Affiche de propagande belge "koloniale dagen"
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SOURCE : Koloniale Dagen onder de hoogste bescherming van Z.M den Koning (Affiche, éd. Baudry/Cocu/ Mairesse-Quaregnon, 1926 (CEC)).
Clés de compréhension du document
A. Approches possibles du document dans le cadre d’un cours d’histoire
- La manière dont l’État belge a construit une légitimité autour de la colonisation du Congo.
- Le rôle des expositions, affiches et événements publics dans la mobilisation de l’opinion belge.
- La vision idéalisée et paternaliste que la Belgique voulait transmettre à sa population concernant l’Afrique et les Congolais.
- L’analyse critique des mécanismes de propagande dans un régime colonial, en lien avec les stéréotypes raciaux, économiques et « civilisateurs ».
B. Contextes du document
1. La colonisation du Congo
Avant la colonisation, l’espace congolais était constitué de nombreux royaumes et territoires ayant des contacts commerciaux avec l’Europe et l’Asie depuis plusieurs siècles. Des échanges impliquant l’ivoire, l’or, le fer, le cuivre et des esclaves étaient courants. La traite négrière affaiblit certains États, comme le prestigieux royaume Kongo, tandis que de nouvelles formations politiques émergent au milieu du XIXᵉ siècle, dirigées par des commerçants-guerriers tels que Tippo-Tip et Msiri, qui établissent des relations commerciales avec le monde arabe.
La colonisation du Congo s’est déroulée en deux phases principales. La première, de 1885 à 1908, est marquée par le règne personnel du roi des Belges, Léopold II, sur l’État Indépendant du Congo (EIC). Durant cette période, le territoire est exploité de manière brutale, entraînant des violences considérables et suscitant des résistances internes ainsi qu’une campagne internationale dénonçant les abus du régime léopoldien. Face aux critiques croissantes, la Belgique reprend le Congo en 1908, inaugurant la seconde phase coloniale qui perdurera jusqu’à l’indépendance en 1960. Bien que la Belgique s’engage à mettre fin aux atrocités précédentes, certaines pratiques du régime de Léopold II perdurent.
Les deux guerres mondiales jouent un rôle dans l’évolution du Congo belge. Lors de la Première Guerre mondiale, les troupes congolaises combattent les forces allemandes en Afrique orientale tandis que la population doit faire face à une nouvelle vague de travail forcé pour alimenter les alliés en matière première. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Congo fournit des ressources stratégiques aux Alliés, une nouvelle fois, les populations font face à des répressions et à une violence importante.
Dans les années 1950, face aux revendications nationalistes et aux mouvements de décolonisation en Afrique, la Belgique initie des réformes politiques limitées. Cependant, ces mesures s’avèrent insuffisantes pour contenir les aspirations indépendantistes. Finalement, le 30 juin 1960, le Congo accède à l’indépendance, mettant fin à 75 ans de domination coloniale.
2. La propagande belge
L’affiche s’inscrit dans un contexte plus large de promotion de l’entreprise coloniale auprès de la population belge. Les « Journées coloniales » de 1926 sont des événements publics ayant pour but de valoriser la colonisation et de la présenter comme une mission civilisatrice. Ce type de propagande mobilise des images attrayantes et rassurantes : la colonie est montrée comme un lieu d’opportunités, d’aventure et de développement personnel. En réalité, cette communication masque les violences, les inégalités et les résistances rencontrées dans les territoires colonisés.
Pour aller plus loin sur la colonisation du Congo et son indépendance :
Leçon sur la colonisation du Congo
Leçon sur l’indépendance du Congo
C. Points d’attention
- Stéréotypes visuels et narratifs : L’homme blanc, vêtu de l’uniforme colonial, occupe une position centrale dans l’image. Il désigne l’avion du doigt, symbolisant la « modernité » et la « civilisation » qu’il apporte. Sa main posée sur l’épaule d’un jeune garçon congolais renforce une posture paternaliste : il se présente comme le guide et l’éducateur des colonisé·es. Cette figure du Blanc seul face à un groupe de personnes noires est typique de la propagande coloniale, soulignant une hiérarchie implicite où l’Européen est le chef, le meneur. À l’avant-plan, une femme congolaise apparaît dans une posture languissante, renvoyant à un cliché raciste fréquent à l’époque : celui de la paresse supposée des Africain·es. L’ensemble de la scène illustre une vision profondément inégalitaire, fondée sur la supériorité supposée des colonisateurs.
- Objectif de recrutement : L’affiche n’informe pas objectivement, elle cherche à séduire, à convaincre les Belges de s’engager dans la colonie.
- Effacement des violences coloniales : Aucune mention de la contrainte, des répressions ou du travail forcé qui ont marqué le régime colonial belge.
- Fonction idéologique : Le document participe à la construction d’un imaginaire où la Belgique est bienfaitrice, masquant les rapports de domination et d’exploitation.
- Analyse critique : Il est essentiel de déconstruire les intentions de l’auteur, le message implicite et l’absence de voix congolaises dans le discours.
D. Pour aller plus loin :
- Isidore Ndaywel, Histoire générale du Congo, Bruxelles, 1998.
- Goddeeris I., Lauro A. & Vanthemsche G. Le Congo colonial. Une histoire en questions. La Renaissance du livre, 2020.
- CEC, Notre Congo/Onze Kongo. La propagande coloniale belge dévoilée, Bruxelles, 2018.