1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • d’expliquer et de situer les migrations bantoues
  • d’expliquer et de situer les migrations des Oubanguiens
  • d’expliquer les différents mouvements migratoires en Afrique à partir du XVIIIe siècle, et leurs causes

2 ¦ Introduction

L’être humain occupe depuis très longtemps l’espace de l’actuel Congo, territoire de 2,3 millions de km carrés qui est le seul pays d’Afrique installé sur deux fuseaux horaires. Les traces les plus anciennes de la présence humaine révèlent la présence de communautés de chasseurs-pêcheurs-cueilleurs aux époques préhistoriques, comme en témoignent les pierres taillées et les nombreuses œuvres gravées ou peintes découvertes dans plusieurs régions grâce à l’archéologie. Au cours de ces périodes, les hominidés se sont déplacés d’un endroit à un autre de l’Afrique. Ces mouvements migratoires sont liés aux changements climatiques et de végétation qui se succédèrent sur le continent africain. Pour reconstruire l’histoire des espaces de ces temps anciens et des populations qui les ont occupés, on a recours à l’archéologie et à l’étude des langues. L’archéologie identifie, grâce aux témoins matériels, les cultures qui y sont associées et tente de corréler ces éléments aux langues.

La comparaison des langues permet de regrouper celles-ci en familles, de déterminer comment elles divergent au sein de chaque famille, et d’identifier leurs régions d’origine. Il existe quatre grandes familles de langue sur le continent africain : Niger-CongoAfro-asiatiqueNilo-saharienne et Khoisane. Ces grandes familles comprennent des sous-groupes, subdivisés en sous-branches. Elles nous renseignent sur l’histoire du continent. On a ainsi pu esquisser, pour l’Afrique, les mouvements de populations humaines en observant la façon dont les langues se sont diffusées à travers le continent. S’ajoute à cela un long processus de différenciation des parlers donnant lieu à diverses langues dont sont issues les langues parlées actuellement. On retrouve au Congo les langues appartenant à la famille Niger-Congo, notamment des langues du sous-groupe Bénoué Congo, du sous-groupe Bantu et du sous-groupe Oubanguien ainsi que des langues de la famille nilo-saharienne, du sous-groupe africain central et des sous-groupes Soudanique centrale et Nilotique.

3 ¦ Les migrations bantoues

Le vocable bantu est un concept linguistique qui signifie « homme » dans différentes langues d’Afrique subsaharienne. Le groupe des langues bantoues appartient aux Niger-Congo, l’une des quatre grandes familles de langues parlées actuellement en Afrique.

Le phénomène bantu doit être compris comme une migration, une expansion, une diffusion des langues, des cultures, des savoirs de groupes d’individus par vagues migratoires. Compte tenu de l’importance de son aire d’expansion, qui couvre presque les 3/4 de l’Afrique subsaharienne, le phénomène des migrations bantoues, qui aurait débuté il y a environ 4000 ans avant J.-C., est l’un des plus complexes et des plus exceptionnels.

Le foyer originel des langues bantoues se trouve dans la région des Grassfields, au sud de la Bénoué, à la frontière du Cameroun et du Nigéria. Les migrations bantoues ont bouleversé les modes de vie au sein des espaces et des populations, amenant au fil du temps l’évolution des traditions, le développement de la production alimentaire, la diffusion des techniques céramiques et métallurgiques, la propagation des différentes cultures, le développement du commerce ou l’émergence d’autres pratiques environnementales.

3.1. Les itinéraires suivis par les Bantous pour atteindre l’Afrique centrale

Les communautés de migrants bantous venus peupler le territoire actuel du Congo ont suivi deux itinéraires différents : une première vague migre vers l’ouest et forme le groupe dit « Bantou occidental » et une autre emprunte la voie orientale pour former le groupe dit « Bantou oriental ».

  1. Les Bantous occidentaux ont suivi trois directions :
  • un premier groupe aurait longé la côte atlantique pour s’y installer.

Les deux autres mouvements migratoires ont été encouragés par un changement climatique survenu entre 2000 et 600 avant J.-C. qui favorise la migration et la sédentarisation des populations bantoues occidentales vers le centre du bassin du Congo, faisant reculer la forêt en faveur du développement de la savane sur un espace couvrant la région du Pool Malebo et du bassin de la rivière Sangha.

