Esclavage et traites négrières dans l’espace congolais

Par Benjamin Hennon,

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Comprendre pourquoi et comment certaines pratiques esclavagistes sont nées et quels sont leurs prolongements et leurs effets aujourd’hui.
  • Comprendre pourquoi il est nécessaire de bien connaître cette histoire des traites et de l’esclavage qui a fortement marqué la perception des Africains sur eux-mêmes ainsi que le regard des autres sur les Africains.

2 ¦ Introduction

De nombreuses routes d’esclave vont parcourir l’espace congolais.source: B. ALLAN OGOT, dir., Histoire générale de l'Afrique, t. V : L'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle XIXe siècle, Paris, UNESCO, 1996, p. 633 (droits réservés).

L’espace congolais, de par sa position centrale en Afrique, a longtemps servi de plaque tournante de l’esclavage. Avant la traite négrière orientale (VIIe siècle, leçon 2), et la traite négrière transatlantique (XVe siècle, leçon 3), l’espace congolais et l’Afrique ont connu un esclavage interne, comme dans toutes les sociétés du monde.

Toutefois, l’intensité des traites négrières, et en particulier la traite transatlantique, va avoir des conséquences importantes sur l’espace congolais. Au XVe siècle, la traite négrière sera un obstacle au progrès sociopolitique du Royaume du Kongo. Elle bouleversera l’ordre social et toutes les structures culturelles traditionnelles. Des royaumes ancestraux vont s’effondrer, d’autres vont apparaitre. De nombreuses routes des esclaves vont parcourir l’espace congolais. Ces itinéraires sont les témoins silencieux des horreurs quotidiennes qui caractérisent le trafic d’esclaves.

3 ¦ Les formes anciennes d’esclavage au Congo

La plupart des sociétés humaines ont, à un moment de leur histoire, subi ou pratiqué l’esclavage. Avant même les traites négrières, les sociétés congolaises ont connu plusieurs formes d’esclavage telles que :

  • l’esclavage au niveau familial, clanique ou lignager

Une personne devient esclave pour plusieurs raisons : par hérédité, par insolvabilité (non-paiement d’une dette personnelle ou de la dette d’un parent), à cause d’une accusation de sorcellerie, pour des motifs d’inceste, d’homicide, de mauvaise conduite, etc.

  • l’esclavage au niveau de l’État

Les raisons de mise en esclavage sont plus diversifiées : esclaves royaux, esclaves gardiens des membres de la famille royale, esclaves des dignitaires de l’État, esclaves des élites marchandes ou religieuses, etc.

Les esclaves peuvent servir de butins de guerre ou de paiement de tribut. Il arrive parfois que des esclaves vivants soient choisis pour être ensevelis avec le roi en vue de le servir dans l’autre monde. L’esclavage peut s’inscrire également dans des circuits commerciaux plus étendus liés à l’exportation de personnes réduites en esclavage dans le cas de guerres entre lignages, de guerres entre États et autres formes de violence collective. Il est possible pour les esclaves de retrouver leur liberté le plus souvent après une ou plusieurs générations, soit suite au mariage avec une personne libre, soit par un des multiples procédés de rachat variables selon les lieux et selon les époques.

4 ¦ Les formes de traites négrières au Congo

On y distingue trois types de traite : la traite nilo-soudanaise, la traite orientale, la traite occidentale ou transatlantique.

4.1. La traite nilo-soudanaise

Depuis l’Antiquité, la traite se pratique le long du Nil. Les esclaves provenant de l’Afrique centrale et plus particulièrement du nord de la Province Orientale du Congo, du Soudan, de l’Ethiopie et de l’Egypte sont vendus sur  les marchés au même titre que les épices. Sur ces marchés, on retrouve des esclaves de différentes origines, en plus des Noirs, on peut y retrouver des Blancs, des Asiatiques, etc.

4.2. La traite orientale (VIIe – XIXe siècle)

Des trafiquants musulmans s’installent et font du commerce d’esclave sur la côte orientale de l’Afrique dès le VIIIe siècle. Ils  s’appuient sur les chefs locaux : les Arabo-Swahilis (souvent issus d’une union entre un Arabe et une Africaine). Les Arabo-Swahilis sont fortement influencés par la langue et la civilisation arabe. Ils ont à leur service des Africains noirs bien organisés, bien armés et généralement conduits par des esclaves africains émancipés. Par opposition aux esclaves (watumwa), les hommes libres, c’est-à-dire, les Arabo-Swahilis sont appelés « wangwana » et leur langue « kingwana » langue des hommes libres.

C’est vers 1875 que l’est du Congo (à partir du Maniema) est touché par l’expansion de la civilisation musulmane dont le berceau se situe sur le littoral de l’océan Indien et sur les îles qui lui font face (Zanzibar, Pemba, Mafia, Malinda).

Quelques marchands vont créer de véritables royaumes basés sur le commerce des esclaves et de l’ivoire.

À la tête de ces bandes armées, on trouve des sultans plus ou moins indépendants ainsi que des personnages hors du commun par leur fortune (fondée sur le commerce des esclaves, des minerais, des épices et de l’ivoire) ou leur culture (métisse, swahili, arabe et indienne) qui s’imposent par la force.

Le plus connu et le plus prospère de ces Arabo-Swahilis dans l’espace congolais est Tippo-Tip. Né à Zanzibar de l’union d’un Arabe venu à Zanzibar et d’une Africaine de la côte, il devient rapidement, l’homme le plus puissant de tout l’est du Congo au XIXe siècle. Son autorité s’exerce sur une zone s’étendant de la région des Grands Lacs à l’est et du cours supérieur du Congo à 300 km à l’ouest.

Tippo-Tip règne sur un territoire immense sur l'espace congolais.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Tippu_Tip#/media/File:TipputipPortrait.jpg

Le pouvoir de Tippo-Tip ne repose pas seulement sur son sens exceptionnel des affaires, mais aussi sur la force. Au début il obtient ses marchandises de luxe : esclaves et ivoire, en tissant des liens d’amitié avec les chefs locaux. Mais dès que les demandes en esclaves et en ivoire augmentent, Tippo Tip devient encore plus riche et plus puissant surtout à partir du moment où il réalise qu’il est plus rentable de piller et de brûler des villages entiers plutôt que d’acheter quelques défenses d’éléphant ou quelques esclaves.

Le chef Mwenda M’Siri Ngelengwa Shitambi, aussi appelé Msiri est un commerçant, originaire de la côte est de l’Afrique absorbe l’ancien royaume Lunda qui est fragilisé à cause des traites. De 1856 à 1891, il domine en souverain cette région riche en cuivre et contrôle les voies commerciales vers l’est. Bunkeya, la capitale de son royaume le Garanganze, sera l’un des principaux centres économiques de l’Afrique centrale durant son règne.

M'Siri va régner au XIXe siècle sur un royaume prospère situé au niveau de l'actuel Katanga.source: CAPELLO & IVENS (H. - R.) — Livre " DE ANGOLA Á CONTRA-COSTA." (1886)

En plus de ces deux noms, il y avait d’autres chefs africains ou arabo-swahilis directement en lien avec le commerce d’esclaves comme Rachid aux Stanley-Falls, Kibonge à Kirundu, Mserera à Riba-Riba (l’actuel Lokandu), Mwinyi Mohara, de son vrai nom Mtagamoyo Ben Sultan Wakasire à Nyangwe, Sefu à Kasongo, Bwana N’zige à Kabambare et Rumaliza à Ujiji, d’où il contrôlait la région à l’ouest du lac Tanganyika.

Au début de l’État Indépendant du Congo (1885 – 1908), les Européens se serviront de certains de ces chefs de guerre en les nommant par exemple gouverneurs ou commissaires de district avant de s’en débarrasser quand ils n’en auront plus l’utilité.

4.3. La traite transatlantique (XVe – XIXe siècle)

Avec l’arrivée des Européens sur les côtes d’Afrique centrale au XVe siècle et la création d’un marché atlantique, un réseau commercial de longues distances s’est développé dans le centre de l’Afrique, du fait du commerce des esclaves, et de l’ivoire notamment. La traite des esclaves de l’Ouest de l’Afrique centrale vers l’Amérique du Nord était essentiellement conduite par des marchands britanniques et américains.

Tous les États de l’espace congolais ont participé d’une façon ou d’une autre à ce commerce dans lequel les Européens et leurs agents ont joué un rôle central. La traite négrière transatlantique commence dès la fin du XVe siècle pour le royaume Kongo qui doit fournir aux Portugais des esclaves à destination du Brésil.

Plusieurs structures politiques s’établissent en Afrique centrale bien avant l’arrivée des Européens.

Le royaume du Loango, au nord du royaume du Kongo, va fournir des esclaves vers l’Amérique du Nord, surtout au XVIIIe siècle. Durant le XVIIIe siècle, le commerce vers l’Amérique du Nord est concentré dans trois ports de la Côte du Loango, à savoir : Cabinda, Malemba et la Baie du Loango.

Ce sont les marchands arabo-swahilis, spécialisés dans le commerce à longue distance du cuivre et de l’ivoire, qui ont fourni des esclaves, provenant de plusieurs sources : du Nord du Gabon moderne, du Pool Malebo (Kinshasa) dans l’Est, du Royaume Kongo, et de l’Angola. Des révoltes et des résistances face à cette réduction en esclavage et cet impérialisme européen ont lieu partout en Afrique, et aussi dans l’espace congolais. Ainsi, au XVIIe siècle, Kimpa Vita va lancer une révolte dans le royaume Kongo.

Ces réseaux commerciaux ont eu une influence importante sur les structures socialeséconomiquesculturelles et politiques des peuples de ces régions donnant naissance, dans la zone comprise entre le Sud de la RDC et le Nord de l’Angola, à une zone d’hybridité culturelle appelée « zone luso-africaine » dans laquelle les langues, les noms individuels, les noms des lieux, la politique (émergence de nouvelles élites politiques), la culture matérielle (objets domestiques et d’habillement, nouvelles pratiques alimentaires,  objets de parure), les hiérarchies sociales (urbanisation et émergence de nouvelles professions comme celle d’interprètes) et les relations économiques (nouveaux produits d’échanges et biens de prestige) se sont influencées mutuellement.

