue habituellement deux grandes périodes du panafricanisme. De 1900 aux années 1945, et de 1945 à 1963.  La première période est surtout le fait de Noirs de la diaspora et principalement des États-Unis. Le mouvement va toucher les Africains à partir de 1920, mais surtout dans les colonies britanniques, car certains, dont Kwame Nkrumah (futur leader du Ghana indépendant), vont étudier aux États-Unis, et en Grande-Bretagne et répandent les idées sur le continent africain. Dans les colonies belges, et portugaises, avant la Seconde Guerre mondiale, les colonisés n’ont pas le doit de circuler en dehors des colonies. Dès lors les idées panafricanistes ne se diffusent pas. Dans les colonies françaises, le mouvement sera également limité malgré une plus grande mobilité vers la métropole. Avant la Seconde Guerre mondiale, le mouvement ne parle pas d’indépendance africaine, mais lutte contre les discriminations raciales (notamment aux États-Unis), prône l’amélioration des conditions de vie, et le de développement intellectuel des Noirs du monde entier. La Première Guerre mondiale change la donne. Une partie du mouvement reste attaché aux premiers principes comme Du Bois, mais deux nouveaux courants apparaissent : un, animé par le Jamaïquain Marcus Grey préconise le retour à la « mère patrie » africaine pour les Noirs, l’autre, représenté par George Padmore, est très influencé par le communisme. Toutefois, le courant panafricaniste dominant reste modéré. Le mouvement agit comme un groupe de pression auprès des partis politiques, et des gouvernements.

Kwame Nkrumah (1909 - 1972) prend la tête du mouvement panafricain après la Seconde Guerre mondiale.source: https://commons.wikimedia.org

La deuxième période, à partir de 1945, commence avec le Congrès panafricain de Manchester. Le mouvement panafricaniste revendique l’autonomie et l’indépendance pour les Africains. Kwame Nkrumah et George Padmore prennent la tête du mouvement. Le panafricanisme ne s’intéresse plus aux seuls Noirs, mais devient un projet politique intégrant l’ensemble du continent africain. Pour Nkrumah, l’unité de toute l’Afrique est nécessaire économiquement, et politiquement. Économiquement, l’Afrique serait plus forte avec une prise de décision à l’échelle du continent, ce qui permettrait d’éviter les concurrences néfastes et profiterait à toutes les régions du continent. Politiquement, cela permettrait d’éviter au moment des indépendances, un néo-colonialisme et la main mise des puissances étrangères  sur les pays nouvellement indépendants. Toutefois, la vision de Nkrumah n’est pas partagée par l’ensemble du mouvement, et des Africains.

Les colonisateurs, eux, sont hostiles au panafricanisme, car il peut créer une lutte commune anticoloniale, et affaiblirait la mainmise de ces pays sur les anciennes colonies lors de leur indépendance. La France, notamment, met la pression sur les dirigeants africains comme Houphouët-Boigny pour ne pas rejoindre le mouvement. Senghor, lui, cultivera le panafricanisme sur le plan culturel.

Différentes visions s’opposent sur le panafricanisme une fois les indépendances obtenues vers 1960. Certains soutiennent Nkrumah, d’autres sont plus modérés. C’est ce dernier courant qui l’emporte. En 1963, au Sommet d’Addis-Abeba, on s’accorde sur la nécessité d’une concertation entre États africains, mais aussi peu contraignante que possible, les frontières coloniales sont considérées comme intangibles, et on condamne l’ingérence dans les affaires intérieures des États.

3.3. Les deux guerres mondiales, l’ONU, et le nouvel ordre mondial

A. Les deux guerres mondiales
Des troupes africains vont se battre pour les Britanniques au Myanmar.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:African_Troops_in_Burma_during_the_Second_World_War_SE1884.jpg

Pendant la Première Guerre mondiale, des soldats africains vont combattre pour la Grande-Bretagne et pour la France en Europe. La plupart seront enrôlés de force, et se mutineront à plusieurs reprises. La Belgique refuse d’employer des soldats noirs sur son sol. Les soldats vont constater que le Blanc qu’on leur présentait comme invincible et supérieur, peut, non seulement être battu, mais n’est pas plus fort qu’eux. Certaines promesses du colonisateur pour inciter les Africains à combattre ne seront pas tenues après le conflit, ce qui suscitera de la rancœur, mais on n’assiste pas à la naissance d’un véritable mouvement indépendantiste.

La Seconde Guerre mondiale va par contre marquer un tournant dans la décolonisation. Les combats gagnent l’Afrique, et les Africains contribuent encore plus, en termes de soldats, mais aussi de matières premières à alimenter le conflit. Les défaites françaises, belges, et britanniques montrent à quel point les Européens sont fragiles, loin de l’image invincible qu’ils défendent. Le travail forcé est imposé dans la plupart des colonies, ce qui provoque des révoltes qui seront matées dans le sang. Des mouvements « nationalistes » se développent dans les différentes colonies. De nouvelles promesses non tenues vont alimenter la rancœur et le désir de s’émanciper de la tutelle européenne. En Asie, d’ailleurs, le lendemain de la Guerre entraine des guerres d’indépendance, notamment en Indonésie, et en Indochine.

B. L’ONU

La Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 contient des principes favorables à la promotion des droits des peuples et à la protection des libertés fondamentales. Toutefois, la France parvient à interdire toute intervention de la part de l’ONU dans les affaires intérieures des États. À ces débuts, l’ONU n’occupe donc qu’une place modeste dans la décolonisation. Toutefois, les colonies s’appuient sur la charte de l’ONU pour justifier leur lutte.  Avec l’accession de plus en plus importante d’anciennes colonies à l’indépendance après la Seconde Guerre mondiale et surtout autour de 1960, le nombre de pays anciennement colonisés augmente à l’ONU qui devient alors une tribune pour l’anticolonialisme. Ces pays se rassemblent et parviennent à mettre en place « Le Comité de décolonisation » qui œuvre à la décolonisation des territoires toujours soumis à l’autorité occidentale.

C. Le nouvel ordre mondial

La fin de la Seconde Guerre mondiale consacre l’avènement des deux grands vainqueurs du conflit : les États-Unis, et l’URSS. Les pays colonisateurs perdent leur place de grandes puissances, et dépendent des aides financières américaines pour leur reconstruction. Les États-Unis et l’URSS s’opposent à la colonisation pour des raisons diverses et sont favorables à la fin des empires coloniaux. Les États-Unis font référence à leur propre histoire pour défendre leur position anticoloniale. En effet, les États-Unis sont une ancienne colonie britannique. Toutefois, la comparaison avec les colonies du XXe siècle s’arrête là. En effet, les Américains qui ont lutté pour l’indépendance étaient des colons blancs, et pas des colonisés, et ont eux-mêmes mis en place un esclavage puis une ségrégation raciale néfaste pour les Noirs. De plus, les États-Unis sont eux-mêmes une puissance coloniale en ayant mis la main sur les Philippines, Hawaï, ou encore Puerto Rico.  Quoi qu’il en soit, les États-Unis considèrent le système colonial comme arriéré, et comme un frein pour le libre commerce, cher à l’idéologie américaine.

« Africa is fighting, Africa will win! » L’URSS soutient la décolonisation de l’Afrique en espérant attirer les pays indépendants dans sa sphère.source: Victor Koretsky, Affiche de propagande soviétique : "Africa is fighting, Africa will win!, 1971 (https://fr.rbth.com/histoire/83832-relations-urss-afrique), droits réservés.

L’URSS, et le communisme dans sa globalité ont toujours été contre la colonisation, symbole, à leurs yeux, du capitalisme occidental. De nombreux partis communistes militent, dès le début, contre la colonisation. Une branche du panafricanisme est d’ailleurs très influencée par le communisme. L’URSS sous Staline soutient théoriquement la fin des empires coloniaux, mais ses successeurs seront plus actifs, surtout pour ne pas laisser à la Chine populaire, dont le régime est communiste, le monopole de l’anticolonialisme.

Au-delà des convictions théoriques des deux superpuissances, il y a également une volonté de mettre la main sur les anciennes colonies qui joueront un rôle important durant la Guerre froide (1945 – 1991), en établissant les sphères d’influence des deux grandes puissances, bien que la plupart des pays nouvellement indépendants revendiquent un statut de non-aligné.

3.4. Le mouvement anticolonial international

A. En Europe

En Europe aussi des critiques s’élèvent contre la colonisation, et ce, dès le XIXe siècle. Toutefois, le mouvement est globalement impuissant et discret. L’impérialisme triomphe dans les sociétés européennes. Déjà avant la Première Guerre mondiale, l’anticolonialisme se retrouve à gauche de la sphère politique. Les partis socialistes critiquent les abus, comme Émile Vandervelde en Belgique, mais sont surtout partisans d’un réformisme plutôt que d’une suppression totale du colonialisme. L’accès des travaillistes au pouvoir en Grande-Bretagne dans les années 1920 ou le Front populaire en France dans les années 1930 n’apporteront que peu de changements à la situation coloniale. Les partis communistes, eux, considèrent le colonialisme comme une manifestation du capitalisme et y sont formellement opposés. Toutefois, au sein des principaux pays colonisateurs, Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, ces partis pèsent peu de poids. Et outre un anticolonialisme de fait, les partis communistes s’intéressent davantage à la situation en Europe que dans les autres continents. Après la Seconde Guerre mondiale, l’anticolonialisme va toucher de plus en plus l’opinion publique dans la société européenne, même si certains défendent ardemment les empires coloniaux.

Toutefois, les communistes, et en particulier le Parti communiste français, probablement le parti communiste le plus important parmi les puissances coloniales, vont contribuer à former et à soutenir les révolutionnaires. En 1927, le premier congrès contre le colonialisme et l’impérialisme va se tenir à Bruxelles à l’initiative des communistes européens. Il rassemblera des intellectuels européens comme Einstein, mais aussi des représentants des peuples colonisés comme Nehru, futur premier ministre de l’Inde indépendante. Des intellectuels européens prennent ouvertement position contre le colonialisme même si la tendance dominante reste l’impérialisme.

Le premier congrès contre l’impérialisme et l’oppression coloniale a et lieu à Bruxelles en 1927 à l’initiative des communistes européens.source: EN COURS
B. En Asie

Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays d’Asie accèdent à l’indépendance suite à des luttes armées comme l’Indonésie (1945, mais reconnue en 1949). Les représentants de ces pays indépendants vont prendre la tête du mouvement anticolonial mondial.  Une première conférence entre Asiatiques a lieu à New Delhi en 1947. En 1955, à Bandoeng, une rencontre afro-asiatique a lieu. Elle rassemble 29 États indépendants ou en passe de devenir indépendants. Ces États sont unis contre l’impérialisme occidental, mais sont en désaccord sur leurs choix politiques et économiques. De cette conférence, ressort la condamnation de tout impérialisme, mais aucune institution n’est créée. Toutefois, l’évènement est important, car en pleine Guerre froide (le bloc USA s’opposant au bloc URSS), on a un ensemble de pays du Sud qui s’expriment d’une seule voix sur la scène internationale. La conférence marque le début du  « non-alignement », c’est-à-dire le fait de ne pas choisir le camp des USA ou de l’URSS. Toutefois, ce « non-alignement » est plus théorique qu’effectif, car dans les faits les anciennes colonies s’allieront d’une façon ou d’une autre aux USA ou à l’URSS.

4 ¦ Les voies de la décolonisation de l’Afrique

La décolonisation ne s’est pas déroulée de la même manière dans les différentes régions d’Afrique. Elle est surtout le fait de femmes et d’hommes de ces régions, et n’est pas un cadeau fait par le colonisateur. Des luttes violentes ont dû être menées pour arracher l’indépendance. Jusqu’en 1945, et même au delà, aucun colonisateur n’envisage de donner l’indépendance à ses colonies. S’ils le font, c’est en garantissant un maximum leurs intérêts dans ces régions. Certains veulent voir dans la réussite ou non des pays africains actuels les traces d’une décolonisation réussie ou ratée à mettre au mérite des pays colonisateurs. Ainsi, jusqu’à nos jours, pour certains, il est inenvisageable de penser qu’un pays africain puisse bien fonctionner grâce aux qualités de sa population. Si le pays a une bonne santé économique, et des droits sociaux reconnus, c’est forcément grâce aux anciens colonisateurs. Or, des décolonisations « préparées » ont entrainé certains pays dans le chaos, alors que d’autres, moins organisées ont donné lieu à des pays stables et en bonne santé économiques. On remarque deux constantes dans l’histoire de la décolonisation (africaine) : la volonté du colonisateur de retarder l’inévitable, et son obsession à maintenir ses intérêts après l’indépendance.

5 ¦ La décolonisation de l’Afrique occidentale

L’Afrique occidentale est principalement colonisée par les Français (Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Bénin) et les Britanniques (Sierra Leone, Ghana, Nigéria) entrainant des conflits armés, des luttes, et d’âpres négociations.

