1850 — 1911 (Haïti)
Antenor Firmin
Joseph-Anténor Firmin est un homme politique, écrivain, et enseignant haïtien qui a lutté toute sa vie contre les inégalités. Il a affirmé l’unicité de l’espèce humaine à une époque où des anthropologues européens cherchaient à démontrer la prétendue supériorité de la race blanche sur les autres.
Né au Cap Haïtien en 1850 et d’origine modeste, Anténor Firmin est doté d’une culture immense. Il occupe plusieurs postes importants en Haïti : avocat, enseignant, haut fonctionnaire, ambassadeur. Membre de la Société d’Anthropologie de Paris, il publie en 1885 à Paris, en pleine rage colonialiste, De l’égalité des races humaines (Anthropologie positive), un ouvrage destiné à réfuter les théories racistes brandies par la plupart des anthropologues, des médecins, des journalistes et des politiciens, parmi lesquels le chef du gouvernement français Jules Ferry, ou encore l’écrivain français Gobineau et son ouvrage « Essai sur l’inégalité des races humaines » paru en 1855. Il s’appuie à la fois sur l’anthropologie physique, l’anthropologie sociale et l’histoire pour contredire les thèses sur lesquelles les grandes puissances s’appuient pour légitimer la colonisation. Il y rappelle, entre autres, avec force comment Haïti, une petite île à esclaves, est venue militairement à bout de la France et l’a obligée, armes à la main, à reconnaître son indépendance.
En 1888, il prend part politiquement aux événements qui précipitèrent à Haïti le départ du président Salomon (au pouvoir depuis 1879) puis l’élimination du président Légitime (1888-1889) l’année suivante. En 1889, il est nommé ministre des Finances et des Relations extérieures par le président Hyppolite (1889-1896). Jamais les finances de l’État n’ont été plus prospères. Fort de ses ressources, le pays connait un développement inégalé des travaux publics sous la présidence d’Hyppolite: ponts, éclairage public, arrivée du câble transatlantique à Port-au-Prince, téléphone dans les grandes villes, marchés.
Forcé ensuite à de nombreuses périodes d’exil, il multiplie les contacts avec les milieux latino-américains, et s’intéresse de près à la question du panafricanisme.
En 1902, il rentre en Haïti, au moment de la chute du président Sam pour se préparer à l’élection présidentielle. Mais Firmin, trahi par ses alliés, voit échouer le processus révolutionnaire qu’il veut mettre en place au profit d’une intervention américaine. À sa place, le président Nord Alexis instaure un régime de terreur, particulièrement à l’encontre des populations les plus pauvres. Antoine Simon (1908-1911) successeur de Nord Alexis, le nomme ministre à La Havane, puis à Londres, pour le maintenir à distance et sous son contrôle. Firmin ne rentrera plus en Haïti. En 1911, il publie une réflexion testamentaire et prophétique sur l’état d’Haïti, au titre évocateur : L’Effort dans le mal : «Homme, je puis disparaître, sans voir poindre à l’horizon national l’aurore d’un jour meilleur. Cependant, même après ma mort, il faudra de deux choses l’une: ou Haïti passe sous une domination étrangère, ou elle adopte résolument les principes au nom desquels j’ai toujours lutté et combattu. Car, au XXe siècle, et dans l’hémisphère occidental, aucun peuple ne peut vivre indéfiniment sous la tyrannie, dans l’injustice, l’ignorance et la misère».
Firmin meurt en 1911. En 1915, les troupes états-uniennes débarquent en Haïti.
Sources :
- Carolyn Fluehr-Lobban, Anténor Firmin and Haïti’s contribution to anthropology, dans Revue d’anthropologie et histoire des arts, p. 95-108, 2005.
- Pierre Singaravélou, Karim Miské, Marc Ball, Décolonisations, Paris, 2020.