La traite négrière entraine des révoltes et des résistances de la part des esclaves.source: https://commons.wikimedia.org

Durant la dernière décennie du XVIIIe siècle, le fleuve Congo devient la voie principale de commerce des esclaves vers l’Amérique du Nord et l’embouchure du fleuve Congo devient presque la place la plus importante d’embarcation pour les navires britanniques et américains. Environ 22.000 esclaves sont transportés vers le Sud des Etats-Unis lorsque Boma devient l’entrepôt principal d’embarquement des esclaves.

Une fois l’abolition de la traite reconnue au niveau européen (1815), une phase illégale de traite commence. En effet, bien que la traite soit abolie, l’esclavage demeure légal, et certains continuent à pratiquer illégalement la traite négrière vers les Amériques. Quelques esclavagistes américains commencent à utiliser le fleuve Congo comme refuge pour échapper aux navires britanniques antiesclavagistes.

En 1860, soit 45 ans après son abolition par le Congrès de Vienne, la traite illégale est toujours pratiquée. Ainsi un capitaine anglais constate à son arrivée à l’embouchure du Congo, en 1860, la présence de huit navires négriers appartenant à diverses nations, qui attendent d’embarquer leurs cargaisons d’esclaves. Toutefois, la fin des années 1860 marque la fin effective de la traite négrière transatlantique.

5 ¦ Les survivances des pratiques esclavagistes au Congo

Alors que les nations européennes abolissent les unes après les autres l’esclavage à la fin du XIXe siècle, il n’en est pas de même pour les musulmans et certains Africains qui continuent à exploiter des esclaves.

L’Europe y trouve donc un prétexte pour coloniser l’Afrique afin de la libérer de l’esclavage. En 1885, Léopold II obtient le droit de régner sur l’actuel Congo en promettant, entre autres, de mettre fin à l’esclavage. Il apparait alors en Europe comme un roi philanthrope et va régner sur l’État Indépendant du Congo de 1885 à 1908. En 1889-1890, il convoque à Bruxelles la Conférence antiesclavagiste qui débouchera sur un traité signé par les puissances occidentales de l’époque qui s’engagent à mettre fin à l’esclavage.

Les agents de l’État Indépendant du Congo vont effectivement finir par mettre fin à l’esclavage dans l’espace congolais. Toutefois, bien qu’ils mettent fin à cette pratique en luttant contre les Arabo-Swahilis, notamment, ils vont mettre en place un système qui ressemble à l’esclavage. Les Congolais ne sont officiellement plus esclaves, mais restent soumis et dominés dans un système qui n’est pas plus enviable que l’esclavage.

Par exemple, dans les prisons coloniales, les prisonniers devaient porter la « cravate », c’est-à-dire, une chaîne les reliant les uns aux autres pendant la corvée, chaine chargée de les empêcher de s’enfuir.

Prisonniers démolissant une termitière à Vankerkhovenville (Congo) en 1903.source: AP.0.0.2059-2, collection MRAC Tervuren ; photo [Le K.], 1903.

6 ¦ La mémoire de l’esclavage au Congo

La mémoire de l’esclavage au Congo, comme dans d’autres pays d’Afrique, va se confondre avec la mémoire de la colonisation. En effet, les deux phénomènes se mêlent dans une même violence à l’égard des populations locales.

En 1994, l'UNESCO met en place le projet "la route de l'esclave".source: http://www.unesco.org

En 1994, l’UNESCO met en place au Congo, comme dans d’autres pays africains, le projet « La route de l’esclave » afin de briser les tabous autour de la traite négrière, et aider à mieux comprendre les bouleversements qu’ont entrainés ces traites négrières. En 2005, à Kinshasa, la première édition du Festival de la route de l’esclave du continent africain a eu lieu.

L’UNESCO en RDC a également rédigé un manuel « La traite négrière, l’esclavage et les violences coloniales en République démocratique du Congo » en 2011.

L’esclavage a profondément marqué le Congo comme l’Afrique, et certains comme Simon Kimbangu ou Patrice Lumumba associent l’esclavage des traites négrières avec les violences coloniales.

Franco Luambo Makiadi aborde l'esclavage dans ses chansons.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Statue_of_Franco_Luambo_Makiadi_unveiled_in_Kinshasa.jpg

Plusieurs chansons rappellent non seulement le temps de la traite des esclaves, le temps colonial, mais aussi les souffrances au temps historique :

  • Des chansons posent même la question de l’origine des Noirs qui ont perdu le sens et l’essence de leur dignité humaine : « Oh nakomitunaka, Nzambe nakomitunaka, poso moindo nde ewuta wapi ? » (Je me demande, Dieu, je me demande d’où vient la peau noire).
  • Une chanson de marche militaire met en relation la corvée (le travail sans intérêt = le pasantela) avec la traite des esclaves :« Salongo ee salongo alinga mosala. Biso tokomi bawumbu ya pete… salongo alinga mosala, Pete abandi konyokola biso… Salongo alinga mosala » (Le travail, il faut aimer le travail…Nous sommes devenus des esclaves à force de chercher le grade…Le grade commence à nous faire souffrir…).
  • Le musicien Luambo Makiadi Franco a même chanté le temps de Tippo Tippo et de la traite arabe vers le marché de Zanzibar dans sa chanson « Zando ya Tipo-Tipo».

7 ¦ Résumé

Depuis l’Antiquité, l’Afrique centrale et plus particulièrement le Congo ont connu plusieurs formes d’esclavage et de traites négrières.

Cette lourde histoire de l’esclavage, sur laquelle les Congolais se sont construits, qui a conduit à une sorte de déshumanisation et à la construction d’une image négative, mérite d’occuper une place importante dans la mémoire des Congolais.

La construction de «  routes d’esclaves » à l’ouest comme à l’est du Congo pourra contribuer à entretenir durablement la mémoire du temps de l’esclavage.

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La fin officielle de la traite négrière et ses conséquences

Par Benjamin Hennon,

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Identifier les divers secteurs où l’impact de la déportation et de l’esclavage des Noirs dans le monde d’aujourd’hui est visible.
  • Montrer la contribution des Africains aux civilisations du monde musulman.
  • Expliquer les survivances et la vitalité des cultures africaines dans les sociétés issues de l’esclavage aux Amériques.

2 ¦ Introduction

Les traites négrières arabe (VIIe au XIXe s., leçon 2) et transatlantique (XVe au XIXe s., leçon 3) ont couvert, ensemble, une période de presque douze siècles (VIIe – XIXe s.) et ont fortement marqué le continent africain. De nombreux Africains se sont révoltés face à l’esclavage et à la traite négrière. D’autres formes de résistance notamment via la musique ont également existées. 

Toutes ces révoltes, l’évolution des idées, ou encore le contexte économique et industriel mèneront, officiellement, à l’abolition de l’esclavage et à la fin de la traite négrière au XIXe siècle. L’esclavage et son abolition ont marqué durablement l’histoire de l’Afrique et du Monde et continuent à avoir un impact sur le présent.  

La traite et l’esclavage des Noirs ont été des catastrophes humaines indéniables, et ont également contribué à l’émergence d’un racisme anti-noir qui perdure jusqu’à aujourd’hui. 

3 ¦ Le processus d’abolition de la traite et de l’esclavage

3.1. L’abolition de la traite et de l’esclavage

Le processus d’abolition de la traite et de l’esclavage a été très long. Plusieurs voix se sont élevées dans le monde pour contester ces pratiques, aussi bien des Noirs que des Blancs, des révoltes ont eu lieu, mais il faut attendre la fin du XVIIIe siècle, et le XIXe siècle pour que les choses bougent enfin officiellement. 

En Afrique, dès le XIIIe siècle, Soundjata Keita, fondateur de l’Empire du Mali, aurait proclamé la charte du Manden, considérée comme l’une des premières déclarations des droits de l’homme, ouvertement antiesclavagiste. D’autres combats ont eu lieu en Afrique ou chez les esclaves africains pour conquérir leur liberté et mettre fin à l’esclavage. Ainsi, au IXe siècle, dans l’actuel Irak, des esclaves noirs, les Zandj, se révoltent et créent leur propre État ; dans le royaume du Kongo au XVIIe siècle, Kimpa Vita mène la révolte ; au Brésil, des esclaves créent au XVIIe siècle, l’État de Palmarès ; et les esclaves de Saint-Domingue (l’actuel Haïti) se révoltent en 1791 contre les Français, ce qui conduira à l’indépendance et la proclamation de la toute première république noire libre.

En Europe également, certains s’opposent à l’esclavage et à la traite comme les prêtres espagnols Épiphane de Moirans et Francisco José de Jaca au XVIIe siècle. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que des mesures officielles soient prises. Les révolutionnaires français, suite à l’insurrection de Saint-Domingue et au combat de Toussaint Louverture, abolissent l’esclavage en 1794, mais Napoléon le rétablira en 1802. Le Danemark est le premier pays d’Europe à abolir définitivement la traite en 1802, mais c’est surtout  son abolition par la Grande-Bretagne en 1807 qui va avoir des conséquences significatives. 

Lors du Congrès de Vienne en 1815, les puissances européennes se mettent d’accord pour abolir la traite négrière. Toutefois, la traite de contrebande se poursuit jusqu’à l’abolition définitive de l’esclavage en 1833 pour la Grande-Bretagne, en 1848 pour la France, en 1865 pour les États-Unis et jusqu’en 1888 pour le Brésil

L’abolition de la traite et de l’esclavage par les pays européens est le résultat d’une part de la montée du mouvement « philanthropique » apparu au Siècle des Lumières, et qui tend à considérer que tous les êtres humains sont égaux, et d’autre part de l’essor du capitalisme industriel au XIXe siècle qui prône d’autres formes de travail que l’esclavage et qui considère qu’il est plus intéressant d’avoir des clients sur le sol africain que de déporter ces individus vers les Amériques. 

Paradoxalement, c’est au moment de l’abolition de l’esclavage au XIXe siècle que nait le racisme biologique en Europe, qui tente de démontrer l’inégalité des races et déclare que le Noir est la race inférieure. Cette pseudoscience aura des conséquences néfastes pour les Noirs, elle légitimera, entre autres, la colonisation, et perdurera jusqu’au milieu du XXe siècle.

Du côté musulman, en 1840, le sultan d’Oman décide de déplacer la capitale de son royaume à Zanzibar. Cela renforce la prospérité de la ville qui s’impose alors comme la plaque tournante mondiale de l’ivoire et des esclaves. 