L’Afrique occidentale a la particularité d’avoir vu naitre une classe intellectuelle très brillantebien avant la colonisation. En effet, une forte communauté européenne est présente dans la région depuis longtemps, et le métissage, ainsi que le rapatriement d’anciens esclaves d’Amérique contribuent à la propagation de l’enseignement «occidental ». Les missionnaires et leur enseignement sont favorablement accueillis dans la région. Au XIXe siècle, des écoles apparaissent ainsi que la presse, et l’édition d’ouvrages. Une classe d’Africains lettrés (pasteurs, médecins, enseignants) se constitue et certains se mettent au service des Britanniques au Nigéria et au Ghana actuel.

L’Afrique occidentale voit apparaitre une élite intellectuelle bien avant la colonisation.source: CEC-Bokundoli

5.1. Décolonisation britannique

5.2. Décolonisation française

6 ¦ La décolonisation de l’Afrique centrale

Dans cet espace, on retrouve le Congo belge, le Rwanda, le Burundi, l’Afrique-Équatoriale française (Gabon, Congo-Brazzaville, Oubangui-Chari (République centrafricaine)), le Cameroun, l’Angola, la Rhodésie du Nord (Zambie), et le Malawi.

L’Afrique centrale a particulièrement souffert de la colonisation, et des découpages territoriaux effectués par les Européens qui ne tiennent pas compte des structures politiques préexistantes. L’Afrique centrale est constituée de grands espaces vides d’hommes, mais riches en ressources. Les pays colonisateurs vont forcer de manière violente les populations à extraire les richesses pour leur profit. Cet espace a été particulièrement brutalisé et les violences ont été condamnées par les contemporains, notamment par E. Morel contre le Congo de Léopold II, René Maran contre l’Oubangui-Chari (République centrafricaine) ou encore André Gide contre le Congo-Brazzaville. Partout le travail forcé est imposé aux populations.

Dans cet espace, l’éveil politique est assez tardif et se concentre surtout après la Seconde Guerre mondiale pour plusieurs raisons : un régime particulièrement coercitif, une contestation qui s’opère surtout via des mouvements messianiques, ou encore une élite africaine peu développée.

L’Afrique centrale a connu une exploitation particulièrement violente durant la colonisation.source: CEC-Bokundoli

6.1. Décolonisation française

6.2. Décolonisation belge

6.3. Décolonisation britannique

7 ¦ La décolonisation de l’Afrique orientale

L’Afrique orientale possède deux caractéristiques majeures par rapport au reste de l’Afrique. D’une part, elle rassemble un important assemblage de peuples, et de cultures, qui ne se sont pas beaucoup mélangées. On retrouve des Africains, des Indonésiens, des Arabes, des Indiens et des Européens. La coexistence de ces peuples a entrainé des difficultés politiques, mais a donné naissance à une langue spécifique : le swahili, mélange d’arabe et de langues bantou. D’autre part,  sa situation géographique stratégique en a fait l’objet de convoitise internationale et un lieu de tensions permanentes entre les différents peuples, et entre les différentes puissances qui veulent dominer la région. Dans cet espace, on retrouve l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, et Madagascar.

L’Afrique orientale rassemble de nombreux peuples différents.source: CEC-Bokundoli

7.1. Décolonisation britannique

7.2. Décolonisation française

8 ¦ La décolonisation de la Corne de l’Afrique

La Corne de l’Afrique rassemble l’Éthiopie, la Somalie, l’Érythrée, et Djibouti. La région a été peu marquée par la colonisation.  L’Éthiopie est une des rares régions d’Afrique a avoir échappé à la colonisation européenne grâce à la victoire d’Adoua en 1896 des troupes de l’empereur Ménélik face aux Italiens. Elle ne connait qu’une occupation de 5 ans entre 1936 et 1941 par les troupes de Mussolini.  Toutefois, le pays, alors qu’il aurait pu suivre l’exemple du Japon et se moderniser, préfère se maintenir dans une structure archaïque et oppressive. Le Négus (empereur) se comporte en monarque absolu et bien que jouissant d’une bonne image à l’étranger, doit faire à des contestations et à une pauvreté très importante au sein de son pays. L’Érythrée ne va connaitre la domination italienne que de 1882 à 1947 avant d’être fédérée à l’Éthiopie puis d’être annexée en 1962. Une guerre d’indépendance va alors être entreprise et aboutira en 1993. Toutefois les pays resteront en guerre jusqu’en 2018.  La Somalie a été très négligée politiquement et économiquement par le colonisateur britannique et accède à l’indépendance en 1960. Seul Djibouti a connu une occupation plus importante de la part de la France et ne connaitra son indépendance qu’en 1977.

Dans la corne de l’Afrique, l’Éthiopie a pu maintenir son indépendance tout au long de la colonisation.source: CEC-Bokundoli

9 ¦ La décolonisation de l’Afrique australe

En Afrique australe, on retrouve l’Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana, le Zimbabwe, le Mozambique, le Lesotho et le Swaziland. Dans la région, l’Afrique du Sud a beaucoup de mines de diamant et d’or et va chercher sa main-d’œuvre dans les territoires voisins, et y place ses capitaux. Le régime politique sud-africain de l’Apartheid (les communautés noires et blanches vivent de manière séparée, avec tous les avantages accordés aux Blancs) a tendance à se répandre dans les territoires voisins comme au Zimbabwe ou en Namibie.

La Namibie a été dominée par l’Allemagne jusqu’à la Première Guerre mondiale, puis est passée sous domination sud-africaine jusqu’à son indépendance en 1990. La domination sud-africaine sous un régime d’apartheid semblable à l’Afrique du Sud a entrainé une résistance armée de la part de la South West Africa People’s Organisation (SWAPO) soutenue par Cuba et les pays de l’Est. L’indépendance obtenue en 1990 est surtout politique, tant le pays dépend économiquement de l’Afrique du Sud.

Le Mozambique, colonisé par les Portugais, ne l’a été que superficiellement à cause du manque de moyens dont bénéficiait le Portugal pour entreprendre une telle entreprise.

La Rhodésie du Sud (Zimbabwe) est obtenue par la Grande-Bretagne en 1888 suite aux ruses de Cecil Rhodes et administrée par une firme commerciale (British South Africa Company) qui accapare la plupart des terres au détriment des Africains.

Le Botswana, le Swaziland et le Lesotho acceptent un protectorat britannique au XIXe siècle afin d’échapper aux Européens d’Afrique du Sud. Le Lesotho accède à l’indépendance en 1966, le Swaziland en 1968, demeurant toutefois dépendant de l’économie sud-africaine par leur position enclavée.

Au temps de l’apartheid, les êtres humains sont divisés selon leur couleur de peau. Ici, un stade à Bloemfontein.source: 1/May/1969. UN Photo/H Vassal. http://www.unmultimedia.org/photo/ (droits réservés).

En Afrique du Sud, les Boers, arrivés en 1652 s’opposent aux Anglais arrivés en 1795. Lors de la guerre des Boers (1899 -1902), les Anglais triomphent. L’Afrique du Sud devient un dominion britannique, c’est-à-dire une colonie qui possède énormément de droits, mais ces derniers sont exercés uniquement par la minorité blanche. Depuis 1948, la domination et la discrimination blanche ont été institutionnalisées. Le racisme qui sert de base à l’organisation politique de l’ Afrique du Sud se couple à la crainte de la minorité blanche de voir se développer une élite noire concurrente, et redoute la pression démographique noire. En 1923, l’ANC est créée et se radicalise en 1949, notamment avec l’arrivée de Nelson Mandela.

L’ANC est réprimée par la minorité blanche, et répond par des émeutes violentes qui vont contribuer à l’arrestation des dirigeants de l’ANC, dont Mandela en 1962. La minorité blanche s’accorde un répit, mais les indépendances de la Zambie, de l’Angola, et du Mozambique et le soutien apporté par ces derniers à l’ANC oblige l’Afrique du Sud à apporter quelques aménagements à l’apartheid. En 1985,  de nouveaux attentats de l’ANC entrainent de nouvelles répressions. La pression internationale est de plus en plus forte, et les sanctions économiques obligent Frederick De Klerk, Premier ministre sud-africain à plus d’ouverture que ses prédécesseurs. La Namibie, sous domination sud-africaine, obtient son indépendance en 1990, et Mandela est libéré la même année après 26 années de prison. La ségrégation raciale est abolie, et l’ANC abandonne la lutte armée. Les premières élections multiraciales portent au pouvoir Mandela en 1994.

En Afrique australe, l’Afrique du Sud joue un rôle central.

10 ¦ Résumé

Tout comme l’histoire de la colonisation, celle de la décolonisation est non seulement présente dans les archives et les documents édités, mais elle est également encore fraîche dans la mémoire de toutes les personnes qui l’ont vécue et qui en témoignent grâce aux sources orales. Cette décolonisation s’est inscrite dans un contexte historique favorable, après la Seconde Guerre mondiale, où les grandes puissances commencent à se faire la Guerre froide entre le Bloc capitaliste de l’Ouest et le Bloc socialiste de l’Est. La décolonisation de l’Afrique est donc intervenue au moment opportun même si certaines puissances coloniales trainent les pieds à accorder l’indépendance aux territoires sous leur domination.

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La colonisation du Congo

Par Benjamin Hennon,

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Démontrer que l’espace congolais n’a cessé de se structurer avant la colonisation.
  • Démontrer que les Européens ont dû s’appuyer sur les Africains pour parvenir à coloniser.
  • Critiquer et démonter l’idée d’une colonie belge modèle et positive pour les colonisés.
  • Décrire la violence et le racisme inhérents à la colonisation.
  • Démontrer la continuité des pratiques entre l’État Indépendant du Congo et le Congo belge.

2 ¦ Introduction

Avant la colonisation, l’Afrique centrale, et en particulier l’espace congolais connaissent une longue et riche histoire. L’espace congolais entretient des relations avec l’Europe et l’Asie depuis plusieurs siècles. Lorsque les Européens veulent coloniser l’Afrique, des résistances ont lieu de la part des « colonisés », et la domination européenne ne sera jamais totale. La colonisation du Congo comporte deux phases, la première est l’œuvre du roi des Belges Léopold II qui va régner à titre personnel sur le Congo de 1885 à 1908. Durant cette période, le Congo porte le nom d’État Indépendant du Congo. La violence du système va donner lieu à des luttes intérieures très importantes et à une campagne internationale contre Léopold II et son régime. Face aux critiques, la Belgique annexe le Congo en 1908, et ce jusqu’à l’indépendance de 1960. Le Congo s’appellera « Congo belge » pendant cette deuxième phase. La Belgique s’engage à mettre fin aux atrocités constatées. Toutefois, un certain nombre de pratiques du régime léopoldien perdureront jusqu’à l’indépendance.

3 ¦ L’espace congolais au XIXe siècle

L’espace congolais a été traversé par de nombreux royaumes et territoires. Au XIXe siècle, cela fait près de quatre siècles que l’espace congolais est en contact, grâce aux côtes, avec l’Europe. En effet, des échanges commerciaux se sont établis, et de nombreux articles comme l’ivoire, l’or, le fer, le cuivre, ou encore les esclaves sont vendus aux Européens. Certains États d’Afrique centrale vont tirer profit de ce commerce, ou au contraire, vont s’affaiblir à cause de celui-ci, et en particulier à cause de la traite négrière (XVe – XIXe siècle). Le prestigieux royaume Kongo, par exemple, va cesser d’exister. Toutefois, de nouvelles formations politiques voient également le jour au milieu du XIXe siècle, sous l’autorité de commerçants-guerriers comme Tippo-Tip ou encore MSiri qui s’installent dans l’est et le sud-est du Congo actuel, et qui font commerce avec le monde arabe.

Comme ailleurs en Afrique, l’espace congolais est en pleine mutation au XIXe siècle. On observe une densité de population plus importante dans certaines zones, grâce à une amélioration des rendements agricoles. Les échanges commerciaux s’intensifient. Comme dans le reste du continent, l’esclavage est toujours pratiqué au XIXe siècle, malgré l’abolition en Europe, que ce soit pour servir les royaumes locaux ou pour être exportés dans le monde arabe. L’économie africaine repose sur l’esclavage, car selon les mœurs africaines, un homme libre ne peut vendre sa force de travail. Dès lors, le besoin en main-d’œuvre contraint les organisations politiques africaines à pratiquer et à maintenir la pratique. Politiquement, les communautés d’Afrique centrale s’organisent collectivement, et pas avec une hiérarchisation aussi forte qu’en Europe, ce qui va donner parfois l’impression aux observateurs extérieurs que ce territoire n’est pas organisé politiquement, alors que le modèle est simplement différent de celui pratiqué en Europe.