  • un deuxième groupe aurait traversé la forêt tropicale vers les rivières Ubangi et Sangha.

Ces communautés, qui produisent des céramiques connues sous le nom d’Imbonga (400 avant J.-C.) forment des villages près de Mbandaka, sur la rivière Momboyo et autour du lac Tumba. Cette colonisation progressive entraîne de multiples interactions et mélanges avec les précédents habitants déjà installés, à savoir les pêcheurs-cueilleurs non-bantous.

  • un troisième groupe aurait traversé le fleuve Congo au niveau du Pool Malebo.

L’éclaircissement de la savane favorise l’implantation de groupes de populations dans le Pool Malebo et jusque dans les régions du Kongo Central et du Kwango. Les premières traces de villages sont avérées dans la province du Kongo Central grâce aux céramiques de type Ngovo (200 avant J.-C.) qu’on y a trouvées.

2. Les Bantous orientaux ont suivi deux itinéraires :

  • Un groupe a longé la lisière nord de la forêt équatoriale jusqu’à la partie orientale de l’Afrique. Ils se sont d’abord déplacés dans la région des Grands Lacs.

La durée très longue pendant laquelle se constitue ce peuplement donna lieu à une culture originale en constante expansion dans des espaces où le paysage offre un développement harmonieux. La réussite de ces installations se traduit par une croissance démographique remarquable, qui fait de cette région l’une des plus densément peuplées du Congo. La présence de ces Bantous orientaux dans cette région est avérée grâce aux poteries de type Urewe (600 avant J.-C.). Au XVIe siècle après J.-C. et durant plusieurs siècles,  des populations bantoues, qui occupaient la région de l’Ouganda, s’introduisent au Congo et s’installent dans les provinces de la Tshopo, du Maniema, et du nord et sud Kivu sous la pression des Nilotiques. Ces mouvements prennent la forme à la fois de multiples déplacements de petits groupes en quête de zones à défricher et de pâturages, et de grignotage progressif des terres disponibles

  • Un autre groupe a continué sa migration vers le sud du continent.

Certains atteignent le Congo et s’installent dans la dépression de l’Upemba, sur le fleuve Lualaba (à la source du fleuve Congo). Au Xe siècle, se sont constituées au sein de cet espace des communautés villageoises et des royaumes puissants.

Progression des peuples de langues bantou entre 3000 et 1000 avant J. C.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bantu_Phillipson.png

4 ¦ Les migrations des Oubanguiens

Les populations bantoues ne sont pas les seules à migrer vers le territoire de l’actuel RDC. Au sein de la famille Niger-Congo, il existe une sous-branche appelée Oubanguiens.

Une première vague de peuples oubanguiens s’installe dans le bassin du Haut-Ubangi et de l’Uélé, au nord de la RDC. Cette expansion est intervenue entre 4000 à 3500 ans av. J.-C. Cette vague migratoire a eu comme résultat de bouleverser le territoire des populations de langue soudanique déjà établies.

Au Xe siècle après J.-C., des populations oubanguiennes, qui maîtrisent les techniques de production alimentaire, la poterie et la métallurgie du fer, occupent progressivement la frange nord de la forêt équatoriale, le long de l’Ubangi-Mbomou. Ils se dirigent ensuite par vagues migratoires vers le sud-ouest en empruntant les cours d’eau du bassin congolais. Ces migrations se produisent probablement de manière localisée et progressive. On trouve peu de traces matérielles de cette communauté.

Les dernières vagues migratoires de groupes oubanguiens ont lieu entre le XVIe et le XIXe siècle, et s’expliquent en raison surtout des guerres esclavagistes menées par les peuples islamisés du Nord. En effet, après avoir soumis les États chrétiens du Soudan au XIVe siècle, les Arabes musulmans d’Egypte investissent dès le XVe siècle le Darfour et le Kordofan, et chassent les populations Mangbetu, Zandé et Ngbandi qui prennent la direction du sud pour se fixer au nord du CongoCes poussées s’exercent par le Kanem-Bornou (Tchad), le Sokoto (Nigéria), le Darfour et le Kordofan (Soudan). Ils affrontent, chassent et absorbent les peuples bantous qui occupent alors cet immense territoire situé entre les deux bras de l’Ubangi le Mbomu et l’UéléLes Bantous de cette région étaient des Baboa, des Ngombe et des Mbuza plus au sud.