Selon le traité de Moresby  signé en 1822 par le sultan et le gouverneur britannique, la vente d’esclaves par des colons chrétiens y est interdite. Mais cet accord n’est pas respecté, et la traite clandestine menée par les Européens, souvent maquillée sous la forme de contrat de travail libre, y continue jusqu’aux années 1880-1890. Dans certains pays arabes, l’esclavage va perdurer jusqu’au XXe siècle.

3.2. Les États-Unis et la fin de l’esclavage

L’arrêt de la « traite légale » ne signifie donc pas la fin du besoin d’esclaves dans les Amériques ni la fin de l’esclavage. Cette traite illégale a encore permis d’acheminer des esclaves vers le sud des Etats-Unis, Cuba et le Brésil jusqu’à 1888 et l’abolition totale de l’esclavage au Brésil. Toutefois la fin de l’esclavage n’entraine pas une amélioration du sort des Noirs. La colonisation, et le racisme scientifique vont maintenir l’Africain dans une position d’infériorité alors que le travail forcé, et les mauvais traitements lors de la colonisation vont entraîner de nouvelles souffrances chez les Africains.  

L’abolition de l’esclavage a entrainé de nombreux débats et a même mené à des guerres civiles, comme aux États-Unis, lors de la Guerre de Sécession (1861 – 1865) où les États du Sud (esclavagistes du fait des nombreuses plantations qui s’y trouvent) s’opposent aux États du nord (abolitionnistes, car plus industrialisés). Lors de cette guerre, près de 200 000 anciens esclaves noirs prennent part au combat dans le camp du nord. Leur contribution entrainera la victoire des États du nord. Le président Lincoln, suite à un long combat mené par les mouvements antiesclavagistes, édicte en 1863 une  proclamation d’émancipation qui va aboutir à l’abolition de l’esclavage sur tout le territoire des Etats-Unis et l’obtention “théorique” des droits civiques par les Noirs.

Près de 200 000 anciens esclaves noirs combattent au côté du Nord lors de la Guerre de Sécession (1861 – 1865).source: https://pixabay.com/fr/photos/guerre-civile-virginie-1864-black-62990/

3.3. La ségrégation raciale aux Etats-Unis

La proclamation d’émancipation ne met pas fin aux discriminations et aux mauvaises conditions de vie des anciens esclaves. On libère les esclaves tout en ne leur donnant ni terre ni moyen de subsistance. On voit fleurir aux États-Unis des black codes qui ramènent les Noirs à un statut plus ou moins similaire à celui d’esclaves et autres lois ségrégationnistes qui ont pour but de régir la vie quotidienne des Noirs, de leur interdire l’accès aux écoles et aux autres lieux publics et de régenter strictement les relations acceptables entre les Blancs et les Noirs. La ségrégation raciale est légalement instaurée en 1896. Les Afro-Américains ne sont officiellement plus des esclaves, mais ils ne sont toujours pas égaux aux Blancs, et ne bénéficient ni des mêmes droits ni des mêmes moyens de subsistance.   

En 1960, des manifestants noirs et blancs militent pour l'obtention des droits civiques pour les Noirs.source: Image by © Bettmann/CORBIS

La lutte pour l’égalité va entrainer des émeutes, des manifestations, etc. C’est dans ce contexte ségrégationniste que Martin Luther King (1929 – 1968), un pasteur baptiste afro-américain, militant non violent pour le mouvement des droits civiques des Noirs américains organise et dirige des actions pour défendre le droit de vote, la déségrégation et l’emploi des minorités ethniques. Il prononce un discours célèbre le 28 août 1963, un siècle après le discours de Lincoln, intitulé  « I have a dream » où il rêve d’une société égalitaire.  Il reçoit en 1964 le prix Nobel de la paix, mais est assassiné en 1968.

Il faut attendre le 3 juillet 1964 pour que le président américain Lyndon Johnson, édicte une loi appelée : le Civil Right Act par laquelle il déclare illégale toute discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l’origine nationale. C’est donc, en théorie, la fin de la ségrégation, mais jusqu’à aujourd’hui, tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant, et des émeutes éclatent régulièrement. 

4 ¦ Traite négrière comme crime contre l’humanité & la question des réparations

La qualification de la traitre négrière et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité alimente les débats, surtout depuis la fin du XXe siècle. 

Avant cette période, on retrouve déjà des condamnations de ces pratiques. On a évoqué la charte du Manden, antiesclavagiste, qui est proclamée dans l’Empire du Mali dès le XIIIe siècle. Au XVIIe siècle, deux prêtres espagnols Francisco José de Jaca et Epiphane de Moirans posent la question des réparations. S’il faut, selon eux, interdire la traite et l’esclavage qui sont contraires au christianisme et au droit naturel, il faut faire en sorte que les victimes de ces crimes reçoivent une juste réparation pour le préjudice subi et pour leur travail. Leur combat contre l’esclavage n’aboutira cependant pas. En 1781, le philosophe Condorcet déclare que « réduire un homme à l’esclavage, l’acheter, le vendre, le retenir dans la servitude, ce sont de véritables crimes (…). »

Dans plusieurs parties du monde, dès la fin du XXe siècle, des associations ont engagé des actions contre des sociétés ou des États afin de faire valoir le droit à des réparations financières pour les descendants d’esclaves. Lors de l’abolition de l’esclavage, dans certains pays, des propriétaires d’esclaves ont été indemnisés pour la perte de leurs « biens ». 

Le mouvement "Black Lives Matter" a pris de l'ampleur depuis la mort de George Floyd en 2020.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Black_Lives_Matter.jpg

Dans ce contexte, en 2013, la CARICOM (association qui regroupe plusieurs États des Caraïbes) a défini un plan en dix points pour une réconciliation et une justice réparatrices. Parmi ces points, on retrouve une demande d’excuses officielles, et pas seulement des déclarations de regrets de la part des anciens pays esclavagistes ; une annulation de la dette pour ces pays des Caraïbes ; une demande d’instruction concernant l’Afrique afin d’informer les Afrodescendants de leur passé. Toutefois, en 2021, ce plan n’a pas encore entrainé d’actions concrètes. 

Certaines initiatives ont eu lieu en Europe et dans le monde par rapport à cette question de l’esclavage. Ainsi, en 2001, la « Conférence mondiale de Durban (Afrique du Sud) contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance » a, entre autres, confirmé à l’échelle mondiale, la condamnation de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. La même année, en France, la Loi Taubira  est adoptée et reconnait la traite et  l’esclavage comme « crimes contre l’humanité ». 

En 2007, Ken Livingstone, maire de Londres s’excuse publiquement pour le rôle de Londres dans la traite des esclaves. Suite au mouvement « Black Lives Matter » créé en 2013, mais qui prendra de l’importance suite à la mort de George Floyd en 2020, le parlement européen adopte une résolution en 2020 qui considère que la traite des esclaves est « un crime contre l’humanité ». 

Toutefois, la question des réparations et des excuses suscite toujours des débats et des controverses. 

5 ¦ Les conséquences contemporaines de la traite négrière

La traite négrière et l’esclavage des Noirs ont transformé tous les peuples qui ont participé à ce trafic humain en Europe, en Afrique, en Asie et aux Amériques.

Ce trafic a eu à la fois des conséquences économiquesgéographiquesdémographiquessocialespolitiques et culturelles.

5.1. Les conséquences économiques

L’accumulation des capitaux issus de la traite et de l’exploitation des esclaves dans les colonies, entre le XVe et le XIXsiècle, a favorisé la constitution de monopoles économiques nationaux et la croissance économique de la Grande-Bretagne, de la France, du Portugal, de l’Espagne, des Pays-Bas et des Amériques.

Suite à l’abolition de la traite négrière au XIXe siècle, le commerce européen s’intéresse aux produits africains qui pourraient se substituer au commerce des esclaves, notamment l’huile de palme, les noix palmistes et l’arachide. Vers 1850, l’huile de palme utilisée en Europe et en Amérique pour l’éclairage, la fabrication du savon, la cuisson des aliments et la lubrification des machines devient le produit phare de l’exportation africaine. 

Par ailleurs, plusieurs espèces de plantes sont importées vers le continent africain comme le bambou, le riz, la canne à sucre, ou encore le manioc.

Les économies de l’Afrique, l’Europe, l’Asie, et l’Amérique vont être impactées par les traites.

5.2. Les conséquences psychosociales dans les Amériques

En 1885, les théories raciales sont contestées par l'intellectuel haïtien Anténor Firmin dans son livre "De l'égalité des races humaines".source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ant%C3%A9nor_Firmin,_De_l%27%C3%A9galit%C3%A9_des_races_humaines-anthropologie_positive_(frontispice_et_page_de_titre).jpg?uselang=fr

La fin de la traite négrière et l’abolition de l’esclavage, au XIXe siècle, n’ont pas pour autant amélioré les conditions de vie ou même l’image des anciens esclaves. Dans le monde musulman, dès le VIIIe siècle, le Noir est associé à des caractéristiques négatives, et cette image négative va également se répandre en Europe à partir du Moyen-Âge, et surtout au XIXe siècle, via la religion chrétienne et certains commentateurs, qui associent l’Africain noir à la descendance maudite de Cham

Au XIXe siècle, le racisme scientifique tente de démontrer une hiérarchisation des races.source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Racisme#/media/Fichier:Races_and_skulls.png

La fin de l’esclavage ne met pas fin à l’image négative associée au Noir. Au contraire, au XIXe siècle, se généralise en Occident le racisme scientifique. Sur la base de pseudo-expériences, des scientifiques vont tenter de démontrer qu’il existe une hiérarchisation entre les êtres humains. Ils vont jusqu’à parler de races, et considérer le Noir comme la race inférieure. Bien que des voix contestent, à juste titre, ces expériences, notamment celles d’Anténor Firmin, ces théories vont se répandre en Europe. On retrouve ces théories raciales jusqu’au début du XXe siècle. Elles sont à l’origine d’un racisme anti-noir qui sévit encore de nos jours. Ce racisme scientifique servira, entre autres, de prétexte à la colonisation. En effet, l’homme blanc considère, à l’époque, qu’il est de son devoir d’élever, entre autres,  son frère noir moins évolué. 

Au XXIe siècle encore, les Afro-Américains et les Européens d’origine africaine, notamment, souffrent de ces stéréotypes négatifs, et de conditions de vie moins bonnes que les autres. Ils ont un accès plus limité à l’éducation, à la santé, subissent des discriminations à l’emploi et au logement. Les stéréotypes nés à l’époque de la traite négrière et de la colonisation sont encore trop ancrés de nos jours. Une égalité de droit a été obtenue pour les Afrodescendants, mais une égalité de droit ne signifie pas forcément une égalité de fait.  