4 ¦ L’Etat Indépendant du Congo (1885-1908)

4.1. Les prémices de l’appropriation (1876 – 1885)

A. Léopold II et son rêve de colonie

La colonisation du Congo est liée au nom d’un homme : Léopold II, roi des Belges. Devenu roi en 1865, il souhaite convaincre la Belgique de se lancer dans la course à la colonisation. Toutefois, seule une petite partie de l’élite belge trouve l’idée intéressante. Elle considère qu’acquérir une colonie pourrait être bénéfique à l’économie du pays, et lui permettrait de se faire une place parmi les grands empires européens. Certains, dont Léopold II, y voient également l’occasion de développer leurs ambitions personnelles. Pour légitimer les ambitions impérialistes, plus que pour les motiver, les Européens considèrent également qu’il est de leur devoir d’apporter la prétendue « civilisation » des Blancs aux autres peuples « moins évolués » de la planète.

Léopold II, roi des Belges, a dominé le Congo de 1885 à 1908.source: HO.2013.57.113, collection MRAC Tervuren ; photo MRAC Tervuren Kapenda. Visée du colonisateur. Droits réservés.

À la fin des années 1870, et au début des années 1880, Léopold II va mettre en place plusieurs associations internationales dont le motif officiel est d’explorer les régions du centre de l’Afrique et en particulier le bassin du Congo. Il a recruté l’explorateur Stanley qui connait bien la région. En réalité, les associations servent les intérêts politiques et impérialistes du monarque belge. L’Association internationale du Congo (AIC), fondée en 1879, sous couvert d’une activité scientifique, va établir plusieurs postes au Congo et va conclure des traités avec des chefs africains. Afin d’entreprendre leurs différentes expéditions, les Européens ont besoin des Africains qui leur servent de guides, ou leur fournissent des esclaves pour servir de porteurs.

B. La conférence de Berlin et la reconnaissance de l’État Indépendant du Congo

L’Afrique suscite la convoitise de plusieurs pays européens, et des conflits pourraient éclater en cas de désaccord. Dès lors, les Européens vont décider d’organiser une conférence, elle aura lieu à Berlin en 1884-1885. La conférence de Berlin veut établir un certain nombre de règles pour l’occupation de l’Afrique, et ainsi éviter des conflits entre États européens. Contrairement au mythe bien connu, l’Europe ne se partage pas l’Afrique, mais établit les règles à suivre pour revendiquer un territoire en Afrique. Aucun État africain n’est représenté lors de la conférence de Berlin. En effet, au cours du XIXe siècle, au nom de critères raciaux et civilisationnels, la plupart des pays non européens sont exclus du droit international. De plus, les États européens, bien qu’ils fassent du commerce avec les États africains, estiment que comme ces derniers possèdent des esclaves et en font commerce, ils ne peuvent être reconnus en droit international.

En marge de la conférence de Berlin, les représentants de Léopold II négocient avec les autres puissances européennes pour que l’on reconnaisse le territoire congolais, où sont présents les postes de l’AIC, comme un État sous l’autorité du monarque belge. Le roi déclare qu’il défendra le libre-échange dans cette région, et que, dès lors, n’importe quel pays pourra venir faire du commerce, et payera peu d’impôts. Il se présente également comme un philanthrope, et s’engage à mettre fin à l’esclavage toujours présent dans cette région de l’Afrique. Pour des motifs divers, les pays européens reconnaissent, en juin 1885, les territoires de l’actuel Congo comme un nouvel État : l’État Indépendant du Congo (EIC) sous l’autorité de Léopold II. Toutefois, ce nouvel « État » est indépendant de la Belgique. Refusant de prendre part à la colonisation, le gouvernement belge laisse son souverain dirigé, à titre personnel, le Congo. Bien que l’on retrouve beaucoup de Belges impliqués dans la colonisation du Congo, la majorité des agents du roi sont issus d’autres pays européens comme la Grande-Bretagne, la France, ou encore les pays scandinaves.

4.2. Résistances et appropriation des territoires congolais par l’EIC (1885 – 1908)

Comme d’autres colonisateurs européens, lorsque Léopold II et son entourage acquièrent, suite à des accords entre Européens, l’autorité sur ce qui est aujourd’hui le Congo, ils n’ont pas la moindre idée de ce que contient cette région et de comment s’organisent les peuples qui y vivent. L’entreprise va s’avérer  beaucoup plus compliquée qu’imaginée. Certaines zones sont peuplées de communautés qui s’organisent parfois depuis des siècles autour d’une économie et d’une culture propres comme les Chokwe au sud, les Arabo-Swahlis, et le Garanganze, à l’est, ou encore l’Égypte soudanaise au nord, et ces différentes structures politiques n’ont pas l’intention de se soumettre à des étrangers.

Groupe de prisonniers enchaînés et encadrés par deux soldats de la Force publique vers 1900.source: HP.1952.31.9, collection MRAC Tervuren ; photo H.A. Shanu, ca. 1900

Il y a très peu d’Européens sur place, et les expéditions entreprises pour reconnaitre et « occuper » le territoire doivent beaucoup aux Africains qui sont recrutés (souvent des esclaves achetés) et qui servent de soldats, de porteurs, et de guides. Le colonisateur a beaucoup de difficultés à évoluer dans un espace qu’il ne maitrise pas, sans voies de communication classique. Ces expéditions cartographient la région et installent des petits postes afin de signaler aux autres pays européens que la région fait partie de l’État Indépendant du Congo. Toutefois, en 1908, lorsque l’EIC deviendra le Congo belge, on ne compte qu’une centaine de postes occupés par quelques centaines d’Européens et quelques milliers de soldats africains. Impossible, dès lors de parler de véritable contrôle de l’immense Congo. Que ce soit au Congo, ou dans les autres régions d’Afrique, les Européens vont devoir s’appuyer sur les chefs africains qui régnaient déjà sur ces territoires bien avant leur arrivée.

Lumpungu, chef des Songye, s’est allié avec l’EIC, avant d’être pendu en 1919 par le pouvoir colonial.source: HO.2013.57.125, collection MRAC Tervuren ; photo MRAC Tervuren Kaz. La mort de chef coutumier Lumpungu. Droits réservés.

Certains chefs acceptent de traiter avec l’EIC afin d’obtenir différents avantages : nouveaux débouchés économiquesarmes européennes, alliance intéressante face aux rivaux locaux. Contrairement à l’idée reçue de chefs africains un peu naïfs qui signent des traités sans se rendre compte de ce qu’ils font, certains ont parfaitement conscience de leurs actions, et constatant la présence réduite des Blancs, ils espèrent continuer à régner avec une liberté plus ou moins totale sur leurs territoires. À certains endroits, des chefs refusent obstinément de plier face au colonisateur, ou malgré les traités signés continuent à se comporter en seuls maitres dans la région. Dans ces cas-là, la Force publique (armée coloniale) composée de quelques officiers européens et de milliers de soldats africains entreprend des expéditions particulièrement violentes afin de forcer les peuples à se soumettre à l’autorité de l’EIC. Malgré les réflexions autour du droit de la guerre, en Europe, notamment au niveau du statut des prisonniers de guerre, et l’invention de la Croix-Rouge en 1864, les armées coloniales ne respectent pas les nouvelles normes et n’hésitent pas à tuer prisonniers et civils.

La propagande coloniale va présenter les Arabo-swahilis comme des esclavagistes qu'il faut combattre. Or, la propagande passe sous silence les relations étroites entre esclavagistes et colonisateurs durant les premières années de la colonisation.source: HO.1953.70.19, collection MRAC Tervuren

L’un des exemples les plus marquants de l’hypocrisie coloniale est celui de Tippo-Tip. Marchand arabo-swahili régnant sur un immense territoire dans l’est du Congo, il fait du commerce de l’ivoire et d’esclaves depuis le milieu du XIXe siècle. Il accepte de traiter avec l’EIC pour les raisons évoquées plus haut, et fournit aux Européens des esclaves, de l’ivoire, etc. Il est nommé gouverneur de l’est du Congo. Toutefois, le colonisateur considère que Tippo Tip se comporte de façon trop indépendante vis-à-vis de l’autorité coloniale. Dès lors, de 1892 à 1894, une guerre éclate entre le colonisateur et Tippo-Tip et fera des milliers de victimes, dont beaucoup de civils. La propagande coloniale présentera cette guerre comme un moyen de mettre fin à l’esclavagisme pratiqué par les Arabo-Swahilis alors que non seulement les Européens ont utilisé de nombreux esclaves pour leurs expéditions, mais ont aussi collaboré étroitement avec les marchands arabes pendant des années.

4.3. Économie et violences coloniales dans l’EIC (1885 – 1908)

Une colonie pas si lucrative qu’espéré

Non seulement la réalité du terrain, et l’immensité du territoire congolais obligent le colonisateur à s’aider des structures et des chefs locaux, mais en plus la colonisation du Congo coute énormément d’argent. Léopold II, en tant que propriétaire de cet immense territoire, doit utiliser son immense fortune personnelle pour financer les expéditions, les infrastructures de base, les ports, les hommes sur place, etc. Mais très vite, sa fortune seule ne suffit plus à alimenter la machine coloniale. Il est au bord de la faillite, et le Congo n’est pas aussi rentable qu’il l’avait imaginé. Le commerce, dans les premières années, n’est pas très développé. Alors qu’il s’était engagé à ne rien demander à la Belgique, Léopold II finit par lui demander un prêt en 1889 qui sera accordé.

Afin de réduire les coûts, des territoires de l’EIC seront acquis en concession par des sociétés privées.source: Configuration de l'État indépendant du Congo vers 1903, dans Patricia Van Schuylenbergh, dir., Congo : colonisation/décolonisation. L'histoire par les documents, MRAC, 2012, p.42.

Pour que la colonie devienne lucrative, Léopold II et son entourage vont prendre plusieurs mesures. Toutes les terres « non cultivées » deviennent propriété de l’État, ce qui permet d’exercer un monopole sur toutes les richesses naturelles du Congo. Les populations locales sont soumises à un travail forcé, c’est-à-dire qu’elles doivent travailler gratuitement et obligatoirement pour l’État, et verser une « taxe » sous la forme de matières premières comme l’ivoire, puis le caoutchouc. Pour réduire les couts au maximum,  des entreprises privées acquièrent en concession certaines zones du Congo. Ces entreprises peuvent fixer les prix souhaités des marchandises, elles administrent le territoire, certaines vont avoir leur propre milice, et parfois leur propre monnaie. En échange, l’EIC perçoit un pourcentage sur les profits de ces entreprises. Désormais, des territoires immenses, parfois bien plus grands que la Belgique, sont soumis à la seule autorité d’une entreprise qui n’a qu’un seul objectif : faire le plus de profits possible. Suite à ces réformes, les profits augmentent pour l’État, mais les dépenses aussi. Dès lors, Léopold II demande une nouvelle fois en 1895 l’aide de la Belgique.

Le caoutchouc rouge

La situation des finances de Léopold II n’est pas bonne, et le nouveau crédit obtenu en 1895 aurait dû, en théorie, lui permettre de gagner seulement quelques années avant de devoir céder sa colonie. Toutefois, l’explosion du prix du caoutchouc sur le marché mondial va lui permettre de se refaire financièrement. L’industrie automobile, en plein essor, nécessite du caoutchouc pour fabriquer des pneus. Le Congo contient des forêts riches en caoutchouc, et « grâce » au système de taxes en ressources imposé aux populations ainsi qu’au système de concession, la colonie commence à réaliser d’énormes profits. Le roi refait rapidement sa fortune, rembourse ses dettes et commence à investir en Belgique dans plusieurs projets urbanistiques. La colonie apparait aux yeux des autres colonisateurs comme un modèle d’efficacité, la France va d’ailleurs l’imiter dans ses colonies d’Afrique centrale.

Afin de prouver que les balles ne sont pas utilisées pour braconner, les soldats de la Force publique doivent ramener les mains de leurs victimes. Cela donnera lieu à des mutilations sur des êtres vivants.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Victim_of_Congo_atrocities,_Congo,_ca._1890-1910_(IMP-CSCNWW33-OS10-19).jpg

Une telle « efficacité » se fait au détriment des populations locales, soumises à une violence extrême pour atteindre les quotas fixés par l’EIC et les entreprises concessionnaires. La récolte du caoutchouc est une tâche complexe. Les Congolais doivent se rendre en forêt pour trouver des lianes à caoutchouc, en extraire la substance et ramener le tout à des postes situés parfois à des dizaines de kilomètres. Pendant ce temps-là, ils ne peuvent cultiver, ou chasser pour leur propre compte. Dès lors, les populations locales ne se pressent pas pour exécuter ces tâches ingrates. Résultat, face au manque de moyen dont dispose le colonisateur et à cause de son impuissance à convaincre les populations locales de lui fournir le précieux caoutchouc, le pouvoir colonial va forcer les populations à travailler en commettant des exactions d’une rare violence : violsmutilationsincendie de villagemassacresprises d’otage, etc.

Les demandes en caoutchouc ne cessent d’augmenter, et les fonctionnaires, les officiers, et les agents d’entreprise reçoivent des bonus liés à l’augmentation de la production. Sous cette violence, se cache aussi un racisme latent. En effet, les Européens considèrent que les populations locales sont fainéantes et primitives et que la violence est inévitable pour leur faire comprendre ce qu’on leur demande.

