Chapitre 3. Quelques causes du gangstérisme

Germain Kuna Maba Mambuku

Dans Le phénomène Kuluna à Kinshasa, Pages 63-74 (Editions M.E.S)

CHAPITRE TROIS 

QUELQUES CAUSES DU GANGSTERISME

Le gangstérisme est loin d’être le fruit du hasard. Ainsi avons-nous pu dénombrer plusieurs facteurs qui alimentent la vitalité des gangs. Parmi ces facteurs, nous retenons le déséquilibre du cercle familial, l’adhésion des jeunes dans les cercles sportifs, la soif de se faire respecter, les médias, l’oisiveté, la déperdition scolaire, la dégradation des conditions de vie et la faillite du système sécuritaire de l’Etat.

1. LE DESEQUILIBRE DU CERCLE FAMILIAL

 

Le déséquilibre du cercle familial est à comprendre dans le sens des vicissitudes récidives qui empêchent à certaines familles de vivre décemment et de s’épanouir intégralement. La famille étant la cellule de base, c’est en son sein en principe que les enfants acquièrent le soubassement éducationnel et forgent le caractère social adéquat. Par ricochet, la mauvaise éducation prend généralement racine dans le cercle familial.

Ainsi, dans les familles où la violence est devenue un lot quotidien, il n’est pas étrange que les enfants grandissent avec la culture de la violence. Tout porte à admettre que les enfants habitués à vivre régulièrement des scènes de bagarres des parents ou qui se bagarrent souvent entre eux sans que sanctions s’en suivent, assimilent les germes de brutalité, de violence, prélude de la criminalité ou du gangstérisme.

C’est dans cette première logique qu’il faut expliquer la passion de certaines personnes pour les gangs. Ils y adhèrent puisqu’ils n’y trouvent rien d’anormal.

En revanche, l’éducation familiale peut être bonne. Cependant, l’incapacité des parents de subvenir aux besoins de leurs enfants peut tout remettre en cause. Car, ceux-ci doivent dès lors se débrouiller individuellement pour vivre. On peut deviner le triste sort de cet enfant naguère discipliné qui doit malgré lui rejoindre la bande de sans foi ni loi.

Il en est de même de ces enfants dont les parents, faute de moyens financiers vivent en locataires semi-nomades. Ils vacillent d’une commune à une autre et ce, en un espace temporel réduit. Très souvent, ils manquent même une modique pièce pour loger tous les enfants. Les non satisfaits sont presque obligés de se débrouiller autrement pour trouver un logis. Faute de mieux, c’est donc sans surprise que ceux–ci vont subséquemment habiter dans les studios de fortune ou dans les taudis aménagés à l’aide des carcasses des véhicules, ou encore dans les tunnels et dans les maisons inachevées ou carrément passer souvent la nuit dans les deuils.

Contraints par la misère et une instabilité sociale qui ne dit son nom, ces jeunes hommes finissent par se conglomérer et former des gans ; un embarquement forcé dans la vie de gangstérisme.

2. L’ENVIRONNEMENT SOCIAL

Le deuxième facteur de l’essor du gangstérisme est à trouver dans la société environnementale. L’on remarquera que les jeunes Kinois sont beaucoup intéressés par ce qui se passe dans leurs communes et quartiers respectifs. Les aînés de la commune ou du quartier sont dans une certaine mesure, une référence pour les plus jeunes. Les actions posées par les voisins sont stéréotypées et reprises par les autres à l’instar d’un vent qui circule et qui finit par emballer tout le monde. Il fut alors un moment où une les jeunes kinois, comme s’ils étaient tous mis d’accord, ne juraient que sur l’immigration occidentale.

Et aujourd’hui, le gangstérisme est à la mode et son vent emballe beaucoup de jeunes. D’une part, les communes où le nombre de musiciens, de  catcheurs, de footballeurs, de boxeurs ou de comédiens est important arborent un taux élevé des gangs. C’est le cas notamment de la commune de Matete, de Kalamu, et de Ndjili. Cette floraison est due au feedback de l‘influence que ces stars ont obtenu, la plupart, grâce à leurs groupes qui débutèrent sveltes. Et, dans le souci de devenir comme l’un de leurs admirateurs, certains jeunes montent des groupes musicaux ou de clubs sportifs. Ces clubs se muent généralement en gangs ; lesquels ne manquent point de nouveaux adhérents. Même les enfants dociles y tombent au piège.