5.3. Les conséquences politiques en Afrique

La traite négrière et l’esclavage ont eu des conséquences néfastes et tragiques pour l’Afrique tant au point de vue démographique, économique, culturel que religieux. 

Au niveau démographique, les conséquences vont être marquantes. Les chefs ou les rois africains ne vendent pas leurs propres sujets, mais organisent des expéditions pour vendre des prisonniers de guerre. Cela va déséquilibrer tout le continent. Par exemple, le Gabon ou les côtes du Nigéria, très peuplées à l’origine, vont se vider de leur population, alors que le Rwanda, qui sert de refuge aux populations émigrées va être surpeuplé.  

Sources d’approvisionnement de la traite transatlantique aux XVIIIe et XIXe siècle.source: B. ALLAN OGOT, dir., Histoire générale de l'Afrique, t. V : L'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle XIXe siècle, Paris, UNESCO, 1996, p. 130 (droits réservés).

Au niveau politique, depuis le XVIIe siècle, en Afrique occidentale, de nouveaux États, ayant à leur tête des aristocraties militaires alliées aux marchands d’esclaves, ont pris la place des sociétés lignagères. Ils ont érigé des entités politiques et commerciales qui ont opéré des razzias à l’intérieur du continent et y ont semé la dévastation, spécialement au Soudan central et oriental à partir de Khartoum et dans la Région des Grands Lacs. 

La fin de la traite et de l’esclavage, au XIXe siècle, va entrainer une augmentation d’esclaves sur le continent africain. En effet, les esclaves qui ne sont plus vendus aux Européens sont utilisés désormais en Afrique. Paradoxalement, fin du XIXe siècle, l’Europe va justifier la colonisation de l’Afrique par la lutte contre l’esclavage qu’elle a elle-même contribué à développer par la traite puis par son abolition. Le bouleversement des structures politiques en Afrique due à la traite négrière va contribuer à affaiblir le continent qui ne pourra pas résister aux conquêtes coloniales.

Au XIXe siècle, de nombreuses structures politiques existent sur le continent africain.

Pour les États africains esclavagistes, l’abolition de la traite signifie donc un manque à gagner, du fait de l’impossibilité de vendre les esclaves captifs. Cette situation provoque la chute de ces États puissants, ouvrant la porte aux entreprises coloniales.

Par ailleurs, sur la côte de l’Afrique orientale, qui est déjà fragilisée depuis le XVIe siècle par l’affrontement entre Portugais et musulmans, l’intérieur est moins structuré. Quand en 1840, le Sultan d’Oman installe sa capitale à Zanzibar, cela bouleverse l’équilibre géopolitique et social de toute la région.

L’Afrique doit également gérer le fait que beaucoup de Noirs affranchis décident de retourner en Afrique. C’est ainsi que les Afro-brésiliens retournent plutôt sur la « Côte des esclaves » (Togo, Ghana, Dahomey, Nigeria), tandis que d’autres, tels Sheppard et Georges Washington William s’installent en Afrique du Sud ou dans l’Etat Indépendant du Congo.

6 ¦ Présence et vitalité des cultures africaines en Amérique

La présence des cultures africaines dans les Amériques est caractérisée par une  vitalité remarquable dans plusieurs domaines de la culture américaine actuelle  :

La musique 

Jimmy Hendrix et de nombreux artistes afro-américains ont marqué la musique mondiale.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jimi_Hendrix_%26_Noel_Redding.png?uselang=fr

Les principaux courants musicaux qui ont fait la gloire des États-Unis comme le blues, le rock, le jazz, voire même le rap trouvent leur origine chez les esclaves des plantations américaines et leurs descendants. Les différents chants de travail, et chants religieux se transforment petit à petit pour devenir de véritables courants musicaux. Ces courants créés par des Noirs, qualifiés dans les années 20 de race music, ne sont à l’origine écoutés que par des Noirs. Petit à petit, quand des Blancs comme Elvis Presley vont se saisir de ces styles, le succès mondial sera au rendez-vous, et des Noirs américains deviendront des stars reconnues comme Duke EllingtonChuck Berry, Little RichardLouis ArmstrongJoséphine Baker ou encore Billie Holiday. De nos jours, de nombreux artistes afro-américains comme BeyoncéJay-Z, ou encore Kendrick Lamar continuent d’influencer la musique mondiale. 

La religion 

Dès l’arrivée des premiers esclaves sur le sol américain, la religion est un moyen d’échapper au quotidien et aux conditions de vie inhumaines. C’est une façon aussi de retrouver sa dignité humaine. Parmi les différents courants religieux qu’on retrouve en Amérique, il y a le vaudou, directement importé d’Afrique. Cette croyance africaine va se transformer en Amérique, mais garde les mêmes divinités, capables d’intervenir dans les corps des adeptes par la transe et la possession. Cette croyance va être diabolisée par les chrétiens qui y voient de la sorcellerie. 

La première femme écrivaine américaine est une ancienne esclave : Phyllis Wheatley (1753 – 1784).source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Phillis_Wheatley_frontispiece.jpg

La littérature 

Les Afro-Américains sont également à l’origine d’une littérature dont les des principaux thèmes sont l’égalité et la liberté. Dès le XVIIIe siècle, on retrouve une poétesse, Phillis Wheatley (1753 – 1784), esclave qui sera affranchie, elle est considérée comme la première femme américaine écrivaine. L’écrivain afro-américain le plus célèbre du XIXe siècle, reste Frederick Douglass (1818 – 1895), un esclave qui s’est enfui et qui rédige une autobiographie antiesclavagiste au succès retentissant. Suite à l’abolition de l’esclavage, d’autres auteurs afro-américains connaitront un succès conséquent comme Richard Wright, Ralph Ellison, Maya Angelou ou évidemment Toni Morrison (1931 – 2019) qui obtiendra le prix Nobel de littérature en 1993.

Dans le cinéma, le sport ou encore la science, de nombreux Afro-américains se sont illustrés et continuent à marquer leur époque.

7 ¦ Les formes actuelles de l’esclavage

Malgré l’abolition de l’esclavage, il est paradoxal de constater que la pratique persiste encore dans diverses parties du monde, tantôt sous des formes déguisées, tantôt de manière bien visible

Les situations de conflits armés, en particulier en Afrique, la misère malheureusement toujours présente et le rêve, trop souvent illusoire, d’un ailleurs meilleur que chez soi, provoquent des migrations massives, comme celles des Africains qui traversent le Sahara ou la mer méditerranée, devenant les proies de groupes djihadistes, de bandes mafieuses, voire même d’agents peu scrupuleux des États qu’ils traversent. 

Au XXIe siècle, l’esclavage est toujours présent dans le Monde.source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Esclavage_contemporain#/media/Fichier:Modern_incidence_of_slavery.png

8 ¦ Le devoir de mémoire

Sur l'île de Gorée (Sénégal), une statue commémore l'esclavage.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gor%C3%A9e-MaisonEsclaves1.jpg?uselang=fr

La mémoire est un concept que l’on emploie souvent de nos jours, mais qui n’est pas forcément bien compris. L’histoire, c’est l’étude du passé au départ des traces qu’il nous en reste. La mémoire, c’est le regard porté par un groupe ou une société sur des faits du passé. Elle permet de se construire une identité, de mettre en valeur certains évènements ou figures du passé, elle relève d’un choix

Les manifestations commémoratives des événements historiques aident à garder la mémoire d’un groupe humain. Il existe un lien fondamental entre mémoire et identité, mémoire et société. 

Depuis la fin du XXe siècle, plusieurs initiatives ont vu le jour pour exprimer cette mémoire de l’esclavage et de la traite négrièreEn 1994, l’UNESCO (l’Organisation des Nations pour l’Education, la Science et la Culture) lance à Ouidah au Benin le projet intitulé « La Route de l’esclave : résistance, liberté, héritage ». 

Ce projet a pour objectif, non seulement, de contribuer à une meilleure compréhension des causes et des modalités d’opération de l’esclavage et de la traite négrière, mais souhaite aussi mieux appréhender les enjeux et les conséquences de l’esclavage dans le monde.

Il vise également à mettre en lumière les transformations globales et les interactions culturelles issues de cette histoire en favorisant le pluralisme culturel, le dialogue interculturel et la construction des nouvelles identités et citoyennetés, afin de contribuer à une culture de la paix.

Le 23 août est devenu « la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition », la date rappelle l’insurrection de Saint-Domingue contre la France en 1791. Certaines initiatives visent également à débaptiser des rues portant le nom d’esclavagiste.  

En ce qui concerne la traite négrière, les monuments, musées et mémoriaux contribuent à la volonté de faire connaître l’histoire de l’esclavagisme au plus large public. 

Le défi auquel il convient de répondre est celui de savoir :

  • Comment représenter correctement ce commerce d’êtres humains dans un musée ? 
  • Quel type de monument national faut-il ériger qui puisse bien rendre compte de la  mémoire des esclaves ?
  • comment faire connaître aux générations actuelles et futures la complexité de  l’histoire de la traite atlantique ?

Le souvenir de la traite négrière ne doit être occulté ni par les historiens, ni par les politiciens, ni encore par les médias. 

Car l’être humain refuse d’admettre l’oubli. Il a besoin de lieux de mémoire pour se recueillir et surtout de connaître les pages glorieuses et les pages sombres de son histoire.

9 ¦ Résumé

  • L’insurrection de Saint-Domingue en 1791 et le début du XIXe siècle marquent le début de la remise en question des divers pays face à la traite négrière et à l’esclavagisme. Le Brésil n’abolira l’esclavage qu’en 1888.
  • Aux Etats-Unis, la question de l’esclavage va entrainer la guerre de Sécession qui voit s’opposer les États du Nord aux États du Sud. Suite à la victoire du Nord, Abraham Lincoln déclare l’abolition de l’esclavage sur tout le territoire des Etats-Unis, mais l’abolition ne signifie pas que les conditions de vie des Afro-américains vont être meilleures. 
  • En 1994, l’UNESCO lance un projet intitulé La Route de l’esclave : résistance, liberté, héritage. 
  • En 2001, la « Conférence mondiale de Durban (Afrique du Sud) contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance » a confirmé à l’échelle mondiale, la condamnation de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.
  • Si les conséquences économiques, politiques, psychosociales furent nombreuses et dommageables pour le peuple noir, elles n’ont pu entamer la vitalité de la culture afro-américaine.
  • Le souvenir de la traite négrière doit être gardé en mémoire, car l’être humain a besoin de lieux pour se recueillir et surtout de connaître les pages glorieuses et les pages sombres de son histoire.