Paradoxalement, on retrouve au sein des troupes de l’EIC ou parmi les hommes au service des entreprises privées d’anciens soldats, ou chefs de guerre qui utilisaient ces techniques violentes au service des Arabo-Swahilis afin de les fournir en esclaves et en ivoire. Dès lors, l’EIC use des mêmes méthodes que celles des esclavagistes arabes qu’elle a prétendu combattre.

Les conséquences de cette violence varient d’une région à l’autre. Certaines ont connu les pires horreurs, alors que d’autres ont été relativement épargnées. Toutefois, le régime de terreur règne sur l’ensemble du Congo. Des régions entières vont être dépeuplées suite aux massacres, à la famine, aux fuites, et aux maladies dues à la colonisation. Il est très difficile, voire quasiment impossible d’estimer le nombre d’individus morts à cause de la colonisation léopoldienne. Les études les plus récentes estiment que la population congolaise a pu diminuer de 1 à 5 millions d’habitants entre 1885 et 1930. Dans tous les cas, ce qui est certain, c’est que la violence a été extrême et a traumatisé des populations entières.

Propagande et zoos humains

Afin de défendre « son œuvre » et de susciter l’intérêt parmi la population belge, Léopold II et son entourage développent une propagande coloniale. C’est-à-dire qu’au travers d’expositions, de livres, d’images, etc., les colonisateurs vont imposer une image de la colonisation conforme à leurs intérêts. Ainsi, les colonisateurs belges sont présentés à la fois comme des sauveurs face à l’esclavagisme et à la barbarie supposée de l’Afrique, mais aussi comme des civilisateurs, dès lors comme des êtres supérieurs, apportant les bienfaits de la prétendue civilisation occidentale. Les Congolais sont présentés comme inférieurs, et sont même déshumanisés afin de convaincre les Belges de la nécessité de les coloniser. Les Arabo-Swahilis sont présentés comme des esclavagistes sanguinaires dont l’accoutrement n’est pas sans rappeler les croisades. Cette propagande a eu un impact très fort sur les mentalités, car pour la plupart des Belges de l’époque, c’est le seul contact qu’ils ont avec le Congo, et dès lors des images stéréotypées se forgent sur ces autres qu’on ne connait pas autrement qu’à travers cette propagande. Outre les affiches, les conférences, etc. les colonisateurs européens, et donc belges, n’hésiteront pas à exposer en Europe, dans ce que l’on appelle des zoos humains, des prétendus villages africains, avec ses villageois censés mimer leur vie de tous les jours. En 1897, lors de l’exposition internationale de Bruxelles, un prétendu village congolais est reconstitué pour divertir la foule. Sept Congolais décèderont des suites des mauvaises conditions.

En 1897, lors de l'exposition internationale de Bruxelles, un village congolais est reconstitué pour divertir la foule. Sept Congolais décèderont.source: HP.1946.1058.1-21, collection MRAC Tervuren; photo A. Gautier, 1897 © MRAC

En 1897, lors de l’exposition internationale de Bruxelles, un prétendu village congolais est reconstitué pour divertir la foule. Sept Congolais décèderont.

Critique et résistances

Face à une exploitation aussi intense et violente,  la production commence à décroitre vers 1904. Les réserves de caoutchouc sont épuisées, et il y a de moins en moins de personnes pour extraire la substance. Dans certaines régions, les populations sabotent les récoltes en détruisant les lianes, d’autres se révoltent et prennent les armes face au pouvoir colonial et aux entreprises privées.

La révolte et la résistance locale se couplent à des critiques qui viennent du monde occidental. En 1903, le consul britannique Roger Casement dénonce les violences dans un rapport qui va entrainer des débats importants en Grande-Bretagne, et en Belgique. En 1904, Casement et le journaliste Edmund Morel fondent la Congo Reform Association afin de dénoncer les actes barbares commis au Congo. Des campagnes intenses sont menées contre Léopold II et son régime de violence. Les écrivains Mark Twain et Conan Doyle dénoncent les abus de Léopold II. Des photos de mains coupées, symboles de la violence léopoldienne, circulent dans tout l’Occident. Au Congo, des individus dénoncent également la terreur qu’ils subissent.

La violence coloniale prend plusieurs formes, notamment les coups de chicotte.source: HP.1952.7.50, collection MRAC Tervuren ; photo C. Huet, 1896-1905

Devant la pression internationale, Léopold II envoie une commission d’enquête en 1904 dont il sélectionne lui-même les membres. Il va également corriger le rapport. Malgré cela, lors de sa promulgation en 1905, le rapport fait grand bruit en Belgique et va susciter de vifs débats entre les opposants, et les partisans du roi. Un juriste de l’ULB, Félicien Cattier réalise une étude sur la situation du Congo en se basant sur le rapport de la Commission d’enquête et demande l’annexion du Congo à la Belgique. Les hommes politiques belges Émile Vandervelde et Georges Lorand se montrent également très critiques quant à la gestion du Congo par le roi.

En 1906, la décision est prise : la Belgique va annexer le Congo et s’engage officiellement à mettre fin aux abus. Toutefois, Léopold II va tout mettre en œuvre pour faire durer les négociations et ne cédera sa colonie qu’en 1908.

5 ¦ Le Congo belge (1908 – 1960)

5.1. Rupture avec l’EIC ?

En 1908, le Congo devient officiellement une colonie belge et prend le nom de « Congo belge ». Lors de l’annexion, la Belgique s’engage à mettre fin aux dérives violentes du régime léopoldien. La pratique du  travail forcé c’est-à-dire l’obligation pour les populations de travailler pour l’État sans rémunération, dans des conditions épouvantables, est officiellement abolie dans les premiers mois d’existence du Congo belge. Toutefois, le colonisateur belge souhaite entreprendre plusieurs chantiers d’infrastructure, et il y a un manque de main-d’œuvre criant. Les Européensconvaincus par la supériorité de leur modèle économique, pensent, à tort, que les populations locales vont se laisser tenter par le salariat (c’est-à-dire le fait d’échanger sa force de travail contre un salaire). La majorité de la population congolaise préfère pratiquer une agriculture à petite échelle, et une économie de subsistance. De plus, les conditions dans les plantations, sur les chantiers de construction, et dans les mines ne sont pas enviables. Dès lors, le colonisateur belge va très vite réinstaurer la pratique du travail forcé, et ce dès 1909 pour la construction d’infrastructure et dans l’agriculture, en mettant en avant « l’intérêt public » d’une telle mesure. Les entreprises privées vont également toujours avoir recours à la pratique du travail forcé, parfois jusqu’à l’indépendance. Des révoltes auront lieu au sein de la population, mais elles seront toutes matées violemment.

Sentence au tribunal de Boma au début du XXe siècle. Les violences, le racisme, et le pouvoir arbitraire n'a pas changé avec l'annexion du Congo par la Belgique.
Sentence au tribunal de Boma au début du XXe siècle. Les violences, le racisme, et le pouvoir arbitraire n’a pas changé avec l’annexion du Congo par la Belgique.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:StoryoftheCongoFreeState_156.jpg

Il n’y a pas d’amélioration non plus au niveau des droitsAucun droit n’est reconnu aux colonisés (pas de liberté de la presse, pas de syndicat, pas de droit de grève) qui subissent répressions et châtiments arbitraires. Si les Congolais n’ont aucun droit, les coloniaux, eux, bénéficient d’une impunité quasi totale. En cas de conflit entre colonisé et coloniaux, ces derniers gagnent toujours. Le travail forcé, le racisme, et la violence n’ont dont pas cessé avec la reprise du Congo par la Belgique.

5.2. Organisation de la colonie

La trilogie coloniale belge

Déjà durant l’EIC, le régime colonial repose sur trois piliers : l’Église (les missions catholiques), l’administration, et les entreprises privées.

L’Église reçoit le monopole de l’éducation, et est chargée d’éduquer les colonisés tout en les évangélisant. On retrouve des missions religieuses déjà avant la création de l’EIC. Elles vont lutter contre les religions prétendument « primitives » des locaux. En formant les Congolais, l’Église permet la fourniture d’une main-d’œuvre « qualifiée » aux entreprises privées. En effet,  il s’agit surtout d’un enseignement technique limité essentiellement au niveau primaire.

L’administration de la colonie est dominée par un Gouverneur général qui applique les décisions prises par Léopold II pendant l’EIC et puis par un ministre des colonies pendant le Congo belge. Toutefois, vu la lenteur de la communication entre les deux pays, le Gouverneur possède une certaine autonomie. La colonie est divisée en districts, dirigés par des administrateurs. Devant la complexité des structures politiques existantes et à cause du peu de moyens dont dispose le colonisateur, les Européens doivent s’appuyer sur des chefs locaux. Ces derniers sont contraints d’appliquer les décisions venant des Européens, mais gardent quand même une forme de liberté dans les régions peu touchées par la présence des Blancs.

Les entreprises privées reçoivent, comme on l’a vu, des concessions pendant l’EIC, et exploitent sans scrupule, et avec une rare violence, les régions occupées. Pendant le Congo belge, certaines entreprises continuent à avoir recours au travail forcé. Elles ne versent qu’un salaire dérisoire et les conditions de travail sont assez déplorables pour la population jusque dans les années 1950. Le racisme qui sous-tend l’ensemble du système colonial contraint les Congolais à rester dans une position inférieure aux Blancs jusqu’à l’indépendance.

Sur cette image de propagande, un calendrier, se retrouvent exposés la trilogie coloniale par un symbolisée par un missionnaire (Eglise), un officier (administration), et un bateau (entreprises privées).source: Affiche-calendrier, Utig.Werk van de Heilige Paulus, 1908 (KADOC, Leuven)
Un apartheid à la belge ?

Comme dans d’autres colonies en Afrique, une ségrégation s’installe au Congo. Dans les villes construites par le colonisateur, on crée spécifiquement une « ville européenne » pour les Blancs, et « des cités indigènes » pour les Africains. Les deux parties de la ville sont séparées par une zone neutre. Ce n’est pas une conception propre au Congo. En 1931, s’organise à Paris un Congrès international de l’urbanisme des colonies où différents experts coloniaux s’expriment sur l’intérêt de la ségrégation pour des motifs essentiellement hygiénistes. Les Blancs craignent que les maladies « africaines » ne se répandent dans les habitations des Blancs. Cette ségrégation raciale perdure jusqu’à l’indépendance du Congo.

Toutefois, la volonté d’établir des zones nettement séparées pour les Blancs et les Noirs ne résistent pas toujours à la réalité des faits. À Léopoldville, par exemple, les quartiers se touchent parfois et les petits commerçants grecs, italiens, portugais et « asiatiques » non autorisés dans la ville blanche, se situent dans des zones intermédiaires où se mélangent plusieurs communautés.

5.3. Économie

Tout au long de son histoire, le Congo connaitra une pénurie de main-d’œuvre. Toutefois, ce qui entrainerait normalement une revalorisation salariale, n’est pas le cas au Congo (et dans les autres colonies) où les travailleurs continuent à être payés très faiblement. Le travail forcé, principale forme de travail dans l’EIC, est maintenu pour la construction d’infrastructure, dans l’agriculture, et dans certaines entreprises à l’époque du Congo belge.

Les entreprises, cibles des critiques durant l’EIC, continuent à pratiquer des mesures similaires au Congo belge. En 1911, l’entreprise britannique Lever (qui deviendra Unilever) qui produit du savon, utilise le travail forcé dans ses concessions congolaises afin de produire de l’huile de palme. Faisant face à un manque de main-d’œuvre, ils forcent les populations à travailler. L’entreprise compte sur l’aide de ses mercenaires africains et de l’administration coloniale afin de ratisser les villages pour trouver des travailleurs.

Le Congo belge est une des colonies les plus rentables du monde. Toutefois, ce qui bénéficie aux Belges ne bénéficie pas aux Congolais dont le niveau de vie jusqu’aux années 1950 reste très précaire.

La colonisation est un système de domination, fondé sur le racisme et la différence de statut entre les Blancs et les Noirs.source: HO.2013.57.794, collection MRAC Tervuren ; photo MRAC Tervuren Angali. Temps belge 1919. Droits réservés

5.4. Les Deux Guerres mondiales

La Première Guerre mondiale

Pendant la Première Guerre mondiale, la colonie belge prend part aux combats, mais le territoire congolais ne connait pas d’affrontements sur son sol. La Force publique (armée coloniale) va surtout combattre en Afrique orientale allemande (actuellement la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi). Elle va triompher et occuper le territoire. En 1917, la Force publique compte 25 000 Congolais dans ses rangs, dirigés par des officiers belges. Mais il faut y ajouter tous les porteurs, et les femmes qui accompagnent les troupes, ce qui porte le chiffre à 260 000 Congolais ayant participé au premier conflit mondial. Les Belges forcent la plupart de ces hommes à s’enrôler. Près de 27 000 d’entre-deux  trouveront la mort, sous les balles, ou surtout à cause de maladies.

