Félicien Cattier, Étude sur la situation de l’État indépendant du Congo, Bruxelles, 1906
« L’État n’a pas soumis les indigènes au paiement d’un impôt en argent. Ils sont astreints à des prestations de travail. La grande majorité des contribuables, au lieu de fournir du travail, de la main-d’œuvre sont tenus à des prestations de certaines quantités de produits. L’impôt de travail se transforme (…) en un impôt d’un nombre déterminé de kilogrammes de caoutchouc ou de copal. Dans quelques régions, le fisc, au lieu d’exiger du caoutchouc, contraint les Noirs à lui remettre périodiquement des arachides, des vivres (…) Ailleurs, les indigènes sont appelés à exécuter certains travaux (…). Si l’indigène est en défaut ou en retard de paiement, les agents de l’État et des sociétés concessionnaires auxquelles le Gouvernement a délégué le droit de percevoir l’impôt ont recours, d’après la Commission, aux moyens de coercition suivants : les chefs sont arrêtés, retenus prisonniers, châtiés jusqu’au moment où leurs sujets ont fourni les prestations exigées. Des indigènes pris au hasard, le plus souvent des femmes et des enfants, sont retenus en otage dans les postes. Ce système a pour but d’exercer une contrainte morale sur les contribuables en défaut. Le désir de reprendre les femmes stimule leur zèle. Des chefs de poste appliquent la chicotte aux récolteurs qui n’ont pas fourni complètement leurs impositions. D’autres exercent des sévices sur les retardataires. Des fonctionnaires civils ou militaires imposent à des villages des amendes très fortes. L’État a pendant longtemps détaché et les sociétés concessionnaires détachent encore aujourd’hui dans les villages des gardes noirs qui ont pour mission officielle de surveiller le travail des indigènes dans la forêt. (…) Certains officiers, pour contraindre les villages récalcitrants, ont recours à des expéditions militaires. Si les indigènes se sauvent dans la brousse, on y lance des patrouilles avec mission de ramener ceux qu’elles rencontrent. (..) C’est au cours de telles patrouilles que se sont commis la plupart des meurtres reprochés aux soldats de l’État.»
Félicien Cattier, Étude sur la situation de l’État indépendant du Congo, Bruxelles, 1906
Félcine Cattier est un juriste belge, professeur à l’ULB. Il rédige une étude sur base du rapport de la Commission d’enquête du Congo, et dénonce les violences dont souffrent les populations congolaises.Félicien Cattier critique les abus et la violence, mais il ne remet pas fondamentalement en cause la colonisation qui reste, pour lui, un bon moyen « d’élever » les indigènes.