PREFACE
Ainsi que nous l’avons personnellement stigmatisé dans une œuvre analogue à la présente[1], un regard même distrait de ce que, de nos jours, l’on adopte comme opinions, attitudes et comportements à Kinshasa suffit pour nous convaincre de l’amplitude des problèmes sociaux, c’est-à-dire de tous ces travers qui hypothèquent le déroulement normal de la vie des citoyens.
La situation sus évoquée, on le sait bien, résulte du contexte de précarité existentielle multiforme dans lequel évoluent les habitants de la capitale congolaise depuis belle lurette. L’incivisme et même la criminalité gagnent sensiblement du terrain.
Cet état de choses ne peut qu’interpeller la conscience collective surtout à cette période post-conflit au cours de laquelle, les congolais, dans leur majorité, adhèrent au créneau de la reconstruction nationale. C’est pour cela qu’aujourd’hui que plus qu’avant, les chercheurs en sciences sociales notamment, devraient s’efforcer d’éclairer la lanterne par rapport à ce sujet et surtout arriver à proposer des pistes de solutions susceptibles de ramener nos populations sur l’orbite d’une vie apaisée et digne à la portée de chaque membre de cette communauté.
A partir de là, se lit toute notre promptitude à préfacer cet ouvrage qui s’inscrit dans la droite ligne des objectifs poursuivis par la Chaire de Dynamique Sociale (CDS) qui étudie les mouvements et enjeux sociaux, au sein de laquelle je joue le rôle d’animateur principal et qui prône à chaque instant une interface sincère entre notre université et la société kinoise.
C’est dans cette optique que s’inscrit si heureusement ce travail de Monsieur Germain KUNA MABA MAMBUKU, Licencié en Sciences Politiques et Administratives, et Diplômé d’Etudes Approfondies (DEA) en Bonne Gouvernance, sécurité et Défense Commune et Doctorant à la Chaire Unesco, de l’Université de Kinshasa.
Le phénomène Kuluna ou le gangstérisme de rue à Kinshasa, abordé dans cette étude, domine les conversations depuis le début de l’année en cours et se trouve au centre des préoccupations des médias de Kinshasa. Ce choix d’un thème d’une actualité brûlante constitue le premier mérite de l’auteur.
Pour un essai, ce livre est suffisamment documenté sur le gangstérisme. Il commence par donner une vu panoramique sue les gangs et les gangsters de Kinshasa. En rapport avec cette première partie, l’Auteur expose entre autres, les contingences sociales à la base de l’émergence et de l’accentuation du gangstérisme kinois; la culture du gangstérisme ; les diverses opérations menées par les gangsters de Kinshasa ainsi que leurs retombées socio-psychologiques sur la vie de la population martyre. Cette somme de données empiriques constitue le deuxième mérite de l’Auteur.
Mesurant les incidences désastreuses du phénomène Kuluna dans son univers d’investigation, Germain KUNA qui n’ignore pas l’engagement des pouvoirs publics à travers particulièrement le Ministère de la Justice et la Police Nationale dans la lutte contre ce fléau, estime que les résultats demeurent toujours loin d’être satisfaisants et durables. Par conséquent, conclu l’Auteur, il y a lieu de procéder autrement.
C’est ainsi qu’à l’issue du diagnostic, l’Auteur propose dans la seconde partie de son œuvre, une thérapeutique qui intègre des mesures coercitives et des actions éducatives. Cette contribution marque le troisième mérite de l’Auteur.
A propos de l’usage de la force par les pouvoirs publics congolais, l’Auteur prône comme moyen capable de détruire les socles du gangstérisme et de favoriser le démantèlement de la puissance des gangs à Kinshasa.
Cependant, la formation en sciences sociales lui ayant révélé les limites des actions coercitives dont les résultats se veulent en général immédiats mais éphémères, passagers ou superficiels, il ne s’est donc pas arrêté là. Aussi soucieux de les rendre durables et profitables à toute la communauté, Germain KUNA MABA recommande une didactique intégrée susceptible de générer une reconversion des mentalités, génératrice de l’ordre et de la paix dont la République Démocratique du Congo et sa capitale Kinshasa ont besoin pour prendre de l’envol.
Le débat engagé, les leçons tirées et les perspectives tracées permettraient à coup sûr, de faire changer positivement et durablement la situation décriée. Mais pour y parvenir, la lecture de cette œuvre, la vulgarisation de ses idées maitresses, l’engagement personnel de chacun et cela à tous les niveaux, à les mettre en application, en constituent les préalables incontournables.
Comme moi qui ai eu le privilège de découvrir et d’être aussitôt fasciné par l’éclairage que nous fournit le livre de Germain KUNA sur le phénomène qui nous agace constamment, je ne doute pas à ce que tout intellectuel doublé de patriotisme puisse se montrer attiré par cette précieuse contribution en vue de mettre de l’ordre dans sa vie personnelle, dans celle de notre société globale. Je recommande vivement la lecture de cet ouvrage à tous.
Sylvain SHOMBA KINYAMA
Professeur ordinaire
[1] SHOMBA KINYAMA, Kinshasa : Mégapolis malade des dérives existentielles, Paris, L’Harmattan, 2004.