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La traite orientale

Par Benjamin Hennon,

VIIe – XIXe siècle

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Expliquer les raisons de la traite arabe ainsi que le rôle qu’y a joué l’islam.
  • Expliquer que l’esclavage ne dépend pas de la couleur de la peau, mais de la religion.
  • Repérer sur une carte les différents itinéraires et les différentes régions de destination des esclaves africains lors de la traite arabe

2 ¦ Introduction

Le mot « Islam » correspond à la fois à la religion monothéiste fondée sur le Dieu appelé Allah et à la civilisation née en Arabie (région d’Asie) qui s’étend de l’espace méditerranéen au continent asiatique et de l’Afrique saharienne et soudanaise à l’océan Indien. La constitution de cette civilisation dès le VIIe siècle a entraîné une augmentation considérable des besoins en main-d’œuvre servile. La traite négrière pratiquée par les musulmans commence au VIIe siècle pour s’achever officiellement au XIXe siècle.

3 ¦ La création et l’expansion de la civilisation arabo-musulmane

Jusqu’au Ve siècle, les habitants de l’Arabie, pays en grande partie désertique, vivent essentiellement du commerce caravanier et sont animistes c’est-à-dire qu’ils considèrent que les objets et les éléments naturels possèdent un esprit. C’est vers 570 que naît Mohammed. Ayant de plus en plus d’adeptes, il sera à l’origine d’une nouvelle religion, l‘Islam. Cet événement est appelé la Révélation. À partir de ce moment, Mohammed prêche à La Mecque puis en 622, il quitte cette ville pour Yatrib où les habitants sont prêts à l’accueillir et à se convertir à la nouvelle religion. Ce déplacement du prophète est appelé l’Hégire. En 630, Mohamed décide de retourner à La Mecque et de prendre, avec ses compagnons, le contrôle de la ville à laquelle il donne le statut de capitale de l’Islam. 

L’un des premiers  compagnons de Mohammed s’appelle Bilal. C’est un ancien esclave noir affranchi par un proche du prophète. Les conversions à la nouvelle religion deviennent massives. À la mort de Mohammed en 632, l’Arabie est devenue majoritairement musulmane et les compagnons du prophète partent dans le monde pour répandre l’Islam, et unifier les tribus arabes afin d’en faire un grand empire capable de contrôler les voies caravanières et de dominer le commerce. Mohammed ayant interdit de réduire en esclavage des musulmans, ils vont réduire en esclavage les croyants d’autres religions, peu importe la couleur de leur peau.

Ces conquêtes arabes aboutissent à la création d’un vaste empire qui s’étend de l’océan Atlantique à l’Inde et du Maghreb à la mer Noire. L’empire donne naissance à une brillante civilisation caractérisée par une économie prospère. Les échanges s’y font tant sur terre par les pistes caravanières que sur mer où les navires chargés vont de port en port, reliant l’Asie, l’Afrique et l’Europe.

L’expansion de l’empire musulman va avoir un impact sur l’Afrique, l’Asie et l’Europe.

Dans l’industrie comme dans l’artisanat, les Arabes ont une avance considérable par rapport aux pays européens. Plusieurs villes qui se sont développées jouent un rôle important tant au niveau économique, politique que culturel. Les dirigeants et les riches marchands y montrent leur puissance et développent leur commerce en ayant toujours plus de personnes, dont des esclaves, à leur service.

4 ¦ Le BAQT

La traite systématique des Noirs par les musulmans arabes remonte au Baqt, quand le conquérant arabe Abdallah Ben Saïd, gouverneur d’Égypte, impose en 652 (l’an 31 du calendrier musulman) à la Nubie (territoire au sud de l’Egypte et de la Libye actuelles) de lui fournir un tribut de 360 esclaves par an. Cette coutume se maintient jusqu’ à l’arrivée, au XIIIe siècle, des Mameluks, une milice d’esclaves affranchis. 

Par ailleurs, les empires soudanais occidentaux (fondés par des Soninké, des Malinké, des Bambara et des Songhaï) qui entretiennent des relations commerciales importantes avec le monde arabe se convertissent dès le XIe siècle à un Islam fortement teinté d’animisme. Au XIVe siècle, Mansa Moussa, empereur du Mali, développe la ville de Tombouctou, et au XVe siècle, sur ce territoire, alors aux mains de l’Empire Songhai, la mosquée de Sankoré devient l’une des universités islamiques les plus renommées du monde musulman.

Longtemps négligeable, le trafic des esclaves s’accélère après la conquête de l’empire Songhai par le Maroc à la fin du XVIe siècle

Du côté ouest-africain, on raconte que les Berbères du désert, habitant les pays du Maghreb et la Libye, pratiquent systématiquement l’esclavage. 

5 ¦ Les particularités de la traite arabe

Miguel De Cervantes a été réduit en esclavage par les Musulmans.source: Encyclopédie Encarta Junior 2009, Archivo Fotographico Oronoz

Les conquêtes musulmanes, du VIIe au VIIIe siècle, sont brutales et d’une ampleur tel que le monde méditerranéen n’en avait jamais connu. Les courtiers vont acheter leurs esclaves, essentiellement des Blancs, dans des pays lointains. C’est ainsi que sur les premiers grands marchés d’esclaves au IXe et Xe siècle, sont vendus et achetés bon nombre de chrétiens européens parmi lesquels se trouve Miguel de Cervantes (1547-1616), écrivain chrétien espagnol (auteur des « aventures de Don Quichotte»). Les marchands sont juifs, chrétiens, russes ou bulgares.  

De Byzance à l’Empire ottoman, de l’Europe chrétienne aux terres d’Islam, la couleur des esclaves importe peu. C’est donc pour des raisons religieuses, politiques et économiques que les Noirs africains vont être asservis comme bon nombre d’esclaves blancs. 

Tous les peuples africains ne tombent pas dans l’esclavage sans résister. Ainsi les Zandj, en Irak, se révoltent plusieurs fois entre le 7e et le 19e siècle et vont même dominer une partie de l’IrakSoundiata Keita, fondateur de l’Empire du Mali, aurait proclamé dès 1222, la charte du Manden, ouvertement antiesclavagiste et considérée comme l’une des premières Déclarations des droits de l’homme

5.1. Les types d’esclaves

Une servante noire, et un eunuque posent avec l’enfant de leur maitre en Inde orientale au XIXe siècle.source: C. Snouck Hurgronje, Mekka in the latter part of the 19th century, 1931. (Droits réservés)

Dans les pays musulmans, les esclaves noirs occupent quatre fonctions : domestiques, militaires, travailleurs agricoles et eunuques.

Depuis le 9e siècle, l’esclavage agricole est fort répandu. On utilise déjà des esclaves dans les plantations de canne à sucre et dans les cultures du coton en Haute-Égypte et à Zanzibar.

Le commerce des eunuques noirs à destination du Maghreb, du Caire, d’Alexandrie et de Constantinople connait, au 10e siècle, une grande période de prospérité. On les importe en même temps que l’ivoire, l’ébène et la poussière d’or du Soudan. Pour répondre à la demande croissante d’eunuques, 100 à 200 garçons sont castrés chaque année à Abotig, sur la route des caravanes reliant le Soudan à l’Egypte. Cela signifie qu’on les ampute complètement de leurs organes sexuels masculins. Très tôt, l’Ethiopie devient le plus grand fournisseur d’eunuques. Ceux-ci sont souvent placés dans des postes de l’administration, et dans les palais royaux. D’autres sont gardiens des femmes du harem ou serviteurs et gardiens dans les mosquées comme celle de Médine. 

5.2. Les marchands d’esclaves

Des marchands arabes s’installent en Afrique noire pour faire du commerce, et notamment au nord du lac Malawi.source: Johnston Harry, British central Africa, New-York, 1897,p.93.

Dans les grandes villes des États esclavagistes, les hommes des riches familles et des clans puissants ont plusieurs activités et font ainsi fortune grâce au commerce de l’or, des esclaves, mais également des épices et des soieries. Ces hommes d’Arabie, de Hedjaz, du Yémen, d’Oman, de Bassora et de Bagdad, ne se lancent pas eux-mêmes dans la chasse aux esclaves. Ils font appel à des courtiers et des chasseurs d’esclaves chargés d’attraper puis de transporter les captifs sur les nombreuses pistes caravanières vers leurs comptoirs et leurs entrepôts.

Par ailleurs, les populations au sud du Sahara s’affrontent souvent entre États, tribus ou ethnies et demandent à leurs guerriers d’attaquer et de razzier les villages voisins afin d’emporter du butin et du bétail humain. Une partie des esclaves est vendue à l’étranger, mais un grand nombre d’esclaves razziés dans les villages ne quittent pas les pays d’exportation où les souverains les gardent pour leurs services de la cour, pour leurs armées ou pour les travaux des champs.

Les régions d’Afrique orientale  font face à l’arrivée de vagues de premiers immigrants, fugitifs ou exilés, venus de plusieurs pays du monde musulman qui s’établissent sur les côtes africaines avec des connexions vers l’arrière-pays, notamment vers le bassin du Congo. 

5.3. Le prix des esclaves

Les marchands se servent rarement de monnaies métalliques pour payer les esclaves, ils recourent plutôt au troc. Chaque esclave, homme, femme ou enfant est évalué selon son âge, son aspect et ses qualités supposées. Il est ensuite proposé à la vente contre un poids plus ou moins élevé de produits ou un certain nombre d’objets (perles, poudre d’or, cauris, etc.). 

Les Africains qui font la chasse aux esclaves pour le compte des marchés musulmans recherchent surtout des jeunes filles et des jeunes femmes qui atteignent de plus hauts prix que les hommes. Entre 1760 et 1769, le prix des esclaves de sexe féminin dépasse de 174% celui des hommes

6 ¦ Les routes des caravanes

De nombreux esclaves africains seront envoyés vers le monde asiatique.

Les esclaves étaient déportés vers : 

  • l’Europe à travers le Sahara, 
  • le Proche Orient à travers la mer Rouge et 
  • l’Asie centrale et l’Inde à travers l’océan Indien. 

