Chapitre 2. Gangs et gangsters de Kinshasa

CHAPITRE II

GANGS ET GANGSTERS DE KINSHASA

A Kinshasa, les gangs visibles ne sont pas à compter. Chacun d’eux a son organisation, son fonctionnement, sa zone de prédilection ou son foyer de concentration. Ils ont tout de même plusieurs points communs entre eux. C’est le cas de la similitude dans la réalisation des activités.

1.     LE PORTRAIT- ROBOT DES GANGS

Les gangs visibles sont structurés de manière simpliste et complexe à la fois. Simpliste à cause de l’inexistence de la bureaucratie dans leur organisation tandis que la complexité intervient à partir du moment où ces gangsters eux-mêmes savent qui est qui; qui fait quoi et à quel moment. Cela relève d’une spontanéité pharamineuse et d’un haut sens de réflexe.

La structure des gangs comprend quatre échelons à savoir:

1.1. La coordination générale

Au sommet de gang nous y retrouvons une coordination générale. Cette coordination est notoire au sommet et d’une brutalité incroyable en bas. Son principal rôle est de répondre aux impératifs de l’organisation de la bande. A ce titre, elle conçoit la politique générale du gang.

La coordination générale est dirigée par un chef du gang. Il est, selon leur propre terme un vrai « yanké[1] » et a le « zembe[2]».

Le chef du gang serait donc un homme exceptionnel pour ses disciples. Il est le plus fort du groupe et le garant de la survie de celui-ci. Ses membres savent qu’il n’éprouve aucune crainte pour les policiers, les soldats et les autorités du pays. Préjugé qui lui vaut un respect plus que considérable.

Le chef est à la tête du gang tant que celui-ci existe. Il dirige sa bande de manière souveraine. Il édicte l’ensemble des règles à suivre. Ces règles, non écrites, sont cependant à mémoriser intérieurement puisque elles sont de stricte application.

Le président a aussi le monopole de la décision. Et ses décisions ne sont pas susceptibles de discussions. Il dispose de manière discrétionnaire le droit de sanctionner les abus de ses membres. C’est bien un régime de violence qui règne au sein de ces gangs.

Pour se distinguer des autres membres de leur groupe ainsi que leurs  homologues, les présidents prennent de manière entichée un titre de noblesse ou le pseudonyme d’un tyran. Ainsi, avons-nous des présidents qui s’appellent « Fidèle Castro », « Hitler », « Saddam Hussein », « Maître Chinois », « Niawu »,  « Maestro », « Commando »,…

1.2. La ceinture du chef de gang

Autour du président de la bande, il y a une équipe qui forme sa ceinture rapprochée, composée des membres qui lui sont proches et en qui il a totalement confiance. Le choix de ces membres est aléatoire.

Les membres de cette ceinture ont pour mission d’aider le maître dans l‘exercice de ses fonctions. Ils proposent généralement les actions à mener et dirigent à tour de rôle les entraînements physiques.

1.3. Les membres

Les membres du gang sont fourmillants. Ils varient généralement entre dix et vingt personnes. Il y a d’autres groupes où le nombre est plus important encore. Les membres sont les élèves fidèles et dociles et exécutent scrupuleusement les ordres du maître. Ils sont astreints à une grande discrétion sous peine de subir la rigueur de la loi.

Notons que beaucoup prétendent être des membres de gangs sans pourtant l’être en réalité. Il est quelque fois difficile de repérer les membres d’un gang dans la mesure où ils se cachent souvent. Certains membres éprouvent une joie en s’exposant. D’autres par contre préfèrent se dissimuler. Mais en tout état de cause, il est des signes par lesquels, on peut les reconnaître sans risque de se tromper.

1.4. Les copines

Chaque membre du gang, en commençant par le président, entretient plusieurs copines. Celles-ci sont généralement des filles prostituées qui vivent sous la dépendance des gangsters pour éviter de se faire berner par quiconque. Et elles sont surtout instrumentalisées pour de sales besognes

2.   FOYERS DE CONCENTRATION DES GANGS A KINSHASA

S’il est vrai que les gangs sont disséminés sur toute la ville, il est autant vrai qu’il existe des coins où les gangs sont en pleine effervescence. Ce sont ces endroits que nous appelons non sans raison des « foyers de concentration » des gangs, qui sont des zones rouges où les « kuluna » se retranchent en y établissant leur quartier général et d’où partent les opérations qu’ils mènent au vu et au su de tout le monde. Nous retrouvons ces quartiers généraux dans plusieurs communes de la ville de Kinshasa.

