Personnages Historiques

1583 — 1663

Reine Anne Nzinga

Comme toutes les femmes qui ont mené, avec succès, des guerres, la reine Nzinga du Matamba enfièvre encore les imaginations. Des récits, des légendes, du Portugal ou de l’Angola, en feront un être d’exception. Présumée cannibale, baptisée, renégate, rebaptisée dans sa vieillesse. Empoisonneuse. Lubrique (elle aurait eu un harem de jeunes hommes habillés en concubines). Parlant couramment le portugais. Inventant la guérilla… Ce qui ressort, à l’évidence, des travaux d’historiens, c’est une figure de grand format : diplomate subtile, stratège douée, résistante irréductible. 

À la fin du XVIe siècle, Kiluanji, « ngola » (chef suprême) du royaume Ngongo et guerrier redouté, affronte les Portugais pendant des années. La décadence où ces derniers avaient plongé le royaume voisin du Kongo lui avait ouvert les yeux. Sa fille Nzinga grandit dans ce climat de guerre et de haine des envahisseurs. De tous les enfants de Kiluanji, c’est elle, dit-on qui lui ressemble le plus. Elle est mariée et mère d’un petit garçon quand le « ngloa » vient à mourir. Ses deux frères, plus légitimement qu’elle pouvaient prétendre accéder au trône.

Quand l’appétit du pouvoir l’emporte sur la fraternité

Mbandi, l’aîné, succède à Kiluanji. Il s’empresse d’éliminer tout rival potentiel, y compris son propre frère et le fils de Nzinga. Celle-ci s’enfuit alors avec le reste de la famille dans le territoire voisin du Matamba qui deviendra, plus tard, le siège de son pouvoir. Elle y assistera, impuissante, à la débâcle militaire de son peuple. Mbandi, incapable de faire front, laisse l’armée portugaise s’enfoncer au cœur du Ndongo, à la recherche de mins d’argent mythiques. Désemparé, inquiet pour son trône, il fait alors appel à Nzinga (en qui le peuple a reconnu l’énergie de Kiluanji) pour une mission de médiation.

Une médiatrice digne et assurée

Oubliant sa rancœur, elle se rend à Luanda, chef-lieu de l’implantation portugaise. Loin de faire preuve de l’humilité d’une vaincue, elle arbore au contraire ses insignes de royauté et a soin de se faire accompagner d’un cortège fastueux, chargé de chanter ses louanges. Ici, se place un épisode dont les échos gagnent l’Europe. Le Gouverneur est assis sur son trône. Refusant de rester debout comme une quelconque suppliante, elle fait signe à une suivante qui va servir de siège humain ! L’assemblée est interloquée. Nzinga marque les premiers points et quand l’entretien se termine, un traité est conclu. Elle sort, tête haute, non en vassale mais en alliée, et se fait alors chrétienne.

Riposte musclée à tromperie sournoise

Les Portugais, toujours plus avides d’esclaves, ne respecteront pas le pacte de non-agression. Nzinga choisira donc les armes, seul moyen de préserver l’indépendance de son pays. Elle s’y emploiera tout au long de sa vie, usant de techniques de guérilla, multipliant les coups d’éclat, surprenant sans cesse l’ennemi par des alliances périlleuses : avec l’armée des redoutables Jaga réputés cannibales, ou avec les Hollandais qui, dans la région, veulent casser le monopole commercial portugais. Ce harcèlement, peuplé de victoires et de revers, durera plus de vingt ans et, jamais le Matamba ne sera occupé. Á soixante ans passés, la reine mène encore ses troupes au combat…

Plus tard, dans son grand âge, elle conclut une paix honorable et assortie de garanties réelles. Elle se fait rebaptiser et envoie à Rome une ambassade. Quand elle meurt, à plus de quatre-vingt ans, c’est à sa sœur qu’elle lègue le royaume, préservé par sa résistance.

Trois siècles plus tard, les chants des maquisards angolais, durant la guerre d’indépendance (guerre d’escarmouches et de harcèlements), évoquaient toujours le nom de Nzinga.

Texte issu de l’exposition « Femmes, d’Afrique » de l’ONG CEC (https://www.cec-ong.org/actualite/femmes-d-afrique.html)