Un réseau très complexe de pistes, qui partent de territoires plus ou moins éloignés, mène les esclaves vers les comptoirs. Le voyage dure deux à trois mois et constitue une épreuve terrible. On estime que pour un esclave qui arrive à destination, cinq à dix esclaves succombent sur la route à cause de la brûlure du soleil, du froid glacial de la nuit, des tortures, de la soif, de la faim, des maladies et de l’épuisement physique dû aux marches épuisantes qui leur sont imposées.

7 ¦ Les conséquences de la traite dans le monde musulman et en Afrique

7.1. Sur le plan économique

La traite négrière constitue un enjeu économique dans lequel les vendeurs, les courtiers et les acheteurs gagnent beaucoup d’argent.

Les marchands d’esclaves musulmans qui s’aventurent à l’intérieur du continent prennent de grands risques en ramenant des esclaves qu’ils négocient à prix d’or. On assiste ainsi au développement de plusieurs villes spécialisées dans les marchés d’esclaves aussi bien sur les routes des caravanes que dans les régions de déportation comme Zanzibar (définition).

Il n’est pas rare de voir des Noirs, habitant l’arrière-pays immédiat, venir vendre, en même temps que leurs récoltes, leurs propres esclaves aux trafiquants des comptoirs. 

7.2. Sur le plan démographique

On estime que le nombre d’esclaves africains acheminés par les routes transsahariennes, la route de la Mer et les routes de l’Océan Indien tourne autour de :

4.820.000 esclaves entre les années 650 et 1000 et
2.400.000 esclaves dans la période allant de 800 à 1600,
soit environ 7.220.000 esclaves.

Par ailleurs, l’Arabie, la Perse et l’Inde importent :
25.000 esclaves entre 1800 et 1829,
35.000 esclaves entre 1830 et 1839,
40.000 esclaves entre 1840 et 1849
65.000 esclaves entre 1850 et 1859.

Si l’on considère le taux de mortalité de 9%, l’addition de ces derniers chiffres passe de 390.200 esclaves à 424.000 esclaves.

7.3. Sur le plan politique et social

Aussi bien dans les régions de départ que dans les régions de destination, la traite a eu un impact sur les structures politiques. De nouvelles cités ont été créées comme celle de Tahert (près de l’actuelle Tiaret en Algérie). 

La traite a également fragilisé et bouleversé certaines structures étatiques anciennes et créé de nouveaux états et de nouvelles hiérarchies politiques et sociales, se présentant comme contre-pouvoir issu de la violence militaire et du commerce des esclaves.

Des États africains se sont servis de l'esclavage pour se renforcer et se développer.

Certains Africains ont profité du commerce des esclaves pour ériger des entités politiques fortes. C’est le cas des sultans esclavagistes du Soudan central et oriental qui pénètrent à l’intérieur du continent, en y semant la dévastation comme Mirambo (1840-1884)  le grand chef de guerre Nyamwezi près du Lac Victoria  au Kenya, rayonnant à partir de Khartoum, Msiri (1830 – 1888) au Katanga et Tippo Tip (1837 – 1905) dans la Province Orientale du Congo.

D’autres Africains, par contre, comme Ahmed Baba (1556- 1627) au Mali, s’oppose à l’esclavage et à la déshumanisation de l’esclave.  

Enfin, la traite en bouleversant les structures africaines a ouvert la voie à une conquête facile de l’Afrique au XIXe siècle. 

8 ¦ Résumé

Au cours de cette leçon, nous avons appris que :

  • Le trafic des esclaves noirs d’Afrique vers les régions conquises par l’expansion de l’empire musulman, du 7e au 19e siècle, est fondé, non pas sur des motifs raciaux, mais plutôt sur des motivations économiques. Les musulmans ont besoin de plus en plus de main d’œuvre au fur et à mesure que leur empire augmente, et ils n’ont pas le droit de réduire en esclavage des musulmans. Donc, ils se servent dans les territoires limitrophes, principalement en Afrique, mais aussi en Europe. 
  • Les esclaves sont utilisés comme domestiques, mais aussi comme soldats, travailleurs agricoles ou eunuques. Les femmes sont souvent exploitées sexuellement.Les esclaves noirs sont déportés vers l’Europe à travers le Sahara, vers le Proche Orient à travers la mer Rouge et vers l’Asie centrale et l’Inde à travers l’océan Indien. 
  • Les conséquences de cette traite sont nombreuses pour l’Afrique : dépeuplement des régions de capture, bouleversements des structures politiques et sociales et instauration d’une terreur permanente.

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La traite transatlantique

Par Benjamin Hennon,

XVe – XIXe siècle

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :
  • Identifier les différents acteurs de la traite atlantique.
  • Comprendre pourquoi la traite ne concerne que les Noirs.
  • Expliquer les motivations des négriers et leurs modes de financement.
  • Reconstituer la trajectoire d’un bateau négrier.
  • Expliquer les raisons de la résistance des Noirs contre la servitude.

2 ¦ Introduction

La traite transatlantique (XVe – XIXe siècle) qui a engendré la déportation de 10 à 25 millions d’Africains vers l’Amérique fait suite à de grands bouleversements survenus au XVe siècle. 

Le pape Nicolas V autorise la réduction en esclavage des "ennemis du Christ"source: Arquivo Nacional da Torre do Tombo (Lisboa, Portugal) 

En 1453, les Ottomans prennent Constantinople, la capitale de l’Empire romain d’Orient. Cet évènement marque la fin de l’Empire romain d’Orient. Dorénavant, les Européens qui veulent accéder à l’Asie et à son marché par voie terrestre doivent traiter avec les musulmans qui imposent de lourdes taxes, ce qui rend difficile le ravitaillement en épices. L’Europe a un grand besoin d’or et d’épices et cherche de nouveaux marchés lointains, en Asie et en Afrique en passant par la voie maritime.

Dans ce contexte, en 1454, le pape Nicolas V autorise l’esclavage dans sa bulle papale ( document à travers lequel le pape pose un acte juridique important) intitulée  «Romanus Pontifex».

Par cette bulle, le pape Nicolas V concède aux rois du Portugal toutes les conquêtes en Afrique subsaharienne. Il leur permet ainsi de réduire en servitude perpétuelle toutes les personnes, considérées comme infidèles et ennemies du Christ en s’appropriant tous leurs biens et royaumes. 

De grands progrès sont réalisés en Europe dans le domaine de la navigation, et des expéditions maritimes de plus en plus ambitieuses voient le jour. Parmi ces expéditions, celle de Christophe Colomb en 1492, un Italien travaillant pour les Espagnols, va avoir une influence considérable sur le monde. Croyant être arrivé dans les Indes (c’est comme cela que l’on désigne l’Asie à l’époque), il est, en réalité, arrivé sur un nouveau continent, inconnu de l’Europe : l’Amérique.

Las Casas va militer pour mettre fin à l'esclavage des Indiens, mais pas des Noirs.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bartolome-defenseur-indiens.jpg

Très vite, les Espagnols vont réduire en esclavage et s’approprier les terres des Indiens d’Amérique. La mortalité sera importante des suites des mauvais traitements, des maladies, etc. Certains en Espagne vont remettre en cause cet esclavage, dont Bartolomé de las Casas. En 1551, lors de la Controverse de Valladolid, il va être reconnu que les Indiens ont un statut égal à celui des Blancs et qu’on ne peut donc pas les réduire en esclavage. Ce qui n’est pas le cas des Noirs, dont la traite va alors se généraliser. En effet, les Européens ont un grand besoin de main-d’œuvre en Amérique.

L’Europe n’est pas la seule région du monde à intervenir en Amérique. Tout au long du  XVIe siècle, après l’arrivée des Européens (Portugais, Espagnols, Hollandais), Arabes et Indiens s’affrontent sur la côte orientale de l’Amérique

Si les échanges et les influences sont multiples et croisés, ce sont les hommes transportés, c’est-à-dire, les esclaves africains, qui en constituent du XVe au XIXe siècle la  dynamique principale. La traite négrière est donc une réponse aux besoins humains et  commerciaux des puissances maritimes européennes. 

3 ¦ La traite transatlantique ou le « commerce triangulaire »

Le commerce triangulaire, c’est le nom de l’organisation commerciale qui se met en place à cette époque entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique.

  • Au premier sommet du triangle se trouve un port négrier européen (Nantes et Liverpool sont les ports les plus importants) d’où partent des bateaux remplis de produits manufacturés en Europe : objets de pacotille, armes et poudre à canon, tissus, eau de vie, perles de verre (minsanga), céramiques, pipes, etc. en direction de la côte africaine.
  • Au deuxième sommet se trouve un comptoir négrier sur la côte africaine où ces marchandises sont échangées contre des esclaves, et d’autres produits de luxe tels que le cuivre, l’or, l’ivoire et les bois précieux
  • Le troisième sommet correspond à un port américain où les esclaves sont échangés contre du sucre, du coton, du café, de l’alcool, du cacao, du tabac, de l’indigo, de l’or, du riz, de la farine de manioc (venant du Brésil) des cauris (coquillages : nzimbu)  qui sont alors ramenés en Europe. 

À eux seuls, la Grande-Bretagne, le Portugal et la France ont organisé 89,9 % des expéditions. Alors que dans les pays arabes, les esclaves sont de couleurs de peaux différentes, ce n’est pas le cas pour la traite atlantique où tous les esclaves sont noirs. Bientôt le terme « nègre » deviendra synonyme d’esclave. Le Code que rédige Colbert sur la demande de Louis XIV et qui fixe le sort des esclaves sera bientôt appelé « Code noir », en référence à la peau des esclaves. 

Le commerce triangulaire se met en place au XVIe siècle entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique

4 ¦ Les particularités de la traite transatlantique des esclaves

4.1. La capture des esclaves

À partir du XVe siècle, des contacts s’établissent entre Européens et royaumes africains. Par exemple, les Portugais créent des liens avec le royaume Kongo dès la fin du XVe siècle. Les relations, au départ, sont bonnes. Les royaumes du Portugal et du Kongo échangent même des ambassadeurs. Mais avec le besoin de plus en plus important d’esclaves pour le Nouveau Monde, les relations se détériorent et les Européens considèrent de plus en plus l’Afrique comme un réservoir d’esclaves. Des royaumes africains vont disparaître. D’autres royaumes africains, par contre, vont profiter de la traite négrière pour s’enrichir et se développer. Les esclaves peuvent être des prisonniers de guerre, ou des innocents capturés lors de razzias.