Au milieu du XIXe siècle, des migrants venus directement du Tchad et du nord du Nigéria traversent la boucle de l’Ubangi et s’attaquent aux populations Ngbaka et Mbanza établies dans la région. Ils portent le nom générique de Soudanais (puisqu’ils étaient originaires du Soudan géographique).

5 ¦ Les migrations des langues soudaniques centrales

Bien que majoritaire, les populations de la grande famille Niger-Congo ne sont pas les seules à se disperser sur le territoire de l’actuel RDC. Un ensemble de populations de langues nilo-sahariennes se déplace à l’est et au nord de l’Afrique centrale. Son foyer d’origine serait la région comprise entre l’Ethiopie actuelle et le Soudan. La vague migratoire est donc partie de ce foyer pour se répandre de l’est à l’ouest pour atteindre le Congo actuel. Dans cette expansion, il y a des langues soudaniques centrales et des langues nilotiques.

Les migrations des langues soudaniques centrales

Ce groupe de population de langue soudanique centrale est présente dans la frange nord-est de la RDC. C’est dans la région au nord du lac Albert que se trouve son foyer de dispersion. Il est difficile de savoir avec précision quand ces vagues migratoires ont commencé. Certains avancent la date de 4000 ans av. J.-C.

Les populations parlant ces langues soudaniques centrales se répartissent du lac Albert au lac Tchad. Les familles linguistiques qui la composent en RDC sont : Lendu (autour de lac Albert), Moru-Madi (le long de la rivière Uele), Mangbetu (entre l’Uele au nord et le fleuve Congo au sud jusqu’au lac Edouard) et le groupe Sara-Bongo-Bagirmi qu’on retrouve dans les provinces actuelles d’Ubangi.

Les migrations des populations Nilotiques

Parmi les derniers groupes de migrants, il faut noter la présence de populations de langues nilotiques. Elles arrivent du Soudan nilotique en passant par le Bahr El-Ghazal et par l’Ouganda pour occuper le nord-est de la RDC actuelle, plus précisément les régions de l’Ituri-Uélé-Béni. Représentées par les populations Alur et Hema, elles ne bouleversent pas la démographie de la région, car elles sont très marginales dans l’ensemble de la République Démocratique du Congo.

A la chute de l’empire égyptien, la migration des populations s’accentue dans toutes les directions. Les Africains migrent par vagues successives vers l’intérieur du continent. Ils construisent de grands empires dans lesquels la richesse et la justice règnent. En dehors de ces mouvements migratoires bantous, nilotiques et ubanguiens très anciens, on peut aussi noter des vagues migratoires beaucoup plus récentes entre le XVIIIe siècle et le début de la colonisation. Liées à la traite négrière, au commerce arabe ou à la pénétration européenne, elles constituent et sont à l’origine de déplacement des populations à l’intérieur du territoire congolais.

6 ¦ Résumé

  • Afin de déterminer les mouvements migratoires en Afrique, l’étude des langues, et l’archéologie donnent de précieux renseignements.
  • Les migrations bantoues auraient débuté il y a 4000 ans. C’est un phénomène complexe. Le foyer originel des langues bantoues se situe dans la région des Grassfields. Les migrations bantoues vont bouleverser les cultures et les modes de vie locaux. Des Bantous s’installeront dans l’actuel RDC.
  • En plus des Bantous, les Oubangui vont également s’installer dans l’espace actuelle de la RDC. Une première vague a lieu vers – 4000 , une deuxième a lieu au Xe siècle, et les dernières vagues ont lieu entre le XVIe et le XIXe siècle.
  • De manière plus minoritaire, des populations de langue nilo-sahariennes vont également s’installer sur le territoire actuel du Congo. Ces populations sont originaires d’une région entre l’Éthiopie et le Soudan.
  • Des populations nilotiques vont également s’installer dans le territoire de l’actuel Congo. Elles proviennent du Soudan.
  • D’autres mouvements migratoires auront lieu à partir du XVIIIe siècle, à cause des traites négrières, du commerce arabe, ou de la pénétration européenne.