2.1. La Commune de Matete

Cette commune est l’une des zones rouges du gangstérisme à Kinshasa. Tous ses douze quartiers hébergent des gangs. L’esprit belliqueux et la démonstration de la force sont les principales caractéristiques de ces gangs. C’est ce qui la recrudescence des batailles entre membres des gangs tandis que les autres actes inciviques comme vol, viols, hold up,… ne viennent qu’arc boucler les batailles. Le tableau I présente quelques gangs et gangsters de cette commune.

Tableau I. : les gangs de la Commune de Matete

SOURCE : De nos recherches, novembre 2005. Cette source est la même pour tous les tableaux analogues et graphiques qui suivent

2.2.   La Commune de Kalamu

La Commune de Kalamu constitue l’une des zones rouges du gangstérisme à Kinshasa. Ses gangsters évoluent dans un double régime. Le premier étant celui de « m’as-tu vu ? » pris dans ce sens,  c’est la quête de la valorisation qui semble présider à la création des gangs. Le second met en exergue la culture barbare, le banditisme pur et simple, bref, le « gangstérisme sauvage. »

C’est ce qui explique d’une part, la floraison des gangs à tendance tout à fait prestigieuse, et d’autre part, une multitude des cercles de truands. C’est ici qu’il faut aligner des gangs qui portent le nom comme « les Français de Yolo » « les Allemands de Yolo », « les Anglais », « les irakiens », « les Princes », « California »,… Comme l’on peut l’entrevoir, certains gangsters de cette commune sont plus préoccupés par la luxure, la boisson, l’accoutrement à la mode, la musique et une intense activité sexuelle.

Le tableau II expose la liste des gangs et gangsters de cette commune.

Tableau Ii. : Les gangs de la Commune de Kalamu

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2.3. La Commune de Ngaba

La Commune de Ngaba encellule également un nombre assez élevé des gangs qui sont très réputés pour leur esprit barbare et suranné. C’est le vol, la consommation du chanvre, le racket et autres faits similaires qui les caractérisent. Il s’agit dans ce cas du gangstérisme sauvage.

Le tableau ci-dessous présente quelques gangs et gangsters de la commune précitée.

Tableau III. : Les gangs de la Commune de Ngaba

2.4. La Commune de Makala

La Commune de Makala n’est pas en marge dans la production des gangs. A l’instar de la Commune de Ngaba, nous y observons également un « gangstérisme sauvage. » Le tableau ci-dessous donne une vue assez large sur les gangs de la commune précitée.

Tableau IV.  Les gangs de la Commune de Makala

2.5. La Commune de Limete

La Commune de Limete, plus particulièrement le quartier Mombele renferme de nombreux gangs qui évoluent dans le régime du « gangstérisme sauvage. » C’est ici où l’on trouve non seulement des jeunes gangsters, mais aussi des pères de famille qui n’ont que le gangstérisme comme activité. Par ailleurs, il n’est pas rare d’y trouver sur le mur de certaines, maisons des inscriptions faisant clairement mention du siége d’un gang.

 Tableau V : Les gangs de la Commune de Limete

2.6. La Commune de Masina

La Commune de Masina comprend plusieurs gangs qui évoluent dans le régime du « gangstérisme sauvage », mais caché. Il est difficile de rencontrer les gangsters de cette Commune. En effet, à force d’être matraqués par la population et principalement par les familles des victimes, ils ont fini par opérer dans la clandestinité.

Tableau VI. Les gangs de la Commune de Masina

2.7. La Commune de Ndjili

La Commune de Ndjili, à l’instar de celle de Kalamu comprend deux types de gangs. Les gangs à vocation prestigieuse et les gangs sauvages.

Tableau VII. : Les Gangs de la Commune de Ndjili

2.8. Les Communes de Kimbaseke et de Kingasani

Ces deux communes mises ensemble demeurent l’un des foyers les plus actifs du gangstérisme à kinshasa, avec des « kuluna moins inquiétés et qui opèrent dans une quiétude surprenante. Ils possèdent même de vastes espaces dans la brousse ainsi que le long des rivières où ils ont tranquillement établi des quartiers généraux. Les quartiers Manviokele, Biyelo, Mokali et ses environs, Kingasani ya Suka, et Limete constituent des foyers par excellence du gangstérisme. C’est bien le « gangstérisme sauvage » qui s’y développe.

