Personnages Historiques

1506 — 1543 (Afrique centrale)

Nzinga Mbemba - Afonso Ier

Second Manikongo chrétien du Kongo, Nzinga Mbemba est le monarque qui étendit le contrôle efficace du royaume Kongo au Sud.  Baptisé Afonso Ier, il est le premier roi africain reconnu par une nation européenne (Portugal) et par le pape qui reçut officiellement son ambassadeur Antoine Emmanuel Nsaku ne Vunda.

Son règne coïncida avec le début de la traite portugaise d’esclaves (sur des voisins ennemis du Kongo ou prétendus sauvages), une traite à laquelle il tenta de mettre un terme en écrivant au roi du Portugal pour dénoncer ce trafic illégal d’êtres humains qui déstabilisait son royaume et dénaturait l’annonce de l’Évangile.

Nzinga Mbemba était gouverneur de la province de Nsundi et fils du Manikongo Nzinga Nkuvu Jean 1er. La province Nsundi, qui enjambait le fleuve Congo au nord-est du royaume (actuel sud des régions de la Buenza et du Pool), était le lieu d’origine de la lignée du roi, à tel point qu’elle était considérée comme la propriété personnelle et privée de la famille royale. Le métier de la famille royale était celui de Ngangula, en français, « forgeron » et comme, Nsundi était la province d’où provenait l’essentiel du fer utilisé dans le royaume, cela renforçait leur pouvoir : « Avec le fer, ils forgeaient des armes, avec les armes ils faisaient la force du pays. »

À la mort de son père, sa mère craignant que Mpanzu, son neveu et les conservateurs s’emparent du trône, dissimula le décès jusqu’à ce que Nzinga Mbemba en soit informé. Lorsque la nouvelle fut officiellement annoncée, Nzinga Mbemba se trouvait  aux portes de la capitale avec l’ensemble de ses troupes, les plus nombreuses et les plus expérimentées du royaume. Il fut élu roi sous le nom de Afonso Ier Mbemba Nzinga malgré les protestations de Mpanzu et grâce aux armes des portugais qui soutenaient le progressiste qu’ils voyaient en lui. Une fois roi, Afonso 1er gouverna sous l’emprise des prêtres portugais qui le radicalisèrent dans sa foi et dans l’occidentalisation du pays. Son cousin maternel Mpanzu, opposé à la christianisation, leva une armée pour prendre le pouvoir avec le soutien de tous les conservateurs anti-occidentalisation alors majoritaires. Lors de la bataille qui s’ensuivit, Mpanzu fut vaincu, parait-il grâce à l’apparition de Saint-Jacques-le-Majeur dans le ciel, venu au secours de Mbemba qui l’avait invoqué en prière. Afonso Ier Mbemba Nzinga immortalisera cet évènement par un blason que les rois du Kongo utiliseront pendant 3 siècles au cours des guerres, jusqu’en 1860.

Instruit, on dit que Afonso Ier Mbemba Nzinga  lisait tous les jours jusqu’à épuisement. Il créa, dès 1509 une grande école à Mbanza Kongo qui, dès 1516 compta plus de 1000 étudiants. l’Ecole royale accueillit ainsi jusqu’à 400 étudiants issus des familles nobles. On y apprenait les lettres, les mathématiques, et la théologie. Plus tard elle aura un rôle plus universitaire, cédant à d’autres écoles moyennes implantées dans les provinces le rôle de formation de base. Une des sœurs de Afonso Ier ouvrit à la même époque une école pour les filles. Une autre partie de l’élite était par ailleurs formée au Portugal.