Après avoir quitté les points de capture, les esclaves sont enchaînés, au moyen de cordes, de troncs d’arbre ou de chaînes métalliques, avec parfois des pointes d’ivoire comme charges sur la tête. Ils entament alors une douloureuse marche à pied, en direction de la côte, sur des distances, variant de plusieurs centaines à quelques milliers de kilomètres, quelles que soient les intempéries. En cours de route, les malades sont abandonnés et les récalcitrants sont fouettés ou exécutés. 

Arrivés sur la côte, ils sont enfermés dans des forts ou dans des baraquements (quibangas) construits par les charpentiers des navires négriers.

Au port d’embarquement, on les soigne quelque peu pour qu’ils soient aptes à supporter les supplices du voyage.

Sources d’approvisionnement de la traite transatlantique aux XVIIIe et XIXe siècle.source: B. ALLAN OGOT, dir., Histoire générale de l'Afrique, t. V : L'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle XIXe siècle, Paris, UNESCO, 1996, p. 130 (droits réservés).

Kimpa Vita incarne la révolte face à l'esclavage et à l'impérialisme européen.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Kimpa_Vita_%C2%B4s_statue_in_Angola.jpg

Toutefois, il faut noter que des révoltes et des résistances à cet esclavage ont eu lieu en Afrique. L’un des exemples les plus emblématiques est celui de Kimpa Vita (Dona Beatriz). En 1704, cette jeune femme du royaume Kongo résiste et lutte contre la réduction en esclavage des Noirs par les Portugais. Elle soulève ses compatriotes autour de son mouvement religieux des Antoniens. Mais, sous la pression des missionnaires blancs, le roi du Kongo fait arrêter et brûler Kimpa Vita en 1706

4.2. Les conditions de traversée

Les conditions de transport des esclaves sont inhumaines. Certains navires portugais emportent jusqu’à 700 esclaves, alors que la moyenne est de 300 esclaves. 

Certains esclaves sont plus appréciés que d’autres. Pour les Amériques, on cherche surtout des esclaves robustes, jeunes et sans défaut physique. Le terme « pièce d’Inde » était utilisé pour les désigner. Les esclaves qui ne présentent pas ces caractéristiques physiques comptent pour moins. L’esclave est  considéré comme une marchandise que l’on mesure, inspecte, etc.

Les captifs sont entassés à l’étroit dans les cales  et tenus sous une surveillance permanente. Sur le bateau, tout acte d’insubordination est réprimé violemment. Beaucoup d’esclaves meurent de maladie, de mauvais traitement, ou encore se suicident. En cas de révolte, les meneurs sont massacrés et jetés à la mer. Après le débarquement, les esclaves sont étroitement surveillés et conditionnés pour être vendus aux enchères au meilleur prix.

Texte 8: la traversée sur un bateau négrier extrait de « La traite des  noirs de l’Afrique à l’Amérique » par Richard Château-Deg

Description d'un négrier
Un navire négrier emporte en moyenne 300 esclaves, mais certains entassent les esclaves pour en emporter 700.source: Description d’un négrier, 1789, Hull City Museum and Art Gallery, Royaume-Uni

5 ¦ Les conditions de vie dans les pays de déportation

Le gros des esclaves se retrouve dans le sud-est des actuels États-Unis, dans les îles des Caraïbes ou sur la façade atlantique de l’Amérique latine : du Brésil à l’Argentine, et sur la façade de l’Océan Pacifique : du Mexique au Chili

Les conditions de vie, et le droit des esclaves sont réglementés. Ainsi, en France, la vie des esclaves des colonies françaises est régie par le Code Noir,  code qui avait été écrit en 1685 par le ministre Colbert sous les ordres du roi Louis XIV. Ce Code Noir a été rédigé afin de régler tous les problèmes que pourrait engendrer l’esclavage. Toute la vie de l’esclave est régie par ce Code, de sa naissance à sa mort.

La déportation de 15 à 20 millions d’esclaves issus de l’Afrique va entrainer de profonds bouleversements pour le continent.

Après la vente, on marque les esclaves au fer rouge aux initiales de leur nouveau maître. On les transfère ensuite dans les plantations où ils sont soumis à un travail intensif et disproportionné sous une surveillance très étroite. Les maîtres, qui ont droit de vie et de mort sur leurs esclaves, se livrent à tous les abus, surtout sur les femmes qui ne peuvent protester en tant que propriété du maître. 

L’esclave est considéré comme un objet au même titre que la canne à sucre, le cacao, le café ou le coton. On parle ainsi de chosification de l’homme noir. Cela signifie que l’homme noir s’apparente de plus en plus à une chose. 

6 ¦ Les résistances à l’esclavage en terres américaines

Les Africains ont résisté à l’esclavage. En Afrique même, il y a des résistances comme celle de Kimpa Vita dans le royaume du Kongo. Lors de la traversée vers les Amériques, des révoltes ont également eu lieu. Une fois arrivés dans les Amériques, plusieurs esclaves vont également résister et se révolter. Ces résistances vont prendre différentes formes comme le marronnage ou la révolte pure et simple.  

6.1. Le marronnage

Le marronage est l’une des premières expressions de résistance à l’esclavage dans les Antilles et en Amérique. 

Le dos martyrisé par la chicotte de l’esclave Gordon, fugitif de la plantation Lyon, Louisiane, en 1863 sera largement utilisée par les anti-esclavagistes dans leur lutte pour l’abolition.source: Scourged back by McPherson & Oliver, 1863 (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Scourged_back_by_McPherson_%26_Oliver,_1863,_retouched.jpg).

Le terme « marron » désigne  l’esclave noir qui refuse sa condition d’esclave et qui, pour y échapper, s’enfuit loin du domaine de son maître pour se réfugier dans les montagnes ou la forêt.

Les esclaves qui osent fuir savent à quoi ils s’exposent, car, dès le début de la colonisation des Antilles, des mesures rigoureuses telles que la mise à mort sont prises contre les esclaves marrons. 

6.2. Les révoltes

Zumba est le premier chef d'un État d'anciens esclaves qui a vécu pendant le 17e siècle.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Zumbidospalmares.jpg

En plus des résistances individuelles à l’esclavage, il y a également eu de nombreuses révoltes violentes Il y a eu des révoltes d’esclaves à bord des navires négriers, mais aussi dans les plantations. Ces révoltes ont entrainé la mort de plusieurs colons et de leurs familles et bouleversé la production dans les plantations d’Amérique.

Parmi les révoltes célèbres, l’une d’entre elles a entrainé la mise sur pied de l’État de Palmarès au Brésil (Quilombo dos Palmares). Dans cet État, des anciens esclaves se sont organisés sous la direction de leur premier roi Nganga a Nzumbi, devenu héros national au Brésil pour la communauté afro-brésilienne, et ont vécu pendant presqu’un siècle (1605 – 1694) en résistant à la trentaine d’expéditions militaires européennes venues pour les réduire à nouveau en esclavage.

Une autre révolte célèbre est celle de Saint-Domingue. En 1791, les esclaves de Saint-Domingue (Haïti) se révoltent sous la direction, entre autres, de Toussaint Louverture, un ancien esclave noir affranchi. Très vite, les esclaves prennent possession de toute l’île et résistent aux attaques européennes. Malgré la capture de Toussaint Louverture en 1802 par les Français et sa mort en 1803, les Haïtiens vont résister et proclamer leur indépendance en 1804. La France reconnaîtra l’indépendance d’Haïti en 1825, mais en échange, la France demande des indemnités colossales qui ne seront remboursées qu’au milieu du XXe siècle. 

7 ¦ Les conséquences de la traite transatlantique

La traite atlantique a eu des conséquences démographiques, économiques, sociales et culturelles. 

7.1. Sur le plan démographique

Les historiens estiment qu’il y a eu entre 10 et 25 millions d’Africains victimes de la traite transatlantique entre le XVe et le XIXe siècle. En plus des 10 millions approximativement d’esclaves débarqués en Amérique, il faut comptabiliser toutes les victimes lors des razzias, des transports vers la cote, du transport sur les négriers, des suicides, etc. C’est une véritable catastrophe démographique pour l’Afrique. Il ne faut pas oublier, en plus, les victimes de la traite arabe et de la traite intra-africaine.

7.2. Sur le plan économique

La traite négrière a eu des conséquences économiques tant en Amérique, qu’en Europe et même en Afrique. 

Elle a rapporté beaucoup d’argent aux hommes et aux États qui l’ont pratiquée. 

Dans les Amériques et en Europe, toute une économie se développe autour de la traite négrière. Les villes portuaires européennes s’enrichissent. Certaines familles font fortune grâce à la traite, et par répercussion, tout un pan de l’économie tire profit de l’esclavage. 

La traite des esclaves crée de nouveaux circuits commerciaux qui ont pour conséquence de faire circuler de nouvelles monnaies, d’induire de nouveaux taux de change et de stimuler une économie florissante sur les côtes africaines. 

Par ailleurs, les principales cultures de traite américaines, telles que la canne à sucre, le coton, le tabac, le café, le cacao, ont pu se développer grâce à la main-d’œuvre africaine et donc procurer des bénéfices aux pays négriers.

Mais la traite a permis également d’importer de nouvelles cultures en Afrique comme la culture du manioc importée au 16e siècle, tandis que l’élevage et l’agriculture, pratiqués en Afrique, connaissent un essor lié au commerce des esclaves. 

7.3. Sur le plan social, culturel et politique

Dans les Amériques, la traite négrière va avoir des conséquences culturelles importantes. Ainsi, les principaux courants musicaux de notre époque comme le blues, le rock, le jazz, voire même le rap trouvent leur origine chez les esclaves des plantations américaines et leurs descendants. Les différents chants de travail, cris et appels dans les plantations se transforment petit à petit pour devenir de véritables courants musicaux. Les esclaves afro-américains vont également marquer d’autres formes culturelles comme la danse, ou encore la cuisine. Tous ces arts vont être utilisés pour protester contre la servitude et pour exprimer la dignité humaine de l’esclave.

La légende du jazz, Louis Armstrong (1901 – 1971) est un descendant d’esclave.source: https://pixabay.com/fr/photos/jazz-musicien-trompette-63212/source: https://pixabay.com/fr/photos/jazz-musicien-trompette-63212/

Sur le plan politique, l’esclavage en Amérique va entraîner des révoltes et est même un des motifs de la guerre de Sécession (1861 – 1865) entre États nordistes abolitionnistes et États sudistes esclavagistes. En Afrique, l’esclavage va entrainer le déclin de certains royaumes comme le royaume du Kongo, mais va également contribuer à la prospérité d’États comme le royaume Ashanti, situé sur le golfe de Guinée, ou le Dahomey, à l’est du royaume Ashanti qui, tous deux pratiquent, entre autres, le commerce des esclaves.