Pendant le conflit, les Belges refusent d’employer les troupes congolaises en Europe contrairement à la France et à la Grande-Bretagne qui n’hésiteront pas à puiser des centaines de milliers de soldats non européens pour se battre. La Belgique refuse d’utiliser des soldats noirs pour ne pas dévoiler aux colonisés la réalité du quotidien en Belgique, et ne pas saper le prestige de l’homme blanc. À noter que 32 Congolais, présents en Belgique avant la Première Guerre s’engageront dans le conflit volontairement, au sein de l’armée belge. Parmi eux, on retrouve Paul Panda Farnana.

C’est surtout en tant que producteur de matières premières que le Congo va être utile à la Belgique et aux alliés. Le travail forcé, qui n’avait pas totalement disparu suite à la reprise du Congo par la Belgique en 1908, est amplifié dans certaines parties de la colonie. Les conditions de vie sont très dures pour les Congolais contraints de fournir toujours plus de ressources pour alimenter les armées qui combattent en Europe.

Grâce au Congo, la Belgique peut se vanter d’avoir remporté des batailles, en Afrique, lors de la guerre, alors qu’elle a perdu face à l’Allemagne en Europe. Elle recevra même, en récompense, un mandat sur le Rwanda et le Burundi, anciennement allemands. Toutefois, les Congolais ne verront aucune amélioration de leur sort pendant l’Entre-Deux-Guerres, et ce malgré les sacrifices de la population pour un conflit qui ne la regardait pas.

La Seconde Guerre mondiale

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les combats auront lieu encore plus loin que lors du premier conflit. La Force publique va combattre en Abyssinie, où elle battra les Italiens. Elle va également être envoyée en Égypte, au Nigéria et en Palestine, mais sans combattre. En 1942, on compte 34 000 hommes dans la Force publique. La mortalité est moins importante que lors de la Première Guerre mondiale. 700 hommes perdront la vie, principalement des suites de maladie. Comme lors du premier conflit, on n’utilise pas la Force publique en Europe.

La Force publique va combattre à différents endroits durant la Seconde Guerre mondiale.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Belgian_Congo_coastal_artillery.jpg

Grâce au Congo, la Belgique, envahie par l’Allemagne nazie en 1940, pourra prétendre continuer le combat au côté des Alliés, et son gouvernement en exil à Londres bénéficie d’un certain poids et d’une légitimité.

Comme pour la Première Guerre mondiale, le Congo va surtout être employé comme réservoir de matière première. Le travail forcé va être, une nouvelle fois, amplifié et les populations vont devoir fournir des quantités énormes de matière première. L’uranium qui va servir à réaliser les bombes atomiques américaines sera fourni par la Belgique grâce au travail des Congolais. En 1942, on impose 120 jours de travail obligatoire aux Congolais. Les prix des denrées augmentent, alors que les salaires restent faibles. Des revendications puis des mouvements de révolte éclatent, mais tous seront matés dans le sang.

À l’instar de ce qu’il se passe dans les autres colonies, la reconnaissance de l’effort fourni par les Congolais ne voit pas le jour. Très peu de Congolais reçoivent des avantages matériels, et dans les discours officiels de la métropole, on tait volontairement la contribution de la colonie à l’effort de guerre.

5.5. Les années 1950, un pas vers la modernité et la décolonisation ?

Le « Plan décennal »

Bien que la colonisation dans son ensemble, et la colonisation belge en particulier aient justifié la pratique coloniale comme le moyen d’apporter la soi-disant « civilisation » européenne aux peuples « primitifs », on constate que les conditions de vie de la majorité des Congolais sont toujours aussi médiocres après la Seconde Guerre mondiale. Le Gouverneur général Pierrre Ryckmans, lui-même, constate en 1946 que les populations vivent dans la misère et critique ainsi le colonialisme belge.

L’avènement des Nations unies en 1945, très critiques par rapport aux colonisateurs, et les réflexions d’après-guerre sur le développement et le sous-développement poussent les autorités belges à envisager des réformes pour améliorer les conditions de vie des Congolais. En 1949, le « Plan décennal pour le développement économique et social du Congo belge » est lancé, et doit durer dix ans. Les auteurs du plan constatent que l’économie du Congo est trop tournée vers l’exportation, que l’agriculture stagne, et qu’il n’y a pas de vraie industrie transformatrice, enfin le constat est clair quant aux problèmes de logement, d’hygiène et d’éducation.

On constate une amélioration du niveau de vie dans la colonie dans les années 1950. Les salaires augmentent un peu, et les Congolais bénéficient d’un meilleur pouvoir d’achat ce qui entraine une augmentation de la consommation intérieure. Toutefois, loin de la colonie modèle que défend la propagande belge, des problèmes évidents perdurent : le Congo reste toujours fortement dépendant de l’exportation de matière première, et les problèmes de l’agriculture ne sont pas résolus. Le Congo n’est pas en mesure de se nourrir de sa propre production, et doit importer des produits alimentaires, et ce jusqu’à l’indépendance et au-delà. Enfin, l’augmentation des conditions de vie et du pouvoir d’achat ne concernent que les habitants des villes, et non pas l’immense majorité des Congolais qui vivent en milieu rural. Dès lors, les gens rejoignent de plus en plus les villes, ce qui entraine une augmentation du chômage urbain.

La Belgique refuse de financer le plan décennal qui coute une fortune. C’est le budget du Congo qui doit subvenir aux dépenses. Dès lors, à la veille de l’indépendance, le futur pays indépendant possède une forte dette qui se chiffre en plusieurs milliards.

Les infrastructures médicales et l’enseignement

Dans les années 1950, l’infrastructure médicale au Congo est plus importante que dans les colonies françaises et britanniques. Toutefois, il existe une ségrégation entre hôpitaux pour Blancs bien équipés, et hôpitaux pour Noirs peu équipés. Quant au nombre de médecins par habitant, il est inférieur à celui des autres colonies. Les premiers médecins congolais ne seront diplômés qu’après l’indépendance.

Dans les années 1950, le Congo est le deuxième pays le plus alphabétisé du continent africain. Ce positionnement dont se vantera la Belgique doit être nuancé. En effet, le Congo belge bénéficie d’un enseignent primaire très développé, ce qui lui vaut  sa place dans ce classement, mais est à la traine en matière d’enseignement secondaire et encore plus au niveau de l’enseignement supérieur. En effet, l’objectif pour le colonisateur est de produire des ouvriers capables de lire, d’écrire et de compter. L’enseignement primaire suffit amplement. Les Belges craignent que l’accès à un enseignement secondaire et supérieur entraine l’apparition d’une élite revendicatrice et critique par rapport à la colonisation. En 1957, on ne compte que 5% d’élèves dans l’enseignement secondaire, l’immense majorité se trouve dans l’enseignement primaire. En 1960, on ne compte que 0.1% de la population scolaire congolaise dans l’enseignement supérieur, alors que la moyenne africaine est de 0.4 % et la moyenne mondiale est de 3%. La  Belgique a trop tardé à lancer des formations secondaires et supérieures, ce qui sera préjudiciable à la reprise correcte du pays par les Congolais lors de l’Indépendance.

Après-guerre, les industries dans un souci de profit et de rendement maximal, mise sur la mécanisation. Toutefois les travailleurs qualifiés européens coutent très cher, donc de plus en plus d’industries forment des Congolais qui exercent des postes plus importants qu’auparavant. Toutefois, même le plus qualifié des Congolais reste inférieur au moins qualifié des Européens dans la logique raciste coloniale.

Les Congolais s’organisent politiquement
Patrice Lumumba fonde le MNC en 1958.source: HO.2013.57.927, collection RMCA Tervuren; photo RMCA Tervuren Tshibumba Kanda Matulu. Discours de Lumumba MNC. Droits réservés.

Depuis le début de la colonisation, les Congolais ont résisté de différentes façons, parfois de façon violente à la présence étrangère sur leur sol. Mais toutes ces actions ne résultent pas de mouvements politiques organisés. Il faut attendre la seconde moitié des années 1950, pour que de vraies revendications politiques autonomistes voient le jour. L’élite congolaise, qu’on appelle « les évolués » ne voit pas d’amélioration de son sort. Malgré tous les efforts fournis pour obtenir le statut « d’évolué »,  ils sont toujours considérés comme inférieurs aux Blancs. En 1956, le « Manifeste » paru dans Conscience africaine puis le contre-manifeste du parti ABAKO  sont les premiers documents officiels où une revendication politique congolaise souhaite l’émancipation du Congo. En 1958, Patrice Lumumba cofonde le Mouvement national congolais (MNC) et revendique l’indépendance du Congo. De plus en plus de partis politiques réclamant l’indépendance sont créés.

Malgré des signaux évidents de la part des Congolais pour obtenir leur indépendance, le mouvement n’est pas suffisamment pris au sérieux par le colonisateur belge qui se berce d’illusions. Pour preuve, le roi Baudouin se rend au Congo en 1955 afin de faire la tournée de la colonie belge et rappeler les liens solides entre les deux pays. Ce n’est que vers la fin des années 1950 que le colonisateur belge se rend compte qu’il ne pourra plus maintenir très longtemps son pouvoir sur la colonie. Les autres pays colonisateurs ont ouvert la voie à l’indépendance, il ne peut plus se voiler la face. Une véritable panique s’installe quand les Belges prennent conscience qu’ils n’ont pas assez africanisé les cadres de la colonie. Avec une précipitation qui sera néfaste à la stabilité du Congo indépendant, les Belges organisent plusieurs réunions avec les représentants congolais.

Le 30 juin 1960, l’indépendance est proclamée avec Joseph Kasa-Vubu comme président, et Patrice Lumumba comme Premier ministre. La passation de pouvoir s’effectue dans la paix. Mais les lendemains de l’indépendance vont plonger le Congo dans la guerre civile, à cause de la mauvaise politique de passation de pouvoir de la Belgique, et la volonté de cette dernière (et des pays occidentaux) de maintenir leurs intérêts dans ce nouveau pays.

6 ¦ Résumé

  • Avant la colonisation de la fin du XIXe siècle, des structures politiques existent dans les territoires congolais. Elles sont bien organisées économiquement et culturellement. L’Europe souhaite mettre la main sur les richesses africaines, et entreprend la colonisation de l’Afrique. Léopold II, roi des Belges, veut une colonie pour son pays, mais devant l’indifférence générale, il va se lancer dans l’aventure entouré d’une partie de la bourgeoisie belge. En 1885, en marge de la conférence de Berlin, les États occidentaux reconnaissent les territoires congolais comme un État : l’État Indépendant du Congo (EIC), sous l’autorité du monarque belge.
  • La colonisation du Congo va être difficile, car les populations locales refusent de se laisser dominer par des étrangers, et résistent. La Force publique (armée coloniale) utilise une violence extrême pour soumettre le pays. Cette violence va également être particulièrement brutale dans la gestion économique de la colonie. Afin d’obliger les populations à fournir de grosses quantités de caoutchouc,  le colonisateur va user d’une cruauté rare : viols, incendies de village, massacres, etc. Une résistance locale couplée à une campagne internationale va obliger Léopold II à céder le Congo à la Belgique en 1908.
  • La Belgique s’engage à mettre fin aux atrocités, mais dans les faits, de nombreuses caractéristiques de l’EIC vont perdurer comme le travail forcé, les violences, ou encore le racisme. Pendant les guerres, le Congo va surtout fournir des matières premières, et permettra à la Belgique de justifier sa place parmi les Alliés. Une amélioration du sort des Congolais des villes est visible dans les années 1950. Mais loin de l’idée défendue d’une colonie modèle, la Belgique ne fait rien pour permettre une bonne transition du pouvoir au bénéfice des Congolais lors de l’indépendance. Le Congo est très rentable économiquement pour le colonisateur, mais les structures établies ne bénéficient que très peu aux Congolais

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La colonisation de l’Afrique

Par Benjamin Hennon,

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Expliquer les tentatives de réforme en Afrique au XIXe siècle.
  • Expliquer la façon dont les Européens se sont emparés de territoires en Afrique.
  • Expliquer le rôle du continent africain dans les deux guerres mondiales.
  • Expliquer la façon dont les colonies sont organisées.
  • Expliquer les facteurs qui précipitent la fin de la colonisation en Afrique.

2 ¦ Introduction

Tout au long du XIXe siècle, l’Afrique multiplie les efforts pour se remettre de quatre siècles de traite négrière transatlantique. Elle va tenter de se réformer et de se renforcer. Des structures politiques vont se déployer, tandis que d’autres s’affaiblissent. Contrairement à ce que l’on présente parfois, l’Afrique n’est pas un ensemble homogène. Les réalités et les processus politiques et sociaux en œuvre en Afrique occidentale ne sont pas les mêmes que dans l’Afrique centrale. Avant la colonisation, les différentes régions africaines connaissent des histoires différentes, ce sera le cas aussi durant la colonisation, même si un certain nombres de caractéristiques, comme la violence, le racisme, et le mode de gestion des colonies seront assez similaires à l’ensemble du continent.

