Évènements

1222 (Mali)

Charte du Manden

La Charte du Manden aurait été proclamée en 1222 ou 1236 (selon les traditions orales) par Soundjata Keïta, fondateur de l’Empire du Mali. Ce texte, transmis de manière orale à travers les récits des griots (conteurs-historiens africains), est parfois considéré comme l’une des premières déclarations des droits de l’Homme au monde, bien que cette approche doive être nuancée pour correspondre à la société mandingue de l’époque.  En 2009, l’UNESCO inscrit la charte du Manden sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité. 

La Charte du Manden est proclamée à la suite de la bataille de Kirina, au cours de laquelle Soundjata Keïta vainc le roi-sorcier Soumangourou Kanté et prend le contrôle du territoire mandingue. En devenant mansa (roi), Soundjata Keïta institue les fondements juridiques et sociaux de l’Empire du Mali. Cette charte, récitée par les griots, aurait été une manière d’unifier les peuples de la région sous des valeurs communes.

Il ne faut pas confondre cette proclamation avec un « texte écrit » au sens occidental du terme. En Afrique de l’Ouest, la transmission orale des savoirs et des lois a une importance capitale. Les principes de la charte sont transmis de génération en génération par les griots, véritables dépositaires de la mémoire collective.

 Elle est reconnue depuis 2009 par l’UNESCO, comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Elle comprend les notions de respect de la vie humaine, de liberté individuelle, de justice, de solidarité et d’équité. 

Après un préambule « à l’adresse des douze parties du Monde et au nom du Mandé tout entier », la charte mentionne sept paroles, qui sont autant d’entêtes d’articles de la charte :

  • Une vie est une vie  
  • nul ne cause du tort à son prochain,
  • Le tort demande réparation;
  • Pratique l’entraide ;
  • Veille sur la patrie ;
  • Ni la faim ni l’esclavage ne sont une bonne chose ;
  • nul ne placera le mors dans la bouche de son semblable pour aller le vendre ;
  • Chacun est libre de ses actes, dans le respect des interdits des lois de sa patrie 

« Toute vie humaine est une vie. Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre mais une vie n’est pas plus ancienne, plus respectable qu’une autre vie, de même qu’une vie ne vaut pas mieux qu’une autre vie.

Toute vie étant est une vie, tout tort causé à une autre vie exige réparation. Par conséquent, que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause de tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable.

Que chacun veille sur son prochain, que chacun vénère ses géniteurs, que chacun éduque ses enfants, que chacun pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

Que chacun veille sur la terre de ses pères ; par patrie, pays, ou terre des pères, il faut entendre aussi et surtout les hommes : car tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface connaîtrait le déclin et la désolation.

La faim n’est pas une bonne chose, l’esclavage non plus n’est pas bonne chose. Il n’y a pire calamité que ces choses-là, dans ce bas monde. Tant que nous disposerons du carquois et de l’arc, la famine ne tuera personne dans le Manden, si d’aventure la famine survient ; la guerre ne détruira plus jamais les villages pour y prélever des esclaves ; c’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable, pour aller le vendre ; personne ne sera non plus battu au Mandé, a fortiori mis à mort parce qu’il est fils d’esclave.

L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour d’un mur à l’autre du Mandé. »

Extrait de Soundiata La gloire du Mali, Youssouf Tata Cissé, Wâ Kamissoko p 39-41

Sources :

  • Francis Simonis, « L’Empire du Mali d’hier à aujourd’hui », dans : Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 128 | 2015, 71-86.