Afonso Ier construisit des églises, modernisa son administration fiscale et tenta de créer des manufactures locales. On connait les moindres détails du règne de Nzinga Mbemba Afonso 1er, grâce aux très nombreuses et longues lettres qu’il envoyait au roi du Portugal, Dom Joâo III. Ces citations sont empruntées à une lettre, datée du 6 juillet 1526, dont le passage suivant résume fort bien le caractère tragique de la situation, et la volonté d’y porter remède : « Nous ne mesurons même pas toute l’importance de ce dommage, car les marchands enlèvent chaque jour nos sujets, enfants de ce pays, fils de nos nobles et vassaux, même des gens de notre parenté. Les voleurs et hommes sans conscience les enlèvent dans le but de faire trafic de cette marchandise du pays, qui est un objet de convoitise. Ils les enlèvent et ils les vendent. Cette corruption et cette dépravation sont si répandues que notre terre en est entièrement dépeuplée. Votre Altesse ne doit pas juger que cela soit bon ni en soi, ni pour son service. Pour éviter cet abus, nous n’avons besoin en ce royaume que de prêtres, et de quelques personnes pour enseigner dans les écoles et non de marchandises, si ce n’est du vin et de la farine pour le saint sacrifice. C’est pourquoi nous demandons à Votre Altesse de bien vouloir nous aider et nous favoriser en ordonnant à vos chefs de factorerie de ne plus envoyer ici ni marchands, ni marchandises. C’est en effet notre volonté que ce royaume ne soit ni un lieu de traite ni de transit d’esclaves, pour les motifs énoncés ci-dessus » (Jadin, L. ; Dicorato, M., 1974 :156 Cité par Bontinck, F., 1980: 394).

Dans ses plaintes au roi du Portugal devenues récurrentes, le roi de Kongo Afonso Ier constate amèrement que le commerce et la traite des esclaves dénaturent l’annonce de l’Évangile: « Nous demandons grâce à Votre Altesse de ne pas croire le mal que disent de nous ceux qui n’ont d’autres soucis que leur commerce, de vendre ce qu’ils ont acquis injustement, qui ruinent par leur traite notre royaume et la chrétienté qui s’y trouve établie depuis tant d’années et qui coûta tant de sacrifices à vos prédécesseurs. Ce grand bien de la foi, les rois et les princes catholiques comme Votre Altesse travaillent à le procurer à de nouveaux peuples. Nous sommes tenus de le conserver à ceux qui l’ont acquis. Mais cela se peut difficilement ici où les marchandises européennes exercent une fascination telle sur les simples et sur les ignorants, qu’ils laissent Dieu pour les accaparer. Le remède est la suppression de ces marchandises qui sont un piège du démon sur les vendeurs et sur les acheteurs. L’appât du gain et la cupidité amènent les gens du pays à voler leurs compatriotes, sans considération qu’ils soient chrétiens ou non. Ils les capturent, les vendent, les troquent. Cet abus est si grand que nous ne pouvons y remédier sans frapper fort et très fort. » (Cité par Balandier, G., 1965 : 72)

Ces lettres témoignent de la croissance des appétits portugais sur  le royaume Kongo , et aussi du rôle attractif  des produits européens, qui ont favorisé la dépendance du pays et de la sous-région et le développement de l’esclavage. Car les esclaves étaient la seule monnaie d’échange qui intéressait les portugais.

À partir de 1510, ce trafic s’intensifia et en 1514, les portugais firent de véritables razzias dans l’arrière pays, allant même jusqu’à s’emparer des membres de la famille royale. Le souverain congolais se plaignit à Lisbonne mais sa requête demeura sans réponse. En 1536,  5 000 noirs furent embarqués à Mpinda. Le roi Afonso 1er tenta d’interdire le départ des esclaves hors de son territoire mais il s’attira aussitôt la vindicte des Portugais qui tentèrent de l’assassiner le jour de Pâques 1540. Les conjurés ne furent ni arrêtés ni punis et le roi mourut trois ans plus tard après trente sept ans de règne, à l’âge de quatre-vingts ans.

Autres lectures :

https://www.nofi.media/2017/08/manikongo-funsu-nzinga-mbemba/41973

Sources :

  • Brinkman, Inge. “Kongo Interpreters, Traveling Priests, and Political Leaders in the Kongo Kingdom (15th—19th Century).” , dans, The International Journal of African Historical Studies, vol. 49, no. 2, 2016, pp. 255–76.