En Europe, un système capitaliste impérialiste fondé sur l’industrialisation émerge. Les nouveaux moyens de production entraînent l’augmentation de la production. Un petit nombre de capitalistes et de groupes financiers possèdent les infrastructures industrielles, et recherchent très activement  des ressources pour faire fonctionner leurs  industries, et des marchés pour écouler leurs produits finis. C’est ainsi que l’avènement de l’âge industriel en Europe est indissociable de  l’avènement du colonialisme « moderne »  en Afrique, et dans le monde. L’Europe va tenter de dominer l’Afrique pour de multiples raisons : économiquepolitiquedémographique, voire idéologique. Le racisme, et le capitalisme sont à la base de la colonisation.

3 ¦ L’Afrique au XIXe siècle

Avant la colonisation de la fin du XIXe siècle, l’Afrique a connu quatre siècles de relations commerciales avec l’Europe. Des comptoirs européens, sous souveraineté africaine, sont situés le long de la côte atlantique de l’Afrique. Une énorme demande en esclaves pour les Amériques va entrainer une traite négrière du XVe siècle jusqu’au début du XIXe siècle. La traite atlantique va bouleverser les structures politiques en Afrique. En parallèle, une traite négrière s’opère via l’océan indien, et le Sahara du VIIe au XIXe siècle. Des royaumes puissants disparaissent comme le royaume Kongo, et d’autres, tirant profit du trafic, se renforcent comme le Dahomey. Avec l’abolition de la traite négrière, au début du XIXe siècle, les États africains ont tiré les leçons de cet épisode. Dans leur ensemble, ils essayent de renforcer leur puissance, et leurs moyens de défense.

3.1. Économie et politique

La demande européenne de produits comme le caoutchouc, l’huile de palme, ou encore l’ivoire va faire du commerce africain un facteur essentiel de la puissance des États africains. Un réseau intérieur de routes commerciales permet de répondre à la demande européenne, et permet aux Africains de se procurer armes à feu et richesses qui permettent de combattre les États rivaux, ou de permettre des rébellions et des sécessions.

Labotsibeni Mdluli (1859 - 1925), reine du Swaziland va promouvoir le système éducatif, et va résister aux Anglais et aux Boers.source: https://fr.unesco.org/womeninafrica/

Les Africains ont conscience que les armes européennes sont plus efficaces et tentent de s’en procurer, ce qui va bouleverser l’organisation militaire africaine. Des infanteries armées vont remplacer les cavaleries en tant que corps d’élite.  De nombreux États africains sont en guerre au cours du XIXe siècle. L’instabilité politique et les déplacements de population sont généralisés. Par exemple, le Mfecane (entre 1815 et 1840, guerres et migrations en Afrique australe et centrale autour de l’accession au pouvoir de Chaka, roi des Zoulous) bouleverse les structures politiques d’une partie du continent africain.

Les rivalités politiques sont fortes, et certains États, pour survivre, n’ont d’autres choix que de se réformer en centralisant le pouvoir, de créer une force armée permanente, et d’envahir les États voisins, au risque de disparaitre eux-mêmes. C’est le cas de l’Ashanti ou du Dahomey par exemple. Certains chefs africains, dans les États fanti de la Côte-de-l’Or, reçoivent une éducation occidentale, et essayent de réformer les structures traditionnelles. L’Éthiopie s’unifie et réforme ses institutions. Dans les années 1870, les États africains sont plus centralisés, plus forts et plus étendus.

La révolution industrielle, et les guerres permettent à l’Europe de développer un armement très efficace. Dès lors, à partir des années 1870, les rapports de force entre États africains et européens deviennent de plus en plus inégaux.

Au XIXe siècle, de nombreuses structures politiques existent sur le continent africain.

3.2. Transformation sociale et politique

Socialement, l’Afrique se transforme aussi. Outre l’apparition d’une classe de guerriers, et d’une classe de marchands, la demande croissante de main-d’œuvre, allant de pair avec l’augmentation de la demande pour certains produis africains, entraine une augmentation du nombre d’esclaves dans les sociétés africaines, et l’utilisation du travail forcé.

Les sociétés africaines se transforment grâce à des facteurs internes ou grâce à des contacts avec les missionnaires, et les négociants européens qui se trouvent sur les côtes africaines, puis à partir du milieu du XIXe siècle, de plus en plus profondément à l’intérieur du continent africain.

4 ¦ L’Europe et la montée du colonialisme moderne (XIXe siècle)

Lors du Congrès de Vienne en 1815, les puissances européennes se mettent d’accord pour abolir la traite négrière, même si elle perdurera illégalement jusqu’au milieu du siècle. L’abolition de la traite et de l’esclavage par les pays européens est surtout le résultat de l’essor du capitalisme industriel au XIXe siècle qui prône d’autres formes de travail que l’esclavage et qui considère qu’il est plus intéressant d’avoir des clients sur le sol africain.

4.1. Idéologie européenne

Au XIXe siècle, le racisme scientifique tente de démontrer une hiérarchisation des races.source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Racisme#/media/Fichier:Races_and_skulls.png

Dès le XVIIIe siècle, le racisme biologique se répand en Europe. De nombreux scientifiques vont tenter de démontrer, à travers de pseudosciences, qu’il existe une hiérarchisation des races, et que la race blanche est supérieure aux autres. Ces pseudosciences, bien que remise en cause par certains dès le XIXe siècle, entre autre par Anténor Firmin, servira de légitimation à la colonisation. Il est normal que la race supérieure domine la race inférieure afin de l’aider à se développer. Les Européens vont de plus en plus ressentir le besoin d’apporter la prétendue civilisation blanche aux peuples dits « inférieurs ». L’argument antiesclavagiste se développe également en Europe. L’esclavage sévit toujours en Afrique, que ce soit de la part des États africains eux-mêmes ou de la part des Arabes qui organisent une traite orientale. Les Européens considèrent, dès lors, qu’il est de leur devoir de mettre fin à ces pratiques, bien que leurs explorateurs, et marchands s’en servent dans leurs missions en Afrique.

4.2. Révolution industrielle

La révolution industrielle du XIXe siècle va faire exploser la recherche de débouchés pour les produits européens, et la demande en matières premières. L’Afrique, ainsi que d’autres régions extraeuropéennes, apparaissent de plus en plus comme des lieux attractifs avec lesquels il est intéressant de commercer. Des liens commencent à se créer, des négociants européens parcourent de plus en plus les royaumes africains. L’idée qu’il serait plus intéressant de dominer entièrement ces territoires plutôt que de commercer avec eux fait petit à petit son chemin. De plus, les évolutions technologiques vont permettre la colonisation, comme les avancées biomédicales en général, et en particulier la quinine, le développement du bateau à vapeur, ou encore l’invention du fusil automatique.

4.3. Guerres et rivalités européennes

L'armement se perfectionne en Europe à cause des nombreuses guerres, comme la guerre franco-prussienne de 1870.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:French_soldiers_in_the_Franco-Prussian_War_1870-71.jpg

En 1870, la révolution industrielle et les guerres, notamment la victoire de la Prusse sur la France en 1870-1871, entrainent une amélioration des armements et des techniques militaires en Europe. Les unifications allemande et italienne en 1870 poussent ces deux nouveaux États puissants à revendiquer une plus grande place dans l’obtention des ressources africaines jusque-là monopolisée principalement par la Grande-Bretagne et la France.  Les rivalités européennes sont très fortes au XIXe siècle. La défaite de la France face à la Prusse entraine sa volonté de se tailler un empire africain pour faire oublier l’humiliation et pour développer son économie. Elle s’appuie sur des missionnaires et des agents commerciaux déjà présents en Afrique. Les rivalités européennes vont s’installer en Afrique.

4.4. Évolution des rapports de force entre l’Europe et l’Afrique

Les perspectives économiques et politiques que représente l’Afrique pour les États européens bouleversent les rapports entre Européens et Africains. Dorénavant, certaines activités qui pouvaient apparaitre comme « désintéressées » comme les explorations, ou l’évangélisation des missionnaires commencent à être envisagées dans un intérêt stratégique pour les pays européens. Les missionnaires, et les marchands européens servent désormais les intérêts nationaux européens en recueillant des informations, et en tentant d’affaiblir les pouvoirs locaux.

5 ¦ Appropriation territoriale et résistance africaine (1880 – 1900)

Les Européens pour les motifs évoqués plus hauts (économiques, politiques, et « civilisateurs » principalement) vont élaborer plusieurs stratégies pour accaparer les territoires africains. Ils vont principalement utiliser la diplomatie, le droit international, et la guerre. Toutefois, les États africains ne se laisseront pas faire et résisteront, parfois pendant plusieurs décennies aux prétentions européennes.

5.1. Le droit international au service de la conquête

Contrairement à l'idée reçue, les Occidentaux ne sont pas partagé l'Afrique lors de la Conférence de Berlin en 1884/1855 mais ont établi les règles pour pouvoir occuper un territoire.source: Karikatur av Berlinkonferansen i 1884 [Internett]. Leverandør: akg-images, Leverandør: NTB scanpix. Henta frå: https://ndla.no/subject:1:e0a0faa8-cefd-481f-bf79-b45ad4d7c5e7/topic:3:182163/topic:3:164660/resource:1:165021

Les rivalités européennes qui se sont exportées en Afrique risquent de déclencher de nouveaux conflits en Europe, ce que les pays européens veulent éviter. Ainsi, la France et la Grande-Bretagne s’opposent dans le Haut et le Bas-Niger, quant aux Portugal et à la Grande-Bretagne, ils veulent éviter de s’affronter dans le bassin du Congo. La conférence de Berlin est alors organisée en 1884-1885 afin d’établir un certain nombre de règles pour l’occupation de l’Afrique et ainsi éviter des conflits entre États européens. Contrairement au mythe bien connu, l’Europe ne se partage pas l’Afrique, mais établit les règles à suivre pour revendiquer un territoire en Afrique. 

Aucun État africain n’est représenté lors de la conférence de Berlin. En effet, au cours du XIXe siècle, au nom de critères raciaux et civilisationnels, la plupart des pays non européens sont exclus du droit international. De plus, pour les États européens, bien qu’ils fassent du commerce avec les États africains, ils considèrent que comme ces derniers possèdent des esclaves et en font commerce, ils ne peuvent être reconnus en droit international. Dès lors, l’Afrique sera reconnue terra nullius (espace considéré comme pouvant être habité, mais ne relevant pas d’un État). L’Europe part, ici, avec un avantage sur l’Afrique, elle fait front commun, alors que les États africains sont divisés dès le départ.

En Afrique, les États européens s’allient avec certains États africains, en combattent d’autres, les montent les uns contre les autres, en Europe, à travers la conférence de Berlin (1885) et l’Acte de Bruxelles (1890), un front européen se dessine pour interdire, notamment, la fourniture d’armes à feu.  La stratégie est implacable et l’Afrique souffre d’un déficit diplomatique en politique internationale.

5.2. L’appropriation par traité

Hendrik Witbooi (1830 - 1905) entretient une correspondance avec les officiers allemands afin de défendre sa conception égalitaire entre nations.source: https://snappygoat.com/

L’Europe n’a pas systématiquement dû faire des guerres pour s’approprier des territoires en Afrique. Certaines régions sont tombées sous domination européenne grâce à des négociations. De nombreux traités sont signés entre les États africains et les États européens. Dans ces traités, en échange de protection, les Africains acceptent la perte de leur souveraineté, mais dans la plupart des cas, les chefs d’État africains conservent leur autorité. Il est probable que pour les Africains, ces traités soient surtout apparus comme des actes d’alliance et pas d’allégeance. Toutefois, certains chefs d’État africain refusent complètement ces traités comme le roi du Dahomey qui déclare, dans une lettre envoyée au roi du Portugal en 1887 : « Il vaut mieux que chaque nation gouverne ses terres, les Blancs dans les leurs avec leurs Rois, et moi, Roi du Dahomey avec les miennes. »

Parfois, certains chefs d’États africains trouvent eux-mêmes intéressant d’établir des liens avec un pays européen pour des raisons diverses : acquérir des armes, se défendre face à un voisin expansionniste, ou encore garantir son pouvoir face à des rivaux. Certains chefs d’État sont, par ailleurs, habiles dans l’art de jouer avec les rivalités européennes. Dès lors, il faut relativiser l’idée commune qui voudrait que la plupart des chefs d’État africains aient signé des traités avec une croix sans savoir ce qu’ils faisaient. En 1894, Witbooi, par exemple, chef du Namaqualand entretient une correspondance avec les officiers allemands afin de défendre ses revendications, et sa conception égalitaire entre nations. Ce sont parfois les Européens eux-mêmes qui ne comprennent pas les stratégies que poursuivent leurs nouveaux alliés africains.

Samori Touré (1830 – 1900) va résister 17 ans face à l’envahisseur français.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Almamy_Samory_Touré.jpg

Une fois les traités d’allégeance signés, tout n’est pas gagné pour les Européens. En effet, il est possible que des guerres se déclarent si les États africains considèrent que la pression coloniale est trop forte. Les Sotho, par exemple, lancent la « guerre des fusils » (1879 – 1881) face aux Britanniques alors qu’un traité avait déjà été signé. Witboi se soulève face aux Allemands en 1904, 10 ans après avoir pourtant accepté de se soumettre. Parfois, signer un traité est une ruse pour les chefs d’État africain afin de gagner du temps, de se procurer des armes et de se soulever face aux pays européens. Ainsi, Samori Touré en Afrique de l’Ouest conclut plusieurs traités avec les Français entre 1886 et 1889 avant de se soulever en 1891.

