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Texte : origine de la manière de faire le feu

La légende Kuba sur la diffusion de la technique de production du feu a le mérite de rappeler que les connaissances les plus rudimentaires en vue de l’autosubsistance ont été adoptées en des circonstances bien déterminées avant de se diffuser. Le feu, comme en général toute innovation d’envergure, était considéré comme étant d’origine supranaturelle.

« Pendant le règne de Muchu Mushanga (le vingt-septième roi) vivait un certain homme appelé Kerikeri. Une nuit, il rêva que Bumba (Dieu) venait le voir et lui disait d’aller sur une certaine route, de casser les branches d’un certain arbre et de les conserver soigneusement. Il le fit et quand les branches furent tout à fait sèches, Bumba lui apparut à nouveau dans un rêve, le félicita de son obéissance et lui enseigna à faire du feu par frottement. Kerikeri garda son secret pour lui-même et quand, par accident, tous les feux du village s’étaient éteints, il vendait du feu à ses voisins. Tous les hommes, sages et sots, essayèrent de découvrir son secret, mais il le gardait soigneusement. Or Muchu Mushanga avait une très jolie fille nommée Katende ; il dit à celle-ci : « si vous pouvez découvrir le secret de cet homme, vous serez honorée et vous siégerez parmi les anciens comme un homme ». Alors Katende fit des avances à Kerikeri et celui-ci tomba éperdument amoureux d’elle. Lorsque Katende vit cela, elle ordonna que tous les feux du village soient éteints et envoya un esclave pour dire à Kerikeri de l’attendre pour le soir dans sa hutte.

Quand tout le monde fut endormi, elle se glissa jusqu’à sa hutte et frappa à la porte. La nuit était obscure. Kerikeri la fit entrer et elle s’assit et resta silencieuse. Son amoureux lui demanda : « Pourquoi êtes-vous silencieuse Katende ? Ne m’aimez- vous pas ? ». Elle répondit : « Comment puis-je penser à l’amour quand je grelotte dans votre maison ? Allez chercher du feu afin que je puisse vous voir et mon cœur pourra se réchauffer ! ». Alors Kerikeri courut chez ses voisins pour se procurer du feu, mais ceux-ci se souvenant des ordres de Katende, avaient éteint leurs feux. Il revint sans en avoir trouvé. En vain implora-t-il Katende de céder à ses désirs, elle insista pour qu’il commençât par allumer le feu. Enfin, il céda, chercha ses bâtons et fit du feu, pendant qu’elle regardait attentivement. Alors elle se mit à rire et dit : « Avez-vous pensé que moi, fille de roi, je vous aimais pour vous-même ! C’est votre secret que je désirais avoir et maintenant que le feu est allumé, vous pouvez le faire éteindre par un esclave ! ». Alors, elle se leva, s’enfuit de la hutte, annonça sa découverte à tout le village et dit à son père : « où un roi puissant échouera, une femme rusée réussira ! (…) Avant cette époque, les gens devaient compter sur la foudre pour rallumer leurs feux lorsque par hasard ceux-ci s’étaient éteints » (Torday, E. et Joyce, T.A, 1910, pp. 236-237).

Source : Isidore Ndaywel è Nziem, Histoire générale du Congo, Bruxelles, 1998.