Partie 7 : Le Congo contemporain. Avant-Propos
Isidore Ndaywel è Nziem
Dans Histoire générale du Congo (Afrique Éditions)
Septième partie
Le Congo contemporain
Tous les ruisseaux et toutes les rivières congolaises déversent généreusement leurs eaux dans l’impétueux et majestueux fleuve qui donne le nom à notre pays. De même (…) les ressortissants de diverses tribus et ethnies se sont maintenus en une même, belle et fière métropole : Kinshasa. Ce lieu privilégié est devenu un véritable centre de force nationale. Le fleuve et la ville. Partout l’unité congolaise, quoi qu’il arrive. Double présage pour l’avenir du Congo (Mabika Kalanda).
L’indépendance donna un nouvel essor à la mutation déjà amorcée et se caractérisa par un réel apprentissage à l’autogestion, après la cession brutale du pouvoir. Dans cette situation trouble s’esquissèrent les premiers traits du Congo nouveau, qui ne seront pris en compte que vers les années 70, en tant que synthèse dynamique des cultures anciennes et de l’apport de la colonisation et de la décolonisation, telle que l’auront façonnée les contemporains zaïrois. On constatera que le second moment de la mutation, à savoir le deuxième âge de la décolonisation qui succéda à celui des années 56-60, a été fort riche. Ce fut en même temps une période de changement et de continuité. Changement par le fait même de l’indépendance, avec ses innovations dont la plus sensible est l’exercice du pouvoir jusqu’au plus haut échelon, par les fils du pays ; continuité parce qu’il fallait venir à bout du pouvoir colonial. Pour confirmer cet aspect de continuité, la décolonisation sera, dans la seconde phase comme dans la première, une période de guerre. La « guerre de trente ans » amorcée en 1959 se poursuivit au-delà de 1960, avec les mutineries de la Force Publique, l’intervention des forces métropolitaines belges, celles des troupes de l’ONU et de l’ANC contre les sécessions ; puis vinrent les rébellions mulelistes, l’intervention des troupes aéroportées à Kisangani, les révoltes des mercenaires et des gendarmes katangais. Cette longue crise provoqua une vive émotion, que le poète sénégalais Lamine Diakhate traduisit de manière pathétique :
Léopoldville
Serais-tu devenue la Capitale de la douleur
La grande blessée du siècle ?
Les avions vomissent multitude d’hommes
Sur ton cœur
Sur tes épaules [1]
Ce climat de guerre, qui s’était installé en 1959 avec les premières oppositions Luba – Luluwa, ne s’estompa qu’en 1968, la première année d’indépendance où les armes se turent pour un temps sur l’ensemble du territoire national. Cette accalmie permit l’instauration d’une ère nouvelle. L’historien qui n’aurait pas vécu lui-même cette période de 10 ans serait tenté d’y voir une période transitoire entre l’industrialisation suivant la deuxième guerre mondiale et plus tard, l’élaboration de la «nouvelle société zaïroise». Mais pour le peuple concerné, cette époque constitue plutôt une période glorieuse, héroïque où l’indépendance et l’unité du pays ont été conquises après un combat long et acharné ; période au cours de laquelle le pays a pu être gouverné de la façon la plus correcte possible, malgré l’inexpérience de ceux qui étaient au pouvoir et les événements dramatiques qui l’ont caractérisée.
Si l’on tient compte de l’aspect vécu de cette époque, il faut donc y voir surtout la volonté de conserver l’aboutissement d’une aspiration et la volonté de conserver cette indépendance, envers et contre tout. Pour notre part, nous avons choisi de nous en tenir à ce point de vue.