5.3. L’appropriation par la guerre

Si les traités ou l’ingérence ne fonctionnent pas, les Européens utilisent la guerre pour s’approprier les territoires africains. Les Européens vendent, tout au long du XIXe siècle, des armes aux Africains afin d’obtenir des marchandises, ou des traités. Dès lors, l’infanterie africaine se développe. Toutefois, suite à la conférence de Berlin en 1885 et surtout à l’Acte de Bruxelles en 1890, il est décidé, qu’au nom de la campagne antiesclavagiste, il est interdit de vendre des armes aux États africains, affaiblissant ainsi ces derniers.

Nehanda Nyakasikana (1863 – 1898), cheffe spirituelle du Mashonaland (Zimbabwé) prend la tête de la résistance face aux Anglais avant d’être capturée et exécutée par ceux-ci.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Capture_Nehanda_Nyakasikana.jpg

On retrouve du côté africain, par exemple chez les Zoulous, au Dahomey ou encore à Zanzibar, de très bonnes armées disciplinées avec de très bons généraux qui possèdent, en plus, l’avantage de mieux connaitre le terrain que les Européens. Les Européens ne vont pas directement envoyer des troupes entières en Afrique. L’émancipation des esclaves sert les intérêts européens. Cela leur permet d’affaiblir l’économie africaine basée sur ce système, et surtout d’enrôler dans leurs armées des esclaves émancipés qui se montreront loyaux envers leurs « libérateurs ». Mais il arrive que les troupes africaines, au service des Européens, se mutinent également, comme en 1897 dans l’État Indépendant du Congo où la Force publique (armée coloniale) se révolte. Les Européens se font également des alliés parmi les États africains grâce au travail de renseignements, des missionnaires et des marchands sur place.

Les Européens ne gagnent pas toutes leurs guerres d’occupation. En Éthiopie, lors de la bataille d’Adoua en 1896, Ménélik, empereur d’Éthiopie écrase l’armée italienne et parvient à maintenir l’indépendance de son pays. En 1879, les Britanniques sont battus par les Zoulous, même s’ils finiront par l’emporter. Malgré les défaites que peuvent subir les Européens, ils ont confiance dans la supériorité quantitative et qualitative de leur armement qui finira par faire la différence.

L’Éthiopie remporte une importante bataille à Adoua face aux Italiens en 1896.source: Battle of Adwa, 1910, E261845-0, Department of Anthropology, Smithsonian Institution.

La conquête militaire de l’Afrique n’est pas si simple que cela pour les Européens. Ils ont eu recours à une violence extrême pour parvenir à leurs fins. Comme les populations locales ravitaillent et soutiennent les armées autochtones, les officiers européens, à de nombreuses reprises et à différents endroits n’hésitent pas à ordonner de brûler les villages et à exécuter les prisonniers. Afin de soumettre les populations à la nouvelle autorité coloniale, les Européens n’hésiteront pas à brûler les récoltes, afin d’affamer les populations pour qu’elles se soumettent. C’est notamment une stratégie que la France pratique en Algérie. Ces pratiques sont d’autant plus choquantes qu’elles sont contraires au droit de la guerre en vigueur à cette époque et qui protège les prisonniers de guerre notamment.

Entre 1904 et 1908, les Allemands vont exterminer Hereros et Namas lors d'un des tout premiers génocides reconnus.source: Coll. J-B. Gewald / Courtesy of Vereinigte Evangelische Mission Archiv, Wuppertal.DR.

La violence coloniale, poussée à son paroxysme, a entrainé l’un des premiers génocides reconnus envers les Hereros et les Namas. Les Allemands vont exterminer entre 70 et 80% des Hereros, et près de 50% des Namas entre 1904 et 1908.

5.4. Conclusion

Les États africains ont probablement cru qu’étant loin de leurs pays, les Européens ne pourraient jamais être une menace significative, le nombre jouant pour l’Afrique. De plus, les États ont préféré jouer la carte individuelle alors qu’une solidarité panafricaine aurait certainement entrainé d’autres conséquences. Fin du XIXe –début du XXe siècle, les frontières coloniales sont tracées, mais des résistances à l’occupation vont perdurer jusqu’aux indépendances. Les Européens n’ont pas la maitrise absolue de l’ensemble des territoires,  certaines régions restent relativement autonomes contrairement à ce que pourraient faire penser les cartes des colonies africaines.

6 ¦ L’État colonial, entre lutte et consolidation (+- 1885 – +- 1960)

6.1. L’organisation des colonies

A. Statuts différents

Les territoires africains colonisés par les Européens n’ont pas tous le même statut. On peut distinguer la colonie, totalement dominée par la Métropole, et dirigée à tous les étages par des Européens et le protectorat où les élites locales restent en place tout en étant, bien sûr, soumises à l’autorité coloniale. Certaines régions passent d’un statut à l’autre pendant la période coloniale. Toutefois, on observe que les États européens ont de plus en plus tendance à se servir des élites locales pour gérer leurs territoires au cours de la période coloniale. Cela est moins couteux et plus efficace pour les Européens qui sont présents de manière très minoritaire en Afrique. Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas de véritable méthode coloniale propre à chaque pays européen. Les différences de gestion au sein d’un même empire colonial sont parfois plus importantes qu’entre les différents empires eux-mêmes. La gestion des territoires dépend surtout de la structure politique, sociale et culturelle de l’espace colonisé, plus que de la vision  du colonisateur. De plus, les puissances coloniales tentent de s’inspirer de ce qui semble le mieux fonctionner chez les autres. Dès lors, on peut véritablement parler de colonisation européenne au sens large, et non pas de colonisation britannique, française ou belge en particulier.

A la veille de 1914, toute l’Afrique est dominée par l’Europe, à l’exception du Libéria et de l’Éthiopiesource: CEC-Bokundoli
B. Le mythe de l’administration directe

Les colonisations belge ou française sont parfois présentées comme les représentants d’une administration directe, c’est-à-dire  que les colonisateurs organisent et maitrisent tout ce qui se passe dans la colonie alors que la Grande-Bretagne est présentée comme l’incarnation même de l’administration indirecte (Indirect rule), c’est-à-dire une administration qui s’appuie sur les élites locales. En réalité, il y a trop peu d’Européens présents dans les colonies, et les territoires sont si gigantesques qu’on ne retrouve pas des Européens sur l’ensemble des espaces colonisés. Dès lors, les colonisateurs n’ont d’autres choix que de s’appuyer sur les élites locales pour administrer leurs colonies. Les colonisateurs vont destituer des élites, en nommer d’autres, plus conciliantes, à leur place, mais ne peuvent se passer des élites locales.

C. Infrastructures

Une fois la main mise sur les territoires africains, les Européens vont tenter de développer les infrastructures en Afrique afin d’exploiter plus facilement les territoires colonisés, et de permettre une meilleure circulation des marchandises, des troupes, et des informations. Pour réaliser les travaux, comme l’installation de rails, ou de télégraphe, les Européens se servent de la main-d’œuvre locale contrainte de travailler dans des conditions abominables.

Ces infrastructures sont présentées comme un apport de la civilisation occidentale au bénéfice des colonisés. Or, elles permettent surtout d’asseoir la domination coloniale, et d’exploiter plus efficacement les territoires colonisés. Il convient aussi de relativiser l’apport d’infrastructure en Afrique, en 1914, le continent ne possède que 5% des voies de chemin de fer mondiales, et de nombreuses régions africaines restent dépourvues d’infrastructure, et ce parfois jusqu’aux indépendances. Les réseaux locaux, telle la marchele portage, ou encore la pirogue restent bien souvent importants dans les colonies.

Les Européens vont développer des infrastructures en Afrique dans leur seul intérêt et en exploitant la main d’œuvre africaine.source: HO.2013.57.143, collection RMCA Tervuren ; photo MRAC Tervuren

6.2. Violence et racisme

La répression est extrême. Des colonisateurs français posent avec une tête coupée africaine dans les années 1900.source: EN COURS

L’histoire entière de la colonisation repose sur la violence et le racisme. Le colonisateur fait usage de violence de la conquête jusqu’aux indépendances, que ce soit lors de combats pour assurer sa domination, de répressions face aux insurrections, ou encore lors de châtiments corporels pour divers motifs. Le racisme est le fondement même du droit dans les colonies. Les colonisés n’ont aucun droit, et la justice coloniale donne constamment raison à l’Européen en cas de litige.

Les châtiments corporels sont récurrents durant la colonisation.source: HP.1960.5.1308, collection MRAC Tervuren ; photo Delhaye, s.d.

Pour effectuer de grands travaux d’infrastructure, pour travailler dans les champs, les plantations, ou encore les mines, le colonisateur a besoin d’énormément de main d’œuvre. Il la puise dans les populations locales en les y contraignant, le plus souvent par la force. La pratique du travail forcé est régulièrement utilisée, des gens sont contraints de travailler, le plus souvent sans rémunération, et dans des conditions épouvantables pour le compte de la métropole.

Tous les colonisateurs vont recourir à un moment ou à un autre au travail forcé dans leurs colonies, pour des travaux publics ou privés. Dans les colonies françaises, par exemple, le travail forcé ne sera aboli officiellement qu’en 1946.

6.3. Les deux guerres mondiales

A. La Première Guerre mondiale

La tension extrême entre impérialismes européens va conduire au premier conflit mondial entre 1914 et 1918. La guerre va se dérouler principalement en Europe, mais aussi dans quelques colonies. Des centaines de milliers de soldats issus des colonies vont combattre en Europe, mais aussi en Afrique et en Asie pour le compte des métropoles européennes.

Les colonies britanniques, françaises et belges vont attaquer les colonies allemandes en Afrique. Le Togo et le Cameroun allemands vont tomber en 1916, tandis que l’Afrique-Orientale allemande ne se rend qu’en 1918. L’idée d’utiliser des forces coloniales pour faire la guerre en Europe n’est pas partagée par tous les Européens. Les Britanniques sont réticents, mais vont quand même les utiliser, les Belges ne vont pas y recourir en Europe, tandis que les Français sont plus favorables à cette utilisation. Dès 1911, certains officiers français insistent pour l’utilisation, en cas de guerre, de la « force noire ». Dans les pays colonisés, les élites africaines vont soutenir cette utilisation des troupes locales en espérant recevoir en retour des droits politiques. C’est le cas, notamment de Blaise Diagne, seul représentant africain au parlement français durant la guerre, qui soutient l’envoi de tirailleurs sénégalais. Toutefois, la mobilisation des forces colonisées ne va pas être une tâche facile. Certains vont fuir afin d’échapper à l’enrôlement.

En plus des troupes utilisées, de nombreux colonisés vont travailler dans des usines européennes, en France principalement. Les impôts vont augmenter dans les colonies afin de soutenir l’effort de guerre, le travail forcé va être utilisé à peu près dans toutes les colonies. Le mécontentement va augmenter dans les colonies, et des révoltes vont avoir lieu. Des promesses de réforme en faveur des colonisés vont être faites, mais aucune ne sera tenue par les colonisateurs à la sortie de la guerre, et ce malgré les sacrifices importants des populations colonisées. La fin de la Première Guerre mondiale va marquer la chute de certains empires coloniaux comme l’empire allemand. Après-guerre, les colonies allemandes vont être réparties entre les vainqueurs européens à savoir la Grande-Bretagne, la Belgique et la France.

Les Africains vont prendre part aux deux conflits mondiaux. Un officier britannique passe en revue les troupes nigérianes.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Nigerian_recruits.jpg
B. La Seconde Guerre mondiale

Comme lors du premier conflit mondial, les colonies vont être mises à rude contribution lors de la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette guerre, l’Afrique est l’un des centres où se déroulent les conflits.  En 1936, soit 40 ans après la défaite cuisante de l’Italie face à l’Éthiopie, l’Italie de Mussolini parvient à battre l’Éthiopie, restée indépendante jusque-là, et va l’occuper jusqu’en 1941.

Les pays colonisateurs vont s’appuyer sur leurs colonies qui vont servir de réserves d’hommes, de matière première et de produits alimentaires. Les Belges, dont le pays est complètement dominé par l’Allemagne nazie, conservent leur place parmi les Alliés grâce à leurs colonies africaines qui participent activement à l’effort de guerre. Les colonies sont stratégiques aussi pour les Français, divisés entre Pétain qui voit dans les colonies un moyen de garantir son pouvoir, et De Gaulle qui y voit le moyen de libérer le pays.

La mobilisation du côté des colonisés va être très importante,  et ils vont connaitre de lourdes pertes, notamment chez les tirailleurs sénégalais engagés au côté des Français. Des dizaines de milliers de colonisés vont être prisonniers dans les camps en Allemagne. Et de nombreuses troupes de soldats colonisés vont participer aux débarquements en Italie ou dans le sud de la France.

