Texte : Naissance de Lianja (extrait de l’épopée de Lianja)
Il existe un document littéraire qui témoigne de la communauté culturelle des peuples de la cuvette, les Mongo-Nkundo. Il s’agit de l’épopée de Lianja (Nsong’â Lianja) dont les différentes variantes se retrouvent sur un espace étendu, fait de plusieurs ethnies et sous-ethnies. Quelques variantes ont pu être consignées par écrit grâce notamment au travail patient de E. Boelaert (« Nsong’â Lianja » Congo 1934,1, pp. 49-71 ; pp. 197-216 ; Lianja-Verhalen I Ekofo-versie, Tervuren 1957 ; Lianja- Verhalen IL De voorouders van Lianja, Tervuren 1958 ; Nsong’â Lianja, Bamania, 2e Edit., 1964 ; Nsong’â Lianja, Bamania, 3e édition, 1986), de A. De Rop (Lianja, l’épopée des Mongo, ARSOM, 1964 ; Versions et fragments de l’épopée mongo, ARSOM, 1978) et de M. Mamet (La légende d’Iganja, Bruxelles, 1962). 11 en existe même une variante composite de J. Esser (Légende africaine – Iganza, héros national nkundo, Paris, 1957). Aucune lecture historique de l’épopée n’a encore été tentée jusqu’ici. Mais le fait de son existence, sur une aire si large, témoigne d’une certaine communauté d’histoire des peuples qui s’en réclament.
On notera, dans la légende, plusieurs cycles épiques présents au sein de chaque variante recueillie. Le premier cycle porte sur les parents de Lianja qui appartiennent à la génération de la première création, son père est celui qui apporta les premières formes de la culture. Le deuxième cycle porte sur les événements de la conception et de la grossesse de la mère de Lianja, grossesse difficile pendant laquelle sa mère devint fort capricieuse au niveau de l’alimentation. C’est en voulant satisfaire ces caprices que son père trouva la mort, peu avant la naissance. Le troisième cycle dont voici un extrait concerne la naissance du héros, celle de sa sœur jumelle et les aventures merveilleuses qu’il a vécues pour venger son père tué pour avoir été cueillir le fruit tant réclamé par sa femme, la mère de Lianja.
« …Pendant le deuil, les maux de Mbombe (la mère de Lianja) s’aggravent. Elle s’affaiblit et sa grossesse est effrayante… elle souffre à faire peur. Ceux qui la voient ne s’attendent pas à ce qui va venir. Elle commence à enfanter : un spectacle. (Elle met au monde toutes les espèces de bêtes, d’oiseaux et d’insectes ; après, elle enfante les hommes…).
Après, Mbombe sent encore des douleurs. Elle entend quelqu’un qui parle dans son ventre et dit : « O maman, je vois que les esclaves ont sali le chemin que j’avais à prendre et je ne veux plus de ce chemin. Cherchez-m’en un autre ». La mère : « Non, non, je n’ai pas le choix, viens par ce chemin » L’homme répond « Moi je ne veux pas celui-là ; cherchez-m’en un autre car j’arrive avec ma sœur ». La mère : « Mais comment faire ?» Il dit : « Faites comme je vais vous dire. Prenez du kaolin, mettez-le sur le devant de la jambe que je passe par là » … La mère prend donc du kaolin et en met sur le devant de la jambe. Elle a à peine fini, qu’elle voit sa jambe gonfler, gonfler et devenir comme une excroissance d’arbre. La mère tremble de peur. Tous les assistants fuient. Et la jambe se fend d’un coup. On voit un homme très grand et très beau qui fait revenir tous les hommes. Il prend son vol et va se mettre sur le toit de la maison. Puis ils voient une très belle femme briller comme les rayons du soleil et suivre son frère sur le toit.
Tout le monde les regarde avec effroi. On a beau chercher leur pays d’origine : introuvable.
Sachez que cet homme est venu avec douze lances, un couteau et trois belles armes, ses deux pots et deux coupes et qu’il reste assis près de sa sœur. Anjakanjaka jette des salutations de tous côtés et saute sur le sol. Les gens s’étonnent à tomber. Il saute et retourne en haut. Peu après, il s’écrie : « Nsango de ma mère, viens ». Et l’on voit Nsango s’envoler vers le ciel. Subitement iis reviennent. Les gens affluent de tous côtés et viennent admirer Lianja et sa sœur Nsango ».
(Boelaert E., Nsong’A Lianja, Centre Aequatoria 1986, 3- édition, pp. 45-48).
Source : Isidore Ndaywel è Nziem, Histoire générale du Congo, Bruxelles, 1998.