Il est moins aisé de reconnaître les gangs de ces communes dans la mesure où la plupart sont sans dénomination ; le nom des quartiers qui les abritent sert dès lors de repère. Ainsi parle t-on souvent  de : « Bana Mokali », « Bana Biyelo », « Bana Kinsaku », « Bana Luebo », …

Remarquons qu’il existe une pléthore de gangs dans chaque quartier. En parlant de« Bana Mokali » par exemple, il ne s’agit nullement d’un groupe distinct ; mais d’un des groupes opérant à Mokali et ses environs. Cela justifie toute la difficulté de distinguer spécifiquement les gangs évoluant dans ces deux communes.

Tableau VIII. Les gangs des Communes de Kimbabseke et de Kingasani

2.9. Les Communes de Kinshasa, Barumbu et Lingwala

Les gangs qui évoluent dans ces trois Communes ont bien des caractéristiques communes étant donné qu’ils partagent une même aire de vie et d’activités.  De type sauvage, les gangs de ces communes sont pour la plupart composés des enfants de la rue et des militaires qui envahissent les rues dans les heures tardives en y imposant leur loi, rendant la circulation dans ces communes dangereuse la nuit.

Tableau IX : Les gangs des Communes de Kinshasa, Barumbu et Lingwala

2.10. Des gangs des autres communes

Il existe bien évidemment d’autres foyers de concentration des gangs de par les autres communes de Kinshasa. Il s’agit particulièrement de celles où la fourniture d’eau et d’électricité n’est pas régulière. Ainsi que celles où l’urbanisation se fait toujours attendre. A cela s’ajoutent certains endroits publics et stratégiques de la ville à savoir les ronds points, les environs des marchés, les cimetières ou les anciens cimetières et les parkings de voyage.

Tableau X : Tableau synthétique des gangs de Kinshasa

Graphique I. Graphique des gangs de Kinshasa

3.  ANALYSE ET INTERPRETATION DES DONNEES

De l’analyse des tableaux ainsi que du graphique présentés dans les pages précédentes, nous pouvons tirer les leçons suivantes :

• Comme les tableaux des pages précédentes le démontrent si bien, les communes de Matete et de Kalamu se classent en tête en fonction du nombre élevé des gangs. En effet, de très nombreux jeunes de ces deux communes sont réputés pour leur sang chaud et leur goût effréné pour la violence. L’ampleur du phénomène sous examen dans ces communes s’explique aussi par la présence d’un grand nombre de catcheurs et des musiciens dont l’influence est remarquable sur terrain.
• Les autres communes ont certes des effectifs réduits des gangs, mais l’étendue très généralisée du phénomène des gangs atteste à suffisance que le gangstérisme n’est pas une simple légende dans la ville de Kinshasa.
• Outre les gangs très connus avec d’intenses activités, il en existe d’autres également qui sont par contre moins connus, avec ou sans intenses activités. Notons par ailleurs que la liste des gangs telle dressée dans les pages précédentes est loin d’être exhaustive. Cependant, elle permet de dresser un tableau synoptique et un graphique explicatif des gangs disséminés dans la ville de Kinshasa.
• Il existe deux catégories de gangs qui opèrent à Kinshasa. La première est celle des gangs exhibitionnistes, qui évoluent dans les communes où le niveau de vie est moyen. La seconde est celle des « gangs sauvages », dont l’existence est motivée par la culture barbare évoluant dans les quartiers où les conditions de vie sont misérables.
• Le gangstérisme à Kinshasa est un phénomène qui est disséminé dans toute la ville n’épargnant aucune commune ; où il existe plusieurs lieux de retranchement des gangs.
• Les communes où le niveau de vie de la population est élevé sont moins concernées par le gangstérisme contrairement à celles dont le niveau de vie est moyen ou bas.
• Le gangstérisme est de nos jours un phénomène qui ne se cache plus. Les gangs visibles connaissent de plus en plus un essor dans les quartiers de Kinshasa.
• Le gangstérisme est un phénomène auquel se livrent non seulement les jeunes hommes et jeunes filles mais aussi des personnes suffisamment âgées.
• Les gangs sont des machines qui sont en intenses activités à Kinshasa.

Notes de bas de page

[1] Yanké : jargon des gangs à Kinshasa qui se dit d’un homme invulnérable.

[2] Zembe : jargon Kinois qui se dit d’une personne qui dispose d’un pouvoir extraordinaire qui le rend capable de toute chose sans en être inquiété.