En plus des hommes envoyés au combat face aux nazis allemands et aux fascistes italiens, les colonies vont également servir de réserves de matières premières. On voit, à nouveau, la continuation du travail forcé, que ce soit dans les champs ou dans les mines des colonies africaines, cette fois au service de l’effort de guerre. Les conditions de vie sont très difficiles pour les populations dans les colonies, du fait de l’énorme pression qui est demandée aux populations afin de soutenir l’effort de guerre. Des pénuries, et des famines vont parfois voir le jour. Des révoltes vont avoir lieu dans de nombreuses colonies. Elles seront violemment réprimées par les colonisateurs.

Comme lors du premier conflit mondial, des promesses sont faites aux populations colonisées, mais elles ne sont pas tenues, une nouvelle fois, par les colonisateurs. Toutefois, les défaites des Belges, des Britanniques, des Français, et des Néerlandais face à l’Allemagne nazie vont montrer aux populations colonisées que les colonisateurs ne sont pas si forts et qu’ils peuvent être vaincus.

Après les Première et Deuxième guerres mondiales, les dominations en Afrique vont changer.source: CEC-Bokundoli

6.4. La marche vers la décolonisation

Encore plus qu’après le Premier conflit mondial, les peuples colonisés aspirent à voir leurs droits respectés, voire leur indépendance reconnue. En Asie, des mouvements de libération s’enclenchent, notamment en Indonésie (indépendance proclamée en 1945), ou en Indochine (proclamation d’indépendance du Vietnam en 1945). En Afrique, les populations espèrent que les nouveaux sacrifices consentis pour les Européens leur permettront d’acquérir davantage de liberté, ce qui ne sera pas le cas. Les mouvements réclamant l’indépendance vont prendre de l’ampleur.

L'ONU va jouer un rôle dans la décolonisation.source: https://www.un.org/

La Charte des Nations unies de 1945 condamne le colonialisme. Dès lors, les pays colonisateurs sont de plus en plus isolés sur la scène internationale. Les États-Unis qui se déclarent ouvertement anticolonialistes, mais aussi  l’URSS qui pour des raisons différentes condamne également le colonialisme.

De nombreux pays colonisés accèdent à l’indépendance, le plus souvent par la force, entre 1945 et 1965. Certains pays colonisateurs comme la Belgique font de timides réformes dans les années 1950 pour préparer les colonies à l’indépendance, d’autres comme la Grande-Bretagne déploient de plus grands efforts, en tentant toutefois de garantir le plus possible leurs intérêts dans leurs colonies.

7 ¦ L’impact de la colonisation en Afrique

7.1. Politique

Sur le plan politique, la colonisation a profondément bouleversé les structures politiques, en créant  de nouvelles constructions politiques qui échappent au contrôle des Africains. Le pouvoir de chefs traditionnels est fortement diminué. Alors qu’avant la colonisation, les décisions politiques sont prises de manière collective, sous l’autorité d’un chef, dorénavant, le chef sert à appliquer les décisions prises par une autorité étrangère. Le principe de « diviser pour régner » est appliqué pour mieux dominer, en opposant les groupes ethniques les uns aux autres.  Les mouvements politiques, qui sont créés à la veille des indépendances, font la promotion du nationalisme naissant, et du panafricanisme, et servent d’instrument de lutte pour l’indépendance. Ils sont le fait d’une élite africaine qui se développe dans les grandes villes du continent, et en Europe.

7.2. Économique

Sur le plan économique, l’économie coloniale entraîne la construction et le développement d’infrastructures routières, de voies ferrées, de l’installation du télégraphe et du téléphone, de la construction des ports et des aéroports qui sont créés dans le seul but de pouvoir mieux exploiter les territoires et les dominer. On constate, par ailleurs, que certaines régions considérées comme peu intéressantes pour les Européens ne bénéficient pas d’infrastructure, et ce jusqu’aux indépendances. La plupart de ces chantiers vont être menés par des populations contraintes de travailler et violentées par le colonisateur. Les cultures d’exportation sont développées, et remplacent par endroit  les économies de subsistance qui vont être transformées dans le seul but de fournir des matières premières destinées à l’exportation.

7.3. Social

Sur le plan des  répercussions sociales de la domination coloniale, on constate une chute démographique provoquée par la première phase de la colonisation. Les massacres, et  surtout les maladies vont faire chuter la démographie africaine. Par la suite, une fois les colonies établies, l’introduction, le plus souvent de manière contraignante, des systèmes de santé européens va entrainer un accroissement démographique et l’amélioration de la qualité de la vie. On constate également l’émergence de nouvelles structures sociales comme le mariage qui viennent se superposer aux structures sociales préexistantes.  Suite à la scolarisation, de nouvelles élites naissent dans tous les domaines et veulent être considérées comme égaux aux Européens, ce que ces derniers ne permettront jamais du fait de la vision raciste de la société.

8 ¦ Résumé

  • Les sociétés africaines du XIXe siècle entreprennent des réformes grâce à des facteurs internes et externes. La présence de missionnaires, et de commerçants européens, au lieu de profiter aux réformes, va souvent les saboter. En Europe, la révolution industrielle, et les guerres permettent à l’Europe de développer un armement très efficace. Dès lors, à partir des années 1870, les rapports de force entre États africains et européens deviennent de plus en plus inégaux.
  • Les Européens souhaitent mettre la main sur les territoires africains et entreprennent leur conquête, grâce au droit international, aux traités et à la guerre. Toutefois, loin des clichés habituels, les autorités africaines profitent parfois de ces traités pour leurs propres intérêts, et résistent longtemps à la conquête militaire. L’Éthiopie, par exemple, maintiendra son indépendance face à l’impérialisme européen.
  • Durant toute l’époque de la colonisation, les Européens vont faire face à des résistances. Ils vont développer quelques infrastructures pour leurs propres intérêts économiques et politiques, mais contrairement aux idées reçues, ces infrastructures ne seront pas aussi étendues que cela. Devant le peu d’Européens présents sur place, les colonisateurs n’auront d’autres choix que de s’appuyer sur les élites locales pour administrer les territoires, et les politiques coloniales vont surtout se décider grâce aux structures sociales et politiques présentes sur place, plus que sur une théorisation coloniale venant d’Europe.
  • Les deux guerres mondiales vont avoir un impact sur l’Afrique. Les colonies africaines vont participer, soit via des combats en Afrique et en Europe, soit comme réserve de matière première. Des promesses faites par les colonisateurs pendant les guerres ne sont jamais tenues une fois le conflit terminé.
  • Après la Deuxième Guerre mondiale, les critiques du colonialisme sont de plus en plus importantes. Les colonisateurs vont entreprendre de timides réformes pour tenter de maintenir leur domination, mais ne pourront pas lutter contre la volonté d’indépendance des territoires africains, présente dès les premiers jours de la colonisation.

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Comprendre la colonisation

Par Renaud Juste,

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Définir les concepts de colonisation, de colonialisme, et d’impérialisme.
  • Citer et expliquer les différentes motivations qui poussent les Européens à entreprendre la colonisation de l’Afrique.
  • Savoir que des critiques et des résistances ont eu lieu contre la colonisation, en Afrique, et en Europe.

2 ¦ Introduction générale

  1. L’Afrique au XIXe siècle

La fin de la traite négrière transatlantique et l’abolition de l’esclavage au cours du XIXe siècle vont entrainer une nouvelle dynamique en Afrique. Les souverains africains, dans de nombreuses régions du continent, vont essayer de réformer leur société, en renforçant leur puissance et la défense de leur territoire, mais ces efforts vont souvent être contrés par l’intervention extérieure des commerçants, et des missionnaires européens. De vastes et puissants États se situent partout en Afrique, certains, comme le royaume Ashanti, sont redoutés par les Européens. L’Afrique, au XIXe siècle, n’est donc pas un territoire vide de structures politiques comme on a pu longtemps le croire.

  1. L’Europe au XIXe siècle

L’avènement, à la fin du XVIIIe siècle, de la révolution industrielle en Europe, entraine l’accélération de la mondialisation. Les États européens, désireux de se procurer des ressources, et des débouchés pour leurs industries, vont manifester des visées expansionnistes en allant chercher en Amérique, en Asie, en Océanie et en Afrique les moyens de leur politique. L’Europe va se ruer vers de nouveaux territoires pour des raisons complexes mêlant peuplementexploitation économiqueexpansion politique, ou encore idéologie.

Au XIXe siècle, de nombreuses structures politiques existent sur le continent africain.

3 ¦ Quelques définitions

Les colonisateurs européens vont théoriser la colonisation, a posteriori, et tenter de justifier leur domination. Toutefois, les théories sont souvent éloignées des réalités du terrain.

  • La colonisation est une politique d’occupation, d’exploitation et de domination d’une région et de ses communautés humaines par une puissance étrangère (métropole). La colonisation repose sur la croyance en l’infériorité biologique et culturelle des colonisés face au colonisateur (racisme), et s’accompagne de violences multiples. La colonie et est liée économiquement, politiquement et culturellement à la métropole. Les colonisateurs (personnes qui colonisent) ont des droits étendus et peu de devoirs, tandis que les colonisés ont de nombreux devoirs et très peu de droits.
  • Le colonialisme est une doctrine qui a pour but de justifier la colonisation. Parmi les justifications, on retrouve l’économie (besoin d’accès protégé à des ressources et à des marchés), la politique (domination pour affirmer sa puissance en tant qu’État et civilisation), et l’humanitaire (lutte contre l’esclavage et apport de la soi-disant « civilisation »).
  • L’impérialisme est une doctrine d’expansion nationale au moyen de la force ou de l’influence et qui vise à dominer d’autres espaces et communautés. La colonisation est une forme d’impérialisme.

4 ¦ Les motivations européennes à la colonisation

Plusieurs motivations inséparables poussent les Européens à vouloir entreprendre la colonisation d’autres territoires extraeuropéens.

Au XIXe siècle, en Europe, on développe l’idée de races. La prétendue race blanche est considérée comme supérieure aux autres prétendues races.source: G. Bruno, Le tour di monde par deux enfants, 1877 (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:G._Bruno_-_Le_Tour_de_la_France_par_deux_enfants_p188.jpg)
  • la motivation économique : la métropole cherche à obtenir un réservoir de matières premières pour ses industries (par exemple le cuivre, l’or, le coton, ou encore le café) et de nouveaux débouchés pour ses marchandises. Jules Ferry, un homme politique français du XIXe siècle a déclaré : « La création d’une colonie, c’est la création d’un débouché…La politique coloniale est fille de la politique industrielle.» Une fois la colonie établie, la métropole contrôle la production, l’exportation, l’importation et le commerce dans ses colonies.
  • La motivation idéologique : la métropole souhaite imposer à d’autres populations son idéologie (religieuse, culturelle, etc.) qu’elle considère comme supérieure. Une fois la colonie établie, elle l’impose (s’il le faut par la force) aux populations colonisées, et tente de leur faire croire qu’elles sont inférieures culturellement.
  • La motivation démographique : dans certains cas, la métropole souhaite envoyer ses ressortissants dans d’autres régions du monde, afin qu’ils s’y établissent définitivement (c’est le cas des colonies de peuplement comme l’Australie, l’Algérie, et l’Afrique du Sud par exemple).
  • La motivation politique : la métropole veut accroitre sa puissance politique en occupant un ou plusieurs autres territoires.

5 ¦ Critique de la colonisation

Face à ces motivations coloniales, une résistance intellectuelle et effective s’installe dans les espaces colonisés comme l’Afrique, mais aussi en Europe. En Afrique, les populations vont résister violemment, et de vastes campagnes militaires vont se dérouler pendant des années. Jusqu’aux indépendances, les États européens vont devoir lutter contre des révoltes et des résistances permanentes de la part des colonisés, mais aussi contre le refus des colonisés de s’accepter comme « inférieurs », ou de répondre aux demandes des acteurs coloniaux (travail forcé, taxation). Les peuples colonisés, dans leur majorité, ne vont jamais accepter la domination européenne et vont constamment lutter contre l’envahisseur occidental.

En Europe, tout le monde ne soutient pas la politique coloniale. Par exemple, le socialisme européen, y compris sa branche communiste, s’oppose à la colonisation, en y voyant une des formes du capitalisme. En 1927, un congrès contre le colonialisme et l’impérialisme va se tenir à Bruxelles à l’initiative des communistes européens. Il rassemblera des intellectuels européens, mais aussi des représentants des peuples colonisés.

6 ¦ Résumé

La colonisation est un processus qui permit aux peuples européens de dominer et d’exploiter d’autres peuples du monde tandis que le colonialisme est une doctrine qui justifie pareille entreprise d’aliénation des pays étrangers à l’Europe et leur exploitation par les puissances d’occupation. Tout au long de la colonisation, les peuples colonisés résistent et se révoltent face contre la domination étrangère.

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Module 3

Par Benjamin Hennon,

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