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Texte : Les princesses dans les royaumes matrilinéaires

L’Abbé Proyart (1776) nous laisse un témoignage sur le statut privilégié de la princesse (sœur du roi) au royaume de Loango, qui est similaire au privilège reconnu au royaume Kuba. Il est possible que cette caractéristique soit valable pour tous les royaumes matrilinéaires de la savane du sud. C’est sans doute à cause de la forte acculturation de l’organisation politique Kongo que ce vestige n’a pas été retrouvé en son sein. Mais il est vraisemblable qu’il ait existé précédemment.

« Une princesse a le double droit de choisir parmi le peuple tel mari qu’elle juge à propos, même celui qui est déjà marié, et à l’obliger de n’avoir qu’elle seule pour épouse. Comme cette dernière condition paraît ordinairement trop dure aux princes, il est rare que les princesses en trouvent qui veuillent les épouser. Même les roturiers, redoutent leur alliance : mais lorsqu’elle leur est offerte, ils sont obligés de l’accepter, sous peine d’y être contraints par confiscation de corps et de biens : et ceux que les princesses choisissent, sont ordinairement les plus riches du pays. Elles ont encore la liberté que n’ont point les femmes du peuple, de répudier un mari qui ne leur convient plus, et de s’en choisir un autre, et il ne paraît pas qu’elles aient besoin d’apporter d’autre motif de leur divorce, que leur volonté (…). Celui dont une princesse a fait choix pour devenir son époux, commence par se frotter le corps d’huile de palmier, et se peindre en rouge ; c’est là le premier exercice d’une retraite d’un mois, qu’il passe tout entière sans mettre le pied hors de sa case. Pendant tout ce temps, il ne se nourrit que des mets les plus communs, et il ne boit que de l’eau. Au bout du mois, il se lave, et il épouse la princesse avec beaucoup d’apparat. Mais le jour de ses noces est le dernier de sa liberté. Le mari d’une princesse est moins son époux, que son esclave et son prisonnier. Il s’engage, en l’épousant, à ne plus regarder aucune femme tout le temps qu’il habitera avec elle. Jamais il ne sort, qu’il ne soit accompagné d’une nombreuse escorte. Une partie de ses gardes prennent les devants, pour écarter toutes les femmes du chemin par où il doit passer » (Abbé Proyart, 1776, pp. 68-69).

Source : Isidore Ndaywel è Nziem, Histoire générale du Congo, Bruxelles, 1998.