D’autre part, les quartiers environnants les camps militaires ainsi que les camps militaires en eux-mêmes octroient aux jeunes qui y habitent un état d’esprit gangstériste. Ces jeunes ont souvent tendance à se regrouper en gang. Ils essaient de jouer aux apprentis militaires. Ils s’entraînent petit à petit à un pittoresque aventure de légion militaire. Prenant le goût du jeu, les jeunes finissent par devenir par essai et erreur, des gangsters à part entière.

3. L’ADHESION DANS LES CLUBS

 

D’emblée, précisons que ce n’est pas le fait d’adhérer dans un club sportif qui rend une personne gangster, à moins que cela ne soit dans la tête du concerné au départ. Cependant, les clubs sportifs constituent un endroit propice où germe le gangstérisme ; les informels surtout.

En effet, dans ces clubs, de la rectitude à la déviance, il n’y a qu’un pas. Tout part dès lors que les jeunes, membres d’un club considèrent leur force comme un fond de commerce et un visa pour obtenir le respect. C’est là justement que se situe le piège. Malheureusement, la plupart des jeunes finissent par y tomber et très peu seulement y résiste au nom de l’abandon. Les persévérants quant à eux développent au fil du temps un esprit gangstériste qui, à l‘instar d’un virus virile, contamine les autres membres et crée du coup, les conditions requises pour l’exercice des activités gangstéristes.

4. LA SOIF DE SE FAIRE RESPECTER

 

L’une des préoccupations majeures des jeunes kinois est le « m’as-tu vu ? ». Les jeunes veulent toujours être à la mode quand bien même ils n’ont pas de moyens. Ils recherchent par là une considération sociale. En effet, la plupart de ces jeunes sont issus des familles aux revenus faibles. Pourtant, ils veulent eux aussi devenir des personnes respectées et respectables. Ce qui est légitime par ailleurs. Cependant, n’étant pas en mesure de le devenir par des moyens classiques et légaux, ils recourent cependant au gangstérisme.

C’est ainsi que Mucchielli Laurent affirmera : « qu’une partie de la jeunesse des quartiers pauvres s’approprie par des moyens illégitimes ce qu’elle ne peut obtenir par des moyens légitimes. Le schéma est classique. Et la tendance actuelle d’évolution de la société ne peut que renforcer le poids de ce schéma puisque, tandis que la société s’enrichit globalement et que la société de consommation domine toujours davantage notre vie quotidienne et nos aspirations, les inégalités économiques et sociales ne se réduisent pas et même s’accroissent sur certains plans essentiels (logement, éducation, santé, etc.).[1] Et à Marguérat de reconnaître qu’« à Kinshasa, la violence devient la possibilité d’auto-valorisation dans une société où paraître fort et riche est la condition de la visibilité du sujet, de sa création en tant qu’individu[2] Ils se figurent donc que la qualité d’homme fort est un « laissez-passer » qui conduit au respect qu’ils appellent de tous leurs vœux.

C’est ici qu’il faut comprendre la juste valeur du slogan répandu dans le milieu des gangsters qui dit : «  Moto abangisa moninga te. Tozali biso nionso bana ya 1900 » qui se traduit par « Tous sommes nés au cours du siècle. Point n’est besoin d’intimider l’autre ».

En d’autres termes, les jeunes aux conditions de vie modestes refusent leurs conditions sociales et refusent en même temps leur assujettissement ainsi que les injustices sociales d’où qu’elles proviennent. Ils conçoivent pour ce faire le gangstérisme comme arme défensive. Cela pour autant dire que la recherche effrénée du respect conduit certains jeunes kinois au gangstérisme.

5. LES MEDIAS

 Les médias, pris dans leur ensemble se révèlent à plus d’un titre pour un autre facteur important dans l’émergence du gangstérisme à Kinshasa. Une enquête menée à Kinshasa par Itshudi Okoto nous renseigne que les médias influencent à quatre vingt pour cent le comportement des jeunes Kinois. Cette même enquête précise que quatre vingt dix pour cent des jeunes s’intéressent plus à la musique et aux films qu’aux autres programmes de la télévision. [3]

Il est évidence que les chaînes de télévision kinoises diffusent à longueur de journées une grande variété des films dont plusieurs de Hollywood, particulièrement ceux qui mettent en vedette les gangsters ainsi que leur mode de vie saugrenu caractérisé par une violence à outrance ainsi que des déviations sociales inimaginables. Les faits comme le cambriolage, le braconnage, la bacchanale, la luxure, la commercialisation de la drogue et le banditisme de certaines villes des Etats Unis d’Amérique qui reviennent à profusion dans les séquences de ces films s’érigent en référence pour plusieurs jeunes qui finissent parfois par tester même sans envie ou alors qui font puisqu’ils ont tout simplement vu. Souvent, l’on  fait aussi parce qu’on a vu l’autre faire aussi ; et l’on suit parce que le ton a été donné quelque part.