Des États africains vont profiter de la traite pour s’enrichir et se renforcer.

8 ¦ Résumé

  • La traite atlantique constitue le plus grand commerce d’êtres humains,  originaires d’Afrique noire dans le monde. Entre 10 et 25 millions d’Africains ont été victimes de cette traite. 
  • La traite a eu des conséquences au niveau culturel, avec l’apparition de genres musicaux toujours en vogue aujourd’hui, au niveau politique tant en Amérique qu’en Afrique et au niveau économique avec l’enrichissement de certains États en Europe. En Afrique, la traite a conduit à la fin de certains royaumes, mais certains en ont profité.
  • La traite ne s’est pas déroulée sans résistance et révolte de la part des Africains. Des révoltes ont eu lieu constamment de l’Afrique à l’Amérique. Des États d’anciens esclaves comme l’État de Palmares ou d’Haïti ont vu le jour. 

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Esclavages et traites négrières

Par Benjamin Hennon,

3500 av.J.C. – XIXe siècle

1 ¦ Objectifs de la leçon

A la fin de la leçon, l’élève doit être capable de :

  • définir correctement le concept d’esclavage
  • définir et différencer les traites négrières
  • situer dans le temps et dans l’espace le concept d’esclavage

2 ¦ Introduction

L’histoire de l’esclavage et des traites négrières a fait couler beaucoup d’encre. L’esclavage est une pratique très ancienne que l’on retrouve dans toutes les civilisations du monde, et pas seulement en Afrique. Quant aux traites négrières, elles ont constitué un motif de souffrance et de chosification de l’homme noir qui est alors considéré comme une marchandise vendue et achetée sur le marché international du VIIe au XIXe siècle.

2.1. Qui sont les esclaves ?

Les esclaves sont de simples objets que l’on peut acheter.

Les esclaves sont des hommes, des femmes ou des enfants privés de liberté par une institution, par un pouvoir ou par un autre homme qui les achète ou les vend comme s’ils lui appartenaient, et qui les considère comme ses propres choses. L’esclavage est une pratique commune à l’ensemble des sociétés humaines. 

Les esclaves, en général, sont d’origines diverses : des prisonniers de guerre, des bandits ou des criminels, ils peuvent également être capturés ou accusés de crimes divers.

L’esclave travaille pour le maître sans rémunération. Il doit obéir à son maître sous peine de condamnation ou de violences. Ainsi, il est commun que les esclaves africaines, entre autres, soient exploitées sexuellement. De nombreuses femmes africaines ont été réduites en esclavage pour cette exploitation. Les besognes les plus méprisées et les plus pénibles sont réservées aux femmes dépourvues d’attraits tandis que celles qui sont jolies et ont la peau claire sont affectées à la disposition du maître et de la maîtresse de la maison. 

2.2. Qui sont les personnes impliquées dans le trafic d’esclaves en Afrique ?

Représentation occidentale du XIXe siècle d’un chasseur d’esclaves.source: Johnston, Harry, British central Africa, New-York, 1897, p. 421.

Les chasseurs d’esclaves se chargent d’attraper des hommes ou des femmes en organisant des razzias, généralement dans les villages, juste avant l’aube, ou en achetant des prisonniers de guerre à un chef de village. Lors des razzias, il n’est pas rare que la plupart des hommes et des femmes âgés soient tués.

Les courtiers qui sont eux-mêmes chasseurs d’esclaves ou qui s’arrangent avec les chasseurs d’esclaves, n’ont plus qu’à amener les jeunes femmes et les jeunes hommes au point de départ du long chemin qui les conduit jusqu’au marché d’esclaves où ils les présentent et les vendent. Les courtiers se chargent éventuellement de transporter les esclaves vers les maîtres qui vont les acheter comme ils achèteraient un objet. Les esclaves sont sévèrement gardés. Ils souffrent beaucoup des fers et des chaînes qui servent à les attacher les uns aux autres afin qu’ils ne puissent pas s’échapper.

Les maitres ont le droit d’infliger à leurs esclaves des traitements corporels dégradants ou pénibles. Ils peuvent ainsi les fouetter, les marquer au fer rouge, les emprisonner. Ils ont le droit de vie ou de mort sur eux. On peut mesurer l’importance et le pouvoir d’un maitre en observant le nombre et la qualité de ses esclaves. Ceux-ci travaillent gratuitement pour lui en tant qu’esclave domestique, travailleur agricole, ou en tant que militaire. 

Les esclavagistes sont les personnes qui sont favorables ou impliquées dans l’esclavage.

3 ¦ La pratique de l’esclavage de l’antiquité à nos jours

3.1. L’esclavage dans les civilisations méditérranéennes antiques (±3500 av.J.C-476)

Le bassin méditerranéen a longtemps été au centre du développement des différentes formations politiques qui s’y sont succédé. Les hommes au pouvoir se procurent la plupart de leurs esclaves en faisant la guerre ou en les achetant sur les marchés d’esclaves en Afrique, dans le Caucase ( région qui comprend entre autres la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan), dans le bassin méditerranéen et dans les pays slaves (le mot « slave » est d’ailleurs à l’origine du mot « esclave », Croatie, Serbie, Slovénie, Bulgarie et Macédoine du Nord). L’esclave a constitué un facteur déterminant de l’organisation et du développement de ces États.

Les systèmes d’esclavage présents en Égypte, dans les cités grecques, dans l’empire romain et de Carthage étaient semblables.

Le bassin méditerranéen est un des centres les plus importants de l’Antiquité.source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Carte_Mediterranee_02.jpg

3.2. Le trafic des esclaves en Europe et au Moyen-Âge (VIe-XVe siècle)

L’esclavage est pratiqué durant tout le Moyen-Âge en Europe occidentale et dans l’ensemble du bassin méditerranéen. En Europe, la pratique de l’esclavage, au sens strict, diminue au profit d’une autre forme, très proche de l’esclavage : le servage. Par la coutume, ou la loi, un individu doit travailler et vivre sur la terre d’un autre et doit lui fournir des services déterminés, sans pouvoir changer sa condition. L’immense majorité des serfs en Europe sont des Blancs. Une partie des esclaves proviennent d’Afrique, et sont envoyés, via le Sahara, en Europe occidentale. Ces Africains servent notamment de chiourme (définition: rameurs d’une galère).

3.3. L’esclavage dans les civilisations asiatiques

L’Afrique de l’Est est le plus grand  fournisseur de captifs destinés à l’Asie, en particulier la Turquie, l’Arabie, la Perse, l’Inde, l’Indonésie et la Chine. L’invasion arabe en Afrique du Nord et le développement de l’empire musulman qui a suivi ont provoqué une forte croissance du trafic des esclaves (voir leçon 2), à travers le Sahara, vers l’Empire ottoman, et l’Europe de l’Est jusqu’en Russie.

3.4. L’esclavage dans les civilisations africaines

Dans les sociétés africaines anciennes, les pratiques de l’esclavage ont varié d’une région à l’autre et ont évolué avec le temps. 

En général, les esclaves sont esclaves du fait de leur naissance, de kidnappings, d’accusations de sorcellerie. C’étaient, soit des victimes de guerres ou de razzias, soit des criminels ou des personnes condamnées pour dettes ou des personnes données par leurs familles dans le cadre du remboursement d’une dette ou du paiement d’une dot. Ils peuvent également être des personnes choisies pour être sacrifiées à l’occasion de l’intronisation ou la mort d’un chef ou d’un roi. Après une ou deux générations, les esclaves peuvent généralement recouvrer leur liberté selon des procédures de rachat bien établies. 

De nombreuses sources orales nous renseignent non seulement sur le mode de pensées, les discours et les représentations propres aux Africains concernant la traite des esclaves, mais aussi sur les modes de capture, les razzias, les complicités, la cruauté et les changements de pratiques de ces institutions.

4 ¦ La diversité des traites négrières

La traite négrière, c’est le système économique basé sur la capture, le transport et la vente des esclaves noirs. C’est un système mis en place par les musulmans dès le VIIe siècle et ensuite par les Européens dès le XVIe siècle pour aller capturer des Africains et les déporter dans de nouveaux territoires afin de les faire travailler comme esclave. Ce système prit officiellement fin au XIXe siècle.

On estime qu’entre 10 et 25 millions d’esclaves d’origine africaine auraient été victimes de la traite en direction de l’Amérique. Et si l’on tient compte des razzias, des captures, du transport, etc., on peut estimer à 200 millions le nombre de victimes africaines de cette traite négrière. En effet, la mortalité est telle, que les esclaves qui arrivent en Amérique ne représentent que 10 à 15% des survivants. Concernant la traite en direction des pays musulmans, on estime que plus de 10 millions d’esclaves noirs ont été importés dans ces pays entre le VIIe et le XIXe siècle, dont près de 4 000 000 pour le seul XIXe siècle.

Les traites négrières ont eu des impacts sociaux, politiques et économiques très importants en Afrique. Selon les époques, l’origine des marchands, les itinéraires et les espaces couverts par le trafic des esclaves, on distingue plusieurs types de traites négrières

Suivant les itinéraires :

  • la traite transsaharienne ( via le Sahara)
  • la traite via l’Océan Indien
  • la traite via l’Océan Atlantique

Suivant l’origine des marchands :

  • la traite arabe (orientale)
  • la traite transatlantique.
Parmi les différentes traites, la traite transatlantique est responsable de la déportation de 15 à 20 millions d’esclaves.

5 ¦ Résumé


Au cours de cette leçon, nous avons appris que :

  • L’esclave est un individu, dépouillé de sa dignité humaine, qui est transformé en objet que l’on peut vendre, acheter et même maltraiter. 
  • L’esclavage a été pratiqué dans toutes les sociétés humaines, de l’Antiquité à nos jours, que ce soit dans les civilisations africaines, asiatiques ou européennes. 
  • Les Européens et les Arabes sont à l’origine des traites négrières qui ont conduit à un trafic mondial des Africains déportés dans de nombreuses régions du monde et principalement vers les Amériques. Entre 10 et 25 millions d’esclaves arrivés en Amérique proviennent d’Afrique.

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