A ces films, s’ajoute une série d’émissions des catchs américains émaillés d’une très grande violence et d’une cruauté méphistophélique. Rien donc de surprenant si les jeunes Kinois s’en inspirent largement. Voilà de ces faits, un bon nombre de gangsters qui portent volontiers le pseudonyme des certains acteurs de cinéma jusqu’à imiter et personnifier carrément le mode de vie plastic du rôle qu’ils ont joué dans le film.

Ainsi par exemple, la consommation du chanvre, la culture de la violence, le goût de verser du sang et la tendance de tendre les embuscades  sont autant de faits qui confirment cette inspiration.

 

6.  LES ELUCUBRATIONS DES POLITICIENS

 

Il faut trouver aussi l’essence du gangstérisme dans les élucubrations de certains politiciens et ce, en trois dimensions.

La première dimension est l’exemple des politiciens. En effet, de l’avis des gangsters, les politiciens sont de vrais « Yanke », donc de gangsters par excellence.

Ces jeunes se rendent compte de la manière dont les politiciens sont intouchables, prestigieux, couverts d’honneur, entretenant plusieurs maîtresses, roulant carrosse… Bref, des hommes forts et prestigieux du pays. Ce comportement luxueux, ostentatoire et même privilégié, leur fait tourner la tête et les laissent bien dans leur soif. Ne pouvant pas être comme eux, les jeunes prétentieux se limitent en faisant comme eux. Il est par exemple écrit en grand et noir sur blanc dans le siège d’un gang dans la commune de Kalamu : « Congo pona Kabila ; Yolo pona ba allemands ». Ce qui veut dire : « Si la R.D.Congo est sous l’autorité du chef de l’Etat, le quartier Yolo, par contre, est sous l’autorité des membres du gang dénommé les allemands. » Les membres de ces gangs se comportent en « politiciens » dans leur milieu. Ils ont tous les droits sur les autres. Ils exproprient des biens et exigent des autres respect, honneur et considération à l’instar des politiciens. Ce comportement ostentatoire, calqué des politiques matérialise le rêve de certains jeunes qui se complaisent dans le gangstérisme.

La deuxième dimension est à comprendre dans le sens de diverses assistances dont bénéficient les gangsters de la part des politiciens. Stipulons d’ores et déjà qu’il ne s’agit pas d’une assistance dans le cadre des œuvres philanthropiques ou de rééducation morale. Il s’agit au contraire de celles qui encouragent et congratulent certaines actions des gangsters qui soutiennent particulièrement leurs idéologies politiques surtout en temps de crise, de campagne électorale, etc.…

Parlant justement de ces assistances aux gangs, il y a lieu à titre exemplatif, de se référer aux hommages et récompenses offerts à la population de Tshangu qui maîtrisèrent les rebelles en 1998 dans un élan jugé patriotique par le pouvoir public. S’il est vrai que la population d’une manière générale a été récompensée, il est aussi vrai que certains gangsters de ce District l’ont aussi été de manière particulière. Et des groupes des jeunes se constituèrent avec entre autres objectifs, la défense de la patrie dans l’espoir de continuer à bénéficier des interventions ponctuelles du pouvoir public ignorant cependant que les temps ne sont pas toujours les mêmes.

Nous pouvons aussi nous rappeler à juste titre de l’impact de la structure comme « la force d’auto-défense populaire » dans l’essor du gangstérisme à kinshasa. L’idée en soi, en ces moments là, n’était pas mauvaise. Sa préhension par contre dans le commun de mortel reste sujette à débat. Pareille organisation sociale, du reste arrêtée à mi-chemin, a convaincu plusieurs jeunes particulièrement sans instruction, que leurs activités gangstéristes sont à encourager car elles peuvent être salvatrices pour la nation. Et le fait pour certains hommes d’Etat de considérer les organisations informelles des jeunes sportifs comme une bouffée de sauvetage en cas de problème est une grave erreur aux conséquences néfastes. C’est ça la « légalisation sociologique » des gangs.

La troisième et dernière dimension est à voir dans le rapport entre certains gangsters et certains politiciens. Il s’agit bien de la collaboration. Nous pouvons pour cela admettre que certains gangsters sont bel et bien au service des politiciens et sont par conséquent financés voire protégés par ceux-ci. En effet, le comportement des gangsters caractérisé par une insolente arrogance, un excès de zèle, la prétention de vouloir toujours continuer, les défis répétitifs lancés contre les forces de l’ordre et la banalisation des arrestations sont autant d’exemples qui confirment cette vérité. C’est ainsi que certains gangsters ne redoutent de rien alors que ceux qui n’ont pas d’alliés se comportèrent de manière lunatique.

Entre-temps, le fait pour certains politiciens d’affirmer avoir la maîtrise et le contrôle d’une portion des jeunes d’un quartier donné de Kinshasa atteste à suffisance qu’il existe une complicité entre eux. Certes, ce contrôle peut s’expliquer en terme de base politique, ce qui est un fait politique normal, légitime et irréprochable; tout comme aussi en terme d’entretien de bande organisée lorsqu’il s’agit des jeunes gangsters. Cependant, même si au fond, un acteur politique est conscient qu’il entretient des « kuluna », publiquement, il n’aura ni le courage ni la franchise de le reconnaître. Il en voudra même à ceux qui le lui reprocheraient et exigerait d’eux les preuves matérielles, puisque convaincu de la difficulté de les brandir. Cette attitude d’obstination de ces acteurs politiques, jumelée à la politique d’autriche est non seulement répréhensible mais constitue est une forme de gangstérisme politique à abandonner.

Il sied dès lors de s’attarder sur les raisons fondamentales qui poussent certains hommes politiques de soutenir ces mouvements des jeunes qui sont formellement répréhensibles.

L’une des raisons et peut-être la principale est liée aux dividendes politiques que les gangsters peuvent apporter aux politiciens, surtout à ceux qui sont en mal de positionnement. Un politicien mal à point peut, en manipulant les gangs, créer des désordres à même de troubler l’ordre public et bloquer ainsi la machine de l’Etat. Cette situation lui est avantageuse dans la mesure où il peut en tirer de grands dividendes politiques.

Pour ceux qui sont au pouvoir par contre, manipuler les gangs est une manière de les empêcher de tomber sous l’égide des opposants en quête de repositionnement politique. En même temps, certains politiciens au pouvoir par souci de se  maintenir, doivent leurs capacités dans la maîtrise des forces aliénantes, notamment les gangsters qui sont une menace permanente pour le pouvoir en place. Cependant, ne pouvant les maîtriser par la force, il ne leur reste qu’à les entretenir et à les couvrir parfois en cas des délits. Cette prise en charge amène les gangsters à se soumettre volontiers et à fournir les informations nécessaires aux autorités politiques.

D’autres politiciens par contre, se servent des gangs pour se régler mutuellement des comptes. Cela, soit en sabotant les meetings des adversaires soit en proférant des injures et des menaces dans le but de les humilier, les intimider.

Les gangsters qui se voient tiraillés entre les politiciens comprennent, non seulement leur importance mais aussi la nécessité pour eux de s’organiser et de perpétrer des coups pour monter les enchères.

7.  L’OISIVETE

 

L’oisiveté est l’un des facteurs qui entrent en ligne de compte pour comprendre l’essor du gangstérisme à Kinshasa. L’oisiveté d’ailleurs est la mère de tous les maux, nous dit un adage.

S’agissant particulièrement de Kinshasa, il faut en sillonner les quartiers et rues pour se faire une idée sur les jeunes qui se retournent les pouces. Ces jeunes, – une main d’œuvre abondante et active – passent les longueurs des journées dans des futilités puisqu’ils sont sans emploi et n’ont rien de concret à faire pour assurer une survie quotidienne.

Enfermés dans un carcan de l’infertilité créatrice, ces jeunes n’ont malheureusement pas la capacité d’être des acteurs de leur propre développement. La culture de la cueillette et de facilité voile leur intelligence  au point de les empêcher de réfléchir en terme de transformer leurs difficultés en opportunité. Ils ne sont pas interpellés par le courage de certains jeunes Kinois consciencieux qui acceptent de « petits jobs » pourvu qu’ils soient indépendants.

En lieu et place de bien se débrouiller pour gagner honnêtement le pain, si petit soit-il, ces jeunes se vautrent dans des gangs qui constituent pour eux la voie la plus courte et un moyen facile de gagner la vie. Ils mettent du cœur dans leur « entreprise » qui gagne du terrain au fil de temps et surtout de nouveaux membres.

 

8.  LA DEPERDITION SCOLAIRE

 

Il sied de discuter avec les gangsters pour se rendre premièrement compte qu’ils ne sont pas suffisamment et bien instruits ; et quelques uns d’entre eux ont des pieds qui n’ont jamais foulé le sol d’une école. Ceux par contre qui ont pu franchir la barre des études primaires ou secondaires paraissent comme des rescapés d’un naufrage avec de mauvais  souvenirs de l’école. Rares sont les diplômés d’études supérieures dans les rangs des gangsters ; seulement des anciens étudiants ayant rompu avec les études pour diverses raisons notamment le manque de soutiens financiers. Et c’est justement cette dernière frange qui renferme les initiateurs et les dirigeants des gangs.

Nous pouvons donc admettre que le niveau d’études influe sur l’essor du gangstérisme. Les personnes moins instruites et non instruites n’ont pas une capacité intellectuelle requise pour discerner la convenance des actes qu’elles posent et sont souvent manipulables à souhait. C’est ainsi qu’elles s’emballent obscurément dans des mouvements gangstéristes sans trop réfléchir sur les conséquences.

 

9. LA FAILLITE DU SYSTEME SECURITAIRE DE L’ETAT

L’Etat, comme nous ne le dirons jamais assez détient une grande part de responsabilité dans l’essor du gangstérisme dans la ville de Kinshasa. Déjà, il n’existe pas de mesures pratiques d’encadrement des cercles sportifs : ces sources intarissables de production des gangs. Les faits relevant des violences urbaines semblent être banalisés et difficilement considérés à leur juste valeur. Le martèlement médiatique et des faits saillants dans ce cas jouent le rôle déterminant dans la sensibilisation des décideurs.

Face aux problèmes sécuritaires, les discours sont toujours les mêmes : « nous sommes en très bonne voie pour résoudre le problème ; la criminalité a baissé à part des cas sporadiques… ». La réalité cependant prouve pourtant le contraire et l’Etat, dans une perplexité ahurissante subit les évènements. Beaucoup de faits présageaient depuis les années 2000 la montée en flèche du gangstérisme dans la ville de Kinshasa. L’absence de coordination d’actions sécuritaires, la précipitation dans les réactions, la carence des mesures pragmatiques pour traquer les gangsters prouvent à suffisance que le système sécuritaire de l’Etat est dyspnée.

Le simple fait pour les gangs d’exister constitue une infraction punissable. Le code pénal congolais, livre II, de l’article 156 à l’article 158 stipule : « toute association formée dans le but d’attenter aux personnes ou aux propriétés est une infraction qui existe par le seul fait de l’organisation de la bande. Les provocateurs de cette association, les chefs de cette bande et ceux qui y auront exercé un commandement quelconque seront punis de mort. Tout autre individu faisant partie de l’association et ceux qui auront sciemment et volontairement fourni à la bande, des armes, munitions, instruments d’infraction seront également punis de mort. ».

Pourtant, les gangs sont des mouvements qui existent à la vue et au su de tout le monde. Ce qui conduit certains gangsters à ignorer même que leur existence constitue une infraction. Ils sont par conséquent, libres et fiers de leur statut social. Les forces de l’ordre sont loin d’épouvanter les gangsters qui au contraire, les terrifient. Tout le monde sait qu’ils sont dangereux. La police et les services spéciaux sont souvent vaincus par les gangsters. Leurs réseaux n’ont jamais été démantelés complètement.

Cependant, ils ne sont inquiétés que dans la mesure où ils commettent des crimes. Même alors, ils savent comment mettre en déroute la police et de s’échapper de si bel. Analogiquement, la justice non plus n’est pas efficace car elle ne les sanctionne pas copieusement. La récidivité des crimes apparaît comme la conséquence directe de ce fait, et par dessus tout, la croissance exponentielle des gangs dans notre pays, en général, et à Kinshasa, en particulier.

Notes de bas de page

[1] MUCCHIELLI, L., « Misère du débat sur l’insécurité », in Journal du droit des jeunes, N° 217, 2002, p. 18.

[2] MARGUÉRAT, Y., op cit, p.678.

[3] ITSHUDI OKOTO,  L’impact de la télévision dans le comportement des jeunes à Kinshasa. De 1997 à 2002,  Mémoire inédit en Communication Sociale, ISTI, 2002.